CIV.3
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10255 F
Pourvoi n° V 17-22.327
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ M. Dominique X..., domicilié [...] ,
2°/ Mme Christel Y..., épouse X..., domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 27 avril 2017 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 2), dans le litige les opposant à la société Logis 62, société anonyme, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 avril 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Brenot , conseiller rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. et Mme X..., de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Logis 62 ;
Sur le rapport de Mme Brenot , conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... ; les condamne à payer à la société Logis 62 la somme de 2 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les époux X... de leurs demandes tendant à voir interdire à la société Logis 62 d'effectuer tous travaux de nature à affecter ou à porter atteinte à l'exercice de la servitude concédée, tant en ce qui concerne la vue, que le passage et l'assiette du passage, et ce sous astreinte ;
AUX MOTIFS QUE, sur la servitude de passage, les époux X... s'opposent à la modification susceptible d'être apportée à l'assiette de la servitude conventionnelle, dont ils bénéficient, par le projet de construction d'un mur de l'immeuble de la société Logis 62 ; qu'ils soutiennent que « la comparaison du plan du permis de construire avec le plan de servitude fait apparaître que le mur porteur de la résidence se situera intégralement dans la zone réservée à l'exercice de la servitude, qui est tout à fait inconstructible » ; qu'ils se fondent sur les dispositions du premier alinéa de l'article 701 du code civil et font valoir que si l'alinéa 3 autorise une modification de la servitude c'est à la double condition, non réunie en l'espèce, que l'assignation primitive soit devenue plus onéreuse pour le propriétaire du fonds servant et que le nouvel endroit, proposé au propriétaire de l'autre fonds, soit aussi commode pour l'exercice de ses droits ; que la société Logis 62 fait valoir que le déplacement de la servitude de passage ne rendrait pas l'exercice de la servitude incommode pour les époux X... puisque n'étant transférée que de 20 cm contre le mur de leur propre immeuble et que l'assiette de ladite servitude restera inchangée, voire agrandie ; que cette servitude ne saurait l'entraver dans la jouissance de son droit de propriété, en particulier pour ériger un immeuble pour lequel elle dispose d'un permis de construire ; qu'à titre liminaire et comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, aucune des parties à la cause ne conteste ni l'existence de la servitude perpétuelle et les dimensions du droit de passage de trois mètres de large contre le mur du fonds créancier, mentionnées dans l'acte du 4 septembre 2001 au profit de l'auteur des époux X..., ni le fait que la construction, sur les parcelles de la société Logis 62, du mur de l'immeuble d'une hauteur de 12 m sur une longueur de 13 m modifiera l'état du fonds débiteur de la servitude au sens de l'article 701 du code civil ; que, selon l'article 701 du code civil, le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode ; qu'ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent
de celui où elle a été primitivement assignée ; que cependant, si cette assignation primitive était devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêchait d'y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne pourrait pas le refuser ; que si les époux X... estiment qu'en construisant un mur séparatif de 20 cm d'épaisseur contre le mur de leur propre immeuble, la société Logis 62 contreviendra à leur droit, il ressort néanmoins des plans joints au dossier du permis de construire, versés aux débats, que la construction envisagée laisse la servitude de passage libre sur une largeur de plus 3 m, son assiette se trouvant seulement décalée de 20 cm du fait de l'édification du mur porteur de l'immeuble en projet ; que force est de constater que malgré l'édification de ce mur, l'assiette de la servitude de passage en restera inchangée, les dimensions du passage laissé entre les deux fonds étant de 3,06 m utiles, au plus étroit, et de 3,26 m au plus large ; que l'absence de ce mur, qui sera une des parties structurelles de l'immeuble, viendrait restreindre la possibilité de la société Logis 62 d'user de la superficie de sa parcelle pour son droit à construire et rendrait, pour elle, l'exercice de la servitude nécessairement plus onéreuse au sens de l'alinéa 3 l'article 701 du code civil ; que le propriétaire du fonds dominant ne saurait refuser l'offre faite en application de ces dispositions du code civil ; que le fait que le passage soit couvert sous la construction à venir n'altère en rien son usage ; que la construction envisagée permettra d'aménager le chemin constitutif de la servitude au moyen d'une voirie, recouverte d'enrobé, plus praticable que le chemin actuel en calcaire ; qu'enfin, alors qu'il revient au propriétaire du fonds dominant de démontrer en quoi l'assiette proposée serait moins commode que l'ancienne, les époux X... ne rapportent nullement cette démonstration ; qu'ainsi, la mise en oeuvre de cette servitude, telle que préconisée par la société Logis 62 dans son projet de construction, ne saurait constituer un grief pour les époux X... ; qu'il conviendra de confirmer la décision entreprise qui a rejeté leurs demandes ; que, sur la servitude de vue, se fondant, cette fois, sur les dispositions de l'article 678 du code civil, les époux X... prétendent que le projet de la société Logis 62 ne respecte pas la servitude régulièrement consentie dont ils bénéficient ; qu'il serait de nature à créer une gêne importante dans l'usage de leur habitation en occultant le passage de lumière ; qu'ils réclament la confirmation de l'ordonnance ayant fait droit à leur demande de suspension du projet litigieux ; que la société Logis 62 oppose que l'existence de la servitude de vue n'est nullement établie par leur titre ou la loi et que les époux ne justifient pas davantage des préjudices dont ils se prévalent ; que cependant, comme l'ont relevé les premiers juges, l'acte du 4 septembre 2001 ne comporte aucune clause relative à une servitude de vue au profit
du fonds des époux X..., se contentant de rappeler les dispositions de l'article 678 du code civil ; que selon les pièces produites, le mur gauche de l'immeuble des époux X..., côté servitude de passage, est pourvu de trois « jours en pavés de verres dormants » qui ne constituent nullement des ouvertures ni n'autorisent aucune vue sur le fonds voisin, au sens de l'article 678 du code civil ; que de même, la construction en projet ne comporte pour sa part ni ouverture ni balcon ni saillie, ni vue sur le fonds des époux X... qui impliqueraient l'application de ces dispositions légales ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux X... de leurs demandes de ce chef et des préjudices qu'ils subiraient (v. arrêt, p. 4 à 6) ;
1°) ALORS QUE si le propriétaire du fonds débiteur d'une servitude de passage ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée, il peut cependant, si cette assignation primitive lui est devenue plus onéreuse ou si elle l'empêche d'y faire des réparations avantageuses, offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne pourrait pas le refuser ; qu'en retenant, pour débouter les époux X... de leur demande relative au passage, que l'interdiction de la construction projetée viendrait restreindre la possibilité de la société Logis 62 d'user de la superficie de sa parcelle pour son droit à construire et rendrait pour elle, de ce seul fait, l'exercice de la servitude nécessairement plus onéreuse, quand le caractère plus onéreux de l'assignation primitive de la servitude pour le propriétaire du fonds servant ne pouvait résulter de sa seule volonté de modifier à son avantage l'état des lieux en construisant sur l'assiette de la servitude, la cour d'appel a violé l'article 701, alinéa 3, du code civil ;
2°) ALORS QUE si le propriétaire du fonds débiteur d'une servitude de passage ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée, il peut cependant, si cette assignation primitive lui est devenue plus onéreuse ou si elle l'empêche d'y faire des réparations avantageuses, offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne pourrait pas le refuser ; qu'en ajoutant qu'il revenait aux époux X..., propriétaires du fonds dominant, de démontrer en quoi l'assiette proposée en remplacement serait moins commode que l'ancienne, quand il appartenait au propriétaire du fonds débiteur de la servitude de prouver que l'offre faite au propriétaire de l'autre fonds prévoyait une assiette aussi commode pour l'exercice de ses droits, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles 701, alinéa 3, et 1315, alinéa 2, devenu 1353, alinéa 2, du code civil ;
3°) ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en considérant, pour débouter les époux X... de leur demande relative à la vue, que le mur gauche de leur immeuble, côté servitude de passage, était pourvu de trois « jours en pavés de verres dormants » qui ne constituaient nullement des ouvertures, ni n'autorisaient aucune vue sur le fonds voisin au sens de l'article 678 du code civil, sans répondre aux conclusions des intéressés faisant également valoir que la construction projetée allait engendrer pour eux une perte d'ensoleillement anormale et préjudiciable, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.