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24/05/2018 | FRANCE | N°16-86.851

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na, 24 mai 2018, 16-86.851


N° J 16-86.851 F-D

N° 1179


ND
24 MAI 2018


REJET


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


-
La société civile immobilière Résidence du Soleil,


contre

l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 13 septembre 2016, qui, pour proxénétisme et blanchiments aggravés, l'a condamnée à 100 000 euros d'amen...

N° J 16-86.851 F-D

N° 1179

ND
24 MAI 2018

REJET


M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
La société civile immobilière Résidence du Soleil,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 13 septembre 2016, qui, pour proxénétisme et blanchiments aggravés, l'a condamnée à 100 000 euros d'amende et a ordonné la confiscation de l'immeuble ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 avril 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme X..., conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire X..., les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Y... ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que les policiers du service régional de police judiciaire de Toulouse ayant été informés de ce que plusieurs jeunes femmes se livreraient à la prostitution dans un immeuble situé au [...] via des annonces publiées sur le site internet «Vivastreet», leurs investigations ont révélé que l'immeuble en cause était composé de treize appartements et appartenait à la société civile immobilière Résidence du Soleil dont le gérant était M. Jean-Marc Z... ; que le 4 mars 2014, une information judiciaire a été ouverte contre personne non dénommée du chef de proxénétisme aggravé puis a été étendue par réquisitoire supplétif du 27 mars 2014 à des faits de blanchiment aggravé ; que le juge d'instruction a renvoyé M. Z... et la société civile immobilière Résidence du Soleil devant la juridiction correctionnelle de ces deux chefs ; que par un jugement du 21 juillet 2015, le tribunal correctionnel de Toulouse les a tous deux déclarés coupables des faits qui leur étaient reprochés, a condamné la société civile immobilière Résidence du Soleil à une amende de 100 000 euros et a ordonné la confiscation de l'immeuble situé au [...] ; que la société civile immobilière Résidence du soleil et le ministère public ont relevé appel de ce jugement ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 32, 485, 486, 510, 512, 591 et 592 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a rejeté la demande de renvoi, a reconnu la SCI Résidence du Soleil coupable des chefs de proxénétisme aggravé et de blanchiment aggravé, l'a condamnée à une amende d'un montant de 100 000 euros et a ordonné la confiscation de l'immeuble situé au [...] ;

"alors que la présence du ministère public s'impose à l'audience de lecture et doit être constatée à la minute du jugement ; qu'en l'espèce, en ne précisant pas si le ministère public était présent à l'audience de prononcé de l'arrêt, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer de la régularité de la procédure et de la légalité de sa décision" ;

Attendu que la décision attaquée mentionne en son premier paragraphe que l'arrêt a été prononcé publiquement le mardi 13 septembre 2016 en présence du ministère public ;

D'où il suit que le moyen manque en fait ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a rejeté la demande de renvoi ;

"aux motifs que M. Z... a demandé le renvoi de la procédure au motif qu'il n'avait pas eu le temps de prendre connaissance de l'ensemble des scellés qui lui ont été remis le 2 juin 2016 ; qu'il sera relevé :
- que M. Z... a eu connaissance le 1er avril de la fixation de cette affaire à l'audience du 21 juin et que son avocat a adressé le 13 avril 2016 au ministère public et la présidente de la chambre des appels correctionnels un courrier pour un renvoi de l'affaire, au motif que son client était détenu ce qui rendrait difficile la préparation du dossier alors qu'il était libérable en octobre 2016, courrier auquel il lui a été fait part d'un avis défavorable compte tenu de ce que M. Z... avait été jugé de façon définitive dans cette même procédure et qu'il en connaissait donc tous les éléments, de même que son avocat qui l'assistait depuis le début de l'instruction,
- que le 4 mai 2016, l'avocat de M. Z... a fait une demande de copie des dix CD Rom d'écoutes téléphoniques placés sous scellés qu'il aurait vainement sollicitée auprès du juge d'instruction et de la chambre de l'instruction, copies remises le 3 juin après application de la procédure en matière de levée des scellés ; que M. Z... et son avocat n'ignoraient pas la multiplicité des écoutes dont partie a été retranscrite dans le dossier d'instruction ; qu'en sollicitant une telle remise seulement six semaines avant l'audience, cette démarche est manifestement dilatoire dès lors qu'ils ont interjeté appel du jugement pour la seule S.C.I Résidence du soleil le 30 juillet 2015 et ne se sont jamais préoccupés pendant ce délai de dix mois de la nécessité d'obtenir les scellés pour organiser la défense des intérêts de la dite société ; que la demande de renvoi est donc rejetée ;

"alors que tout prévenu ou accusé a droit à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait donc se fonder sur des motifs inopérants pour refuser de renvoyer l'examen de l'affaire à une audience ultérieure quand, en raison de décisions, antérieures, de la chambre de l'instruction notamment, ainsi que de la procédure à la cour d'appel de Toulouse elle-même, qui ne traite aucune demande relative au dossier avant que celui-ci ne soit audiencé, le gérant et l'avocat de la SCI Résidence du Soleil s'étaient retrouvés dans l'impossibilité d'avoir communication avant le 2 juin 2016 de pas moins de huit cédéroms comprenant plusieurs dizaines de milliers de conversations enregistrées, pour beaucoup en langues étrangères, dont l'examen était nécessaire à la préparation de sa défense" ;

Attendu que, pour rejeter la demande de renvoi présentée par la prévenue, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-4, 121-2, 225-5, 225-7, 225-24, 225-25, 324-1, 324-1-1, 324-2, 324-3, du code pénal, préliminaire, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a reconnu la SCI Résidence du soleil coupable des chefs de proxénétisme aggravé et de blanchiment aggravé, l'a condamnée à une amende d'un montant de 100 000 euros et a ordonné la confiscation de l'immeuble situé au [...] ;

"aux motifs que M. Z... est le gérant de la S.C.I Résidence du Soleil et à ce titre il est le représentant de la personne morale susceptible d'engager la responsabilité pénale de cette dernière, par application de l'article 121-2 du code pénal, dès lors que les infractions ont été commises pour le compte de la S.C.I. ; qu'aux termes d'un jugement détaillé auquel la cour se réfère, M. Z... a définitivement été condamné à titre personnel du chef de proxénétisme aggravé par la pluralité de victimes et blanchiment aggravé, parce qu'il louait la quasi-totalité des appartements de la [...] à des prostituées, en connaissance de cause de leur activité qui pouvait se dérouler à l'intérieur ou à l'extérieur de la résidence et son gérant allant accueillir plusieurs d'entre elles à la gare de Toulouse, et pouvant les accompagner sur leur lieu de prostitution ; que M. Z... n'a pas seulement utilisé la S.C.I. pour mener à bien son activité rétributrice de proxénète qui a conduit à sa condamnation personnelle, mais la S.C.I. a directement été impliquée dans la commission des infractions de proxénétisme aggravé et de blanchiment aggravé de plusieurs façons :
-d'une part en privilégiant d'abord le choix des locataires assurant un taux élevé de location au point que l'immeuble n'a plus eu pour vocation que d'être loué à des prostituées ainsi que cela résulte des déclarations de M. A... et de M. B... et que plusieurs d'entre elles se prostituaient dans les appartements loués ainsi que cela résulte des procès-verbaux de surveillance des policiers ; que treize des locataires étaient des prostituées le jour de l'intervention de la police et vingt-cinq sont énumérées dans la prévention sur l'année écoulée entre mai 2013 et juin 2014, ce qui n'a jamais été remis en cause ; que de plus l'association de la prostitution et de l'hébergement est encore confirmée par l'annonce sur le site internet Vivastreet rubrique Erotica, dont M. Z... a eu connaissance et s'il n'en est pas l'auteur, il n'a rien fait pour la faire cesser ; que le taux de remplissage de l'immeuble garantissait la rentabilité de la S.C.I.
- d'autre part, en utilisant très largement les ressources tirées de la prostitution, soit 80 % puisque M. Z... en gardait 20 % pour la vie quotidienne de sa famille, au paiement de sa propre rémunération de gérant mais aussi à celui du salaire d'un employé non déclaré chargé des travaux d'entretien de l'immeuble et au paiement des fournitures nécessaires à ces travaux, de sorte que la S.C.I. fonctionnait directement grâce aux produits de la prostitution, remis de façon privilégiée en espèces
- enfin, l'existence d'une double comptabilité dont le brouillard a été retrouvé et la minoration des recettes de la S C.I selon les modalités que M. Z... a lui-même exposées aux enquêteurs. (peu important qu'aucun bilan n'ait encore été déposé ce qui ne dispensait pas la S.C.I et son gérant de la tenue régulière des livres comptables), avaient notamment pour finalité la dissimulation des produits que la société tirait de la prostitution, ce qui est encore conforté par le fait que M. Z... se prévaut de la rigueur comptable des autres SCI dont il est le gérant et dans lesquelles il n'y a pas d'activité prostitutionnelle ; qu'en conséquence, le tribunal correctionnel a à juste titre, déclaré la SCI Résidence du soleil coupable de proxénétisme aggravé par la pluralité de victimes et de blanchiment aggravé par son caractère habituel et en utilisant les facilités que procure une activité professionnelle ;

"et aux motifs éventuellement adoptés qu'à l'audience, M. Z... soutient qu'il demandait aux locataires pièces d'identité et montant des revenus, parfois les justificatifs et les contrats de travail ; qu'il indique qu'il faisait la sélection au « feeling »; qu'il affirme qu'à l'origine, il n'y avait pas beaucoup de prostituées et convient qu'il s'est rendu compte de la présence de la prostitution à compter du 15 décembre 2013 ; qu'il affirme avoir déposé plainte à la police mais avoir renoncé à une procédure d'expulsion sur les conseils d'une avocate; qu'il indique qu'en l'absence de Mme C..., il faisait le ménage, venait tous les jours et voyait la prostitution ; qu'il convient qu'il encaissait les loyers en espèces et que sur le moment, cela ne le choquait pas d'encaisser des loyers de la part de prostituées ; qu'il prétend que la prostitution est arrivée par M. A..., admet avoir continué à encaisser les loyers après avoir constaté qu'il s'agissait de prostituées ; qu'il convient avoir conduit John D... sur son lieu de prostitution mais ne pas s'être posé de questions sur le moment qu'il l'accompagnait une seconde fois car il voulait parler à deux autres prostituées ; que concernant les déclarations de Mme E..., il conteste lui avoir loué un appartement et les pressions pour travailler plus ; qu'il convient l'avoir toutefois rencontrée deux fois pendant l'instruction en violation du contrôle judiciaire ; qu'il rejette les accusations des prostituées entendues ; qu'il admet que son immeuble de l'impasse Barthe était également touché par la prostitution ; qu'il déclare assumer la conversation avec la copine de « Lucy» qu'il invite à venir travailler quinze jours à Toulouse ; qu'il explique ne pas avoir voulu parler avec son père de billets neufs, ne voulant pas l'inquiéter ; qu'il prétend avoir ignoré que les personnes qu'il allait chercher à la gare Matabiau étaient des prostituées ; qu'il considère que ce n'est pas une faute de ne pas verser les espèces provenant des loyers sur le compte de la SCI, affirmant que ces sommes étaient passées au bilan ; que les espèces étaient dépensées pour les dépenses de la vie courante et qu'il y avait des transferts de fonds de société à société ; qu'il indique qu'une procédure fiscale est en cours et que les travaux de son domicile rue Léo Lagrange ont été financés par ses revenus ; qu'il soutient avoir fait sortir des prostituées d'origine dominicaine de l'immeuble, mais ne pas avoir oeuvré sur la « partie africaine » et prétend avoir toujours ignoré la prostitution de Mme C... ; que les déclarations concordantes des prostituées permettent de retenir que M. Z... louait en toute connaissance les chambres de l'immeuble qu'il avait fait aménager, notamment au moyen de travail dissimulé, à des personnes se livrant à la prostitution ; que notamment, les déclarations de Mme F..., occupante de l'appartement 31 depuis avril 2013, celles de Mme G..., occupante d'un appartement depuis juin 2013 et celles de MM. A... et B... ne laissent aucun doute sur le fait que M. Z... louait en parfaite connaissance de cause, ses appartements à des prostituées au moins depuis mai 2013 ; que contrairement à l'usage, il se gardait de demander quelques justifications d'emploi ou de revenus à ses locataires ; qu'il a en parfaite connaissance de cause, retiré de substantielles sommes en espèces de cette activité de proxénétisme ; qu'il allait accueillir lui-même les prostituées et les accompagnait sur les lieux de prostitution ; que les surveillances policières et écoutes téléphoniques viennent confirmer son rôle particulièrement actif, qu'il était particulièrement présent dans l'immeuble où se déroulait la prostitution et que ses affirmations selon lesquelles il aurait voulu y mettre un terme sont dénuées de toute crédibilité ; qu'il doit être déclaré coupable des infractions de proxénétisme à l'égard de plusieurs personnes qui lui sont reprochées ; que l'enquête a permis d'évaluer le produit de la prostitution à hauteur de 260 000 euros par an en espèces, soustraites à toute imposition et déclaration ; que ces espèces allaient être utilisées à l'entretien et l'aménagement de l'immeuble, là encore de manière occulte ; qu'elles seront également dépensées pour les besoins de la vie quotidienne sans aucune trace bancaire, que les charges d'entretien de l'immeuble étant ainsi réglées de manière occulte ; que M. Z... effectuait des mouvements financiers entre ses six SCI et ses propres comptes, ce qui lui permettait de se constituer un crédit dans son compte courant d'associé de la SCI Résidence du soleil d'un montant substantiel de 369 723 euros au 31 décembre 2013, que son épouse estimait ainsi que le ménage disposait de 4 500 euros de revenus en espèces ; que M. Z... se faisait prêter par virements de fortes sommes d'argent par ses parents et beaux-parents qu'il leur remboursait ensuite en espèces ; qu'il est ainsi établi que M. Z... a procédé à des opérations de dissimulation et de conversion du produit direct ou indirect du délit de proxénétisme aggravé, de façon habituelle en percevant en espèces les loyers provenant d'une activité de prostitution dans les lieux loués et en réutilisant ceux-ci de manière occulte ; qu'il sera déclaré coupable de l'infraction de blanchiment qui lui est reprochée ; que suivant les dispositions de l'article 121-2 du code pénal, les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants ; que l'immeuble du [...] était la propriété de la Résidence du Soleil ; que l'ensemble des agissements ci-dessus relevés à l'encontre de M. Z... ont été commis pour le compte de la SCI par son gérant ; que notamment, les loyers tirés de la prostitution ont été encaissés en espèces pour son compte ; que pour donner plus d'ampleur à l'activité prostitutionnelle, son gérant faisait procéder à des divisions d'appartement et à l'aménagement des caves en locaux d'habitation, faisant passer le nombre d'appartements de 6 à 13 ; qu'elle doit en conséquence être déclarée coupable des infractions de proxénétisme commis à l'égard de plusieurs personnes qui lui sont reprochées ; que de la même façon, les sommes en espèces tirées de l'activité de proxénétisme aggravé ont été de manière habituelle et systématique détournées par son gérant de sa comptabilité, seuls quelques chèques de locataires non prostituées apparaissant ; que notamment, M. Z... convenait avoir minoré le produit des encaissements ; que M. Z... reconnaissait avoir tenu une double comptabilité, l'une reflétant le réel encaissement des loyers, et l'autre destinée à l'expert comptable ; que les grands livres de tiers (D 1281) montraient seulement trente comptes clients dans la comptabilité officielle alors que la comptabilité dissimulée en comptait quarante-cinq ; que le chiffre d'affaires des comptes clients ainsi occultés était chiffré à 65 327,54 euros dont 54 172 euros payés en espèces ; que pour les comptes clients conservés, il était constaté une minoration des produits par la suppression ou la réduction des montants dans les écritures comptables (minorations des loyers et provisions mensuelles, suppression des écritures comptables relatives aux paiements en espèces, minoration de règlements de factures d'eau) ; que par ces manipulations comptables, le gérant de la SCI suivant les conclusions de l'enquête, finissait par passer le chiffre d'affaires de 290 794,92 euros dont 94 044,70 euros encaissés en espèces à un montant de 132 247,62 euros dont aucun règlement en espèces, soit une minoration de 158 547,30 euros ; qu'il s'agit d'opérations de dissimulation du produit direct ou indirect de l'activité de proxénétisme pratiquées par le gérant de la SCI pour le compte de celle-ci, dans ses locaux aux fins de lui procurer des loyers et pour partie, entretenir le bâtiment propriété de la SCI ; que ces opérations de blanchiment ont été pratiquées de manière habituelle pendant plus d'un an ; que la SCI Résidence du soleil doit en conséquence être déclarée coupable de l'infraction de blanchiment à titre habituel qui lui est reprochée ;

"1°) alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait donc retenir la SCI Résidence du soleil dans les liens de la prévention des chefs de proxénétisme aggravé et de blanchiment aggravé quand les seuls agissements qui pouvaient lui être imputés étaient d'avoir perçu des loyers dont il n'avait jamais été allégué qu'ils auraient été disproportionnés de la part de personnes qui, par ailleurs, se prostituaient et, ce faisant, interpréter de façon extensive le texte d'incrimination de ces deux infractions ;

"2°) alors qu'une personne morale ne peut être déclarée pénalement responsable que s'il est établi que l'infraction a été commise par ses organes ou représentants pour son compte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait retenir que les délits de proxénétisme aggravé et de blanchiment aggravé avaient été commis par M. Z... pour le compte de la SCI Résidence du soleil sans rechercher si l'intérêt social de cette personne morale n'était pas, au contraire, méconnu par la commission de ces infractions qui n'avait fait que nuire à sa réputation et lui porter préjudice" ;

Attendu que, pour déclarer la société civile immobilière Résidence du Soleil coupable de proxénétisme et blanchiment aggravés, l'arrêt énonce que l'immeuble dont elle est propriétaire avait pour seule vocation d'être loué à des prostituées, que la société fonctionnait directement grâce aux produits de la prostitution, remis de manière privilégiée en espèces et que l'existence d'une double comptabilité ainsi que la minoration de ses recettes avaient pour finalité la dissimulation des produits qu'elle tirait de la prostitution ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que la loi ne lui imposait aucunement de rechercher si l'intérêt social de la société civile immobilière avait été méconnu ;

D'où il suit que le moyen sera écarté ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1 de son Protocole additionnel n° 1, 131-38, 132-1, 225-5, 225-7, 324-1, 324-2, 324-3 du code pénal, préliminaire, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné la SCI résidence du Soleil à la peine de 100 000 euros d'amende ;

"aux motifs que la peine principale :
- l'amende de 100 000 euros
- et la peine complémentaire de confiscation de l'immeuble
- qui sont indépendantes de la violation par M. Z... des obligations de son contrôle judiciaire qui ont été sanctionnées par une nouvelle mise en détention de l'intéressé sont totalement justifiées dès lors que l'ensemble de l'immeuble exploité par la S.C.I a été consacré à l'activité prostitutionnelle de vingt-cinq victimes et qu'elle en a tiré l'essentiel de ses ressources ;

"alors que en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu'en l'espèce, pour justifier du prononcé d'une amende de 100 000 euros contre la SCI Résidence du soleil, la cour d'appel ne pouvait donc se borner à relever que l'ensemble de l'immeuble exploité par ladite aurait été consacré à l'activité prostitutionnelle de vingt-cinq victimes et qu'elle en aurait tiré l'essentiel de ses ressources, sans motiver sa décision en référence à ses ressources et à ses charges" ;

Attendu que, pour prononcer une amende de 100 000 euros, l'arrêt énonce que M. Z... a reconnu tenir une double comptabilité des loyers perçus des locataires se livrant à la prostitution, minorant les produits de la société civile immobilière de 158 547,30 euros pour le seul exercice 2013 et faisant chuter le chiffre d'affaire pratiquement de moitié, afin de diminuer le montant des recettes ; que les juges ajoutent que les loyers détournés ont pour 20 % assuré le train de vie quotidien des époux Z... et les 80 % restants étant réinvestis dans des travaux pour l'immeuble ;

Qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1 de son Protocole additionnel n° 1, 131-21, 132-1, 225-24, 225-25, 324-4 du code pénal, préliminaire, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a ordonné la confiscation de l'immeuble situé au [...] ;

"aux motifs que la peine principale :
- l'amende de 100 000 euros
- et la peine complémentaire de confiscation de l'immeuble
- qui sont indépendantes de la violation par M. Z... des obligations de son contrôle judiciaire qui ont été sanctionnées par une nouvelle mise en détention de l'intéressé
- sont totalement justifiées dès lors que l'ensemble de l'immeuble exploité par la S.C.I a été consacré à l'activité prostitutionnelle de vingt-cinq victimes et qu'elle en a tiré l'essentiel de ses ressources ;

"1°) alors que le juge qui prononce une mesure de confiscation doit motiver sa décision au regard de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle, et apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé ; qu'en confisquant l'ensemble de l'immeuble exploité par la SCI Résidence du soleil, acquis antérieurement à la période de prévention, comme étant un bien ayant servi à la commission de l'infraction, mais en se bornant à affirmer que l'ensemble de l'immeuble exploité par ladite SCI avait été consacré à l'activité prostitutionnelle de vingt-cinq victimes, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a porté une atteinte disproportionnée à son droit de propriété ;

"2°) alors que la peine de confiscation prononcée contre le prévenu ne saurait porter atteinte aux droits et intérêts économiques des propriétaires de bonne foi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait confisquer le bien immobilier dans sa totalité sans s'expliquer sur l'atteinte que cette mesure était susceptible de faire subir aux titulaires de part de SCI de bonne foi, non impliqués dans la commission des infractions réprimées" ;

Attendu que, d'une part, le moyen, qui invoquant la violation de l'article premier du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme pour la première fois devant la Cour de cassation, et soutenant le caractère disproportionné de l'atteinte spécifique portée au droit de propriété de l'intéressé par la mesure de confiscation de son immeuble prononcée par le tribunal correctionnel et confirmée par la cour d'appel, est nouveau, mélangé de fait, et, comme tel, irrecevable en sa première branche ;

Attendu que, d'autre part, la demanderesse n'a pas qualité pour invoquer une atteinte aux droits des porteurs de parts de bonne foi par cette mesure de confiscation ;

D'où il suit que le moyen sera écarté en sa seconde branche ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre mai deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 16-86.851
Date de la décision : 24/05/2018
Sens de l'arrêt : Rejet

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation restreinte hors rnsm/na, 24 mai. 2018, pourvoi n°16-86.851, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.86.851
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