CIV 3
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10269 F
Pourvoi n° P 17-18.181
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Couvrest, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 23 février 2017 par la cour d'appel de Metz (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Saint-Michel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 avril 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Pronier , conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Couvrest, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Saint-Michel ;
Sur le rapport de M. Pronier , conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Couvrest aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Couvrest ; la condamne à payer à la société Saint-Michel la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Couvrest
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Couvrest à payer à la société Saint Michel la somme de 58 462 € ttc augmentée des intérêts de retard, à compter du 3 juin 2014, avec capitalisation, et de l'avoir déboutée de sa demande en paiement, par la société Saint Michel, de la somme de 88 243 € ttc augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, avec capitalisation,
AUX MOTIFS QUE sur le contexte de l'expertise judiciaire de M. Y..., le 26 juin 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Metz a confié une expertise judiciaire à M. Y..., sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ; que la mission dévolue à l'expert comprenait notamment un examen de l'ensemble des travaux réalisés, la vérification de ce que toutes les réserves émises le 1er décembre 2011 avaient été levées et dans la négative, la détermination et l'évaluation des travaux à réaliser, l'indication de l'existence de désordres, leur description et leur impact sur l'usage ou la destination des ouvrages, et enfin la prise de connaissance de l'avenant n° 2, et du décompte général définitif présenté par la société Couvrest, ainsi que l'établissement de l'arrêté de comptes entre les parties ; que l'ordonnance de référé impartissait un délai expirant le 15 décembre 2012, pour le dépôt de son rapport, précédé un mois auparavant d'un pré rapport ; que l'expert a réuni les parties le 20 septembre 2012, et a déposé une note de synthèse préalable au rapport définitif le 18 juillet 2013 ; qu'au visa de ce pré rapport, l'expert a imparti aux parties un délai expirant le 20 août 2013, pour la communication de leurs dires ; qu'il sera observé de première part, que l'expert n'a pas été en mesure de satisfaire aux délais fixés par l'ordonnance du 26 juillet 2012, contrairement aux dispositions de l'article 239 du code de procédure civile ; que de deuxième part, le 28 août 2013, soit en dehors des délais fixés par l'expert et après le dépôt du rapport, la société Saint Michel a transmis à M. Y... un dire ; qu'en conséquence, sans déroger aux dispositions du code de procédure civile régissant la matière expertale, M. Y... a pu impartir un délai d'un mois aux parties pour communiquer leurs dires ; que l'argument évoqué par la société Saint Michel tendant à faire valoir que ce délai se situant en période estivale, il lui était difficile de transmettre son dire dans les temps manque singulièrement de pertinence ; qu'en effet, la société Saint Michel a pu adresser un dire circonstancié à l'expert le 28 août 2013, soit à une date se situant encore en période estivale ; qu'il appartenait à la société Saint Michel d'exposer à l'expert avant le 20 août 2013 la difficulté rencontrée comme les problèmes familiaux auxquels le gérant de la société Saint Michel avait été confronté ; qu'il s'en déduit qu'aucun grief quant aux conditions d'exécution de l'expertise n'est recevable, comme est sans emport sur les constatations et conclusions de l'expert le fait que le rapport ait été déposé le lendemain de la date d'échéance, accordée aux parties pour transmettre leurs dires ; qu'à cet effet il est utile de rappeler que M. Y... avait déjà établi conformément à sa mission dès le 18 juillet 2013, une note de synthèse comprenant déjà la quasi totalité du contenu du rapport final, l'expert ne pouvant être tenu pour responsable des lenteurs d'une partie ; que cependant, il convient d'observer que le dire du 28 août 2013 de la société Saint Michel figure parmi les pièces versées aux débats ; qu'ainsi que l'indiquent pertinemment les premiers juges en se référant à l'article 246 du code de procédure civile, le juge n'est pas lié par les constatations ou conclusions du technicien ; qu'en conséquence, il ne saurait être automatiquement retenu le calcul de l'expert judiciaire aux motifs que les parties n'ont pas adressé dans les délais impartis un dire (Cass Civ. 3ème 23 mars 1994) ; que sur la détermination du coût des travaux de reprise, M Y... a constaté sur site l'existence d'imperfections et de malfaçons, et des réserves non levées par rapport à la liste établie le 1er décembre 2011 ; qu'ainsi, -dans l'Espace I, sur la façade Est, il est noté une courbure de l'auvent empêchant la réserve d'être levée ; une rectification à effectuer en ce qui concerne l'alignement des bavettes, et leur verticalité et des décrochements entre les cassettes ; *sur la façade Sud, l'expert observe que les défauts de verticalité et d'alignement ne sont pas levés, que la reprise des cassettes supérieures des arches et l'alignement sur le bandeau n'est pas réalisé, ainsi qu'un défaut d'alignement au dessus de l'entrée, vers la façade ouest ; qu'en outre, M. Y... constate des défauts d'horizontalité, sur le plafond du sas de l'entrée ; une très mauvaise exécution des fixations des tôles en partie supérieure, un défaut d'alignement de la tôle au dessus de l'entrée du bâtiment exposition Est, une très mauvaise réalisation des fixations sur les angles avec poinçonnement de la tôle, des déformations des habillages sous linteau, avec des fixations mal réalisées, et un écart de 5 cm sur la partie gauche du linteau avec une très mauvaise exécution de la jonction entre deux profilés ; *sur la façade Ouest, l'expert considère que la liaison retour bandeau est à reprendre, et remarque un léger affaissement sous l'auvent ; qu'enfin il préconise un alignement du larmier en pied de bardage R1 ; -dans l'Espace III, M. Y... note la nécessité de reprendre le retour en angle en partie supérieure et de descendre les jambages des portes jusqu'en partie inférieure ; que de même, l'appui de fenêtre est mal réalisé et le jambage est déformé, tout comme celui de la porte arrière entrée atelier qu'il convient de remplacer, outre le tuilage des lames en sous face de l'auvent ; -dans l'Espace IV, *sur la façade Est l'expert préconise de reprendre le bardage entre l'appui et l'angle ainsi que la cornière d'angle entre cassette et auvent, de nettoyer les cassettes, de reprendre l'horizontalité des couvertines et enfin, de réaliser la mise en place des bavettes dessus les châssis en sous face de cassettes ; *sur la façade nord, il recommande de corriger l'horizontalité de la cassette de mettre en conformité une cassette décrochée à droite de l'entrée partie haute, de mieux fixer le bardage en angle d'une entrée ainsi que des cassettes et des cornières d'angle ; que pour la reprise de cet ensemble de travaux, M. Y... estime que les travaux nécessaires représentent un coût de 15 548 € ttc, somme à laquelle il faut ajouter 1555 € ttc pour la maîtrise d'oeuvre qui garantira une bonne exécution ; qu'il convient de relever que l'expert ne ventile pas la somme arrêtée entre les différents travaux à réaliser et qu'il considère les chiffres par lui avancés comme une simple estimation, et qu'à cet égard, il requiert la communication de devis détaillés ; que la cour, dans son appréciation souveraine, a la faculté de fonder sa décision à partir des divergences existant entre les conclusions de M. Y... et celles d'expertises officieuses versées aux débats par les parties (Z.... 2ème 29 octobre 1980) ; qu'à ce titre, la société Saint Michel produit une consultation réalisée le 22 août 2013 par M. A..., dont il s'évince que les travaux à effectuer selon M. Y... peuvent être fixés à un coût de 72 700 € ht réactualisé à 87 324 € ttc se décomposant comme suit : -Travaux Espace II : pour les quatre façades, un total de 36 633 € -Travaux Espace IV : pour les quatre façades un total de 36 136€ ; qu'il convient de relever que M. A... ne reprend pas dans ses évaluations les travaux dont M. Y... prônait la réalisation dans l'Espace III, et l'Espace I, mais décrit un Espace II nullement présent dans le rapport de l'expert judiciaire ; que la société Saint Michel a fait évaluer les travaux tels que décrits par M. A... par la société Emb le 15 mai 2014, laquelle aboutit au coût total de reprise de 85 750 € ht ; que la société Emb estime le coût des travaux de l'Espace II à 44 290 € pour les quatre façades
et s'agissant de l'Espace IV, à celle de 41 460 € pour les quatre façades ; qu'il convient d'observer dès ce stade que le devis de la société Emb s'apparente à une simple actualisation des travaux tels que déterminés par M. A... ; qu'il existe cependant un certain nombre d'incohérences non explicitées par l'auteur du devis, comme par exemple le fait que M. A... a évalué à la somme de 4144 € les travaux pour la façade Ouest comme pour la façade Est de l'Espace IV, alors que les travaux à effectuer sont strictement identiques tandis que le société Emb les fixe respectivement à 4910 € et à 4820 €, alors même qu'il n'est pas prétendu que la société Emb s'st déplacée in situ, pour faire ses propres constatations ; qu'un rapport de visite a été effectué par M. B..., économiste du bâtiment, à partir de la liste de réserves établie le 1er décembre 2011, et de la liste constat dressée par M. Y... le 21 août 2013 ; que M. B... fait valoir que, lors de sa visite, une majorité des réserves et des désordres évoqués par M. Y... n'avait pas été levés ; qu'aux termes de ses constatations, l'expert a évalué les travaux de reprise à accomplir à la somme de 66 922 € ht soit 80 307 € ttc à laquelle il convient d'ajouter la somme de 9000 € ttc, dans l'hypothèse de remplacement de matériaux non utilisables après dépose soit un montant maximum de 89 307 € ttc ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que les évaluations effectuées par M. A... et la société Emb doivent être écartées dans la mesure où elles ne se fondent sur aucun élément objectivement et personnellement constaté ; qu'en revanche, le travail accompli par M. B... mérite d'être validé, en ce que d'une part, il a pris en compte les constatations de l'expert Y..., les a confrontées aux réserves dûment établies le 1er décembre 2011 et d'autre part, s'est rendu sur les lieux pour apprécier l'état réel des réserves, qu'il s'ensuit que l'évaluation du coût des travaux de reprise telle que présentée par M. Y..., lequel avait d'ailleurs émis des réserves dans l'attente de communication de devis détaillés, ne saurait être retenue ; qu'il convient de prendre en compte en contrepartie le coût proposé par M. B... soit 80 307 € ttc somme à laquelle il convient d'ajouter un montant de 3500 € pour les matériaux non réutilisés après dépose soit au total une somme de 84 507 € ;
1) ALORS QUE les parties doivent remettre sans délai à l'expert tous les documents que celui-ci estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission ; que le juge tire de l'abstention d'une partie toute conséquence de sa défaillance, sans pouvoir pallier la carence d'une partie défaillante et retenir comme probant un avis qu'elle s'était abstenue de transmettre à l'expert qui lui en avait fait la demande ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la société Saint Michel avait demandé de voir ordonner une expertise pour constater les réserves non levées et les malfaçons, évaluer le coût des travaux de reprise et faire les comptes avec la société Couvrest puis s'était abstenue, au cours des opérations d'expertise, de transmettre les devis demandés par l'expert, mais avait demandé ultérieurement l'évaluation amiable de ces mêmes travaux à trois techniciens, avis par lesquels elle a étayé sa contestation des conclusions de l'expert judiciaire ; que néanmoins, la cour d'appel n'a pas examiné les conséquences de la carence de la société Saint Michel au cours des opérations d'expertise et a adopté une évaluation amiablement obtenue après le dépôt du rapport d'expertise ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 275 du code de procédure civile, ensemble l'article 160 du même code ;
2) ALORS QUE pour écarter les conclusions de l'expert judiciaire, la cour d'appel, qui n'a pas retenu que les investigations n'avaient pas été suffisantes, s'est bornée à relever qu'il n'avait pas ventilé la somme arrêtée entre les travaux et qu'il avait considéré que ses chiffres étaient une estimation, faute pour la société Saint Michel de lui avoir transmis les devis détaillés qu'il lui avait demandés ; que toutefois, la cour d'appel a arrêté le coût des travaux de reprise en considération de l'avis donné par M. B..., économiste en bâtiment, qui n'avait pas appuyé son évaluation du coût des travaux sur les devis comparés d'entreprises qu'il aurait consultées, mais sur sa propre estimation, émise après une visite du site trois ans après l'expert, sans s'expliquer sur le fait que celle-ci était quatre fois supérieure à celle de M. Y..., expert judiciaire ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas justifié d'écarter les conclusions du rapport d'expertise judiciaire ni de retenir l'avis amiablement obtenu de M. B... mais qui a condamné la société Couvrest à payer la somme estimée par M. B... du coût des travaux de reprise, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.