N° F 17-82.321 F-D
N° 1174
CK
24 MAI 2018
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
-
M. Patrick X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 13 février 2017, qui, pour vol, l'a condamné à 1 500 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 avril 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de M. le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle COUTARD et MUNIER-APAIRE, de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Z... ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 311-1, 311-3 et 311-14 du code pénal, préliminaire, 427, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6, § 1 et § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme et des principes de la présomption d'innocence, du respect des droits de la défense et de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause, manque de base légale, dénaturation et défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit de vol de données informatiques commis courant octobre 2009 à Pont Eveque et dans les départements de l'Isère et du Rhône et l'a condamné au paiement d'une amende de 1 500 euros avec sursis et, sur l'action civile, l'a déclaré responsable du préjudice subi par la société Imhotep création et l'a condamné à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et matériel et celle de 3 500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
aux motifs propres que :
- sur l'action publique : sur la culpabilité : il n'est pas contesté que, dés début septembre 2009, M. X... savait que son employeur envisageait de se séparer de lui puis lui avait envoyé une correspondance, en date du 8 octobre 2009, le convoquant à un entretien préalable de licenciement et l'invitant, à réception du courrier à rendre les moyens professionnels mis à sa disposition ; que l'entretien a eu lieu le 19 octobre 2009 et la remise par M. X... de ses effets comprenant notamment son ordinateur portable a été consignée par procès-verbal ; que suivant correspondance, en date du 26 octobre 2009, la société Imhotep a notifié à M. X... son licenciement pour faute grave en lui reprochant un abandon de poste le mardi 6 octobre 2009, le fait d'avoir ‘vidé' entièrement son bureau et imprimé beaucoup plus de documents que d'habitude outre le fait d'avoir conservé à son domicile des éléments concernant l'entreprise et notamment des données informatiques et des photocopies de documents ; que M. X... a intenté un procès prud'homal à son employeur et appréhendé des documents à son insu ; qu'il a prétendu avoir capté ces documents qui lui avaient été remis dans le cadre professionnel, dans l'unique but d'assurer sa défense devant la juridiction prud'homale ; que par jugement du 23 novembre 2010, le conseil de prud'hommes a partiellement fait droit à la demande relative aux heures supplémentaires mais prononcé un sursis à statuer sur le bien-fondé du licenciement ; qu'il s'est prononcé sur l'abandon de poste dont la preuve n'avait pas été rapportée, en dépit d'une attestation d'un témoin, salarié de l'entreprise laquelle avait été contre-balancée par le certificat médical produit, en date du 7 octobre 2009 ; que le 17 mai 2011, le conseil de prud'hommes de Vienne a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce que l'employeur n'avait pas rapporté la preuve d'une violation de la charte informatique sur l'obligation de confidentialité et fixé à 62 400 euros le montant des dommages-intérêts dus au salarié pour ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre diverses autres indemnités ; que sur l'appel de la partie civile, la chambre sociale de la cour d'appel de Grenoble a sursis à statuer dans l'attente du sort de la procédure pénale en cours ; qu'il est établi et non contesté que M. X... a copié sur son ordinateur personnel un grand nombre de fichiers dont il avait la disposition à partir de son ordinateur professionnel ; que l'immunité bénéficiant au salarié est limitée au litige l'opposant à son employeur dans le cadre prud'homal ; que M. X... a indiqué au magistrat instructeur le 17 octobre 2011 qu'il savait dès le 7 septembre 2009 que son employeur envisageait de se séparer de lui, qu'il disposait des données informatiques litigieuses, dont beaucoup avaient été créées par lui dans le cadre de son activité professionnelle, que ces données visaient uniquement à justifier son nombre d'heures supplémentaires et qu'il avait dû agir dans la précipitation ce qui expliquait qu'il n'avait pas pu faire le tri entre toutes les données, ce qu'il avait pu faire par la suite en créant deux répertoires distincts et notamment celui intitulé ‘Prud'hommes' ; qu'or, il ressort du rapport d'expertise informatique du LIPS de Marseille que sur son disque dur personnel, le répertoire Imhotep 2008 correspondait à un espace volumineux de 41,2 GO et contenait de très nombreux fichiers sans rapport avec un procès prud'homal, tels des documents stratégiques de l'entreprise comme les documents d'analyses financières, d'offres de prix, de contrats, de présentations, de registre de la clientèle de la société ; que le Laboratoire de police scientifique a précisé avoir supprimé du disque dur les données du répertoire ‘Imhotep2008' à l'issue de ses opérations le 22 avril 2010 après les avoir gravées sur onze DVD, établissant de manière très concrète le volume des données informatiques appréhendées ; la restauration des données effacées par M. X... sur son ordinateur portable professionnel par le responsable informatique de la société Imhotep de 9,56 GO sur les 41,2 GO soit 12 433 fichiers répartis dans 6 331 dossiers est venue confirmer les conclusions du rapport d'expertise judiciaire puisqu'y figuraient des documents portant sur les dossiers de stratégie commerciale, des dossiers achats fournisseurs, prix et conditions d'achat, la nomenclature composants de produits, des analyses et mesures laboratoire du service technique, des informations concurrents, des cahiers des charges produits sur développement confidentiel avec des clients, des photos de produits vendus par la société, des informations logistiques et sur les coûts de transport... ; que si certains documents étaient personnels à M. X... comme il l'a prétendu devant le tribunal correctionnel en les évaluant à 80% des données, d'autres très nombreux d'après l'expertise informatique, étaient des fichiers protégés ; qu'il s'agissait des fichiers soumis à des procédures de gestion collective et propriété exclusive de la société ; qu'ils étaient, en application de l'article 5 de la charte informatique signée par tous les salariés y compris le prévenu, considérés comme confidentiels ; que leur copie même partielle ou la transmission à un tiers sans l'accord préalable du président de la société était interdite ; qu'il en était ainsi des documents suivants : - dossiers achats fournisseurs prix et conditions d'achat,
- dossiers clients Europe, offres de prix, conditions, données clients financières et stratégiques,
- listing complet pour mailing avec adresse et téléphone de l'ensemble des clients actifs, -nomenclature composants des produits,
- spécifications de production, réservées uniquement à la production, - spécifications techniques des produits, réservées au service de recherche et de développement ;
- analyse et mesures laboratoire du service technique,
- informations concurrents,
- contrats de vente confidentiels reliant l'entreprise aux clients,
- contrats d'agent,
- photos des produits vendus par la société,
- normes européennes encadrant les produits, réservées à la technique, - analyses comparatives des produits concurrents,
- informations assurance-crédit clients,
- listing des concessionnaires des clients,
- informations logistiques et coût de transport ; qu'aucune des justifications avancées à posteriori par M. X... sur les données ci-dessus listées pour justifier selon lui de la qualité de son travail, n'est en relation avec la question des heures supplémentaires, seul objectif qu'il poursuivait ainsi qu'il l'a déclaré devant le juge d'instruction ; qu'en effet, l'intéressé s'est borné ensuite à prétendre, de manière très floue et sans convaincre, que ces documents, sans lien direct avec ses heures supplémentaires, auraient pu lui permettre de justifier de la qualité de son travail ; que par ailleurs, il n'est pas contesté que M. X... a conservé son ordinateur professionnel chez lui du 6 octobre jusqu'au 19 octobre 2009, période pendant laquelle il a continué d'accéder à distance aux données de la société ; que par conséquent, l'argument de la précipitation dans laquelle M. X... se serait trouvé est inopérant à expliquer qu'il se soit approprié pendant toute cette période, des données de l'entreprise n'ayant aucun rapport avec un litige prud'homal, l'infraction étant en tout état de cause instantanément commise et les créations de sous répertoires du répertoire Imhotep 2008 ayant été opérées les 7, 13, et 14 octobre 2009 ; qu'ainsi, indépendamment des mobiles qui l'ont animé, de la valeur marchande des données ou de leur absence d'utilisation, l'appréhension par M. X... effectuée en nombre et à l'insu de son employeur des données qui n'étaient pas strictement nécessaires à l'exercice des droits de la défense dans le litige prud'homal les opposant est frauduleuse, M. X... reconnaissant lui-même n'avoir volontairement pas fait le tri entre les documents qu'il pouvait appréhender pour les besoins de sa défense et les autres données afin de disposer du maximum de documents ; que la cour confirme le jugement déféré quant à la déclaration de culpabilité s'agissant des documents suivants sans rapport avec le litige prud'homal projeté :
- dossiers achats fournisseurs prix et conditions d'achat,
- dossiers clients Europe, offres de prix, conditions, données clients financières et stratégiques,
- listing complet pour mailing avec adresse et téléphone de l'ensemble des clients actifs, -nomenclature composants des produits,
- spécifications de production, réservées uniquement à la production, - spécifications techniques des produits, réservées au service de recherche et de développement ;
- analyse et mesures laboratoire du service technique,
- informations concurrents,
- contrats de vente confidentiels reliant l'entreprise aux clients,
- contrats d'agent,
- photos des produits vendus par la société,
- normes européennes encadrant les produits, réservées à la technique, - analyses comparatives des produits concurrents,
- informations assurance-crédit clients,
- listing des concessionnaires des clients,
- informations logistiques et coût de transport ; que pour les autres données, le doute profite au prévenu qui doit être relaxé du surplus de la prévention ; sur la peine : que M. X... n'a jamais été condamné ; qu'il travaille comme gérant de société, perçoit des revenus de 2 500 euros par mois et verse une pension alimentaire de 400 euros par mois pour son enfant ; qu'il convient aussi de tenir compte du fait qu'il a agi alors qu'il se trouvait dans un contexte particulièrement conflictuel de licenciement ; que, dès lors, la peine de 1 500 euros d'amende avec sursis prononcée par le premier juge est adaptée, tant à la gravité des faits qu'a cette personnalité, ses revenus et ses charges ; qu'elle mérite confirmation ;
- sur l'action civile : sur la constitution de partie civile de la société Imhotep création : M. X... a causé un préjudice moral et matériel certain et direct à la partie civile par ses agissements fautifs ; que la constitution de partie civile de la société Imhotep création est recevable ; que la cour condamne M. X... à lui payer, à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice lié au détournement de données nombreuses et stratégiques de nature à remettre en cause sa crédibilité par rapport à ses clients la somme de 5 000 euros ; que le jugement déféré est réformé sur ce point ;
"et aux motifs adoptés que :
- sur l'action publique : M. X... ne conteste pas avoir effectué personnellement la copie de données informatiques sur des supports informatiques personnels ; que le fait qu'il ait créé, selon ses assertions au demeurant non démontrées, 80% des fichiers en cause est sans incidence sur le sort des poursuites : d'une part, il admet ce faisant que 20% des fichiers ne sont pas le fruit de son travail personnel ; d'autre part et surtout, il ne démontre pas pour autant être le propriétaire légitime des données informatiques en question ; qu'à titre subsidiaire, l'avocat de M. X... soutient que ces données avaient pour unique finalité d'être utilisées dans le cadre du litige prud'homal ; que le volume des données copiées a pu interroger, en ce sens que certaines d'entre elles ne sont pas utiles à l'objectif décrit par le prévenu ou, en tout cas, n'ont pas été utilisées dans le cadre de la procédure prud'homale ; que M. X... a d'ailleurs avec constance indiqué qu'il ignorait, lorsqu'il a effectué les copies, quels griefs son employeur allait articuler à son encontre et qu'il n'a donc pas opéré de sélection parmi les documents copiés ; que toutefois, le tribunal retient que M. X... a ainsi agi de manière prématurée : ne sachant pas quels reproches étaient articulés contre lui, il a copié en bloc tous les documents alors en sa possession, sans pouvoir déterminer lesquels lui seraient utiles pour sa défense devant le conseil des prud'hommes ; que c'est d'ailleurs pour cette raison que tous les documents retrouvés en copie n'ont pas été utilisés devant le conseil des prud'hommes ; qu'en outre, s'agissant de certains documents, tels que les fichiers de clientèle de son employeur, M. X... n'a pas été mesure d'expliquer de manière pertinente en quoi ceux-ci étaient susceptibles de lui être utiles pour la défense de ses intérêts dans le cadre de l'instance prud'homale ; qu'en définitive, il est établi que le prévenu a reproduit sans l'autorisation de son employeur des documents de l'entreprise, alors que ces derniers n'étaient pas tous strictement nécessaires à l'exercice de ses droits devant le conseil des prud'hommes ; qu'il résulte en conséquence des éléments du dossier et des débats que les faits reprochés à M. X... sont établis ; qu'il convient de l'en déclarer coupable et d'entrer en voie de condamnation ; que M. X... n'a pas été condamné au cours des cinq années précédant les faits pour crime ou délit de droit commun aux peines prévues par les articles 132-30, 132-31 et 132-33 du code pénal ; qu'il peut, en conséquence, bénéficier du sursis simple dans les conditions prévues par les articles 132-29 à 132- 34 de ce même code ; qu'il convient de le condamner au paiement d'une amende délictuelle de 1 500 euros avec sursis, cette peine prenant en compte le contexte particulier de commission de l'infraction emportant condamnation ;
- sur l'action civile : il convient de déclarer recevable en la forme la constitution de partie civile de M. Fabrice A... représentant légal de la société Imhotep création ; que M. A... représentant légal de la société Imhotep création sollicite les sommes suivantes :
- dix mille euros (10 000 euros) en réparation du préjudice subi ;
- trois mille cinq cents euros (3 500 euros) en vertu de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; qu'il convient de déclarer M. X... responsable du préjudice subi par la société Imhotep création ; au vu des éléments du dossier et des débats, il convient de faire droit partiellement à la demande de la partie civile et de lui allouer la somme de cinq cents euros (500 euros) à titre de dommages-intérêts ; qu'en effet, ne peut être réparé à ce titre qu'un préjudice effectivement subi par la partie civile, et non pas un préjudice éventuel ; que celle-ci suppute que M. X... a dérobé diverses données ‘manifestement' pour les utiliser dans le cadre de son activité professionnelle actuelle de consultant ; qu'en l'état, cela n'est pas démontré, puisqu'il n'est pas établi que M. X... ait fait un quelconque usage des données et documents volés à son employeur, exception faite de ceux produits devant le conseil des prud'hommes ;
"1°) alors que le juge ne peut relever d'office un moyen sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations ; que M. X... faisait valoir que dans la hâte, il n'avait pas pu effectuer de tri entre les données copiées lors de son départ de l'entreprise le 6 octobre 2009 et que, partant, le fait que certains des fichiers copiés se soient ultérieurement révélés être sans lien direct avec la procédure prud'homale engagée contre son employeur n'excluait pas l'absence d'intention frauduleuse au moment où il avait copié ces fichiers ; que pour rejeter cette explication, la cour d'appel a affirmé qu'il n'était pas contesté que M. X... avait continué à accéder à distance aux données de la société entre le 6 octobre et le 19 octobre 2009 et que, partant, l'argument de la précipitation dans laquelle il se serait trouvé était inopérant à expliquer qu'il se soit approprié pendant toute cette période des données de l'entreprise n'ayant aucun rapport avec un litige prud'homal ; qu'en relevant d'office le moyen pris de ce que M. X... aurait continué à accéder à distance aux données de la société entre le 6 octobre et le 19 octobre 2009 pour en déduire que son intention frauduleuse était établie, sans avoir au préalable invité le prévenu à présenter ses observations sur ce moyen, la cour d'appel a méconnu les principes du respect des droits de la défense et du caractère équitable de la procédure en violation des textes susvisés ;
"2°) alors que le simple accès à distance à des données appartenant à autrui ne caractérise pas leur appropriation en l'absence de tout acte d'appréhension ou de reproduction ; que pour rejeter l'explication de M. X... tirée de ce que dans la hâte, il n'avait pas pu effectuer de tri entre les données copiées lors de son départ de l'entreprise le 6 octobre 2009, la cour d'appel ne pouvait affirmer qu'il s'était « approprié » des données de l'entreprise n'ayant aucun rapport avec un litige prud'homal entre le 6 octobre et le 19 octobre, en se bornant à relever qu'il avait « continué d'accéder à distance aux données de la société » pendant cette période, sans constater aucun acte de sa part d'appréhension ou de reproduction de ces données pendant ladite période ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
"3°) alors que pour que l'infraction de vol soit constituée, il faut que l'intention frauduleuse soit concomitante à la soustraction de la chose d'autrui et le seul fait qu'une quantité importante de données appréhendées ne soit ultérieurement pas utilisée par le salarié pour sa défense dans le litige prud'homal l'opposant à son employeur n'exclut pas qu'au moment de leur appréhension, le salarié ait pu avoir pour unique but d'appréhender des données susceptibles d'être utiles à sa défense devant la juridiction prud'homale, a fortiori lorsqu'il agit dans l'urgence, sous la crainte d'être licencié pour faute, encore ignorant des griefs qui seront formulés par son employeur et du cadre exact d'une future procédure prud'homale ; qu'en l'espèce, dès lors qu'il résultait des propres énonciations de l'arrêt et du jugement qu' « il n'est pas contesté que, dès début septembre 2009, M. X... savait que son employeur envisageait de se séparer de lui puis lui avait envoyé une correspondance en date du 8 octobre 2009 le convoquant à un entretien préalable de licenciement » ; qu'il indiquait avec constance que lorsqu'il avait effectué les copies, il ignorait quels griefs son employeur allait articuler à son encontre et n'avait donc pas opéré de sélection parmi les documents copiés, qu'il « a[vait] agi alors qu'il se trouvait dans un contexte particulièrement conflictuel de licenciement [et qu'il] craignait d'être licencié pour faute », et qu'il n'était pas établi qu'il « ait fait un quelconque usage des données et documents volés à son employeur, exception faite de ceux produits devant le conseil des prud'hommes », la cour d'appel ne pouvait le déclarer coupable de vol au prétexte que de nombreuses données appréhendées s'étaient ensuite révélées ne pas être strictement nécessaires à l'exercice de ses droits de la défense dans le litige prud'homal l'opposant à son employeur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
"4°) alors que toute personne est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et le doute doit profiter à l'accusé ; que le doute sur l'intention frauduleuse équivaut à l'absence d'intention et doit entraîner la relaxe ; qu'en l'espèce, dès lors qu'il n'était pas contesté que M. X... savait que son employeur envisageait de le licencier mais qu'il ignorait pour quel motif et qu'il lui avait été demandé de remettre son ordinateur portable à l'employeur, M. X... avait fait valoir « qu'il avait dû agir dans la précipitation, ce qui expliquait qu'il n'avait pas pu faire le tri entre toutes les données » litigieuses ; qu'en cet état, il existait à tout le moins un doute sur l'existence d'une intention frauduleuse de M. X... au moment où il avait copié les données, doute qui aurait dû lui profiter ; qu'en le déclarant néanmoins coupable de vol, la cour d'appel a méconnu le principe de la présomption d'innocence et les textes susvisés ;
"5°) alors que pour que l'infraction de vol soit constituée, il faut que l'intention frauduleuse soit concomitante à la soustraction de la chose d'autrui ; que selon les propres constatations de l'arrêt, M. X... n'avait créé des sous-répertoires afin de trier les données que les 7, 13 et 14 octobre 2009, soit postérieurement à la copie des données le 6 octobre 2009, ce dont il résultait qu'au moment précis de la copie des données, il n'avait pas volontairement copié des données qu'il savait insusceptibles d'être utiles à sa défense dans le cadre de la procédure prud'homale qu'il comptait engager contre son employeur ; qu'ainsi, la condition tenant à la concomitance entre l'intention frauduleuse et la soustraction n'était pas remplie ; qu'en jugeant néanmoins que l'infraction de vol était constituée en tous ses éléments au motif que M. X... reconnaissait n'avoir volontairement pas fait le tri entre les données afin de disposer du maximum de documents, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
"6°) alors que les motifs contradictoires équivalent à une absence de motifs ; que pour juger que de nombreuses données appréhendées n'étaient pas strictement nécessaires à l'exercice des droits de la défense de M. X... dans le litige prud'homal l'opposant à son employeur, la cour d'appel ne pouvait affirmer que le seul l'objectif qu'il poursuivait en appréhendant ces données était de pouvoir justifier devant la juridiction prud'homale du nombre d'heures supplémentaires qu'il avait effectuées, après avoir elle-même énoncé, par motifs propres et adoptés, qu'il « a[vait] agi alors qu'il se trouvait dans un contexte particulièrement conflictuel de licenciement [et qu'il] craignait d'être licencié pour faute » et « qu'il ignorait, lorsqu'il a[vait] effectué les copies, quels griefs son employeur allait articuler à son encontre » ; qu'en statuant par de tels motifs contradictoires, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs ;
"7°) alors qu'il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ; que pour juger que de nombreuses données appréhendées n'étaient pas strictement nécessaires à l'exercice des droits de la défense de M. X... dans le litige prud'homal l'opposant à son employeur, la cour d'appel ne pouvait affirmer qu'il se bornait à prétendre que l'objectif qu'il poursuivait en appréhendant ces données était de pouvoir justifier devant la juridiction prud'homale de la qualité de son travail et du nombre d'heures supplémentaires qu'il avait effectuées, quand il faisait valoir, d'une part, que l'appréhension desdites données avait pour finalité de préparer sa défense prud'homale sur deux axes majeurs : se défendre face au licenciement, dont il ne connaissait pas à ce stade le motif, et établir l'existence d'un nombre important d'heures supplémentaires et, d'autre part, que certaines des données appréhendées avaient pour but de justifier sa rentabilité dans le cadre d'une future contestation de son licenciement devant la juridiction prud'homale ; qu'il produisait en outre un tableau dans lequel il indiquait la finalité attendue de chaque document appréhendé, dont il ressortait que certains documents avaient pour but de justifier la rentabilité des affaires qu'il gérait et non la qualité de son travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé les conclusions du prévenu et le tableau qu'il versait aux débats en violation des principes et des textes susvisés" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 2, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, 1240 du code civil et des principes de la présomption d'innocence et de la réparation intégrale du dommage, manque de base légale et défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a, sur l'action civile, déclaré M. X... responsable du préjudice subi par la société Imhotep création et l'a condamné à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et matériel et celle de 3 500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
"aux motifs que :
- sur la constitution de partie civile de la société Imhotep création : M. X... a causé un préjudice moral et matériel certain et direct à la partie civile par ses agissements fautifs ; que la constitution de partie civile de la société Imhotep création est recevable ; que la cour condamne M. X... à lui payer, à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice lié au détournement de données nombreuses et stratégiques de nature à remettre en cause sa crédibilité par rapport à ses clients la somme de 5 000 euros ; le jugement déféré est réformé sur ce point ;
"alors que le principe de la réparation intégrale exclut la réparation d'un préjudice purement éventuel et si la vraisemblance du préjudice suffit à ouvrir à la partie civile le droit de se constituer devant le juge d'instruction, celle-ci doit en revanche démontrer l'existence d'un préjudice certain devant la juridiction de jugement ; qu'en l'espèce, pour condamner M. X... à payer à la société Imhotep des dommages-intérêts d'un montant supérieur à celui fixé par le tribunal correctionnel, la cour d'appel ne pouvait se borner à retenir que le détournement de données nombreuses et stratégiques était « de nature à remettre en cause sa crédibilité par rapport à ses clients », sans vérifier ni constater que M. X... aurait utilisé les données détournées pour contacter des clients de la société Imhotep, ce qu'il avait constamment nié et que le tribunal correctionnel avait jugé non établi ; qu'en réparant ainsi un préjudice purement éventuel, la cour d'appel a méconnu les exigences des textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 20 septembre 2010, la société Imhotep Création a porté plainte avec constitution de partie civile pour vol et abus de confiance contre son ancien salarié, M. X..., exposant que l'intéressé avait été licencié pour faute grave le 26 octobre 2009, au motif qu'il avait abandonné son poste de travail de façon préméditée le 6 octobre 2009, en emportant avec lui du matériel qu'il n'avait pas totalement restitué et en détournant des données informatiques importantes pour la société ; qu'une information a été ouverte le 30 mai 2011, dans le cadre de laquelle M. X..., ayant initialement bénéficié du statut de témoin assisté, a finalement été mis en examen puis renvoyé devant le tribunal correctionnel, au terme d'un arrêt partiellement infirmatif en date du 14 mai 2014 ; que par jugement en date du 6 février 2015, le prévenu a été déclaré coupable de vol, condamné à une peine de 1 500 euros d'amende, le tribunal prononçant sur les intérêts civils ;
Attendu que, statuant sur appel du prévenu et du ministère public, l'arrêt, pour retenir la culpabilité de l'intéressé, relève, notamment, que, dès le 8 octobre 2009, M. X... a été convoqué en vue d'un entretien préalable à son licenciement ; qu'il a copié sur son ordinateur personnel un grand nombre de fichiers contenant des documents appartenant à l'entreprise ; que si, pour certains documents concernés, un doute existait sur le caractère frauduleux de leur appréhension, doute devant bénéficier au prévenu et justifier une relaxe partielle, d'autres, en revanche, énumérés par la cour d'appel, n'étaient pas en rapport avec le litige prud'homal à venir, lequel était destiné avant tout, selon les indications du prévenu lui-même, à justifier ses heures supplémentaires ; que les juges ajoutent, pour condamner M. X... au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, que l'intéressé a causé à la société Imhotep Création, par ses agissements fautifs, un préjudice moral et matériel certain et direct ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'a relevé d'office aucun moyen de droit, a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. Patrick X... devra payer à la société Imhotep Création au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre mai deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.