N° K 17-83.682 F-D
N° 1171
VD1
24 MAI 2018
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
-
M. Lazhar X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 19e chambre, en date du 24 mai 2017, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de Mme Djahida Y... des chefs de non-représentation d'enfants, défaut de notification de changement de domicile et soustraction d'enfant par ascendant ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 avril 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, Mme Drai, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de Me LE PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général VALAT ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le deuxième moyen de cassation ;
Sur le troisième moyen de cassation ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que les moyens allégués ne sont pas de nature à être admis ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 122-7, 227-5 du code pénal et 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué après avoir prononcé la relaxe de Mme Y... des faits de non représentation d'enfant, a débouté M. Lazhar X... de ses demandes indemnitaires ;
"aux motifs que Mme Djahida Y... ne conteste pas le fait qu'Hanna et Aida n'ont pas rencontré leur père lors de la dernière visite organisée conformément à la décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence par l'association Adseaav mais elle prétend d'une part que la preuve n'est pas rapportée de la signification de cette décision ; que la cour observe que si le délit de non représentation d'enfants suppose qu'une décision exécutoire soit régulièrement signifiée, un début d'exécution volontaire suffit à rendre cette décision opposable ; qu' or, il ressort de la procédure et des propos tenus par la prévenue que Mme Y... n'a pas fait obstacle à l'exercice de ce droit de visite médiatisé, que plusieurs rencontres ont eu lieu entre ses filles et la partie civile, en exécution de la décision du 14 mai 2013 ; que dès lors, la matérialité des faits est incontestable nonobstant l'absence de preuve de la signification de cette décision ; que concernant l'élément intentionnel de l'infraction, selon une jurisprudence constante si la résistance d'un enfant ou son aversion pour la personne qui les réclame ne saurait constituer pour celui qui a l'obligation de les représenter ni une excuse légale ni un fait justificatif, il en est autrement lorsqu'il a en vain user de son autorité et que seules des circonstances exceptionnelles expressément constatées l'ont empêché d'exécuter son obligation ; qu'en l'espèce Mme Y... affirme ne pas avoir été en mesure de contraindre Hanna et Aida de rencontrer leur père, à compter du 12 avril 2014 ; que la cour observe que les deux jeunes filles ont manifesté un rejet de leur père dès 2012, dans le cadre de l'expertise psychologique et de l'enquête sociale diligentée par le juge des affaires familiales par ordonnance du 2 mars 2012 ; qu' il ressort, en outre, du compte rendu établi par les responsables de l'Espace Rencontre de Toulon le 2 mai 2014 que malgré plusieurs rencontres, toutes organisées en présence d'un intervenant, les relations du père et de ses deux filles, Hannah et Aida, n'ont pas évolué et que les deux jeunes filles se sont réfugiées dans le mutisme alors que M. X... tentait de les persuader de ce qu'elles étaient victimes d'aliénation parentale, sans chercher à instaurer un dialogue avec elles ; que la situation de blocage est largement évoquée par l'auteur de ce compte-rendu qui précise la souffrance manifestée par les deux jeunes filles dès la première rencontre ; que la volonté des deux jeunes filles est demeurée identique par la suite comme le démontrent les courriers adressés par elles au conseiller chargé de la mise en état le 8 décembre 2014 et les termes de leurs auditions retranscrites par le conseiller chargé de la mise en état, le 21 avril 2015 ; qu'Aida a en effet déclaré vouloir faire comprendre qu'elle ne voulait pas voir son père, qu'elle en avait peur et ne se sentait pas en sécurité avec lui ; qu'elle a exprimé son regret que sa parole ne soit pas entendue précisant avoir été entendue par les services de police de Nice parce que son père avait déposé plainte suite à son refus de le voir dans le cadre du droit de visite ; qu'Hanna, a déclaré quant à elle vouloir être entendue sur son refus de voir son père, avoir été victime d'attouchements sexuels de la part de ce dernier, avoir clairement exprimé son refus de le voir lors des visites médiatisées ; qu'ainsi la résistance d'Hanna et Aida, adolescentes de 14 et 16 ans qui ont manifesté leur rejet de M. X... et leur refus de voir leur père à plusieurs reprises et dans des contextes différents, lors d'entretiens avec l'expert psychologue et de l'enquêteur social désignés par le juge des affaires familiales par ordonnance du 2 mars 2012, devant l'intervenant de l'espace rencontre, qui ont renouvelé leur refus aux termes de courriers adressés au juge des affaires familiales le 8 décembre 2014 et lors de leur audition devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à rencontre de la partie civile, constitue une circonstance exceptionnelle ayant empêché Mme Y... qui n'avait pas refusé de représenter les deux mineures à leur père à l'occasion de plusieurs visites organisées à l'espace rencontre, de les représenter lors du dernier rendez vous organisé le 12 avril 2014 par cet organisme puis dans le cadre du droit de visite octroyé par la suite à M. X... par le juge des affaires familiales aux termes de l'ordonnance d'incident du 23 octobre 2014 ; que dès lors en l'absence d'élément intentionnel, le délit de non représentation d'enfant n'est pas constitué et Mme Y... sera relaxée de ce chef ; (...) que la cour, infirmant la décision déférée, renverra Mme Y... Z... de la poursuite ; que sur l'action civile, que la cour infirmant également les dispositions civiles de la décision déférée recevra la constitution de partie civile de M. X... et le déboutera de ses demandes, en l'état de la relaxe ;
" alors qu'à moins de circonstances exceptionnelles, la résistance d'un mineur à l'égard de celui qui les réclame ne saurait constituer pour la personne qui a l'obligation de le représenter ni une excuse légale ni un fait justificatif ; que ne caractérise pas une circonstance exceptionnelle la seule manifestation, fût-elle persistance, du refus de mineures de voir leur père, fussent-elles adolescentes ; qu'en se bornant à constater, pour en déduire l'existence d'une circonstance exceptionnelle ayant empêché la prévenue de représenter ses filles mineures dans le cadre de l'exercice du père du droit de visite qui lui avait été accordé par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en- Provence en date du 14 mai 2013, rectifié le 5 novembre 2013, puis par ordonnance du juge aux affaires familiales en date du 23 octobre 2014, que ce refus, exprimé par des adolescentes, avait été persistant, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... et Mme Y... se sont mariés le 10 septembre 1986 ; que sur requête de M. X..., le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Marseille a, par ordonnance de non conciliation du 1er juin 2012, suspendu le droit de visite du père pour les deux derniers enfants mineurs,Aida et Hanna, nées respectivement les [...] ; que par arrêt du [...], la cour d'appel d'Aix-en-Provence a accordé à ce dernier un droit de visite médiatisé ; que, bien que leur mère les ait personnellement conduites jusqu'au lieu où s'exerçait le droit de visite médiatisé afin d'y rencontrer leur père, respectant en cela l'arrêt du 5 novembre 2013, les adolescentes, âgées de 14 et 16 ans, ont manifesté leur refus devant l'intervenant de l'espace rencontre de voir leur père ; que, par ordonnance d'incident du 23 octobre 2014, le juge a organisé un droit de visite du père les dimanches après-midi au domicile de la mère en présence de leur frère aîné ; que, bien que leur mère les ait maintenues à son domicile pour l'exercice des nouvelles modalités du droit de visite, les mineures ont refusé de voir leur père ; qu'elles ont confirmé leur refus par lettres adressées au juge aux affaires familiales le 8 décembre 2014 et lors de leur audition devant la cour d'appel le 21 avril 2015 ; que M. X... a fait citer directement Mme Y..., devant le tribunal correctionnel de Marseille par acte du 3 mars 2016, pour des faits de non représentation d'enfants commis entre le 12 avril 2014 et le 7 décembre 2014, de défaut de notification de changement de domicile commis entre le 13 juillet 2013 et le 7 octobre 2013, et de soustraction sans fraude ni violence, des enfants à l'exercice de l'autorité parentale du 13 juillet 2013 au jour de la citation ; que, sur l'exception d'incompétence soulevée par la prévenue, le tribunal correctionnel de Marseille, par jugement en date du 28 juin 2016 s'est déclarée incompétent territorialement ; que la partie civile a interjeté appel de cette décision ;
Attendu qu'après avoir annulé le jugement déféré, la cour d'appel, pour relaxer Mme Y... Z... de la poursuite, prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, sans insuffisance ni contradiction, la cour d'appel a justifié sa décision dès lors qu'il n'a pas été constaté par les juges le refus délibéré de la mère d'exécuter les décisions de justice et de remettre les enfants à la personne qui était en droit de les réclamer ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre mai deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.