LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc., 19 novembre 2014, pourvoi n° 13-18.575), que M. Z... a été engagé par la société Manpower pour être mis à la disposition de la société Erbis en qualité d'opérateur de commande numérique dans le cadre d'un contrat de mission du 1er au 12 septembre 2008 prévoyant la possibilité d'avancer ou de reporter le terme entre le 10 et le 16 septembre 2008 ; qu'il a continué à travailler pour l'entreprise utilisatrice du 16 au 19 septembre 2008, puis a signé un second contrat de mission pour la période du 22 au 26 septembre 2008 avec la possibilité d'avancer ou de reporter le terme entre le 24 et le 30 septembre 2008 ; que le 23 septembre 2008, il a été victime d'un accident du travail ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2008 et obtenir paiement de diverses sommes au titre de la requalification et de la rupture de la relation contractuelle ;
Sur l'intervention de la société Manpower :
Attendu que par mémoire déposé au greffe le 16 octobre 2017, la société Manpower, condamnée à garantir l'entreprise utilisatrice des conséquences de la requalification, demande, dans l'hypothèse d'une cassation à intervenir sur le pourvoi, que celle-ci lui profite ;
Mais attendu que la société de travail temporaire ayant été partie devant la cour d'appel, il lui appartenait de former un pourvoi en cassation contre les dispositions lui faisant grief ; que faute pour elle de l'avoir fait, sa demande d'intervention volontaire est irrecevable ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1226-9 du code du travail et l'article L. 1251-40 du même code, dans sa rédaction applicable ;
Attendu que pour dire que la rupture de la relation contractuelle doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non pas ceux d'un licenciement nul, l'arrêt retient que le salarié ayant continué à travailler au sein de l'entreprise utilisatrice du 16 au 19 septembre 2008, après le terme du contrat de mission du 1er septembre 2008, avant de conclure un nouveau contrat de mission le 22 septembre suivant pour une période débutant le même jour, il y a lieu d'en déduire que le contrat à durée indéterminée a pris fin le 19 septembre 2008, soit avant la survenance de l'accident du travail, qu'ainsi la rupture de ce contrat à cette date, en dehors des formes prévues par l'article L. 1232-6 du code du travail, s'analyse en un licenciement abusif, et non en un licenciement nul ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'après avoir requalifié le contrat de mission du 1er septembre 2008 en contrat à durée indéterminée elle constatait qu'à la date de l'accident du travail du 23 septembre 2008 le salarié se trouvait toujours au service de l'entreprise utilisatrice, ce dont elle aurait dû déduire que la cessation de la relation contractuelle unique, le 26 septembre 2008, s'analysait en un licenciement nul, pour être intervenu en cours de suspension du contrat de travail provoquée par un accident du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence sur le deuxième moyen des chefs relatifs à la fixation des indemnités pour licenciement abusif et irrégulier ;
PAR CES MOTIFS :
DIT la société Manpower irrecevable en son intervention volontaire devant la Cour de cassation ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. Z... de sa demande tendant à faire déclarer que la rupture du contrat de travail à durée indéterminée issu de la requalification du contrat de mission du 1er septembre 2008 doit produire les effets d'un licenciement nul, et en ce qu'il fixe à 1 321 euros le montant de l'indemnité pour licenciement abusif et à la même somme celui de l'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 16 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces chefs, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la société Erbis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Erbis à payer la somme de 3 000 euros à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Z...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la rupture s'analyse en un licenciement abusif et non nul, d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement et à la condamnation de la société Erbis à lui verser des dommages et intérêts à ce titre ainsi qu'une indemnité d'un montant de 1 321 euros pour licenciement irrégulier et d'AVOIR condamné la société Erbis à une somme de 1 321 euros pour licenciement abusif et irrégulier ;
AUX MOTIFS QUE M. Z... ayant continué de travailler au sein de la société ERBIS du 16 au 19 septembre 2008, après le terme du contrat de mission du 1er septembre 2008, avant de conclure un nouveau contrat de mission le 22 septembre suivant pour une période débutant le même jour, il y a lieu d'en déduire que le contrat à durée indéterminée a pris fin le 19 septembre 2008, soit avant la survenance de l'accident du travail ; qu'ainsi, la rupture de ce contrat à cette date, en dehors des formes prévues par l'article L. 1232-6 du code du travail, s'analyse en un licenciement abusif, et non en un licenciement nul ;
1° ALORS QUE lorsque la relation de travail se poursuit à l'expiration du terme d'un contrat à durée déterminée sans signature d'un nouveau contrat à durée déterminée et quelle que soit la nature de l'emploi occupé, le contrat devient un contrat à durée indéterminée qui suit les règles propres à la rupture d'un tel contrat, même si ultérieurement un nouveau contrat à durée déterminée est signé ; que doit donc s'appliquer l'interdiction de licencier un salarié dont le contrat est suspendu à la suite d'un arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle sauf faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la maladie ou l'accident ; qu'en s'abstenant de considérer que la conclusion du nouveau de contrat de mission le 22 septembre 2008 n'avait pas mis fin au contrat à durée indéterminée et que celui-ci avait été illicitement rompu le 26 septembre 2008 à une date à laquelle il était suspendu du fait de l'accident du travail survenu le 23 septembre 2008, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-9 et L. 1251-40 du code du travail ;
2° ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en déclarant tout à la fois, d'un côté, que la société Erbis n'établissait pas que le contrat à durée indéterminée avait pris fin d'un commun accord des parties avant la survenance de l'accident du travail et, de l'autre, que le contrat à durée indéterminée avait pris fin le 19 septembre 2008, soit avant la survenance de l'accident du travail, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Erbis au paiement d'une somme de 1 321 euros pour licenciement abusif et irrégulier et d'AVOIR débouté le salarié de sa demande tendant à la condamnation de la société à lui verser une indemnité d'un montant de 1 321 euros pour licenciement irrégulier ;
AUX MOTIFS QUE compte tenu du montant de la rémunération versée à Patrice Z..., de son âge, de son ancienneté, et des conséquences du licenciement à son égard, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article 1235-5 du code du travail, une somme de 1.321 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif et irrégularité de la procédure de licenciement ;
ALORS QUE la cassation à intervenir au premier moyen entraînera par voie de conséquence l'annulation du chef du dispositif afférent à l'indemnisation du licenciement irrégulier en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande tendant à la condamnation de la société Erbis à lui verser une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 2 643,10 euros ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 1234-1 du code du travail, le salarié a droit, s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention collective ou à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ; qu'en l'espèce, Patrice Z... avait moins de six mois d'ancienneté à la date de la rupture du contrat à durée indéterminée ; qu'il n'appartient pas à la cour de rechercher s'il existe une convention collective applicable au contrat de travail qui lui est soumis stipulant un préavis pour le salarié dont l'ancienneté de service est inférieure à six mois ; que Patrice Z... n'invoque pas un usage en vertu duquel il aurait droit à un tel préavis ;
ALORS QUE lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission effectuée au sein de l'entreprise utilisatrice ; qu'en refusant de faire courir les droits du salarié afférents à son contrat de travail à durée indéterminée au premier jour de sa première mission au sein de la société Erbis et de constater que, par conséquent, ayant plus de six mois d'ancienneté au 26 septembre 2008, il avait droit à un préavis d'une durée d'un mois au titre de l'article L. 1234-1 2° du code du travail qu'il convenait de doubler en sa qualité de travailleur handicapé en application de l'article L. 5213-9 de ce même code, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1251-40 du code du travail ;