CIV.3
CGA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 31 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10294 F
Pourvoi n° W 17-21.132
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société GMF Raspail, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 8 mars 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Astremis, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société SMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Astremis,
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 2 mai 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme X..., conseiller rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société GMF Raspail, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Astremis et de la société SMJ, ès qualités ;
Sur le rapport de Mme X..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société GMF Raspail aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société GMF Raspail ; la condamne à payer la somme de 3 000 euros aux sociétés Astremis et SMJ, ès qualités ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société GMF Raspail
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement et, statuant à nouveau, d'AVOIR « prononcé la résolution unilatérale » par la société Astremis du bail conclu entre les parties le 21 février 2012 aux torts exclusifs de la société GMF Raspail, d'AVOIR rejeté les demandes de paiement de loyers, charges, impôts et taxes en exécution de ce bail, d'AVOIR fixé la créance de la société GMF Raspail au passif de la société Astremis à la somme de 2 100 € au titre des frais de remis en état des lieux et d'AVOIR débouté la société GMF Raspail du surplus de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE selon la SCI GMF Raspail ne soutient plus que la conclusion du bail aurait été conditionnée à la condition suspensive de la réalisation de travaux, et que seul le premier bail du 21 février 2012 trouverait application entre les parties ; qu'en conséquence, il n'est pas sérieusement contestable que le bail du 21 février 2012 s'est substitué à l'ancienne convention à compter du 15 septembre 2012 ; que le second contrat de bail signé entre les parties le 21 février 2012 prenait effet le 15 septembre 2012 ; qu'il prévoyait en son article 5.2 que : « le bailleur s'oblige de son côté à exécuter et prendre en charge des travaux pour un montant cumulé maximum de 400 000 euros HT. Les travaux d'aménagement seront effectués sous la responsabilité du preneur et sous le contrôle du bailleur ou de son représentant, lequel sera notamment informé de l'élaboration du cahier des charges, de la procédure d'appel d'offres et de l'adoption du planning des travaux. Il pourra également assister aux réunions de chantier. Les travaux devront être exécutés sous les conditions suivantes :
- agrément préalable du dossier complet du Preneur établi par un maître d'ouvrage agréé inscrit à l'ordre des architectes comportant notamment plans et descriptifs détaillés et si les travaux affectent le gros oeuvre ou tous éléments importants de structure, l'avis d'un bureau de contrôle,
- obtention des autorisations administratives requises, le cas échéant selon la nature des travaux envisagés,
- souscription par le Preneur et justification auprès du Bailleur des assurances requises pour couvrir sa responsabilité civile dans le cadre de l'exécution de tout chantier de même selon la nature des travaux exécutés, qu'au titre des garanties biennales et décennales et ce conformément à la législation en vigueur,
- information de l'architecte ou des services techniques du Bailleur par le Preneur et son maître d'oeuvre de l'évolution du chantier avec envoi de tous plans d'exécution ou comptes rendus de chantier permettant de s'assurer de la conformité des travaux exécutés avec ceux qui ont été préalablement autorisés,
- remise au Bailleur d'un procès-verbal de réception de travaux, des certificats de conformité et des attestations de paiement de toutes taxes et primes d'assurances (
) » ;
qu'il importe peu que cette clause de prise en charge de travaux par le bailleur soit la contrepartie de la non-réalisation de cession de parts entre les deux sociétés, comme le soutient le preneur, ou soit la résultante de difficultés financières rencontrées par le preneur, comme le prétend le bailleur, mais il est incontestable que cette obligation du bailleur constituait un élément essentiel du nouveau bail, en contrepartie de laquelle une augmentation de loyer avait été convenue pour compenser l'avance du coût des travaux ; qu'il convient de relever que par courrier daté du 21 septembre 2012, la SCI GMF Raspail expliquait son refus de réaliser les travaux en indiquant qu'aucun accord n'était intervenu sur la nature des travaux envisagés par la SAS Astremis, en reprochant l'agrandissement de surface de bureaux, la dépose de cloisons, la suppression de la mezzanine de 400 m², et l'agrandissement et l'électrification du portail ; qu'en réponse à ce courrier, dont elle en contestait les termes, la SAS Astremis adressait à la SCI GMF Raspail un courrier daté du 23 octobre 2012, en lui rappelant l'historique des travaux préparatoires des travaux envisagés, auxquels la SCI GMF Raspail avait participé, et lui reprochant sa soudaine volte-face le 20 juin 2012, 5 jours avant le début des travaux, lui notifiait sa volonté de résilier unilatéralement le contrat au 31 octobre 2012 ; que s'il est constant que le second bail ne prévoyait pas la nature des travaux ni le délai de leur réalisation, les éléments versés aux débats démontrent que des travaux d'aménagement des lieux ont été envisagés dès le mois de février 2012, auxquels a été associé la SCI GMF Raspail par l'intermédiaire de M. Y..., comme en justifient :
- les 14 courriels préparatoires des travaux échangés entre les divers intervenants entre le 26 février 2012 et le 23 avril 2012, adressés soit directement soit en copie à « France dentaire-C.Y... » faisant état des présentations budgétaires, devis, réunions préparatoires, plans des locaux réaménagés, choix des différents prestataires, planning des interventions des entreprises, etc. ;
- le mandat d'assistance à aménagement signé le 9 mai 2012 par M. Clive Y... mandaté par son épouse, gérante de la société la SCI GMF Raspail, avec la société ADYAL Facilities SAS, portant sur le financement d'un projet de travaux détaillé dans le mandat pour un montant total de 400 000 euros H.T., soit 478 400 euros T.T.C ;
- les 4 courriels envoyés à « France dentaire-C.Y... » entre le 5 juin 2012 et le 18 juin 2012, annonçant le déménagement des bureaux, et le début des travaux prévu le 25 juin 2012 ;
- le courrier adressé le 6 juin 2012 par la SCI GMF Raspail à la société ADYAL Facilities SAS, accompagné d'un chèque d'acompte de 200 000 €, suivi d'un second chèque de 278 400 € le 19 juin 2012 ;
qu'il s'en déduit l'existence d'un accord passé entre le preneur et le bailleur sur la nature et les délais de réalisation des travaux d'aménagement tels que prévus dans ces échanges de courriels et de documents ; que la SCI GMF Raspail a néanmoins retiré cet accord et sollicité la restitution des sommes versées à lu société ADYAL Facilities SAS le 26 juin 2012, sans donner à sa locataire aucune explication écrite à ce revirement durant 3 mois, avant son courrier du 21 septembre 2012 ; que la nature et la consistance des travaux destinés à regrouper et développer les activités des sociétés France Dentaire, Promedis et Viademeca, incluant environ 26 personnes, étaient clairement détaillées dans le projet joint au mandat signé par la SCI GMF Raspail, comprenant notamment des travaux de maçonnerie (démolition et création de locaux annexes), le démantèlement de la mezzanine, et la démolition du mur de clôture pour créer un nouveau portail ; que dès lors la SCI GMF Raspail ne saurait valablement invoquer, comme elle l'a fait dans son courrier du 21 septembre, l'existence d'un désaccord sur la nature de ces travaux, alors même qu'elle avait suivi et été partie prenante au projet de réalisation desdits travaux, s'était engagée à titre personnel envers la société ADYAL Facilities SAS, avait obtenu un financement bancaire et avait versé ce dernier la société ADY AL Facilities SAS pour financer les travaux. ; que ce n'est que devant les juridictions postérieurement saisies que la société bailleresse a invoqué la non-conformité des travaux envisagés avec la clause contractuelle du bail en date du 21 février 2012, sans qu'auparavant elle n'ait sollicité du preneur la validation des travaux par un architecte, le justificatif d'éventuelles autorisations administratives, la preuve d'assurances, et qu'elle a prétendu que les travaux ne pouvaient être réalisés qu'à compter du 15 septembre 2012 ; qu'ainsi, après avoir donné son accord exprès et non-équivoque sur les travaux envisagés, faisant suite à 4 mois de préparation, la SCI GMF Raspail a de façon soudaine et sans motif valable donné dans son courrier du 21 septembre 2012, renoncé à leur prise en charge, sollicitant néanmoins de la société locataire qu'elle s'acquitte du nouveau loyer convenu à compter du 15 septembre 2012 ; qu'aux termes de l'article 1184 du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement ; que dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit ; que la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts en justice ; que la gravité du comportement d'une partie à un contrat à durée déterminée peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls ; qu'en outre les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; que la clause afférente aux travaux, déjà prévus dans le premier bail et destinés à regrouper les sociétés France Dentaire, Promedis et Viademeca en un seul lieu d'activité pour permettre une meilleure gestion et le développement des activités de ces sociétés, constituait une clause essentielle du bail, en contrepartie de laquelle une augmentation de loyer était acceptée par la locataire ; que dans ces conditions, le revirement soudain de la SCI GMF Raspail, qui s'est désengagée du projet sans motif pertinent, privant ainsi le preneur de la réalisation des travaux, caractérise la gravité du comportement requis par l'article 1184 précité pour justifier que soit prononcée la résolution du bail du 21 février 2012, entraînant l'anéantissement rétroactif du contrat ; qu'il s'ensuit que les demandes en paiement de loyers, charges, impôts et taxes, en exécution de ce bail seront rejetées ;
1°) ALORS QU'un contrat de bail commercial ne peut faire l'objet d'une résolution unilatérale ; qu'en retenant, pour « prononcer la résolution unilatérale » du bail commercial conclu le 21 février 2012, que la gravité du comportement d'une partie à un contrat à durée déterminée pouvait justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls et que la société GMF Raspail aurait adopté un tel comportement en l'espèce, la cour d'appel, qui a donné des effets de droit à l'action unilatérale de la locataire, a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 145-1 du code de commerce ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la société GMF Raspail soutenait que, comme l'avait retenu le tribunal de grande instance, il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir accepté que les travaux soient réalisés dès lors que les conditions auxquelles leur exécution était expressément subordonnée, aux termes du bail, n'étaient pas remplies, la société Astremis ne justifiant pas lui avoir présenté un dossier établi par un maître d'oeuvre agréé inscrit à l'ordre des architectes, l'avis d'un bureau de contrôle et les permis de construire et autorisations administratives requis, ni avoir souscrit les assurances nécessaires pour couvrir sa responsabilité civile et les garanties biennales et décennales, conformément à la législation en vigueur, comme elle y était pourtant contractuellement tenue ; qu'en retenant que la société GMF Raspail se serait désengagée du projet sans motif pertinent, pour dire qu'aurait été caractérisé à son encontre un comportement grave qui aurait justifié la résolution unilatérale du bail, aux motifs inopérants qu'elle aurait donné son accord « sur la nature et les délais de réalisation des travaux », puis qu'elle aurait « retiré » ce prétendu accord sans donner d'explication écrite et qu'elle n'aurait pas sollicité « la validation des travaux par un architecte, le justificatif d'éventuelles autorisations administratives, la preuve d'assurances » avant la saisine des juridictions, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la société Astremis avait justifié que ces différentes conditions, auxquelles la réalisation même des travaux était contractuellement subordonnée, avaient été remplies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;
3°) ALORS QUE la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en se bornant à retenir « l'existence d'un accord entre le preneur et le bailleur sur la nature et les délais de réalisation des travaux » et le fait que la société GMF Raspail aurait « retiré cet accord » sans explication écrite, pour ne solliciter du preneur « la validation des travaux par un architecte, le justificatif d'éventuelles autorisations administratives, la preuve d'assurances », que devant les juridictions saisies, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser une renonciation de la société GMF Raspail aux conditions auxquelles la réalisation même des travaux – leur nature et les délais auraient-ils été acceptés – demeurait contractuellement subordonnée, et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.