COMM.
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10294 F
Pourvoi n° J 17-14.290
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme Yolande Y..., épouse Z..., domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 avril 2018, où étaient présents : M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme Z..., de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la Société générale ;
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la Société générale la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme Z...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme Z... à payer à la Société Générale la somme de 34 009 euros portant intérêts de droit à compter du 18 avril 2013 avec capitalisation des intérêts selon les modalités prévues par l'article 1153 du code civil et de l'avoir condamnée à paiement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
Aux motifs qu'aux termes de l'article L. 341-4 du code de la consommation, « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné
» ; qu'en l'espèce, si Mme Z... démontre qu'elle était sans emploi depuis le 18 septembre 2009, elle ne justifie pas des allocations de Pôle emploi qui devaient, selon l'attestation qu'elle produit, être maintenues pendant 111 jours après le 30 juin 2011, se bornant de verser aux débats les avis d'imposition de sa soeur Isabelle qui n'est plus partie au présent litige ; que par ailleurs et surtout elle a déclaré dans la fiche de renseignement sollicitée par la banque qu'elle était mariée sous le régime légal de la communauté et que son couple possédait un bien commun sis à [...] (Seine et Marne) d'une valeur de 480 000 euros grevé d'un emprunt résiduel de 255 000 euros ; que d'ailleurs, son époux est intervenu pour autoriser chacun des deux cautionnements ; que ce patrimoine, d'une valeur de 225 000 euros, lui permettant de souscrire des engagements d'un montant global de 34 009 euros, c'est à tort que la juridiction consulaire les a estimés proportionnés et qu'il convient de le réformer et d'accueillir la demande en paiement de la banque dans les termes entrepris, la capitalisation des intérêts étant de droit ;
Alors 1°) que, sous prétexte d'interprétation, les juges du fond ne peuvent dénaturer les éléments de la cause ; que l'attestation pôle emploi du 27 juillet 2011 précise que « Au 30 juin 2011, vous avez bénéficié de 619 allocations journalières. Vous pourrez éventuellement prétendre à 111 allocations journalières » ; qu'en relevant, pour considérer que son engagement de caution n'était pas disproportionné, que les allocations de Pôle emploi devaient, selon l'attestation qu'elle produisait, être maintenues pendant 111 jours après le 30 juin 2011, la cour d'appel, qui a dénaturé ce document, a violé l'article 1134 ancien du code civil, ensemble le principe de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause;
Alors 2°) que, le caractère proportionné d'un engagement de caution doit s'apprécier au jour de celui-ci au regard des biens et revenus de la caution ; qu'en retenant que Mme Z... avait perçu des allocations de Pôle emploi 111 jours après le 30 juin 2011, soit au plus tard jusqu'à fin octobre 2011, pour en déduire que les engagements de caution en date des 11 août 2011 et 3 août 2012 à hauteur de 34 009 euros étaient proportionnés, la cour, qui a pourtant ainsi constaté que la caution ne percevait plus aucune allocation chômage lors de la conclusion de son second engagement en août 2012, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
Alors 3°) que, le caractère proportionné d'un engagement d'une caution, au regard de ses biens et revenus, doit être établi individuellement, pour chaque engagement, à la date de souscription de celui-ci ; qu'en se bornant à relever qu'une fiche de renseignement, sollicitée par la banque, faisait état d'un bien commun d'une valeur de 480 000 euros grevé d'un emprunt résiduel de 255 000 euros, pour en déduire que les deux engagements de caution de Mme Z... étaient globalement proportionnés à ses biens et revenus, sans préciser à quelle date cette fiche avait été complétée, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir le caractère proportionné de chaque engagement de caution à la date de sa souscription, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
Alors 4°) que, pour apprécier le caractère manifestement disproportionné du cautionnement, il doit être tenu compte de l'ensemble des engagements souscrits par la caution au jour de son engagement ; qu'en appréciant globalement le caractère proportionné ou disproportionné des cautionnements souscrits par Mme Z... à hauteur de 34 009 euros au regard de ses faibles revenus et de son patrimoine, sans tenir compte, à la date d'engagement du second cautionnement, de l'endettement qu'elle avait souscrit à la faveur du premier à hauteur de 21 009 euros, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme Z... à payer à la Société Générale la somme de 34 009 euros portant intérêts de droit à compter du 18 avril 2013 avec capitalisation des intérêts selon les modalités prévues par l'article 1153 du code civil et de l'avoir condamnée à paiement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
Aux motifs que, sur la violation par la banque de son devoir de mise en garde, à le supposer fondé, ce grief ne permettrait à Mme Z... que d'obtenir l'indemnisation d'une perte de chance de ne pas conclure, ne l'autorisant pas à solliciter l'intégralité des sommes mises à sa charge par le présent arrêt ; qu'en toute hypothèse, il appartient à Mme Z... de démontrer ce manquement qui suppose établi que la banque a failli tant à la bonne foi contractuelle qu'à son devoir de loyauté en accordant un prêt hors de proportion avec les capacités financières prévisibles de l'emprunteur rendant inéluctable l'action contre les cautions ; que Mme Z... ne rapporte pas cette preuve, se bornant à déduire l'absence de viabilité de la société Ambiance Paradise de sa courte durée de vie et de l'absence d'expérience commerciale de ses deux dirigeantes ; qu'il sera souligné que quand bien même la banque aurait une obligation de mise en garde uniquement liée à l'absence d'expérience professionnelle des dirigeants d'une société en formation, ce qui ne pourrait que freiner le développement économique et les initiatives des jeunes, une telle exception, personnelle au débiteur principal, ne pourrait, en application des dispositions de l'article 2313 du code civil, être invoquée par les cautions ; que le banquier n'a, envers les cautions, profanes ou non, de devoir d'alerte que dans la mesure où, consciente d'un risque particulier au regard des capacités financières du débiteur principal il ne leur en a pas fait part ; qu'en l'espèce, la banque oppose à l'absence de tout développement par Mme Z... des raisons factuelles susceptibles d'expliquer un échec aussi rapide du commerce, l'étude précise et circonstanciée à laquelle elle s'est livrée pour accorder ses concours ; que la banque précise ainsi que Mme Z..., titulaire d'un BTS de commerce exerçait comme salariée dans ce secteur depuis 1991 tandis que sa soeur avait occupé pendant six ans des emplois dans la restauration traditionnelle puis dans la vente ambulante de rôtisserie ; qu'il s'agissait d'une création d'entreprise dans une zone commerciale très fréquentée, les locaux pris à bail comportant un parking ; que le projet prévoyait l'organisation de soirées (dansantes, avec karaoké ou concerts) inexistantes à Coulommiers et sollicitées par la population ; que la charge envisagée de personnel était réduite, un cuisinier et un apprenti, les deux gérantes, aidées par leur proche famille assurant le service ; que le fonds avait été repris sans frais ; que ces éléments démontrent une situation financière saine et un projet viable de sorte que la banque n'avait pas d'obligation de mise en garde des cautions et qu'il convient de débouter Mme Z... de sa demande de dommages-intérêts ;
Alors 1°) que, il appartient à l'établissement de crédit de démontrer qu'il a rempli son obligation de mise en garde à l'égard de la caution non avertie, au regard de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'engagement de caution ; qu'en retenant, pour la condamner à paiement, que Mme Z... ne rapportait pas la preuve de ce que la Société Générale ne l'avait pas mise en garde, tandis qu'il appartenait à cette dernière de prouver qu'elle s'était assurée de sa capacité financière à faire face aux engagements du débiteur en cas de défaillance de ce dernier et qu'elle l'avait mise en garde sur les risques de l'endettement né de l'engagement de caution, la cour d'appel a violé l'article 1315 ancien du code civil, devenu article 1353 du code civil ;
Alors 2°) que, le caractère viable du projet de l'emprunteur ne dispense pas la banque de son obligation de mise en garde vis à vis de la caution non avertie ; qu'en décidant le contraire, la cour a violé l'article 1147 ancien du code civil, dont les dispositions ont été reprises à l'article 1231-1 du code civil ;
Alors 3°) que, nonobstant le caractère viable du projet de l'emprunteur, la banque est tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard de la caution, en considération de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt en cas de défaillance du débiteur principal ; qu'en l'espèce, la cour a constaté que les revenus de Mme Z..., qui s'étaient portée caution de la société Ambiance Paradise par actes des 11 août 2011 et 3 août 2012, étaient composés d'allocations de chômage qu'elle devait percevoir jusque fin octobre 2011 ; qu'en se bornant à relever qu'il résultait d'une étude précise à laquelle la banque s'était livrée pour accorder ses concours à la société Ambiance Paradise, que le projet était viable et la situation financière saine, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions récapitulatives d'appel de Mme Z..., p. 8), s'il n'était pas inadapté aux capacités financières extrêmement réduites de Mme Z..., qui dépendaient en réalité des résultats d'exploitation futurs, la cour a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 ancien du code civil, dont les dispositions ont été reprises à l'article 1231-1 du code civil.