CIV. 2
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 31 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
M. PRÉTOT, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10400 F
Pourvoi n° Q 17-18.987
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Stéphane Y..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 31 mars 2017 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Doubs, dont le siège est [...] ,
2°/ à l'Institut médico éducatif du [...], dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 2 mai 2018, où étaient présents : M. Prétot, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vieillard, conseiller rapporteur, M. Cadiot, conseiller, Mme Szirek, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de M. Y..., de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l'Institut médico éducatif du [...] ;
Sur le rapport de Mme Vieillard, conseiller, l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à payer à l'Institut médico éducatif du [...] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. Y...
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que M. Y... n'apporte pas la preuve que l'accident du travail dont il a été victime, survenu le 14 août 2008, est dû à la faute inexcusable de la Mutualité Française du Doubs, désormais l'IME et de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes,
AUX MOTIFS PROPRES QU'
il est constant que M. Stéphane Y..., agent technique au sein de l'I.M.E. du [...] a été victime le 14 août 2008 d'un accident du travail alors qu'il manoeuvrait un tracteur tondeuse; qu'il convient de préciser que ledit accident s'est produit en l'absence de témoins directs;
Que M. Stéphane Y... a indiqué dans la déclaration d'accident du travail que suite à une manoeuvre, le tracteur de tonte s'était retourné sur lui mais qu'il était parvenu à se dégager pour aller prévenir M. C..., qui effectuait des travaux de peinture à environ une quinzaine de mètres de l'accident;
Que l'I.M.E. du [...] s'interroge sur l'absence de précisions de la part du salarié sur les circonstances de l'accident; qu'il fait justement valoir que n'ayant subi aucune atteinte cérébrale lors dudit accident, celui -ci devrait être en mesure d'apporter de plus amples éléments sur les conditions dans lesquelles les événements s'étaient déroulés; qu'en l'absence d'informations sur le fait générateur de l'accident, l'employeur considère valablement que toutes les hypothèses peuvent dès lors être envisagées; qu'il échet cependant de rappeler que la cause déterminante de l'accident dommageable est sans incidence sur l'appréciation de la faute inexcusable de l'employeur;
Que M. Stéphane Y... fait grief à son employeur de lui avoir confié un matériel inadapté pour réaliser des travaux de débroussaillage sur un terrain pentu; qu'en réponse l'I.M.E. du [...] produit aux débats le manuel d'utilisation édité par le constructeur, lequel démontre que la tondeuses litigieuse pouvait être utilisée sur des terrains pentus n'excédant pas 15°; que l'argument avancé sur ce point par M. Stéphane Y... se trouve donc dépourvu de pertinence;
Que M. Stéphane Y... ne peut sérieusement reprocher à son employeur de ne pas lui avoir fait dispenser une formation appropriée pour utiliser le matériel à l'origine de l'accident; qu'étant salarié de l'I.M.E. depuis 2008, il exécute cette tâche à l'aide du tracteur- tondeuse et qu'il a une parfaite connaissance du terrain; que par ailleurs si l'article R.4323 -55 du code du travail prévoit une formation adéquate pour les salariés qui sont appelés à utiliser des équipements mobiles automoteurs et des équipements de levage, l'arrêté du 2 décembre 1998, pour son application ne mentionne pas dans la liste qu'il établit les tondeuses ou débroussailleuses auto-portées;
Qu'il est avéré que l'I.M.E. du [...] a élaboré puis diffusé en octobre 2005 un document unique destiné à la prévention des risques professionnels dans l'établissement; qu'il résulte du procès-verbal de réunion du CHSCT que la mise à jour de ce document unique a été finalisée en janvier 2007; qu'il s'évince d'un autre procès-verbal du 11 janvier 2008, que ledit document allait faire l'objet d'une nouvelle révision;
Qu'en juillet 2007 l'I.M.E. du [...] a mis en place un plan d'action de manière à améliorer les pratiques professionnelles au sein de l'établissement; que ce plan prévoyait de mettre en place une commission avec pour mission, en concertation avec le CHSCT de "répertorier les risques, la réglementation, la prévention des risques ... ";
Qu'en application de l'article R.4121-A du code du travail l'employeur est tenu de mettre le document unique à la disposition, entre autres, des salariés; que pour ce faire un avis doit être affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travailou, s'il existe un règlement intérieur, être affiché au même emplacement que celui réservé au règlement intérieur;
Que si l'I.M.E. du [...] démontre avoir satisfait à son obligation en matière de mise à disposition de panneaux d'affichage, il n'établit pas avoir procédé à l'affichage de l'avis concernant la mise à disposition du document unique; que cette carence ne permet pas pour autant de conclure à un manquement de l'I.M.E. du [...] à son obligation en matière de prévention des risques dès lors qu'au jour de l'accident un document unique existait au sein de l'établissement et qu'il était alors en cours de mise à jour;
Qu'il convient, au vu des constatations et observations qui précèdent, de juger que M. Stéphane Y... ne rapporte pas la preuve que l'I.M.E. du [...] aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait le salarié en lui confiant les travaux qui ont conduit à l'accident du travail survenu le 14 août 2008 et qu'il n'a pris aucune mesure pour le protéger par des dispositifs appropriés; qu'il s'ensuit que le jugement déféré sera confirmé,
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE
Sur l'accident du travail dont Stéphane Y... a été victime,
L'I.M.E. du [...], venant aux droits de l'IES Fontaine Argent n'a pas contesté la décision de prise en charge de l'accident dont a été victime Stéphane Y..., ainsi que la rechute, au titre de la législation professionnelle et en a assumé les conséquences, notamment en adaptant le poste de travail du salarié quant au port de charges lourdes;
Que, sur la faute inexcusable de l'employeur,
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne la prévention des accidents du travail (prescrits par les articles L4121-1 à L4121-4 inclus du code du travail); que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver;
QU'il incombe alors au salarié victime, de prouver que son employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver;
Que le tribunal constate que les circonstances de l'accident, qui ne reposent que sur les seules déclarations de Stéphane Y..., sont insuffisamment décrites pour permettre un débat contradictoire quant au déroulement des faits et la survenance de celui-ci;
Qu'au cas d'espèce Stéphane Y..., comme l'a fait observer la partie défenderesse, est très peu disert sur les circonstances mêmes de l'accident du 14 août 2008;
Qu'en particulier Stéphane Y..., qui n'a jamais allégué avoir subi une perte de connaissance, dit ne pas se souvenir des circonstances de l'accident alors qu'il était seul lorsque le tracteur auto-porté s'est renversé et qu'il a dû se dégager seul pour alerter le salarié d'une entreprise qui travaillait à proximité;
Que lors de la survenance de l'accident Stéphane Y... se consacrait à une tâche qu'il avait l'habitude d'accomplir depuis plus de trois ans, et pilotait un engin conforme et adapté à la tonte des pelouses sur des terrains en pente, ledit engin ayant fait l'objet d'une révision deux mois avant l'accident;
Qu'avec un centre de gravité placé très bas le véhicule ne pouvait se retourner lorsqu'il était dans le sens de la pente, fût-elle de 15% , mais le manuel produit par le salarié lui-même mentionne sur la couverture «Lire attentivement cette notice avant utilisation» et en haut de la page 3,mentionne expressément: «Il est dangereux de se mettre en travers de la pente car vous "pourriez-vous" faire écraser par l'autoportée si vous "glisser»;
Que les lois de la physique étant immuables, l'hypothèse émise par le conseil de l'employeur selon laquelle Stéphane Y... pouvait, ce jour là, avoir pris des risques inconsidérés et insoupçonnés ne peut être écartée;
Que Sur la connaissance que l'employeur pouvait avoir des risques encourus,
Le Document Unique d'Évaluation des Risques Professionnels faisait l'objet d'une révision périodique et était soumis à l'approbation du CHSCT; qu'il avait été révisé en 2007 (l'année précédant l'accident) et l'année 2008 n'étant pas terminée, il est donc prématuré de reprocher à l'employeur de ne pas avoir procédé à la révision annuelle de ce document;
Qu'aucun élément, enfin ne vient corroborer l'affirmation de Stéphane Y... selon lequel il n'avait pu être informé de l'existence de ce document, l'employeur ayant prouvé l'existence de panneaux d'affichage libres et la possibilité pour chacun de consulter le document unique; que le document daté du 13 mai 2015 intitulé «Attestation» et qui commence par «Nous délégués du personnel de l'I.M.E.», qui n'est signé que par Norbert D..., les autres emplacements ne mentionnant que «P/O» et qui ne respecte pas les prescriptions de forme édictée par les articles 200 et 202 du Code de procédure civile, ne peut être considéré comme une attestation valable, tout au plus un commencement de preuve par écrit qui est battu en brèche par la production des procès-verbaux du CHSCT;
Qu'il résulte de ce qui précède que le salarié victime, à qui il incombait de prouver que son employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, n'a pas rapporté la preuve nécessaire au succès de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur;
Que sans qu'il soit besoin d'examiner plus avant la demande de majoration de la rente ou d'expertise médicale, Stéphane Y... sera débouté de l'ensemble de ses demandes,
ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux moyens de parties de nature à influer sur la solution du litige; en vertu du contrat de travail le liant à son salarié l'employeur est tenu envers lui d'une obligation de sécurité de résultat et que le manquement à celle-ci a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver; que les juges du fond doivent ainsi avant tout caractériser les circonstances de la survenance de l'accident ou de la maladie en liaison avec les manquements de l'employeur; qu'en reprochant à M. Y... de ne pas avoir apporté d'éléments sur les circonstances de son accident, sans répondre aux conclusions de M. Y... ni examiner les éléments sur lequel elles se référaient, dont il ressortait que le groupe de travail ayant analysé l'accident litigieux sur la fiche de retour d'expérience établie après celui-ci avait constaté que le sol sur lequel travaillait cette victime était alors non seulement très pentu, mais également très humide et encombré d'un regard et d'un trou, ce qui constituait des risque du retournement dont a été précisément victime M. Y..., aucune autre cause de cet accident n'ayant été retenue, la cour d'appel n'a pas satisfait à son exigence de motivation et violé l'article 455 du code de procédure civile,
ALORS QU'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié l'employeur est tenu envers lui d'une obligation de sécurité de résultat et que le manquement à celle-ci a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver; que les juges du fond doivent ainsi rechercher si l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience d'un risque de chute encouru par son personnel ou s'il pouvait légitimement ne pas l'avoir ignoré; qu'en retenant que M. Y... ne rapportait pas la preuve de ce que l'I.M.E. aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié, sans rechercher si l'I.M.E. pouvait avoir ignoré que, comme l'avait constaté le groupe de travail sur la fiche de retour d'expérience établie à l'issue de l'accident, l'état très pentu et encombré d'obstacles du sol sur lequel travaillait M. Y... se trouvait aggravé par une humidité due à des pluies survenues pendant les trois jours précédents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé,
ALORS les juges sont tenus de répondre aux moyens des parties de nature à influer sur la solution du litige ; qu'en retenant que M. Y... ne rapportait pas la preuve de ce que l'I.M.E. n'avait pris aucune mesure pour le protéger par des dispositifs appropriés, sans rechercher si, comme le soutenait M. Y..., la seule circonstance que l'I.M.E. du [...] aurait satisfait à son obligation d'élaboration du document unique de prévention des risques professionnels suffisait à avertir et à protéger suffisamment son salarié contre le risque de retournement du tracteur tondeuse sur une partie du sol en forte pente, très mouillé et encombré d'un regard et d'un trou, ce qui avait été fait seulement après son accident, la cour d'appel à derechef méconnu son devoir de motivation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.