CIV.3
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 31 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10296 F
Pourvoi n° C 17-14.100
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société La Madrigale, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2017 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Etam Prêt-à-porter, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 2 mai 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Z..., conseiller rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société La Madrigale, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Etam Prêt-à-porter ;
Sur le rapport de Mme Z..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI La Madrigale aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI La Madrigale ; la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Etam Prêt-à-porter ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la SCI La Madrigale
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR fixé à la somme hors taxes de 80.822 euros le montant annuel du loyer révisé du bail renouvelé dû par la société Etam à la SCI La Madrigale à compter du 9 mai 2009, dit que la SCI devait rembourser à la société Etam les trop-perçus de loyer encaissés depuis le 9 mai 2009 et condamné en tant que de besoin la SCI à ce remboursement ;
AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article L. 145-33 dudit code (de commerce), à défaut d'accord, la valeur locative est déterminée d'après 1°) les caractéristiques des locaux considérés 2°) La destination des lieux 3°) les obligations respectives des parties 4°) Les facteurs locaux de commercialité 5°) les prix couramment pratiqués dans le voisinage ; attendu qu'ainsi qu'il ressort de leurs écritures respectives, il n'existe plus à ce jour de discussion entre les parties relativement aux quatre premiers ; qu'ainsi pour une surface totale de 814 m2 et une surface de vente d'environ 300 m2 la surface pondérée est retenue pour 257,05 m2 conformément aux mesurages et analyses convaincants de l'expert judiciaire ; attendu que conformément à l'article R. 145-7 du code de commerce, les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unités de surface, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6 ; qu'à défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence ; qu'en réalité, et ainsi qu'en conviennent expressément les plaideurs, le litige tient aux modalités selon lesquelles le prix originairement applicable a été fixé, et il se limite à la question de l'intégration ou non, dans le loyer révisé du bail renouvelé, de la somme de 1.500.000 francs soit 228.673,53 euros HT versée par le bailleur au locataire lors de son entrée dans les lieux ; attendu que certes, selon l'article R. 145-8, du point de vue des obligations respectives des parties, il est aussi tenu compte des modalités suivant lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé ; attendu qu'un droit d'entrée peut, selon sa nature, constituer soit un supplément de loyer, soit une indemnité compensant l'octroi du bénéfice de la propriété commerciale ou venant en contrepartie d'avantages commerciaux ; attendu que le contrat de bail qualifie explicitement en page 12 de « supplément de loyer » la somme d'1.500.000 euros versée au propriétaire par le preneur à son entrée dans les lieux ; attendu que cette clause est claire et précise, et le droit d'entrée doit ainsi indiscutablement être regardé comme un supplément de loyer (Cass. Civ. 3 23/01/1980 P n°78-12824), ce qui rend sans objet les discussions tirées du régime du droit au bail – qui n'est d'ailleurs quant à lui, pas versé au bailleur, mais constitue un actif que le locataire acquiert et peut céder – ou du pas-de-porte indemnisant le bailleur pour l'octroi du bénéfice du statut ; attendu que l'expert a ainsi pu considérer – selon une méthode reconnue, et qui n'est nullement inusitée ou marginale, comme le prétend l'appelante – que ce droit d'entrée était une composante du loyer payé d'avance, et préconiser de lisser la somme sur la durée du bail initial soit 9 années afin de déterminer le loyer réel, ainsi établi à une somme de (121.959,21 + 25.408,17) = 147.367,38 euros induisant, pour 257,05 m2 de surface pondérée, un prix unitaire de 573,30 euros ; attendu, en revanche, qu'aucune considération ne justifie de tenir à nouveau compte du droit d'entrée pour le bail renouvelé, dont la révision est, ici, seule en cause ; attendu que le bail renouvelé est un nouveau bail, ainsi que l'intimée le rappelle elle-même ; que pour sa conclusion, les parties ont librement négocié la durée, soit quinze années, et le prix, qu'elles ont fixé d'un commun accord à la somme de 150.000 euros HT, différente de celle résultant de la variation de l'indice, et ce, sans aucune référence au loyer actualisé acquitté à l'échéance du bail initial, étant observé que ne constitue pas une telle référence l'indication contenue dans l'acte selon laquelle le renouvellement est consenti et accepté aux charges et conditions contenues au bail initial du 4 mai 1993, d'autant qu'elle est aussitôt assortie de la restriction « sous réserve des conditions ci-après stipulées » sous le titre « conditions et dispositions particulières » et que précisément, figure parmi ces conditions le prix, sans référence ni renvoi au loyer initial ni au droit d'entrée ; or attendu qu'au stade d'un bail renouvelé, la question du droit d'entrée ne se pose plus, le locataire étant en place ; que la bailleresse ne justifie pas de son affirmation, purement péremptoire, selon laquelle le droit d'entrée convenu en 1993 aurait été fixé à une somme tenant compte de l'incidence d'éventuels renouvellements, dont le principe était incertain et les conditions financières, par hypothèse, indéterminables à l'avance ; que ni l'acte de 1993, ni celui de 2003, ne contiennent la moindre clause ou indication en ce sens ; attendu que la méthode pourtant prônée en ce sens par l'expert judiciaire emporte d'autant moins la conviction que – d'une part, le droit d'entrée retenu pour fixer la valeur locative en 2009 est totalement déconnecté des conventions ayant lié les plaideurs, puisque M. X... ne retient pas le montant du pas-de-porte versé en 1993, fut-ce en l'indexant, mais celui – évalué à 800.000 euros – que devrait acquitter en 2009 un nouveau locataire désirant s'installer rue Nationale, ce qui n'a donc rien à voir avec la situation des parties puisque la société Etam y est déjà en place – et d'autre part, l'expert prend le parti de ne considérer comme termes de comparaison que des baux conclus avec un pas-de-porte alors qu'il indique lui-même que de telles références sont « peu nombreuses » (cf. p. 11 du rapport), et que rien ne justifie d'exclure les autres références de cette recherche ; attendu que contrairement à ce dont la bailleresse a convaincu le premier juge, il n'y a aucun enrichissement sans cause, pour le preneur, à payer à titre de loyer révisé du bail renouvelé une somme égale à la valeur locative sans que soit à nouveau pris en compte un supplément de loyer qui n'avait été convenu que pour le premier bail ; que de même, il n'y a ni inéquité – ce qui, au demeurant, n'est pas un critère de jugement – ni distorsion à la concurrence, à ce qu'un locataire déjà en place, qui bénéficie de la propriété commerciale, et qui a au surplus versé un pas-de-porte à son entrée dans les lieux, paye un loyer comparativement moindre que celui que doit acquitter un nouveau venu pour s'établir dans la même zone commerciale, cet avantage du premier locataire n'étant que la conséquence de son antériorité ; et attendu que l'adaptation du jeu de l'échelle mobile prévue par les articles L. 145-38 et L. 145-39 du code de commerce pouvant profiter à l'une ou à l'autre des parties, selon le sens de la modification que la valeur locative a enregistré, il n'y a pas d'obstacle de ce chef à ce qu'elle aboutisse à voir fixer judiciairement le loyer à un montant moindre, fut-ce même notablement, que le prix sur lequel les cocontractants s'étaient accordés lors du renouvellement, si a conjoncture s'est entre-temps orientée à la baisse ; attendu qu'en l'espèce, il se trouve que l'année 2009 où il convient de se placer pour apprécier la valeur locative du local correspond au pic de la crise financière survenue en 2008, et les productions concordent à démontrer que les prix couramment pratiqués dans le voisinage pour des locaux comparables avaient fortement chuté pour s'établir autour de 300 euros du m2, comme l'avait indiqué en février 2009 l'expert Jean-Pierre Y..., par ailleurs inscrit sur la liste des experts agréés par la Cour de cassation, dans une expertise unilatérale régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion, qui repose sur huit références convaincantes (pièce n°7 de l'appelante) ; attendu qu'avant d'appliquer cette seconde « réintégration » du droit d'entrée que l'appelante conteste à bon droit, M. X... avait conclu (cf. p. 15 de son rapport) de façon voisine, que la valeur d'un tel local s'établissait en 2009 à 314,42 euros du m2 ; attendu que sans nécessité de recourir à une nouvelle expertise, c'est cette somme qui sera retenue comme représentative de la valeur locative du local litigieux, ce qui détermine, pour une surface pondérée de 257,05 m2, un loyer hors taxes de 80.821,66 euros arrondi à 80.822 euros et ce, à compter du 9 mai 2009, date de la demande de révision formulée par le preneur »;
1°) ALORS QUE les conventions légalement formées ont force obligatoire entre les parties ; que pour apprécier la valeur locative au regard des modalités suivant lesquelles le loyer antérieurement applicable avait été originairement fixé, la cour d'appel, tout en relevant que le bail initialement consenti à la société Etam prévoyait le paiement d'un droit d'entrée de 1.500.000 francs devant être considéré comme une composante du loyer payé d'avance et que le loyer réellement acquitté par le preneur devait être déterminé en lissant cette somme sur les neuf années du bail, a cependant retenu qu'il ne devait pas être tenu compte de ce droit d'entrée dans la détermination de la valeur locative, s'agissant de procéder à la révision du loyer d'un bail renouvelé ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant et qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations desquelles il s'évinçait que la valeur locative devait être appréciée au regard du montant total du loyer originairement fixé, incluant non seulement les redevances périodiques mais aussi la fraction de prix payée d'avance, a violé l'article 1134 du code civil en sa rédaction applicable au litige, ensemble les articles L. 145-33 et R. 145-8 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE la valeur locative fixée à partir des prix couramment pratiquées dans le voisinage doit être corrigée à raison des différences qui peuvent exister entre les modalités de fixation des prix ; que pour écarter la réintégration du droit d'entrée pratiquée par l'expert judiciaire à partir des loyers constatés dans le voisinage, lesquels étaient minorés compte tenu du paiement d'un droit d'entrée par le locataire, la cour d'appel a retenu que la société Etam était titulaire d'un bail renouvelé dont la valeur locative devait être déterminée sans que soit à nouveau pris en compte un supplément de loyer qui n'avait été convenu que pour le premier bail ; qu'en statuant ainsi, quand c'était aux loyers du voisinage et non à celui de la société Etam qu'il convenait de réintégrer le montant du droit d'entrée pour déterminer la valeur locative, la cour d'appel a violé les articles L. 145-33 et R. 145-7 du code de commerce ;
3°) ALORS QUE les juges doivent répondre aux conclusions qui leur sont soumises ; qu'en sollicitant la confirmation du jugement entrepris, la SCI faisait siens les motifs des premiers juges suivant lesquels les références produites par la société Etam devaient être écartées, faute d'être identifiables et vérifiables ; que la cour d'appel, pour retenir que les prix couramment pratiqués dans le voisinage s'établissaient, en 2009, autour de 300 euros du mètre carré, s'est fondée sur le rapport unilatéral établi par M. Jean-Pierre Y... au nom de la société Schneider International et produit par la société Etam ; qu'en statuant ainsi, sans expliquer en quoi les références contenues dans ce rapport auraient été identifiables et vérifiables, comme les conclusions de la SCI l'y invitaient pourtant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.