SOC.
CGA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10789 F
Pourvoi n° N 17-16.915
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société ST Dupont, société anonyme, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 22 février 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à Mme Sergine Y..., épouse Z..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 mai 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme C..., conseiller rapporteur, Mme Basset, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de Me A..., avocat de la société ST Dupont, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de Mme Y... ;
Sur le rapport de Mme C..., conseiller, et aprés en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société ST Dupont aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par Me A..., avocat aux Conseils, pour la société ST Dupont
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré nul, pour harcèlement moral, le licenciement de Mme Z... et, en conséquence, d'avoir condamné la SA S.T. Dupont à verser à Mme Z... les sommes de 6 000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QU'« Aux termes des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, il incombe à Mme Z... d'établir la matérialité de faits précis et répétés qui permettent, pris dans leur ensemble, de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans cette hypothèse, il incombera à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il n'est pas contesté par l'employeur que ce dernier, à compter du premier trimestre 2010 a envisagé d'externaliser le service d'administration des ventes dont Mme Z... était responsable. Elle en a été informée fin mars 2010, concomitamment aux membres du comité central d'entreprise et, selon M. B... supérieur hiérarchique de Mme Z... à l'époque, il était indiqué à cette dernière qu'après la suppression des emplois des salariés du service placés sous sa responsabilité il était envisagé de la nommer coordinatrice commerciale ; dans le cadre de ce projet de réorganisation de l'entreprise une mission d'audit était confiée à une société extérieure Théofmances et il est établi que pour pallier aux difficultés de ce service d'administration des ventes l'employeur faisait le choix de recourir à des intérimaires salariés de Théofinances. Mme Z... produit diverses pièces qui démontrent qu'elle a été informée le vendredi 26 novembre 2010 du recrutement de Mme D... sur son poste de responsable du service "Sales Administration", responsable ou chef du service d'administration des ventes à compter du lundi 29 novembre 2010. Les organigrammes de l'entreprise établis les 08 septembre et 01 décembre 2010 démontrent que Mme D... a bien été nommée sur le poste de Mme Z..., le directeur des ressources humaines en informait les responsables des services principaux de l'entreprise par un courriel en date du 26 novembre 2010 dans les termes suivants "Nous vous informons que nous avons dégagé à partir de lundi matin, Sergine Z... de ses fonctions de responsable de l'administration des ventes. Elle reste dans l'équipe ADV pour assurer la transmission de ses responsabilités a Micheline D... nouvelle embauche à compter de ce lundi." La visite de l'usine de production de l'entreprise par Mme D... était organisée et elle était bien présentée en qualité de nouvelle responsable du service ADV. Les différents courriels produits par Mme Z... établissent la concrétisation de ce transfert de responsabilité auquel Mme Z... a dû contribuer. C'est ainsi par exemple que Mme D... demandait à Mme Z... de se rendre disponible pour faire avec elle un point sur les principaux thèmes du service les 17 et 20 décembre 2010. Mme Z... justifie de la dégradation de son état de santé en lien manifeste avec cette situation professionnelle. Son médecin traitant la plaçait en arrêt maladie à compter du 20 décembre 2010 pour un état dépressif réactionnel qui devait conduire à sa déclaration d'inaptitude en une seule visite par le médecin du travail. Ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer une situation de harcèlement moral. L'employeur justifie de son projet d'externaliser le service de l'administration des ventes. Les choix d'organisation, ou de réorganisation de l'entreprise relèvent du pouvoir de gestion et de direction de l'employeur et sont étrangers à tout harcèlement moral. En revanche, contrairement à ce que prétend la société le recrutement de Mme D... sur le poste de Mme Z... ne relève pas du même projet. C'est également en vain que l'employeur conteste que cette nouvelle embauche ait eu pour finalité de remplacer Mme Z... dans son poste de responsable d'administration des ventes; les termes, irrespectueux, du courriel du directeur des ressources humaines du 26 novembre, les organigrammes et les courriels produits ne laissent aucun doute à ce sujet. Or, l'employeur qui de façon soudaine, sans information et préparation préalables, a déchargé la salariée de responsabilités qu'elle assumait depuis des années, lui a demandé de transmettre ses responsabilités à Mme D... , situation humainement délicate, en la laissant dans l'ignorance totale de son devenir professionnel.
En effet alors que la salariée est restée trois semaines dans l'entreprise après l'arrivée de Mme D... l'employeur ne justifie pas lui avoir proposé la moindre évolution de poste, lui avoir fourni la moindre explication sur la façon dont il envisageait son avenir au sein de l'entreprise. Cette situation professionnelle très dégradée, particulièrement anxiogène est à l'origine directe de l'inaptitude de la salariée. Ainsi l'employeur ne justifie pas que ces décisions relèvent d'éléments objectifs étrangers à tout acte de harcèlement moral. En conséquence réformant le jugement entrepris il convient de dire que Madame Z... a bien été victime de harcèlement moral et de condamner la SA ST Dupont à lui payer la somme de 6 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice en résultant, ce avec intérêts courant au taux légal à compter de ce jour en application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil » ;
1°) ALORS, d'une part, QUE sont qualifiés de harcèlement moral les agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Qu'en l'espèce, pour retenir qu'il y avait des éléments laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a, après avoir rappelé que la SA S.T. Dupont avait, au premier trimestre 2010, informé Mme Z... de son projet d'externalisation du service d'administration des ventes, relevé que, dans son courriel du 26 novembre 2010, cette société avait été irrespectueuse envers sa salariée, quand le fait de manquer, dans un seul et unique courriel, de respect envers un salarié, à supposer que ce soit vraiment le cas, ne peut être qualifié de harcèlement moral ;
Qu'en qualifiant de harcèlement moral cet agissement unique, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du code du travail, ensemble l'article L. 1154-1 du même code ;
2°) ALORS, d'autre part, QUE les juges du fond ne doivent pas dénaturer les éléments de preuve que leur soumettent les parties ;
Qu'en l'espèce, pour retenir qu'il y avait des éléments laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a considéré que, dans son courriel du 26 novembre 2010 (production n° 4), le directeur des ressources humaines de la SA S.T. Dupont avait utilisé des « termes irrespectueux », quand un seul et unique terme de ce courriel peut éventuellement être regardé comme irrespectueux, à savoir le verbe dégager, et qu'en vérité il ne l'est pas puisqu'il n'était pas utilisé envers Mme Z..., mais envers ses fonctions ;
Qu'en dénaturant de la sorte le courriel du 26 novembre 2010, la cour d'appel a violé l'article 1192 du code civil, ensemble l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause.
3°) ALORS, enfin, QUE la contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs ;
Qu'en l'espèce, pour dire que la SA S.T. Dupont ne justifie pas que les décisions qu'elle a prises relèvent d'éléments objectifs étrangers à tout acte de harcèlement moral, la cour d'appel a affirmé que « de façon soudaine, sans information et préparation préalables » (arrêt, p. 3, in fine), la SA S.T. Dupont a déchargé Mme Z... de responsabilités qu'elle assumait depuis des années et lui a demandé de les transmettre à Mme D... , après pourtant avoir affirmé que, « fin mars 2010 », la SA S.T. Dupont avait informé Mme Z... de son projet d'externalisation du service d'administration des ventes (arrêt, p. 3, § 2) ;
Qu'en se contredisant dans ses motifs, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la SA S.T. Dupont à verser à Mme Z... les sommes de 60 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, 14 492,73 € et 1 449,27 € à titre d'indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2011 ;
AUX MOTIFS QU'« En application des dispositions de l'article 1152-3 du code du travail le licenciement de Madame Z... est nul et la salariée est en droit de prétendre au paiement des indemnités compensatrices de préavis, de congés payés sur préavis, dont les montants sollicités ne font l'objet d'aucune contestation, ces sommes produisant intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2011, date de la première convocation de la société Dupont devant le conseil de prud'hommes. Madame Z... est en droit de prétendre à la réparation du préjudice né de la perte de son emploi du fait de son licenciement nul. Le montant de l'indemnité allouée ne peut-être inférieur à 6 mois de salaire, la salariée a perçu en 2010 un salaire mensuel moyen de 4 830,91 € bruts, prime et treizième mois inclus. Elle avait 21 ans d'ancienneté, a retrouvé un emploi le 01 octobre 2011 et percevait en 2012 une rémunération d'un montant mensuel de 4 355 € bruts, au chômage depuis mai 2015 elle effectue des missions en intérim. Au regard de ces éléments, la SA ST Dupont sera condamnée à lui payer la somme de 60 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul » ;
ALORS QUE la cassation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré nul, pour harcèlement moral, le licenciement de Mme Z... entraînera l'annulation des chefs de l'arrêt condamnant la SA S.T. Dupont à verser diverses sommes à Mme Z... en conséquence de la nullité de ce licenciement, et ce, en application de l'article 624 du code de procédure civile.