CIV.3
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10312 F
Pourvoi n° J 17-18.200
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par X... , domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 16 mars 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Constantin Y...,
2°/ à Mme Stéphanie Z..., épouse Y...,
domiciliés [...] ,
3°/ au syndicat des copropriétaires du [...] , représenté par son syndic la société Nexity Lamy, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
4°/ à M. Nicolas A..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 mai 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. B..., conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme C..., de la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de M. A..., de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. et Mme Y... ;
Sur le rapport de M. B..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme C... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme C... ; la condamne à payer à M. et Mme Y... la somme de 3 000 euros et à M. A... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme C....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande d'expertise formée par Mme C... ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ; qu'il en résulte que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer les responsabilités des désordres qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir et qu'il doit seulement justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions ; que l'ordonnance entreprise déboute exactement X... de sa nouvelle demande d'expertise des désordres de son appartement au contradictoire des propriétaires de celui du dessus et du syndicat des copropriétaires aux motifs adoptés qu'elle n'établit pas qu'un nouveau sinistre serait apparu depuis la dernière expertise dont le rapport a été déposé le 30 janvier 2014 et que, selon les conclusions concordantes des quatre rapports d'expertise judiciaire réalisés depuis 2011 jusqu'à cette date, la persistance des désordres dans son appartement est la conséquence de ce qu'elle n'a pas procédé au décapage et à l'assèchement des supports préconisés ; et qu'il ne résulte pas des pièces produites en appel – notamment le procès-verbal d'huissier du 15 mai 2015 relatif à un nouveau sinistre du 13 mai précédent, le rapport de M. D... d'octobre 2014 et sa lettre du 3 mars 2016 – que X... ait à subir de désordres vraisemblablement en provenance de l'appartement du dessus, aujourd'hui propriété de M. Nicolas A..., dont les expertises précédentes n'auraient pas déjà été l'objet ; qu'en effet, ces trois documents, qui n'ont pas été réalisés au contradictoire des intimés, se bornent à faire état de désordres/dégradations sans se prononcer sur leur nouveauté par rapport aux quatre rapports d'expertise judiciaire précités ; que M. D... reconnaît d'ailleurs dans sa lettre susvisée, rédigée en réponse aux objections de l'ordonnance entreprise, qu'il n'avait pas lu ces rapports avant de réaliser son rapport d'octobre 2014 ; et qu'il n'a pas eu accès à l'appartement mis en cause ; que quant au procès-verbal d'huissier du 15 mai 2015, il relève "des traces de coulures d'eau jaunâtres" et un taux d'humidité à 100 % dans certaines zones, mais ne mentionne pas de fuite active ou d'indice laissant penser que ces traces seraient récentes et pourraient provenir de l'appartement du dessus ; que s'agissant du sinistre du 18 janvier 2016, il concerne l'appartement d'un tiers au litige et, surtout, selon X... elle-même (pièce C... 22) il a été réparé ; qu'en définitive, il apparaît que X... , qui n'a pas fait les travaux d'assèchement des supports préconisés par les experts dans leurs rapports précités et n'a pas saisi le juge du fond en ouverture de ces rapports, remet en réalité en cause leurs conclusions, soutenant que l'absence d'étanchéité des pièces d'eau qui ne pourrait être résolue par le grattage de l'appartement du dessous, aboutit à des infiltrations dans les épaisseurs de planchers ; que toutefois, aucun élément en débat ne rend vraisemblable cette non-conformité prétendue des travaux réalisés par les époux Y... dans leur cuisine et leur salle de bain, alors même que le rapport de l'architecte de la copropriété du 2 juillet 2015 ne suscite pas d'observation particulière à cet égard et constate déjà le mauvais état de la colonne d'eau usé, parties commune de l'immeuble, que X... n'a pas procédé au décapage et à l'assèchement des supports préconisés par les experts et qu'elle ne peut faire état de nouvelles fuites ou désordres ; qu'il en résulte qu'elle ne dispose pas d'un motif légitime à obtenir la nouvelle expertise sollicitée ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE Mme C... est propriétaire d'un appartement situé au 1er étage gauche de l'immeuble sis [...] Paris ; qu'elle subit depuis 2009 des désordres, lesquels se sont aggravés en 2012 ; qu'elle soutient que ces désordres ont apparemment été réglés à la suite de deux expertises judiciaires terminées le 30 janvier 2014, mais que de nouveaux désordres sont apparus, qu'elle a fait constater par Monsieur D..., expert à titre privé ; que cependant Monsieur D..., qui n'a pas eu connaissance des rapports d'expertises déposés par ses confrères, ne se prononce pas sur le fait que ces désordres sont nouveaux par rapport à ceux qui ont été constatés par : - Monsieur E... dans son rapport du 15 mars 2011, - Monsieur E... dans son rapport du 31 janvier 2012, - Monsieur E... dans son rapport du 25 juin 2012, - Monsieur F... dans son rapport du 30 janvier 2014 ; que dès son deuxième rapport d'expertise, Monsieur E... n'avait constaté aucune fuite nouvelle et indiqué que la persistance des désordres dans l'appartement de Madame C... était due à l'absence de grattage des peintures, ne permettant pas l'évaporation de l'eau ; que dans son troisième rapport d'expertise, Monsieur E... "confirme à nouveau (
) que pour permettre à cette eau de s 'évaporer plus rapidement, il y a lieu pour Madame C... de faire gratter les peintures des plafonds de la cuisine et de la salle de bain" ; que dans son rapport du 30 janvier 2014, Monsieur F... précise : "- que nous n'avons constaté aucune fuite active nouvelle qui serait à l'origine de désordres, ou du maintien des désordres déjà constatés dans les expertises de Monsieur E... ; - que ces désordres demeurent et n'ont pas été traités, ni la préparation des supports par décapage pour favoriser l'assèchement naturel, comme préconisé dans les précédentes expertises ; - que l'assèchement naturel se trouve ralenti par : * les matériaux constituant le plancher, * le non décapage des supports, * l'évapotranspiration depuis le mur de la courette donnant sur la cuisine et salle d'eau, qui entretient l'humidité des murs ; - que pour y remédier, il convient de favoriser l'assèchement naturel par un bon décapage des supports, tel que précédemment préconisé dans les rapports d'expertise de Monsieur E..., à compléter idéalement par l'entretien du ravalement de la courette ; - que pour accélérer le processus, il peut être procédé à un assèchement forcé ; - que si nous avions à le faire, nous considérerions que les montants initialement retenus dans les rapports de Monsieur E..., tant pour les réparations des désordres consécutifs aux deux dégâts des eaux, que pour les préjudices immatériels, sont à maintenir en l'état, dès lors que les décapages préconisés dans ces rapports, n'avaient pas été suivis d'effet ; - que le désordre des variations de bruits, ne constitue pas d'anormalité, et ne nécessite aucun traitement, sauf à conseiller, dans le respect du bon voisinage, toute amélioration de l'usage et de bon choix des horaires d'usage" ; que Madame C... n'établit pas qu'un nouveau sinistre serait apparu dans son appartement depuis la dernière expertise ; que toutes les conclusions des expertises précédentes sont concordantes et la persistance des désordres dans l'appartement de Madame C... est la conséquence de l'absence de réalisation par cette dernière des mesures préconisées par les experts successifs, à savoir le décapage et l'assèchement des supports ; que dès lors, la demande d'expertise formée par Mme C... est dépourvue de motif légitime et sera rejetée ;
1) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande de nouvelle expertise, Mme C... faisait valoir que les infiltrations persistantes, comme les fuites affectant la colonne des eaux usées, trouvaient leur origine dans le fait que M. et Mme Y... n'avaient pas réalisé l'intégralité des travaux qui leur avaient été demandé par les experts, notamment en ne réalisant pas l'étanchéité sur dalle au sol de leur appartement (concl. p. 10 § 10 s.) ; que pour en attester, elle versait aux débats, devant la cour d'appel, des documents visant à démontrer que ces derniers travaux n'avaient été finalement réalisés qu'au cours de l'été 2015, soit après le prononcé de l'ordonnance de référé entreprise du 30 mars 2015, ce qui permettait d'accréditer la thèse selon laquelle les infiltrations avaient persisté au moins jusqu'à cette date, en particulier un courrier officiel de Me G..., en date du 4 septembre 2015, auquel étaient annexées des factures de travaux réalisés par M. Y..., le 3 juillet 2015 (pièce n°14) ; qu'en déboutant Mme C... de sa demande d'expertise sans examiner ce document qui était pourtant dûment exploité par Mme C... dans ses conclusions d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions et les moyens des parties ; qu'en l'espèce, Mme C... sollicitait en cause d'appel une expertise judiciaire visant, non seulement les infiltrations en provenance de l'appartement supérieur de M. et Mme Y... cédé à M. A..., mais également des fuites survenues en cours d'instance sur la colonne d'eaux usées appartenant à la copropriété ; qu'en opposant à la demande de Mme C... que rien ne permettait de penser que ces fuites proviendraient de l'appartement du dessus, quand la demande d'expertise visait, s'agissant de la colonne relevant des parties communes, à remédier à ce désordre, indépendamment du point de savoir s'il trouvait son origine dans l'appartement du dessus, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation de de l'article 4 du code de procédure civile ;
3) ALORS QU'une expertise judiciaire peut être ordonnée avant tout procès s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ; qu'en l'espèce, Mme C... sollicitait une expertise à l'effet notamment d'identifier les causes de fuites survenues sur la colonne d'eaux usées appartenant à la copropriété, de déterminer les remèdes à ce désordre, d'indiquer les responsabilités éventuellement encourues et d'évaluer son préjudice ; qu'en jugeant qu'il n'existait pas de motif légitime à cette demande pour cette raison que, bien que l'architecte de la copropriété ait constaté le mauvais état de la colonne d'eaux usées par rapport du 2 juillet 2015, rien ne permettait de penser que les traces présentes au niveau de cette colonne pourraient provenir de l'appartement du dessus, cependant que ce désordre devait être résolu quelle qu'en soit l'origine, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile.