SOC.
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10769 F
Pourvoi n° P 16-21.742
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société F... D... , venant aux droits de la société Lunettes Folomi, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 7 juin 2016 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme Louise Y..., domiciliée [...] ,
2°/ à Pôle emploi Bourgogne-Franche-Comté, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 7 mai 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. Z..., conseiller rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société F... D... , de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme Y... ;
Sur le rapport de M. Z..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société F... D... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société F... D... à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société F... D...
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame Y... est sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Folomi Lunettes à verser à Madame Y... la somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société Folomi Lunettes à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Madame Y... dans la limite de six mois ;
AUX MOTIFS QUE 2°) Sur le licenciement Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Il résulte de l'article L.1233-16 du code du travail que la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur. Les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables, et la lettre de licenciement doit mentionner également leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié. A défaut, le licenciement n'est pas motivé et il est dépourvu de cause réelle et sérieuse. En l'espèce la lettre de licenciement du 8 août 201 qui fixe le cadre du litige et dont la cour ne citera que des extraits du fait de sa longueur, indique que « le groupe évolue sur le secteur d'activé de la lunetterie lequel est confronté de manière simultanée à un durcissement de son environnement concurrentiel et un ralentissement de sa croissance. Le chiffre d'affaires du commerce de détail est en baisse depuis un an et l'impact sur nos clients opticiens est très significatif Ces derniers connaissent en effet des chutes de chiffre d'affaires très significatives. Cette situation impacte négativement l'ensemble du secteur de la lunetterie dont la mesure où les opticiens modifient leur politique d'achat (choix de montures bas de gamme, collection marque blanche, écoulement de vieux stocks). La répercussion de ces changements stratégiques sur les fournisseurs de monture est estimée à -15 % de janvier 2013. Cette mutation du marché crée une pression concurrentielle extrêmement forte dans un secteur où les marges opérationnelles se réduisent et où parallèlement les exigences de qualité de service sur les fournisseurs s'accroissent fortement. Cette mutation impacte très fortement l'ensemble de la filière lunetière et notamment le bassin jurassien. L'activité du groupe subit donc, dans un contexte économique difficile une lente érosion de son activité de nature à affecter sa rentabilité sa compétitivité. Cette situation touche toutes les sociétés du groupe à l'exception de Solf Production. Dans ce contexte difficile, il convient de noter que les concurrents du groupe se réorganisent rapidement en procédant à des plans d'ajustement d'effectifs ou à des réorganisations de leur site de production et de leurs activités. Ces réorganisations conduisent à une pression concurrentielle accrue sur le groupe dont les résultats se dégradent, avec des pertes importantes en 2012 et un chiffre d'affaires global en baisse. Cette dégradation est notamment due à une organisation logistique et des modalités de traitement des commandes aujourd'hui inadaptées aux exigences de réactivité de la clientèle du secteur. En outre, la coexistence de deux sites très éloignés géographiquement (Saint Laurent en Grandvaux d'une part et Evreux d'autre part) pour conduire une activité similaire s'avère extrêmement coûteuse et ne permet pas de rationaliser les coûts de structure plaçant ainsi la santé financière du groupe dans une situation périlleuse. À cet égard les services administratifs de nos sociétés nécessitent un resserrement afin de fluidifier leurs activités et leurs échanges. Un éclatement des effectifs sur deux sites éloignés complexifie grandement leur organisation et leur fonctionnement et limite considérablement les opportunités de développer les synergies nécessaires avec les autres activités du groupe. Le site d'Evreux est moderne et permet des économies de fonctionnement importantes. En comparaison le site de Saint Laurent en Grandvaux paraît moins bien adapté à des activités de logistique
L'organisation physique du site de Saint Laurent en Grandvaux et les systèmes d'information utilisés génèrent en outre des dysfonctionnements significatifs
Par ailleurs de graves dysfonctionnements ont été constatés depuis plusieurs mois sur le site de Saint Laurent en Grandvaux, ses problèmes logistiques et organisationnels conduisant à des taux de livraison inférieurs à 60%. Les retards de livraison constatés génèrent ainsi de fortes tensions de trésorerie. Cette situation ne permet pas d'envisager un maintien de l'organisation du groupe telle qu'aujourd'hui. Dans ce contexte et afin de sauvegarder sa compétitivité, notre société a été contrainte de mettre en oeuvre un plan de réorganisation de ses activités. En exécution de .celui-ci, notre société a notamment été amenée à envisager la réorganisation de ces lieux d'exploitation et a recentré son activité au sein d'un seul et même site, situé à Évreux
».Toutefois avant d'examiner la réalité du motif économique, il convient de vérifier si l'employeur a respecté son obligation de reclassement. Il résulte des dispositions de l'article L 1233-4 du code du travail que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. .À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent êtres écrites et précises. Il convient de rappeler que l'employeur doit exécuter loyalement son obligation de reclassement. La lettre de licenciement indique qu'il a été proposé à Mme Y... un poste de responsable administratif et financier au sein de la société Rosemood Sas située à Nantes ainsi qu'un poste d'assistant administratif Pôle Création et design à Saint Laurent en Grandvaux, de catégorie inférieure. Mme Y... ne considère pas ces offres comme sérieuses et loyales puisqu'elle a été invitée à candidater et que la seconde prévoyait une rémunération trois fois inférieure à la sienne. Enfin, elle souligne que les offres n'étaient pas personnalisées puisque les postes étaient proposés à d'autres salariés. Par ailleurs, elle souligne que les 12 demandes adressées à des sociétés tiers ne donnaient aucune précision sur son profil mais aussi que le poste proposé au titre de la modification du contrat ne lui avait pas été proposé au titre du reclassement. Or, pour satisfaire à son obligation, l'employeur est tenu de proposer au salarié dont le licenciement économique est envisagé, tous les emplois disponibles de même catégorie ou à défaut, d'une catégorie inférieure sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l'intéressé de les refuser. De plus, il est de jurisprudence constante de la cour de cassation que l'employeur, qui ne propose pas à la salariée, dans le cadre de son obligation de reclassement, le poste que l'intéressée avait refusé dans le cadre de la proposition de modification de son contrat de travail, ne satisfait pas à son obligation de rechercher toutes les possibilités de reclassement. (Cass.soc., 3 déc.2014, N° 13 -19.697:Jurisdata n°2014-029605). En l'espèce, il est exact que la société ne disposait pas de poste identique en interne ayant supprimé celui de Mme Y... en délocalisant sur Guichainville ses fonctions. Par ailleurs, la société Folomi Lunettes justifie par la production tant de son registre du personnel que de ceux des sociétés Lun'Art et Axebo, de l'absence de postes disponibles dans ces sociétés, de l'absence de sorties ou d'entrées au moment du licenciement de sorte qu'effectivement, en interne elle ne pouvait que proposer celui qu'elle envisageait de créer sur le site de Saint Laurent Grandvaux qui prévoyait une rémunération trois fois inférieure à celle de Mme Y.... Toutefois, la société Folomi verse au dossier un organigramme qui indique qu'elle est dans un Groupe dont la holding est la société Alcynoe qui détient 100% du capital de la société F... D... et de Karavan Production qui contrôle sa filiale Solf Production et de Magellan Ineroptic sans apporter de pièces justifiant des démarches auprès de l'ensemble des sociétés du Groupealors que son obligation s'étendait à tout le groupe. De plus, Mme Y... se réfère aux dispositions de l'article 28 de l'accord collectif du 12 juin 1987 annexé à la convention collective nationale de la Métallurgie qui étendent en cas de licenciement collectif le périmètre du reclassement en prévoyant une procédure destinée à favoriser un reclassement extérieur par la saisine de la commission territoriale de l'Emploi. Le texte précise «Si toutefois, elle( la société) est amenée à envisager un licenciement d'ordre économique, elle doit rechercher des possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise en particulier.... en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi.». Ainsi si ce texte ne fait pas de différence selon le nombre de licenciements envisagés, pour autant la cour de cassation a indiqué qu'il est applicable exclusivement aux projets de licenciement de plus de dix salariés. Or, au vu des courriers externes adressés le 29 mai 2013 à des entreprises tiers, force est de constater que le projet de licenciement était un licenciement collectif de 11 collaborateurs de sorte que l'article 28 était applicable en l'espèce. Le fait que la société ait fait de sa propre initiative, des recherches en externe ne saurait se substituer ni la dispenser de cette saisine. Or, l'absence de saisine est considérée par la jurisprudence comme étant une violation de l'obligation de reclassement qui rend de ce fait, le licenciement sans cause réelle et sérieuse. En outre, la société Folomi Lunettes se devait au titre de son obligation de reclassement de proposer le poste qu'elle lui avait offert dans le cadre de la modification de son contrat de travail, ce qu'elle n'a pas fait, en violation de son obligation de reclassement. Ainsi et comme l'a retenu le Conseil de Prud'hommes, l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement de sorte que et sans avoir à examiner la réalité du motif économique, le licenciement de Mme Y... doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse. Mme Y... réclame au titre de son indemnisation, une somme de 175 000 euros ayant été licenciée à l'âge de 58 ans et après 18 ans d'ancienneté et au regard de ses difficultés retrouver un travail et des conséquences financières sur sa future retraite. Il est établi que Mme Y... a présenté un mois après son licenciement des problèmes de santé à la suite de la découverte d'une tumeur intra crânienne frontale gauche dont le lien avec la rupture du contrat de travail n'est pas établi bien qu'elle l'allègue sans en apporter la moindre preuve. Mme Y... indique ne pas avoir retrouvé d'emploi. Au vu de ces éléments, la cour estime devoir indemniser le préjudice lié à la rupture abusive du contrat de travail en lui allouant la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts. Sur les effets à l'égard des tiers : En application des dispositions de l'article L 1235-4 du code de travail, la société Folomi ayant indiqué avoir un effectif de 18 personnes et Mme Y... ayant plus de 2 ans d'ancienneté, il convient de condamner la société Folomi Lunettes à rembourser à Pôle emploi, les indemnités de chômage versées à Mme Y... dans la limite des six mois prévue par la loi et ce, avec intérêts légaux à .compter de la présente décision » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « L'article L 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. L'article 28 de l'accord collectif du 12 juin 1987, annexé à la convention collective nationale de la métallurgie, applicable au présent litige, prévoit que l'employeur qui envisage de prononcer des licenciements pour motif économique doit rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise en particulier dans le cadre des industries des métaux, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi. En l'espèce, il apparaît que la société FOLOMI a proposé à la salariée une offre de reclassement en interne et une offre de reclassement en externe. Toutefois, ces offres ne sauraient être considérées comme sérieuses et loyales dans la mesure où à leur lecture, il apparaît que Madame Y... devait candidater et qu'elle ne bénéficiait donc d'aucune priorité, en tant que salariée à reclasser, par rapport à un salarié venant de l'extérieur du groupe » ;
1. ALORS QUE si le refus, par le salarié, d'une proposition de modification du contrat pour motif économique ne libère pas l'employeur de son obligation de reclassement, l'employeur peut toutefois tenir compte de la volonté exprimée par le salarié à l'occasion du refus de cette proposition dans ses recherches de reclassement ; qu'il en résulte que l'employeur n'a pas à proposer au salarié, à titre d'offre de reclassement, le poste que ce dernier a refusé dans le cadre de la proposition de modification de son contrat de travail ; qu'en affirmant que, dans le cadre de son obligation de reclassement, la société Folomi Lunettes devait proposer à Madame Y... le poste qu'elle lui avait offert dans le cadre de la modification de son contrat et qu'en s'abstenant de le faire, elle a violé son obligation, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
2. ALORS QUE le juge doit faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction ; que dans ses conclusions d'appel, la société Folomi Lunettes soutenait qu'aucun poste n'était disponible dans le groupe Karavan au moment du licenciement, à l'exception du poste d'assistant administratif pôle création et design sur le site de Saint-Laurent-en-Grandvaux qu'elle avait proposé à Madame Y... ; que dans ses conclusions d'appel soutenues à l'audience, Madame Y... ne contestait pas qu'il n'existait aucun autre emploi, dans le groupe, que celui d'assistant administratif ; qu'en relevant, pour dire que la société Folomi Lunettes n'établit pas avoir satisfait à son obligation de reclassement, qu'elle n'apporte pas de pièces justifiant de ses démarches auprès de l'ensemble des sociétés du groupe Karavan alors que son obligation s'étendait à tout le groupe, sans avoir invité les parties à s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
3. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'employeur peut limiter ses offres de reclassement en fonction de la position prise par le salarié ; qu'en l'espèce, il est constant que Madame Y... avait refusé le transfert de son poste, aux mêmes conditions contractuelles, sur le site d'Evreux, et une offre de reclassement, sur un poste de même qualification et de même niveau de rémunération que le sien, au sein d'une société tierce implantée à Nantes, en indiquant qu'elle souhaitait poursuivre son travail sur le site de Saint-Laurent-en-Grandvaux (Jura) ; que par ailleurs, il ressort de l'organigramme du groupe et du document d'information relatif au projet de relocalisation des services administratif et logistique que seules les sociétés Folomi Lunettes, Lun'Art et Axebo étaient implantées à Saint-Laurent-en-Grandvaux, les autres sociétés du groupe Karavan exerçant leur activité soit dans l'Eure, soit à Paris ; qu'il en résultait que la volonté exprimée par la salariée de continuer à travailler dans le Jura interdisait son reclassement dans les sociétés autres que Folomi Lunettes, Lun'Art et Axebo, au sein desquels la cour d'appel a constaté qu'aucun poste n'était disponible ; qu'en reprochant à la société Folomi Lunettes de ne pas justifier de ses recherches auprès des autres sociétés du groupe, sans tenir compte de l'implantation de ces sociétés et du refus de la salariée de s'éloigner de son domicile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
4. ALORS QUE le juge a l'interdiction de dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, il était indiqué, sur la lettre du 29 mai 2013 établie sur papier à entête des sociétés Folomi Lunettes, Axebo et Lun'Art et adressée à différentes partenaires commerciaux par la Direction du groupe pour rechercher d'éventuelles solutions de reclassement que « nos sociétés envisagent actuellement un projet de réorganisation géographique de leurs activités susceptibles d'entraîner le licenciement de 11 collaborateurs de notre site de Saint-Laurent-en-Grandvaux » ; qu'il en résulte que le chiffre de 11 licenciements concernait les trois sociétés, et non pas seulement la société Folomi ; qu'en déduisant de ces lettres que le projet de licenciement envisagé par la société Folomi Lunettes visait 11 salariés, pour retenir que les dispositions de l'article 28 de l'accord du 12 juin 1987 relatif aux problèmes généraux de l'emploi dans la métallurgie étaient applicables, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces lettres, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;
5. ALORS, AU SURPLUS, QU' il résulte de la combinaison des articles 5, 14 et 15 de l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 et de l'article 2 de l'accord national sur les problèmes généraux de l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987, ainsi que de l'accord du 7 mai 2009 qui modifie l'article 2 de l'accord du 12 juin 1987, que l'obligation de saisir la commission territoriale de l'emploi ne concerne que les projets de licenciement collectif pour motif économique portant sur plus de dix salariés ; qu'en l'espèce, il résulte du document d'information et de la liste d'émargement des salariés présents à la réunion d'information sur le projet de relocalisation des services administratif et logistique à Evreux que ce projet concernait au total onze salariés travaillant sur le site de Saint-Laurent-en-Grandvaux, dont 5 salariés de la société Folomi Lunettes et 6 salariés de la société Adexo ; qu'en se bornant à relever que les courriers externes adressés le 29 mai 2013 à des entreprises tierces évoquaient un projet de licenciement collectif de 11 collaborateurs, sans rechercher la répartition de ces collaborateurs entre les différentes entités implantées sur le site de Saint-Laurent-en-Grandvaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des accords collectifs précités ;
6. ALORS QUE l'employeur peut proposer les mêmes offres de reclassement à plusieurs salariés menacés de licenciement pour motif économique, dès lors qu'elles sont adaptées à la situation de chacun ; qu'en l'espèce, la société Folomi Lunettes avait précisé, sur l'offre de reclassement proposée à Madame Y..., que le poste d'assistant administratif pôle création et design était également proposé à d'autres salariés du groupe et qu'elle serait le cas échéant appelée à départager les salariés qui se porteraient candidats pour occuper cet emploi ; que Madame Y... ne soutenait pas, cependant, que ce poste d'assistant administratif n'était pas compatible avec ses compétences et qualifications ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que cette offre ne pouvait être considérée comme sérieuse et loyale, dans la mesure où Madame Y... devait candidater, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
7. ALORS QUE le juge a l'interdiction de dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, la société Folomi Lunettes avait précisé, sur l'offre de reclassement adressée à Madame Y..., que le poste d'assistant administratif pôle création et design était également proposé à d'autres salariés du groupe et qu'elle serait le cas échéant appelée à départager les salariés qui se porteraient candidats pour occuper cet emploi ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que cette offre ne pouvait être considérée comme sérieuse et loyale, dans la mesure où Madame Y... ne bénéficiait d'aucune priorité en tant que salariée à reclasser par rapport à un salarié venant de l'extérieur du groupe, quand ce courrier n'évoquait pas la diffusion de cette offre à l'extérieur du groupe, la cour d'appel a dénaturé ce courrier, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;
8. ALORS QUE sauf disposition conventionnelle contraire, l'employeur n'est pas tenu d'élargir ses recherches de reclassement au-delà du groupe auquel il appartient ; qu'en conséquence, les offres de reclassement au sein d'entreprises extérieures au groupe ne sont pas soumises aux mêmes exigences légales que les offres de reclassement interne ; qu'en l'espèce, excédant ses obligations légales, la société Folomi Lunettes avait proposé à Madame Y... un poste de responsable administratif et financier au sein d'une société située en dehors du groupe ; qu'en retenant encore, par motifs adoptés, que cette offre de reclassement externe n'était pas sérieuse et loyale, au prétexte que Madame Y... devait candidater et qu'elle ne bénéficiait d'aucune priorité par rapport à un salarié venant de l'extérieur du groupe, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Folomi Lunettes à verser à Madame Y... la somme de 5.064,38 euros à titre de dommages et intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE « 1°) Sur la modification du contrat de travail: Il résulte des dispositions de l'article L 1222 -6 du code du travail que lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L1233-3 du code du travail, il en fait la proposition salariée par lettre recommandée avec accusé de réception.. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus, étant précisé qu'à défaut de réponse dans ce délai il est réputé avoir accepté la modification. En l'espèce, la société Folomi Lunettes a adressé à Mme Y... par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 mai 2013, une proposition de modification de son lieu de travail qui était justifiée par la réorganisation rendue nécessaire par la situation économique et financière de l'entreprise et ses répercussions sur l'activité du groupe, proposition consistant à transférer les activités d'administration des ventes, logistique et comptabilité de Saint Laurent en Grandvaux vers le centre logistique du groupe situé [...] près d'Evreux, et ce, à compter du 1er juillet 2041. La société Folomi l'informait dans ledit courrier qu'elle disposait d'un délai d'un mois à compter de la date de réception pour refuser cette proposition. Par courrier recommandé avec accusé de réception du 6 juin 2013, Mme Y... a refusé la proposition, constatant que ses fonctions avaient d'ores et déjà été modifiées, sans son avis ni accord. Pour justifier cette allégation, Mme Y... produit les avenants à son contrat de travail démontrant que depuis 1998, elle a toujours exercé les fonctions de comptable et avait en charge «la comptabilité, la paye et la gestion de trésorerie», seul son statut a changé puisqu'elle est devenue cadre et est passée d'un temps partiel à un temps complet. Par ailleurs, elle verse au dossier un mail du 13 mai 2013 intitulé «répartition des tâches» adressé par M. A... du Groupe Karavan Production /Alcynoe à M. B... qui s'inscrit manifestement dans les opérations de transfert des taches comptables et administratives vers le centre d'Évreux. En effet, ce mail indique: "faire en sorte d'alléger le travail de Madame vigneron (afin qu'elle se concentre sur les travaux précédents)
qui en conclusion note: il faudrait peut-être demander à Mme Y... une liste exhaustive des taches comptables et RH faites par elle-même et par ses assistantes, ainsi il sera plus aisé de compléter la liste de répartition Evreux/Saint-Laurent.". Il y est précisé : «En conclusion, ne resteront à Saint Laurent que les comptes du ler janvier au 31 mars 2013, la gestion des clients pour faciliter la reprise dans SAP, la paye et les déclarations sociales, les éventuelles relations intragroupe qui resteront. Toutes les autres taches seront faites à Guichainville, saisies des achats, des ventes, déclarations TVA, saisies des OD de paie, reprise des règlements quand nous aurons repris les A. C.... ». Par ailleurs, par lettre remise en mains propres du 17 mai 2013, Mme Y... était dispensée de toute activité à compter du 20 mai 2013 et ce jusqu'à nouvelle instruction "compte tenu des nécessités de transfert immédiat de nos activités vers le site d'Évreux". Ces éléments démontrent qu'alors que Mme Y... disposait d'un délai d'un mois pour se prononcer sur la proposition qui lui avait été faite, la société a dès le 13 mai soit avant même d'avoir obtenu la réponse de Mme Y... organisé le transfert des activités sur le site d'Evreux, comme elle en avait pris la décision. Or, ce transfert portait sur les attributions de Mme Y... qu'elle rappelle dans sa lettre de refus du 6 juin 2013. Sur ce point, elle indique qu'elle occupait un poste de responsable comptabilité clients et fournisseurs, secrétariat commercial, logistique, responsable des ressources humaines et le suivi ingénierie et développement informatique. Elle devait ainsi assurer l'ensemble des tâches administratives quotidiennes des sociétés du groupe, et particulièrement dans le domaine du suivi et contrôle des facturations de contrats de services entre chaque société du groupe, les vérifications complètes de la comptabilité... Par ailleurs, elle verse sa fiche de poste établie par M. F... D... , PDG qui certes n'est pas datée mais qui la positionne comme «la collaboratrice de M. D...» «cadre responsable du site en l'absence de M. F... D... » et qui détaille ses fonctions corroborant les termes du courrier du 06 juin 2013.Ainsi et avant même qu'elle se prononce sur la modification proposée, l'employeur avait dans les faits, modifié son contrat de travail en organisant non seulement le transfert de ses attributions mais en le concrétisant puisque dès le 20 mai, elle était dispensée de venir travailler, consacrant ainsi la modification. Il en résulte que comme l'a retenu le Conseil de Prud'hommes, Mme Y... est en droit d'obtenir l'indemnisation du préjudice subi du fait de la modification unilatérale de son contrat de travail que lui a imposée l'employeur sans son accord. Il convient de confirmer le montant de 5064,38 € alloué par le Conseil de Prud'hommes à Mme Y... qui constitue une juste indemnisation de son préjudice » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QU' « il ressort de la combinaison des articles L. 1222-6 et L. 1233-3 du code du travail que l'employeur qui envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour un motif économique, doit en faire la proposition par lettre recommandée avec accusé de réception à laquelle le salarié doit répondre dans un délai d'un mois, étant précisé qu'à défaut de réponse, il est réputé avoir acceptée la dite modification. En l'espèce, la société FOLOMI établit à la lecture de la lettre recommandée avec accusé de réception du 7 mai 2013 qu'elle a adressée à Madame Y..., qu'elle a proposé à celle-ci de fixer son lieu de travail, situé à SAINT LAURENT EN GRANDVAUX, à GUICHAINVILLE, à compter du 1er juillet 2013. Il est constant que Madame Y... a refusé cette proposition de modification de son contrat de travail par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juin 2013. Pourtant, avant même de recevoir une réponse de sa salarié à la lettre susvisée, la société FOLOMI a unilatéralement modifié le contrat de celle-ci. En effet, Madame Y... justifie à la lecture du courriel du 13 mai 2013 et de la dispense d'activité d'une durée de un mois, qui lui était remise en mains propres le 17 mai 2013, qu'une partie des attributions qu'elle exerçait aux termes de l'avenant du 2 janvier 1998, à savoir, la comptabilité, la paie et la gestion de trésorerie lui était retirée. Ainsi, le dit document précise qu'il convient de « faire en sorte d'alléger le travail de Madame Y... afin qu'elle se concentre sur les travaux précédents (...). Les déclarations URSSAF et retraite peuvent être faites par Madame Y... tant qu'elle fait la paie (...). Seront faites à GUICHAINVILLE (...) les tâches : saisie des achats, saisie des ventes, déclaration de TVA, saisie des OD de paie, reprise des règlements quant nous aurons repris les A nouveaux». Dès lors, au vu des circonstances de la modification unilatérale du contrat de travail de Madame Y..., le conseil s'estime suffisamment informé pour fixer à un mois de salaire, soit à la somme de 5 064,38 euros, le montant des dommages et intérêts dus par son employeur au titre du préjudice qu'elle a subi, à ce titre » ;
1. ALORS QUE le juge a l'interdiction de dénaturer les éléments de la cause ; que la lettre de dispense d'activité en date du 17 mai 2013 était destinée et remise en main propre à Madame Lydia E..., et non à Madame Y... ; que la société Folomi Lunettes expliquait qu'elle avait dispensé Madame Y... d'activité, mais uniquement par lettre du 25 juillet 2013 et pour une période postérieure au refus de la modification de son contrat de travail, soit du 30 juillet 2013 au 14 août 2013 ; qu'en affirmant que « par la lettre remise en mains propres du 17 mai 2013, Mme Y... était dispensée de toute activité à compter du 20 mai 2013 et ce jusqu'à nouvelle instruction "compte tenu des nécessités de transfert immédiat de nos activités vers le site d'Evreux" », pour en déduire que la société Folomi Lunettes avait modifié le contrat de travail de la salariée en la dispensant d'activité avant que cette dernière ait refusé cette modification le 6 juin 2013, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre du 17 mai 2013, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;
2. ALORS QUE le retrait de certaines tâches précédemment exercées par le salarié n'emporte modification de son contrat de travail qu'à la condition qu'il porte atteinte à la substance de ses fonctions ou responsabilités ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, dans l'attente du transfert définitif des services administratifs à Evreux, le site de Saint-Laurent-en-Grandvaux conservait les tâches suivantes « les comptes du 1er janvier au 31 mars 2013, la gestion des clients pour faciliter la reprise dans SAP, la paye et les déclarations sociales, les éventuelles relations intragroupe qui resteront » ; qu'en retenant que le transfert des autres tâches emportait modification du contrat de travail de Madame Y..., sans faire ressortir que l'essence même de son poste ou ses responsabilités étaient affectées par ces modifications, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction applicable au litige ;
3. ALORS, ENFIN, QUE la société Folomi Lunettes soutenait que Madame Y... elle-même s'était plainte d'une surcharge de travail, en juin 2013, et avait sollicité le renouvellement du contrat d'une salariée intérimaire qui l'assistait en expliquant « je souhaite également prolonger G... encore une semaine, vu le travail encore à fournir pour les comptes, les salaires, les charges et le suivi des clients. Nous sommes bien occupées toutes les deux » ; qu'en retenant que l'employeur avait manqué à ses obligations, en transférant une partie des tâches de Madame Y... à Evreux, sans rechercher si cette mesure n'était pas sinon contredite par la surcharge de travail dont se plaignait la salariée, du moins justifiée par le surcroît d'activité liée à l'intégration de la société dans un nouveau groupe et à la préparation du transfert des services administratifs et logistiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction applicable au litige.