SOC.
CGA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10731 F
Pourvoi n° V 16-21.472
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Crédit du Nord, société anonyme, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 31 mai 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à M. Kalifa Y..., domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 11 avril 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Z..., conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, M. A..., avocat général référendaire, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP François-Henri Briard, avocat de la société Crédit du Nord, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de Mme Z..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Crédit du Nord aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Crédit du Nord à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP François-Henri Briard, avocat aux Conseils, pour la société Crédit du Nord
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat au jour de l'arrêt et, en conséquence, d'avoir condamné le Crédit du Nord à payer à M. Y... les sommes de 21.653,56 € à titre d'indemnité de licenciement, 17.563,12 € à titre d'indemnité de congés payés et RTT pour la période du 23 mai 2013 au 29 mars 2016 et 65.000 € à titre de dommages intérêts pour tenir compte de la durée du contrat ;
Aux motifs que « sur la rupture Monsieur Y... fait valoir que le jugement rendu par le conseil de prud'hommes est dépourvu de base légale alors qu'il prononce son licenciement, que celui-ci était en outre subordonné à l'autorisation de l'inspection du travail à laquelle l'ordre judiciaire ne pouvait passer outre ; qu'il rappelle que par courriel du 9 septembre 2013, son conseil a précisé au CREDIT DU NORD qu'il n'entendait pas acquiescer au jugement tandis qu'il en a interjeté appel par déclaration reçue le 10 septembre 2013 ; que sur la base des moyens ainsi développés, Monsieur Y... sollicite la nullité du licenciement ; qu'il résulte des pièces produites aux débats que compte tenu du défaut d'autorisation du licenciement de Monsieur Y... par l'inspection du travail le 6 août 2010, la procédure de licenciement initiée par la convocation à l'entretien préalable fixé le 14 septembre 2010 n'a pas été menée à son terme, qu'aucun licenciement n'a donc été prononcé à l'encontre de Monsieur Y... par l'employeur ; que tandis que le salarié a demandé sa réintégration dans ses fonctions par courrier à compter du 2 Septembre 2010 au regard de la décision exécutoire de l'inspection du travail, le CREDIT DU NORD lui a opposé un refus compte tenu du recours hiérarchique à l'encontre de celle-ci et de la mesure de contrôle judiciaire dont le salarié avait fait l'objet par ordonnance du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris en date du 2 juillet 2010 ; que ces éléments ont conduit Monsieur Y... à saisir le conseil de prud'hommes le 18 novembre 2010 au titre de la violation de l'obligation légale du maintien effectif du salarié dans l'emploi, la violation de son statut protecteur et l'inexécution des obligations contractuelles de l'employeur s'analysant en un licenciement atteint de nullité ; qu'il se déduit de ce qui précède que dans le même temps où il n'entrait pas dans ses pouvoirs de prononcer le licenciement et où, par ailleurs, il a extrapolé les termes du courrier du 8 février 2013 aux termes duquel le salarié énonçait uniquement sa volonté de trouver un accord, le conseil de prud'hommes n'a pas répondu à la demande de Monsieur Y..., relativement à l'inexécution par le CREDIT DU NORD de ses obligations contractuelles fondant une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ; que ces éléments doivent conduire à infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a prononcé le licenciement étant constaté que les documents adressés par le CREDIT DU NORD en date du 19 septembre 2013 ne l'ont été pour leur part que dans le cadre d'une exécution volontaire des termes de cette décision sans autre portée ; que s'agissant de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail dont la cour est dès lors saisie, il est constaté que Monsieur Y... bénéficiait d'une protection en sa qualité d'ancien membre élu suppléant du collège cadre du comité d'établissement parisien jusqu'au 21 septembre 2013, qu'il a été délégué syndical national CFTC du 6 janvier 2009 au l7 juin 2010 ; que la cour observe ici qu'après avoir prononcé à son encontre une mise à pied conservatoire le 17 juin 2010, l'employeur s'est opposé à réintégrer Monsieur Y... dans l'entreprise malgré la décision de l'inspection du travail du 6 août 2010. refusant l'autorisation de licenciement, qu'il a notifié au salarié le 24 septembre 2010 une dispense d'activité avec maintien de sa rémunération, qu'il a maintenu ce même refus malgré les termes de l'ordonnance du octobre 2010 du tribunal administratif de Paris rejetant sa requête en suspension de la décision du 6 août , la confirmation de cette dernière par le ministère du travail de l'emploi et de la santé le 24 janvier 2011 et le jugement rendu par le tribunal administratif de Paris le 31 janvier 2012 rejetant sa demande d'annulation de cette décision ; que l'employeur, tenu de fournir du travail au salarié, ne justifie par ailleurs d'aucune diligence visant à lui proposer un poste de travail au moyen d'un reclassement dans des termes compatibles avec le contrôle judiciaire, dont l'intéressé faisait l'objet à compter du 2 juillet 2010 étant observé que celui-ci n'était pas assorti d'une interdiction d'exercer une activité professionnelle au sein du CREDIT DU NORD, ne portait que sur un seul établissement de cette entité et ne visait l'interdiction de contact qu'avec 12 salariés dont Monsieur Y... énonce, sans être contesté, que 7 ont quitté depuis lors le syndicat ; que ce défaut fautif de rétablissement de Monsieur Y... dans des fonctions professionnelles et l'opposition à la réintégration d'un salarié protégé malgré le prononcé d'une décision exécutoire de l'inspection du travail refusant l'autorisation de licenciement doit conduire à prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur compte tenu de la gravité des manquements ainsi constatés ; qu'étant considéré que le fait par l'employeur de ne pas rétablir dans ses fonctions le salarié protégé mis à pied à titre conservatoire et dont l'autorisation de licenciement avait été refusée constitue un trouble manifestement illicite et une violation du statut protecteur dont il bénéficiait pour 4 ans depuis 2009 en tant que membre élu suppléant du comité d'établissement parisien, la résiliation judiciaire sollicitée produit les effets d'un licenciement nul ; que sur la demande de réintégration et les demandes au titre de la rupture Monsieur Y... sollicite sa réintégration ; que cette demande est néanmoins inconciliable avec la résiliation judiciaire du contrat de travail sollicitée par le salarié, celle-ci, à laquelle il a été fait droit, la rendant en effet impossible ; que les demandes indemnitaires formulées sur son fondement, dont certaines sont restées par ailleurs indéterminées, seront donc écartées ; que la résiliation judiciaire n'emporte pas moins les conséquences pécuniaires d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur ; que sur la base des demandes dès lors présentées à titre très subsidiaire par l'appelant, Monsieur Y... est bien fondé à solliciter une indemnité au titre de la violation de ce statut égal au montant des rémunérations qu'il auraient perçues du 23 mai 2013 jusqu'à l'expiration de la période de protection en septembre 2013 soit une somme d'un montant de 12 122,68 euros ; qu'en méconnaissant la décision administrative de l'inspection du travail, l'ordonnance du 22 octobre 2010 du tribunal administratif de Paris la décision du ministère du travail de l'emploi et de la santé du 24 janvier 2011 et le jugement rendu par le tribunal administratif de Paris le 31 janvier 2012 et en plaçant de ce fait l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer sa fonction représentative outre de se représenter aux élections professionnelles de mars 2013, l'employeur, par le trouble manifestement illicite ici induit, a porté atteinte aux droits du salarié, ce qui conduira à allouer à ce dernier une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts ; que l'indemnité compensatrice de préavis sollicitée sur la base de trois mois de salaire est due à hauteur de 9092,01 euros outre 909,20 euros au titre des congés payés afférents ; qu'en vertu de l'article 26-2 de la convention collective nationale de la Banque étant relevé que l'intéressé sollicite aux termes de ses conclusions de voir verser par l'intimé l'indemnité conventionnelle de licenciement pour un montant "majoré de l'ancienneté acquise jusqu'à la date de l'audience de plaidoiries devant la cour", il lui sera alloué à ce titre une somme de 21653,56 euros ; En l'état des demandes de l'appelant visant l'actualisation des sommes dues à ce titre jusqu'au jour des plaidoiries soit le 29 mars 2016, LE CREDIT DU NORD doit être condamné à régler à Monsieur Y... la somme de 25.725,42 euros due jusqu'au 23 mai 2013 outre 17563,12 euros pour la période postérieure susvisée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et RTT ; que s'agissant des préjudices subis au regard du caractère illicite de la rupture, il se déduit des éléments de l'espèce qu'en l'absence d'une réintégration de Monsieur Y... dans l'entreprise, à compter de septembre 2010, l'intéressé a été amené à solliciter la rupture du contrat de travail compte tenu d'une inactivité forcée jusqu'à sa réorientation professionnelle on tant que gérant d'une société en ameublement à compter de décembre 2014 ne lui permettant néanmoins pas à ce jour de percevoir le montant de sa rémunération antérieure d'un montant de 3030,67 euros mensuels et étant observé qu'il n'a plus perçu de rémunération pendant plus d'un an à compter de juin 2013 ; que la rupture intervient par ailleurs après que ses proches évoquent dans leurs attestations sa difficulté à vivre son exclusion de l'entreprise et son isolement social, l'intéressé ressentant également des incertitudes quant à son avenir professionnel, la cour relevant, au regard des pièces médicales produites, que Monsieur Y.... a souffert d'un fort état anxio dépressif constaté dès 2011 par le docteur B..., l'intéressé faisant l'objet, dans les termes d'un certificat médical du 2 avril 2013, d'une dépression réactionnelle nécessitant un traitement psychotrope associé à un suivi psychologique ; qu'il convient en conséquence d'allouer à Monsieur Y... à titre indemnitaire au titre des préjudices moral, financier et de carrière ainsi justifiés une somme de 65 000 euros ; que l'indemnité sollicitée sur la base d'un préjudice distinct de ceux ici indemnisés doit être écartée à défaut pour le salarié d'en rapporter la justification » (arrêt p. 5, 8e à dern. al., p. 6, p. 7 et p. 8, 1er et 2e al.).
Alors qu'en cas de confirmation en appel du jugement prononçant la rupture du contrat de travail « emportant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse », la date de prise d'effet de la rupture est celle du jugement ; que dès lors en déclarant, pour dire que la résiliation du contrat prenait effet au jour de l'arrêt et non au jour du jugement, que le conseil de prud'hommes : « n'avait pas répondu à la demande de M. Y... relativement à l'inexécution par le Crédit du Nord de ses obligations contractuelles » quand le jugement énonçait qu'il y avait lieu « de mettre un terme aux relations entre les parties » et prononçait la rupture aux torts de l'employeur en le condamnant à payer au salarié des « dommages intérêts pour violation du statut protecteur et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » d'où il résultait que le juge, retenant l'inexécution des obligations contractuelles, avait prononcé la résiliation judiciaire, improprement qualifiée « de licenciement », rupture dont la confirmation par l'arrêt avait pour effet de la fixer à la date du jugement, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil ;
Alors qu'en cas de confirmation en appel du jugement prononçant la rupture du contrat de travail « emportant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse », la date de prise d'effet de la rupture est celle du jugement dès lors que l'exécution du contrat ne s'est pas poursuivie au-delà ; que dès lors en confirmant la rupture et en la requalifiant en résiliation du contrat prenant effet « au jour de l'arrêt », soit le 31 mai 2016, sans rechercher si, à la suite du jugement du 23 mai 2013, l'exécution du contrat s'était poursuivie quand, au 31 décembre 2014 au moins, M. Y... avait créé une société à Nice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil ;