SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10778 F
Pourvoi n° P 16-21.167
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Hugues Y..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 26 mai 2016 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (17e chambre), dans le litige l'opposant à la société Riviera technic, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 7 mai 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Z..., conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. Y..., de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Riviera technic ;
Sur le rapport de Mme Z..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit fondé le licenciement de M. Y... prononcé pour faute grave par la société Riviera Technic et d'avoir débouté le salarié de ses demandes tendant au paiement de salaires pendant la mise à pied, indemnité de préavis, et congés payés afférents, indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement non causé, et préjudice physique et moral, et licenciement vexatoire, et indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de la lettre de licenciement que trois griefs principaux sont articulés contre le salarié : utilisation abusive des cessions internes, détournement des procédures de reprise des véhicules d'occasion, envoi à des collaborateurs de courriels à caractère pornographique ; que le salarié se prévaut à tort de la prescription des faits fautifs qui lui sont imputés au motif que la procédure de licenciement aurait été engagée le 27 septembre 2012, soit plus de deux mois après les faits, dès lors que la société Riviera Technic établit n'avoir eu connaissance des faits litigieux que par un courrier anonyme du 20 septembre 2012 ;
1) ALORS QUE, en se contentant de se référer à une lettre anonyme reçue tardivement sans en rien rechercher si les faits qui y étaient relatés n'étaient pas antérieurement connus de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;
2) ALORS QUE lorsque les faits faisant l'objet de la sanction disciplinaire contestée ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il n'a eu connaissance de ces faits que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites ; que la cour d'appel a relevé que le premier grief énoncé dans la lettre de licenciement était une utilisation abusive de la pratique des cessions internes, consistant à imputer à la concession le coût de travaux réalisés sur un véhicule après établissement d'une facture mentionnant la nature et le montant des travaux effectués ; que M. Y... soulignait que les avantages ainsi accordés donnaient lieu à une facture et n'étaient donc nullement dissimilés à la Direction, laquelle avait nécessairement connaissance des factures enregistrées en « cession interne » et produisait elle-même aux débats, pour établir la réalité de ce motif de licenciement, les factures litigieuses ; que tous les mois, en réunion de Direction, les chiffres et tous les comptes sont étudiés par la société qui a nécessairement connaissance des factures émises et des éventuels gestes commerciaux pratiqués ; qu'en se contentant d'affirmer, pour écarter la prescription, que la société Riviera Technic n'a eu connaissance des faits litigieux que par un courrier anonyme du 20 septembre 2012, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la définition même des faits fautifs imputés au salarié et la nature des éléments destinés à les établir, à savoir les factures de cessions internes, n'excluait pas qu'ils aient été ignorés de l'employeur jusqu'à la lettre anonyme de septembre 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;
3) ALORS au surplus QUE la cour d'appel a constaté que les réparations effectuées sur le véhicule de Mme Y... avaient donné lieu à une facture de cession interne en date du 30 décembre 2010 et que les travaux de remise en état de la carrosserie de ce véhicule étaient mentionnés sur cette facture ; qu'en se bornant toutefois à affirmer, pour écarter la prescription, que la société Riviera Technic n'a eu connaissance des faits litigieux que par un courrier anonyme du 20 septembre 2012, sans constater que l'employeur aurait établi n'avoir pas eu connaissance de l'existence et du contenu de la facture du 30 décembre 2010 avant la lettre anonyme de septembre 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit fondé le licenciement de M. Y... prononcé pour faute grave par la société Riviera Technic et d'avoir débouté le salarié de ses demandes tendant au paiement de salaires pendant la mise à pied, indemnité de préavis, et congés payés afférents, indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement non causé, et préjudice physique et moral, et licenciement vexatoire, et indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de la lettre de licenciement que trois griefs principaux sont articulés contre le salarié : utilisation abusive des cessions internes, détournement des procédures de reprise des véhicules d'occasion, envoi à des collaborateurs de courriels à caractère pornographique ; (
) que d'après les explications fournies aux débats, la pratique des "cessions internes" consiste à imputer à la concession le coût de travaux réalisés sur un véhicule, après établissement d'une facture mentionnant la nature et le montant des réparations effectuées ; que si l'employeur expose que le recours à cette pratique est limité aux interventions consécutives à des erreurs ou malfaçons, ou encore à la fourniture d'une prestation en échange d'une autre, le salarié objecte que les cessions internes peuvent correspondre à des gestes commerciaux envers des partenaires de l'entreprise ; que l'absence de formalisation écrite d'une telle pratique dûment portée à la connaissance des salariés de l'entreprise permet de douter du caractère fautif de cessions internes intervenues au profit non du salarié lui-même mais de clients avec lesquels la société Riviera Technic était en relation commerciale, s'agissant notamment de M. A... apporteur d'affaires, de M. B... représentant la société qui entretenait les espaces verts de l'entreprise, de M. F... qui travaillait pour l'entreprise effectuant les travaux de maçonnerie et de peinture pour la société, personnes dont il ne peut être formellement exclu, à défaut de procédure établie prohibant une telle pratique, qu'elles aient bénéficié d'un geste commercial accordé par le directeur de concession à raison des prestations qu'elles étaient amenées à fournir à la société Riviera Technic ; qu'il n'en va pas de même des réparations effectuées dans le cadre d'une cession interne sur le véhicule de l'épouse de M. Y... ; qu'il ressort des pièces produites par l'employeur qu'un ordre de réparation a été émis le 29 décembre 2010 sur le véhicule Audi A3 de Mme Y..., portant mention de l'accord de M. Y... pour la réalisation d'une "remise en état de la carrosserie" ; que ces travaux ont donné lieu à une facture de cession interne en date du 30 décembre 2010 d'un montant de 52,04 € visant également l'accord de M. Y... ; qu'outre le fait qu'aucune explication pertinente n'est fournie par M. Y... permettant de justifier le recours à la procédure de cession interne, dont il ne conteste pas la matérialité, pour une facture relative à des réparations effectuées sur le véhicule de son épouse, le faible montant facturé ne correspond qu'au coût de pièces de rechanges mais n'intègre pas le coût de remise en état de la carrosserie alors que ces travaux, sollicités dans l'ordre de réparation, sont mentionnés sur la facture et ont été dûment réalisés ; que de même, les photos du véhicule versées aux débats établissent qu'il a été en grande partie repeint, sans que ces prestations n'aient été facturées ; que si M. C..., chef de l'atelier carrosserie atteste en faveur de l'employeur que le véhicule Audi A3 de Mme Y... a été entièrement repeint à la demande de M. Y..., en qualité de directeur, Mme D..., employée lors des faits en qualité de conseillère du service après-vente, affirme comme le soutient M. Y..., que ce véhicule a été abîmé par un technicien atelier pendant une manoeuvre et qu'il a été envoyé en carrosserie pour réparation ; qu'en l'état des attestations contradictoires produites par les parties, la cour retient qu'à défaut de toute indication de M. Y... sur les réparations qui ont initialement motivé le dépôt du véhicule susvisé à la société Riviera Technic, il doit être tenu pour acquis au vu de l'ordre de réparation versé à la procédure qui n'est pas sérieusement remis en cause par le témoignage précité de Mme D..., qu'une remise en état de la carrosserie a bien été sollicitée, et non facturée bien que réalisée ; que de tels travaux induisaient nécessairement une reprise au moins partielle de la peinture qui n'a pas davantage été facturée et réglée par le salarié ; qu'en l'état de ces constatations, l'imputation à la société Riviera Technic des travaux effectués sur le véhicule de l'épouse du salarié caractérise un comportement fautif de celui-ci, lequel ne peut arguer d'un quelconque geste commercial au profit de son épouse ; que de tels agissements visant à faire supporter par l'employeur des dépenses au profit d'un proche sont d'autant plus graves que le salarié assurait la direction de la concession et qu'à ce titre il se devait d'adopter une conduite irréprochable, exclusive de tout enrichissement personnel ; qu'une procédure spécifique encadrant la vente au personnel de véhicules a été formalisée par le groupe Volkswagen France au moyen d'un document écrit intitulé "vente au personnel", document dont M. Y... a nécessairement eu connaissance puisqu'il en a personnellement assuré la diffusion auprès des salariés de la concession qu'il dirige ; qu'en vertu des règles énoncées, toute vente au personnel d'un véhicule neuf ou d'occasion doit donner lieu à l'édition d'un bon de commande validé pour accord par le directeur de la filiale, et, pour les cadres dirigeants, par le Directeur Général ; que de plus, la vente d'un véhicule d'occasion à un salarié s'effectue à des conditions avantageuses, au prix de revient du véhicule, intégrant les travaux éventuels et le contrôle technique, majoré de 150 € ; que les conditions d'acquisition d'un véhicule d'occasion par la fille de M. Y... auprès du revendeur Brothers Auto le 10 décembre 2010, le lendemain du jour de cession de ce véhicule par la société Riviera Technic à Brothers Auto, procèdent d'un contournement de la procédure interne susvisée ; qu'il en va de même de l'achat non contesté par M. Y... le 13 juillet 2011 d'un véhicule Jaguar d'occasion auprès de Brothers Auto au prix de 1.200 € alors que ce véhicule avait été acquis par Riviera Technic dans le cadre d'une reprise auprès d'un de ses clients puis cédé au prix de 1.200 € à Brothers Auto le 31 mai 2011, l'intervention de Brothers Auto dans la chaîne des ventes ayant permis à M. Y... de se soustraire à l'obligation qui lui était faite en sa qualité de cadre dirigeant de soumettre un bon de commande à son Directeur Général pour accord ; que l'importance que l'employeur accorde au respect de cette procédure interne qui vise à éviter que les membres du personnel n'influent, dans leur propre intérêt, sur le prix de rachat des véhicules d'occasions, résulte notamment de l'audit auquel elle a fait procéder le 21 février 2012 sur les ventes de véhicules d'occasion aux salariés de la filiale Riviera Technic ; que M. Y... ne peut valablement se prévaloir de l'absence d'irrégularité constatée le concernant à l'occasion de cet audit alors que les conditions d'acquisition du véhicule Jaguar, ci-dessus décrites, ne permettaient pas d'identifier la cession de véhicule comme une vente au personnel ; que de surcroît, M. Y..., pour avoir licencié pour faute grave le salarié M. E... le 5 août 2011 qui avait fait l'acquisition d'un véhicule d'occasion remis par un client acheteur d'un véhicule neuf sans accord préalable de son responsable de service, connaissait cette procédure pour l'avoir appliqué avec rigueur à l'un de ses subordonnés ; que M. Y..., en sa qualité de directeur de concession, bénéficiait en application de son contrat de travail d'une délégation de pouvoir lui imposant d'assurer le contrôle et le respect des procédures internes ; que l'absence de règlement par M. Y... de divers travaux effectués sur le véhicule de son épouse ainsi que le détournement délibéré de la procédure interne relative à l'acquisition d'un véhicule d'occasion à plusieurs reprises procèdent d'un comportement gravement fautif faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail, même pendant la période du préavis, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la réalité et la gravité du grief relatif à la communication à ses collaborateurs de courriels à caractère pornographique :
1) ALORS QUE la preuve de la faute grave incombe à l'employeur ; que s'agissant des travaux effectués sur le véhicule de son épouse, M. Y... faisait valoir qu'il n'avait signé aucun bon de commande de peinture, et que la mention « peinture complète MO+Ingrédient non facturés » avait été rajoutée à la main postérieurement alors qu'il était à cette date absent, qui plus est en Thaïlande ; qu'en se contentant d'affirmer qu'en l'état des attestations contradictoires produites par les parties, la cour retient qu'à défaut de toute indication de M. Y... sur les réparations qui ont initialement motivé le dépôt du véhicule susvisé à la société Riviera Technic, il doit être tenu pour acquis au vu de l'ordre de réparation versé à la procédure qui n'est pas sérieusement remis en cause par le témoignage précité de Mme D..., qu'une remise en état de la carrosserie a bien été sollicitée, et non facturée bien que réalisée, la cour d'appel qui n'a pas répondu à ce moyen déterminant a violé l'article 455 du code de procédure civile
2) ALORS AUSSI QUE M. Y... faisait valoir, en ce qui concerne l'achat du véhicule d'occasion de décembre 2010, d'une part, que les conditions de la reprise n'avaient pas été fixées par lui mais par un autre salarié de Riviera Technic, en sorte qu'il n'avait pas fixé le prix de rachat du véhicule, et d'autre part, que celui-ci avait été racheté à Brothers Auto non par lui-même mais par sa fille, laquelle, n'étant pas salariée de Riviera Technic, ne pouvait ni être soumise à la procédure de vente au personnel ni profiter de ses conditions avantageuses ; qu'en considérant le simple fait que la fille de M. Y... ait acheté à Brothers Auto un véhicule d'occasion peu après sa cession par Riviera Technic à ce revendeur comme un contournement gravement fautif de la procédure interne, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. Y... avait influé dans son propre intérêt sur le prix de reprise payé au client ni constater que sa fille aurait bénéficié de conditions avantageuses au détriment de la société Riviera Technic, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1235-3 du code du travail ;
3) ALORS en outre QUE, s'agissant de l'achat par M. Y... d'un véhicule Jaguar d'occasion auprès de Brothers Auto le 13 juillet 2011, le salarié faisait valoir qu'à l'époque où la société Riviera Technic l'avait reprise à son client, il n'avait pas de projet d'achat et donc pas de raison de suivre la procédure interne pour l'acheter directement à Riviera Technic ; qu'il ne s'était décidé que trois mois plus tard et qu'il l'avait d'ailleurs payé plus chère que s'il était passé par la procédure interne ; qu'en s'abstenant d'examiner si eu égard à ce décalage de plusieurs mois entre la reprise du véhicule par la concession et son rachat par le salarié, il n'existait pas, au minimum, un doute sur l'intention de M. Y... de se soustraire à la procédure interne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1235-3 du code du travail ;
4) ET ALORS subsidiairement QUE l'ancienneté du salarié et l'absence de toute faute antérieure peuvent être pris en considération par le juge comme atténuant la gravité de sa faute ; que M. Y..., engagé en 2002 par la société Riviera Technic, avait donc une ancienneté de 10 ans dans l'entreprise et faisait valoir, sans être contesté, qu'il était entré au service du groupe Volkswagen en 1986 et qu'il n'avait jamais fait l'objet d'une quelconque sanction disciplinaire ; qu'en omettant de prendre en considération cette ancienneté et l'absence de toutes poursuites disciplinaires antérieures pour apprécier si le comportement de l'intéressé était constitutif d'une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de fondement légal au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1235-3 du code du travail.