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07/06/2018 | FRANCE | N°16-25.845

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na, 07 juin 2018, 16-25.845


SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 juin 2018




Rejet non spécialement motivé


M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10779 F

Pourvoi n° Y 16-25.845







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la Caisse d

'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin, société coopérative à forme anonyme, dont le siège est [...] ,

contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2016 par la cour d'appel de Riom ...

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 juin 2018

Rejet non spécialement motivé

M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10779 F

Pourvoi n° Y 16-25.845

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin, société coopérative à forme anonyme, dont le siège est [...] ,

contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2016 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. Bertrand Y..., domicilié [...] ,

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 7 mai 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Z..., conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. Y... ;

Sur le rapport de Mme Z..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur Y... est dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin à payer à Monsieur Y... la somme de 75.000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles et d'AVOIR ordonné d'office le remboursement à Pôle emploi, par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin, des indemnités de chômage versées à Monsieur Y... dans la limite de six mois d'indemnités ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la réalité des faits reprochés ; Le motif du licenciement de Monsieur Bernard Y..., contenu dans la lettre de licenciement en date du 30 avril 2014, est le suivant : "Vous vous êtes inscrit sur un site de co-voiturage tarifé et avez utilisé le véhicule mis à votre disposition par l'entreprise pour vos trajets professionnels afin de transporter des personnes à titre onéreux alors que vous ne supportez aucun frais pour ces trajets. De surcroît, vous avez fait courir un risque conséquent à l'entreprise dans la mesure où les personnes transportées n'étaient, en aucun cas, couvertes par l'assurance souscrite pour les déplacements des salariés." M. Y... ne conteste pas avoir transporté des passagers moyennant une contrepartie financière lorsqu'il utilisait le véhicule de son entreprise et s'être inscrit sur le site BlaBlaCar en mentionnant le dit véhicule, même s'il minimise ces faits et leurs conséquences. Il est en effet suffisamment établi par les mentions du site intranet de la C.E.P.A.L. que le co-voiturage auquel elle incitait était celui à pratiquer entre collègues tant dans les déplacements professionnels que les trajets travail-domicile. Il est également évident que ce co-voiturage devait se faire gracieusement, en dehors bien sûr des transports avec les véhicules personnels des salariés, puisque ces derniers ont à leur disposition, dans l'exercice de leurs fonctions, des véhicules de service, Monsieur Y... ne contestant pas l'absence de frais pour les trajets concernés. Monsieur Y... ne pouvait donc ignorer, quels que soit l'accès à la plateforme communautaire de la CEPAL, visée sur son site intranet, et son contenu, en lien avec le site de l'association Covoiturage Auvergne, qu'il reconnaît au demeurant ne pas avoir utilisé puisqu'adhérent au site BlaBlaCar, que la demande de participation financière sollicitée des passagers répondant à sa proposition de transport dans le véhicule de son employeur, expressément visé dans son annonce, n'était pas justifiée et déloyale vis à vis de son employeur. Au surplus, la charte de bonne conduite de BlaBlaCar à laquelle adhère Monsieur Y... et qu'il devait donc connaître et appliquer, contient, en son article 5 relatif au coût, la mention suivante : "... Le conducteur garantit que la contribution aux coûts reflète une réelle contribution à ses frais et que le conducteur par l'intermédiaire des transactions réalisées avec les autres membres ne perçoit aucun bénéfice pour la prestation réalisée." A ce reproche fondé relatif à l'utilisation du véhicule professionnel pour transporter des passagers à titre onéreux, s'ajoute le reproche également fondé quant aux risques financiers pouvant éventuellement être encourus en cas d'accident avec le véhicule de l'employeur et dont la victime pouvait être le passager transporté moyennant une participation, alors que ce transport n'est pas autorisé par l'employeur et n'est à priori pas assuré, selon les informations donnés par son assureur, outre les répercussions financières et en termes de durée de ses déplacements professionnels que le salarié pouvait faire supporter à son employeur en empruntant d'autres trajets que ceux nécessaires à son emploi et aux trajets travail- domicile, puisque Monsieur Y... précise sur le site BlaBlaCar qu'il s'adapte et peut venir chercher son passager et le déposer au lieu qui lui convient. M. Y... n'apporte aucune contradiction utile à l'analyse ci-dessus, en observant que le fait qu'il ait pu utiliser également son véhicule personnel à l'occasion ne modifie en rien la situation, et si comme il le dit, il n'a effectué qu'occasionnellement du co-voiturage lors de trajets professionnels, on peut s'interroger sur le fait qu'il n'ait pas inscrit son véhicule personnel plutôt que le véhicule de la CEPAL sur le site BlaBlaCar. Ainsi, au vu de tout ce qui précède, les faits reprochés à Monsieur Bernard Y... sont établis et donc bien réels. Sur le caractère sérieux du licenciement ; Il convient tout d'abord de rappeler que Monsieur Bernard Y... invoque le fait qu'il aurait déjà fait l'objet d'une sanction, rappel à l'ordre, en signant le 31 mars 2014 un document dans lequel il reconnaissait avoir effectué du co-voiturage et s'engageait à ne plus en faire avec le véhicule de la société. A ce sujet, la CEPAL n'a émis aucune observation et, interrogée à l'audience sur ce point, a indiqué que ce document était inexistant. En tout état de cause, à supposer qu'effectivement Monsieur Y... ait signé un tel écrit, ce dont il ne rapporte ni la preuve ni commencement de preuve, il ne saurait être considéré comme un avertissement ou tout autre sanction, s'agissant tout au plus de s'assurer à titre préventif et avant toute sanction, qu'il reconnaît les faits et qu'à compter de cette reconnaissance, il ne va plus utiliser le véhicule professionnel dans ces conditions. Cependant, la mesure de licenciement n'apparaît pas justifiée par une cause suffisamment sérieuse. En effet la cause sérieuse est celle revêtant une certaine gravité qui rend impossible, sans dommages pour l'entreprise, la continuation du contrat de travail. Or en l'espèce, si la CEPAL justifie des risques qu'elle aurait pu encourir du fait des agissements de M. Y..., elle ne démontre pas avoir subi à la date de la découverte de ceux-ci le moindre préjudice, en observant que l'intéressé était inscrit sur le site BlaBlacar depuis seulement août 2013. Par ailleurs, même si effectivement vu sa fonction, Monsieur Y... se devait de montrer l'exemple, la CEPAL n'évoque pas un déficit de considération à cet égard et d'effets néfastes vis à vis des collaborateurs de celui-ci, ni un manque de prise de conscience de celui-ci suite à la découverte des faits, en notant qu'immanquablement, sa décision de rupture du contrat de travail a incité l'intéressé à revendiquer l'absence de faute. Il faut surtout relever que M. Y..., a été embauché à la CEPAL en avril 1986, qu'il a accédé au poste de responsable département achats en août 2007 et qu'à la date des faits reprochés, soit en mars 2014, il justifiait d'une ancienneté de 28 années, sans qu'à aucun moment un seul reproche lui ait été fait, bien au contraire. Il justifie effectivement, d'une part, avoir reçu une lettre de félicitations du 5 novembre 2013 du président du directoire de la CEPAL pour son action dans le cadre de la politique volontariste d'accueil de personnes en situation de handicap de la société qui lui a valu le trophée PHARE reconnaissant la qualité de sa proposition, d'autre part, s'être vu attribuer en mars 2014, pour l'année 2013, sa part variable à hauteur de 3.870 € brut en fonction de l'atteinte des objectifs de son entité et de sa contribution individuelle, outre un bonus managerial de 700 € brut au titre de sa fonction de manager. Dans ces conditions, les faits reprochés n'ont pas le caractère grave et sérieux impliquant la rupture du contrat de travail de Monsieur Bernard Y.... Le jugement critiqué sera ainsi infirmé, le licenciement de Monsieur Bernard Y... étant jugé dépourvu de cause sérieuse. Sur les dommages-intérêts ; En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, l'indemnité due à Monsieur Bernard Y... du fait de son licenciement sans cause sérieuse ne peut être inférieure à la rémunération brute des six derniers mois précédant la rupture, en tenant compte des primes et avantages en nature éventuels. En l'espèce, Monsieur Bernard Y..., licencié le 30 avril 2014, produit ses bulletins de salaires de décembre 2013 à juin 2014, mais pas celui de novembre 2013. Il a indiqué sur la demande initiale de conciliation devant le conseil de Prud'hommes que son salaire brut mensuel moyen était de 4.505 €, ce que la lecture des bulletins de salaires et les calculs sur cette base, certes sans connaître les éléments du bulletin de novembre 2013, confirment à quelques centimes près, en observant que la CEPAL ne donne aucune information à ce sujet et n'émet aucune observation non plus. Compte tenu des faits reprochés, de l'ancienneté de Monsieur Bernard Y..., de son évolution de carrière très satisfaisante et de sa situation actuelle difficile du fait de son licenciement alors qu'il était âgé, lors de celui-ci, de près de 51 ans, puisqu'aujourd'hui, après avoir fait des recherches d'emploi infructueuses, il se retrouve sans emploi, percevant l'allocation de retour à l'emploi et devant effectuer une formation de mandataire judiciaire à la protection des majeurs en octobre 2016, l'allocation d'une somme de 75.000 € sera une juste indemnisation. La CEPAL sera en conséquence condamnée à payer cette somme à Monsieur Bernard Y... à titre de dommages-intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision, avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales » ;

1. ALORS QUE les conséquences préjudiciables pour l'employeur d'un fait imputable au salarié ne sont pas un critère d'appréciation de la cause réelle et sérieuse du licenciement ; que le comportement fautif du salarié peut justifier son licenciement, dès lors qu'il crée un risque important pour l'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que Monsieur Y... ne pouvait ignorer que la CEPAL n'autorise ses salariés à effectuer du co-voiturage avec le véhicule mis à leur disposition qu'à la condition que ce co-voiturage ait lieu entre collègues, pour des trajets professionnels, et à titre gratuit ; que la cour d'appel a également relevé qu'en transportant à titre onéreux des tiers avec le véhicule mis à sa disposition par l'employeur pour effectuer ses déplacements professionnels, Monsieur Y... avait non seulement fait supporter à son employeur des frais injustifiés, mais aussi fait courir un risque à l'entreprise, notamment en cas d'accident, l'assurance ne couvrant pas les personnes transportées à titre onéreux ; qu'en retenant néanmoins que cette faute n'était pas suffisamment sérieuse pour justifier le licenciement, faute pour la CEPAL de démontrer avoir subi le moindre préjudice à la date de la découverte des faits fautifs, la cour d'appel s'est fondée sur un motif radicalement inopérant, en violation des articles L. 1232-1 et L. 1235-3 du Code du travail ;

2. ALORS, AU SURPLUS, QUE le manquement du salarié à son obligation de loyauté constitue, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise et ses qualités professionnelles, une cause de licenciement ; qu'en l'espèce, il est constant que la CEPAL prenait en charge l'ensemble des frais liés à l'utilisation du véhicule mis à la disposition de Monsieur Y..., notamment les frais de carburant, de péage, d'assurance et d'entretien ; qu'en utilisant le véhicule mis à sa disposition pour ses trajets professionnels aux fins de transporter à titre onéreux des tiers et en proposant même d'effectuer des détours pour assurer ce transport, Monsieur Y... détournait, à son seul profit et en faisant supporter un coût supplémentaire à l'employeur, le matériel de l'entreprise ; qu'en retenant que cette pratique fautive répétée, qu'elle a elle-même qualifiée de déloyale vis-à-vis de l'employeur et contraire au comportement exemplaire dont le salarié devait faire preuve en sa qualité de cadre, n'était pas suffisamment sérieuse pour justifier le licenciement, au regard de l'ancienneté du salarié et de ses qualités professionnelles, la cour d'appel a encore violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-3 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 16-25.845
Date de la décision : 07/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet

Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte rnsm/na, 07 jui. 2018, pourvoi n°16-25.845, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.25.845
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