N° P 18-81.251 F-D
N° 1340
CG10
24 MAI 2018
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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M. X... Y... ,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NÎMES, en date du 23 janvier 2018, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de vol qualifié, arrestation, enlèvement, séquestration ou détention suivi de libération avant le 7e jour et violences aggravées, a rejeté sa demande de mise en liberté ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Z..., conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Z..., les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général A... ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Y..., placé sous mandat de dépôt le 4 juillet 2013, a été renvoyé, par un arrêt de mise en accusation du 21 avril 2015, devant la cour d'assises de Vaucluse sous l'accusation de vol qualifié et délits connexes ; qu'il a été condamné le 5 avril 2016 à la peine de vingt ans de réclusion criminelle ; qu'il a interjeté appel de cette décision ; que dans l'attente de sa comparution devant la cour d'assises du Gard, désignée pour statuer en appel, il a présenté le 23 novembre 2017 une demande de mise en liberté ;
En cet état ;
Sur le troisième moyen de cassation :
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le moyen n'est pas de nature à être admis ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 144-1, 148-2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté de l'accusé ;
"aux motifs que l'avocat de M. X... Y... soutient que la détention provisoire de ce dernier excède une durée raisonnable justifiant sa remise en liberté et qu'elle n'est plus le seul moyen de parvenir à l'un des objectifs fixés par les articles 144 du code de procédure pénale ; qu'à ce jour, aucune nouvelle convocation n'a été adressée aux parties et que la date d'audience des 9 et 10 avril 2018 annoncée par le ministère public n'est qu'hypothétique ; que si le report de l'audience a été ordonné à la demande de l'un des avocats, il n'en demeure pas moins que le choix d'une date éloignée est la conséquence directe de l'engorgement chronique du rôle de la cour d'assises du Gard et que le seul délai de vingt mois écoulé entre le premier procès et la date initialement fixée pour le procès en appel excède un délai raisonnable ; que M. Y... n'est plus en exécution de peine depuis le 7 mai 2017, que la détention provisoire a eu des répercussions directes sur sa vie carcérale puisqu'il a dû purger l'intégralité des peines d'emprisonnement prononcées à son encontre sans pouvoir prétendre à un aménagement et qu'il dispose de garanties de représentation solides ; qu'enfin, il n'est pas démontré que les faits reprochés à M. Y... troublent l'ordre public de manière exceptionnelle et persistante plus de cinq ans et deux mois après les faits ; attendu qu'il est reproché à M. Y... d'avoir participé avec deux autres individus restant à ce jour non identifiés à un vol avec arme dans la soirée du 30 octobre 2012 à Carpentras au domicile des époux B... qui se trouvaient avec leur petit-fils de 14 ans ; que les victimes ont été ligotées à l'aide d'adhésif et ont fait l'objet de violences et de menaces de mort ; que M. Y... a été placé sous mandat de dépôt criminel le 4 juillet 2013, que l'ordonnance de mise en accusation est intervenue le 22 décembre 2014, soit moins de dix-huit mois après la mise en détention, que la chambre de l'instruction de Nîmes confirmant l'ordonnance du 22 décembre 2014 a prononcé sa mise en accusation devant la cour d'assises de Vaucluse le 21 avril 2015 ; que par arrêt, en date du 5 avril 2016, la cour d'assises de Vaucluse a déclaré M. Y... coupable des faits reprochés et l'a condamné à la peine de vingt années de réclusion criminelle, en retenant notamment la présence de l'ADN du mis en examen sur les trois scellés contenant les morceaux de ruban adhésif utilisé pour attacher les victimes et sur un couteau appartenant aux victimes utilisé pour couper un fil de téléphone ; que M. Y... a fait appel de la décision le 12 avril 2016 ; que la cour d'appel du Gard a été désignée par ordonnance du premier président le 28 octobre 2016, l'affaire ayant été initialement fixée à l'audience du 11 et du 12 décembre 2017, soit vingt mois après la décision de première instance ; que cependant l'affaire a été retirée du rôle de la cour d'assises à la demande de la défense, Me C... en raison de son indisponibilité ; que la détention provisoire de M. Y... n'excède pas une durée raisonnable au regard des diligences qui ont été effectuées au cours de l'instruction en ce que l'intéressé a invoqué un alibi ayant nécessité des vérifications minutieuses, que des recherches ont dû être réalisées pour retrouver les coauteurs et compte-tenu des recours légitimes formés par M. Y... mais également de la demande de report de l'audience qui ont allongé de fait la détention provisoire ; que le report d'audience a été réalisé par la présidente de la cour d'assises en l'état d'un calendrier prévisionnel d'audience pour les 9 et 10 avril 2017 en concertation avec l'ensemble des parties ; que par ailleurs que le comportement délictueux de M. Y... lui a valu d'être condamné par le tribunal correctionnel de Marseille le 14 janvier 2014 à la peine de trois ans d'emprisonnement pour des faits de participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement, tentative de vol aggravé par trois circonstance et recel de bien provenant de vol pour des faits commis au cours de l'année 2010 et le 11 juin 2015 à la peine de cinq ans d'emprisonnement pour un vol aggravé par trois circonstances et arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire de plusieurs personnes suivi de libération avant le 7e jour pour des faits commis en 2009, la confusion des deux peines ayant été accordée à la même date ; que M. Y... a donc été en exécution de peine jusqu'au 7 mai 2017 et qu'au regard des faits reprochés de même nature et de son implication dans la présente procédure, il est fort peu probable qu'il eût pu bénéficier d'un aménagement de peine au regard du risque de renouvellement des infractions qui en l'occurrence reste toujours très sérieux ;
"alors que la durée de la détention provisoire ne doit pas excéder le délai raisonnable imposé par l'article 6, § 1, de la Convention européenne ; que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en l'espèce, M. Y..., placé sous mandat de dépôt le 4 juillet 2013 pour des faits de vol avec arme et séquestration, a été renvoyé le 21 avril 2015 devant la cour d'assises du Vaucluse qui, par arrêt du 5 avril 2016, l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle ; que l'accusé a interjeté appel le 12 avril suivant ; qu'actuellement l'affaire n'est toujours pas audiencée devant la cour d'assises d'appel ; qu'en rejetant la demande de mise en liberté de M. Y..., en se fondant sur des considérations inopérantes relatives à la complexité de l'affaire, à l'importance de la peine encourue et aux autres condamnations infligées à M. Y..., sans caractériser les diligences particulières ou les circonstances insurmontables de nature à justifier, au regard de l'exigence conventionnelle du délai raisonnable, la durée de la détention provisoire de l'accusé entre la décision de première instance et sa comparution devant la juridiction d'appel (aujourd'hui de quasiment deux ans), la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 de la convention européenne des droits de l'homme, 137, 137-1, 137-3, 144, 145, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté et maintenu la détention provisoire de l'accusé ;
"aux motifs qu'en tout état de cause qu'il convient de préserver la sérénité des débats devant la cour d'assises d'appel et d'éviter toute pression sur les victimes ainsi que sur les témoins de l'affaire, la procédure étant orale ; que par ailleurs le risque de fuite n'est pas exclu en l'état de la peine prononcée par la cour d'assises de Vaucluse et de celle encourue par la cour d'assises du Gard, nonobstant les garanties familiales et professionnelles, au demeurant non réactualisées, présentées par M. Y... ; que s'agissant de faits criminels extrêmement violents, ces faits sont de ceux qui troublent de façon durable et exceptionnelle l'ordre public sans qu'il soit nécessaire de tenir compte de l'ancienneté des faits ; que les parties civiles qui ont subi un préjudice important s'opposent à la mise en liberté de M. Y... ; attendu qu'en cet état ni le contrôle judiciaire ni l'assignation à domicile avec surveillance électronique ne peuvent empêcher ces risques de renouvellement de l'infraction, pression sur les témoins et les victimes, non représentation s'agissant de mesures, qui laissent intacts tous les moyens de communication possible et qui sont totalement dépourvues de réel caractère coercitif ; qu'ainsi il est démontré que la détention provisoire constitue l'unique moyen de parvenir aux objectifs suivants et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique : empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille, garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice, mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement, mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé ; qu'en conséquence la demande sera rejetée ;
"1°) alors que la détention provisoire ne peut être motivée qu'au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure ; qu'en rejetant la demande de mise en liberté de M. Y... en se contentant de formules abstraites, reproduisant les critères de l'article 144 du code de procédure pénale, qui pourraient s'appliquer à n'importe quelle information, la chambre de l'instruction s'est prononcée par des motifs d'ordre général et n'a pas justifié sa décision ;
"2°) alors que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 24 novembre 2009, la détention provisoire ne peut être prolongée que si le contrôle judiciaire et l'assignation à résidence avec surveillance électronique sont insuffisants ; qu'en se bornant à énoncer que l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire doit être confirmée dès lors que ni les contraintes d'un contrôle judiciaire, ni celles d'une assignation à résidence avec surveillance électronique ne permettraient de prévenir le risque de renouvellement de l'infraction et que ces mesures ne présentaient pas un degré de coercition suffisant pour atteindre les objectifs visés à l'article 144 du code de procédure, la chambre de l'instruction s'est prononcée par un motif d'ordre général sans s'expliquer, par des considérations de droit et de fait concrète et propre à la présente espèce, sur le caractère insuffisant de ces mesures ; que l'arrêt attaqué est privé de tout fondement légal ;
"3°) alors qu'en ne répondant pas au moyen selon lequel M. Y... faisait valoir que l'instruction ayant été définitivement achevée il y a plus de deux ans, les éléments de preuve et les notes d'audience étant déjà contenues dans le dossier de la procédure, tout risque de pression sur les témoins et les victimes était écarté, la chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs" ;
Les moyens étant réunis :Attendu que, pour rejeter la demande de mise en liberté, l'arrêt prononce par des motifs dont il résulte, d'une part, que la durée de l'incarcération subie depuis l'arrêt de condamnation de la cour d'assises de Vaucluse ne saurait être qualifiée de déraisonnable alors que le procès devant la cour d'assises du Gard devait se tenir en décembre 2017 et que l'affaire a du être retirée du rôle à la suite d'une demande de renvoi présentée le 1er juin 2017 par l'avocat de l'accusé en raison de son indisponibilité, de telle sorte qu'une nouvelle date doit être fixée en concertation avec l'ensemble des parties, d'autre part, que la détention est nécessaire afin de prévenir tout risque de fuite, de renouvellement de l'infraction ainsi que de pression sur les témoins et les victimes, que les faits reprochés ont été commis dans un contexte de violence qui continue à troubler l'ordre public, enfin, que ni un contrôle judiciaire, ni une mesure d'assignation à résidence sous surveillance électronique n'apparaissent suffisants ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 143-1 et suivants du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans encourir les griefs articulés aux moyens ;
D'où il suit que les moyens doivent être rejetés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre mai deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.