CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10342 F
Pourvoi n° T 17-19.266
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Ability conseil, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 21 février 2017 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme Sandrine X..., domiciliée [...] ,
2°/ à M. Philippe Y..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 avril 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme D..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de Me Z..., avocat de la société Ability conseil, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mme X... ;
Sur le rapport de Mme D..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ability conseil aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par Me Z..., avocat aux Conseils, pour la société Ability conseil.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Ability Conseil de ses demandes ;
AUX MOTIFS QU' en application des dispositions de l'article 1315 du code civil ainsi que l'a justement rappelé le tribunal, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver, étant rappelé que la seule émission de factures par celui qui se prétend créancier ne saurait constituer une telle preuve ; qu'aucun élément de la procédure ne permet d'affirmer que l'indivision X...-Y... a mandaté la société Ability Conseil pour piloter les travaux de réhabilitation des dépendances, étant relevé que c'est cette société qui a elle-même invoqué la notion de mandat dans son assignation, même si elle n'a pas visé les articles 1984 et suivants du code civil, de telle sorte qu'elle est particulièrement mal venue à reprocher au tribunal de s'être trompé de qualification juridique ; que la cour observe d'ailleurs que dans ses présentes écritures, la société Ability Conseil continue à viser la notion de mandat en indiquant en page 2 : « C'est la société Ability Conseil, dont M. Y... est associé, qui a été mandatée pour piloter les travaux de réhabilitation des dépendances », tout en invoquant en même temps la notion de contrat d'entreprise en page 9 : « En réalité, la qualification juridique des relations entre les parties s'apparente à un contrat d'entreprise » ainsi que le confirme le visa des articles 1710 et suivants du code civil dans le dispositif de ses conclusions ; que s'agissant du contrat d'entreprise qui résulterait de ce que l'indivision aurait confié la direction des travaux, le choix des entreprises et leur paiement à la société Ability Conseil, il ne peut valablement être argué par cette dernière que l'absence d'écrit résulterait du climat de confiance qui existait alors entre les parties ; qu'outre que sur la première facture du 31 décembre 2011, il n'est nullement mentionné à quelle date ont été commandés et exécutés les travaux qui y sont mentionnés, il convient de noter qu'elle a été émise après la séparation du couple, donc à un moment où le climat de confiance n'existait plus, tout comme lors de l'édition de la seconde facture du 1er juin 2012 ; que l'absence de contestation par Mme X... de l'une des factures dont le duplicata lui a été envoyé par LRAR du 20 mars 2012 ne saurait valoir reconnaissance de la conclusion d'un contrat d'entreprise par l'indivision avec la société Ability Conseil ; que les pièces versées aux débats ne peuvent constituer un faisceau d'indices militant en faveur de l'existence d'un contrat d'entreprise conclu avec l'indivision ; qu'en effet : - le compte de résultat et le grand livre général 2009-2010 de la société Ability Conseil qui avait son siège social à « [...] », l'aveu passé par M. Y... dans ses conclusions récapitulatives devant le tribunal de grande instance de Créteil, le jugement rendu le 27 juin 2014 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Créteil, établissent qu'en réalité la société Ability Conseil était locataire, en vertu d'un bail commercial, des dépendances dans lesquelles ont été réalisés les travaux litigieux ; - les factures d'achat de fournitures et les factures des entreprises ayant réalisé des travaux d'aménagement des chambres d'hôtes et du jardin, sont établies exclusivement au nom de la société Ability Conseil ; - les attestations de M. A..., Mmes B... et C... témoignent que l'activité de chambre d'hôtes devait se développer via la société Ability Conseil créée par M. Y..., ce qui était corroboré par le document intitulé « mission de présentation des comptes annuels » de l'Eurl Ability Conseil pour l'exercice clos le 31 décembre 2010 ; - le procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 5 juillet 2011, établit que les chambres d'hôtes réalisées dans les dépendances étaient meublées avec des meubles appartenant quasi-exclusivement à la société Ability Conseil, que dans ces dépendances étaient aménagés un hall d'accueil et un bureau destinés à recevoir les clients et dont M. Y... a déclaré que l'ensemble appartenait à la société Ability Conseil ; - le business plan et le compte de résultat prévisionnel de l'activité de chambres d'hôtes, avec une hypothèse haute et une hypothèse basse, présentés à la banque pour l'obtention du prêt, sont établis au nom de la société Ability Conseil ; que ces éléments démontrent que les travaux d'aménagement des dépendances dont la société Ability Conseil avait la jouissance exclusive, ont été effectués pour les seuls besoins de son activité ; que compte tenu de l'autonomie du droit fiscal, il n'y a pas lieu pour la cour de statuer sur l'argumentation relative aux avantages fiscaux dont la société Ability Conseil entendait bénéficier en installant une activité de chambre d'hôtes à « [...] », étant en outre relevé que la société appelante ne produit qu'un élément partiel de la procédure fiscale, en l'espèce une réponse de l'administration aux observations du contribuable datée du 17 juin 2013, qui ne démontre en rien l'existence d'un contrat d'entreprise avec l'indivision ; que la demande formée conjointement en 2010 par Mme X... et M. Y... auprès de la Fondation du Patrimoine pour l'obtention du label délivré par cette dernière est sans rapport avec la présente procédure, la société Ability Conseil reconnaissant elle-même en page 6 de ses conclusions que la subvention obtenue par l'indivision auprès de la Fondation du Patrimoine concernait les travaux extérieurs des dépendances ;
ALORS QUE les juges du fond doivent rechercher la commune intention des parties, sans s'arrêter à des dispositions contractuelles manifestement dictées par des considérations d'optimisation fiscale ; que dans ses écritures d'appel (conclusions signifiées le 7 avril 2015, p. 8, alinéas 7 et 8 et p. 1 à 4), la société Ability Conseil faisait valoir qu'elle n'avait pas à supporter le montant de travaux qui n'avaient été réalisés que dans l'intérêt et pour le compte de l'indivision X...-Y..., dans la mesure où elle n'avait été créée que dans un but d'optimisation fiscale, de manière à permettre à la véritable bénéficiaire des travaux litigieux, l'indivision X...-Y..., d'éluder la TVA et de bénéficier du régime fiscal applicable aux sociétés, stratagème artificiel qui avait d'ailleurs donné lieu à un redressement fiscal ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'indivision X...-Y... n'était pas la seule débitrice du montant des travaux en cause, nonobstant l'interposition de la société Ability Conseil dans un but d'optimisation fiscale, la cour d'appel, qui a invoqué à tort le principe « d'autonomie du droit fiscal » pour se soustraire à cette recherche de la volonté des parties, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1101 nouveau du code civil.