LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé le 2 janvier 2004, en qualité de négociateur immobilier, par la société PJS, aux droits de laquelle vient la société Immozon ; qu'ayant démissionné le 20 juillet 2012, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de commissions ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre de commission, l'arrêt retient qu'il est établi que la société était titulaire d'un mandat de vente de terrains à lotir situés sur la commune de [...] , qu'elle les a mis en vente en mentionnant le directeur de l'agence comme contact, alors qu'il s'agissait d'une zone réservée au salarié, que ce dernier a été volontairement évincé de ces ventes qui relevaient de son périmètre géographique ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'elle avait relevé que le contrat de travail stipulait que le salarié devait percevoir une rémunération fixe et une rémunération variable sur les ventes conclues par son intermédiaire, la cour d'appel, qui avait constaté que la vente des terrains s'était réalisée par l'intermédiaire du directeur de l'agence a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Immozon à payer à M. Y... la somme de 15 050,16 euros à titre de commission sur le dossier Z..., l'arrêt rendu le 14 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Immozon
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Immozon à payer à M. Y... la somme de 15.050,16 euros à titre de commission sur le dossier Z... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon les dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; que dès lors que l'une des parties n'exécute pas ses obligations, l'autre partie peut en obtenir l'exécution forcée en saisissant le juge à cette fin ; que le contrat de travail de M. Y... stipule qu'il perçoit une rémunération fixe et une rémunération variable sur les ventes conclus par son intermédiaire et égale à : - 18 % du net versé à l'agence sur une commission entre 5.000 et 10.000 euros bruts, - 30 % du net versé à l'agence sur une commission entre 10.000 et 15.000 euros bruts, - 40 % du net versé à l'agence sur une commission entre 15.000 et 20.000 euros bruts, - 45 % du net versé à l'agence sur une commission supérieure à 20.000 euros bruts ; qu'en outre, il stipule, en cas de cessation du contrat, un droit de suite sur les commissions qu'il aurait perçues sur toutes les affaires qui seront conclues dans un délai de trous mois suivant la date de fin de son contrat de travail et qui seront la suite et la conséquence de son travail ; qu'à titre liminaire, il convient de rappeler que selon les dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail, le montant de la rémunération d'un agent immobilier est un élément essentiel du contrat de travail d'un agent immobilier salarié ; qu'elle ne peut donc faire l'objet d'une modification que sous la forme d'un écrit adressé au salarié, lequel dispose d'un délai d'un mois pour opter ; qu'ainsi, en l'absence d'écrit, la société Immozon ne peut se prévaloir d'un accord « tacite » intervenu en 2008 ; que sur la demande de paiement d'une commission au titre de la vente des terrains de Mme Z..., les parties conviennent de l'existence, sur la commune de [...], commune du secteur de prospection mentionné sur le contrat de travail de M. Y..., d'un terrain appartenant à Mme Z... à diviser en 4 parcelles de 1.000 m2 ; que la société Immozon ne justifie pas de l'existence d'un contrat de maîtrise d'ouvrage déléguée signé par les deux parties, ni de l'exécution de ce contrat, notamment par la prestation exécutée et l'encaissement des honoraires ; que par contre, le constat d'huissier en date du 24 août 2014 contient, en pièce annexe, la fiche commerciale d'un des quatre terrains de Mme Z... mentionnant un prix de 180.000 euros au titre du mandat n° 650 et de 190.000 euros au titre du mandat n° 655, et le nom de M. A..., directeur de la société Immozon en contact ; que si le constat d'huissier en date du 23 août 2014, produit par la société Immozon, établit un examen des mandats consentis à cette dernière entre les 13 décembre 2010 (n° 849) et 15 2 décembre 2011 (n° 978), les mandats n° 650 et 655 ont donc été consentis antérieurement par Mme Z... ; qu'il résulte de la sommation interpellative en date du 12 octobre 2013 que M. B..., propriétaire d'un des lots, a déclaré l'avoir acquis par l'intermédiaire de la société Immozon et avoir eu affaire à M. A... ; que de plus, le constat d'huissier en date du 18 août 2014 confirme la vente en l'état d'une fiche commerciale d'un terrain de 1.000 m2 appartenant à Mme Z... avec la mention « vendu Immozon » ; qu'ainsi, il est établi que la société Immozon était titulaire d'un mandat de vente des terrains à lotir appartenant à Mme Z... situés sur la commune de [...], qu'elle les a mis en vente en mentionnant M. A... comme contact, alors qu'il s'agissait d'une zone réservée à M. Y..., et qu'elle a procédé à leur vente, comme en attestent les mentions de son site internet et la déclaration de M. B..., lesquels confirment la signature d'une vente réitérée sous la forme authentique ; que par conséquent, M. Y... établit son droit à commission d'un montant de 15.050,16 euros correspondant à un taux de commission de 45 % sur un honoraire d'agent immobilier de 8.361,20 euros HT par terrain, soit 33.444,80 euros ; que par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Immozon à payer ladite somme ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' en droit, selon l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi ; qu'en fait, fin 2010, la société commercialisait 4 terrains à construire sur la commune de [...] dont le prix de vente unitaire était fixé à 180.000 euros et dont les frais d'agence devaient s'élever à 10.000 euros soit 8.361,20 euros net ; que bien qu'aucune information était donnée au salarié et ce même si le secteur géographique était bien affecté à M. Y... conformément à son contrat de travail, c'est le directeur de l'agence Immozon à savoir M. A... qui s'était chargé des ventes ; que pour le prouver le salarié livre au conseil la fiche commerciale des terrains sur lequel apparaît bien le montant des terrains et l'interlocuteur à contacter qui était M. A... ; que de plus le salarié livre également au conseil une sommation interpellative délivrée par un huissier à M. B..., acquéreur d'un lot, précisant que c'est bien M. A... qui s'était chargé de la vente ; qu'encore, le salarié livre également le procès verbal de constat d'huissier daté du 18 août 2014 ; que sur ce document, figurent plusieurs captures écran du site internet de la société Immozon, et dont il apparaît dans la partie bien vendu sur [...], un des terrains ; qu'ainsi, il est prouvé que le salarié se voyait volontairement évincé de ces 4 ventes alors que cela relevait de son périmètre géographique ; qu'en conséquence, la commission de 15.050,16 euros (4 x 8.361,20 euros x 45 %) est due à M. Y... sur le lotissement Z... ;
1°) ALORS QUE le contrat de travail mentionnait expressément que « sur les affaires réalisées par son intermédiaire, le salarié .serait. rémunéré par un pourcentage sur le montant des commissions encaissées par l'agence hors TVA » ; que la cour qui, bien qu'elle ait constaté que la vente des terrains s'était faite par l'intermédiaire, non de M. Y..., mais de M. A..., directeur de l'agence, a néanmoins, pour condamner la société Immozon à payer à M. Y... une commission sur le dossier Z..., énoncé que les terrains en cause étaient situés sur la commune de [...], zone réservée à M. Y..., n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que le salarié était dépourvu de tout droit au paiement d'une commission sur la vente des terrains litigieux qui n'était pas intervenue par son intermédiaire, violant ainsi l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en la cause ;
2°) ALORS QUE le contrat de travail mentionnait expressément qu'« en cas de cessation du présent contrat, le salarié .bénéficierait. d'un droit de suite sur les commissions qu'il aurait perçues sur toutes les affaires qui .seraient. conclues dans un délai de trois mois suivant la date de fin de contrat de travail et qui .seraient. la suite et la conséquence de son travail » ; qu'en se bornant, pour condamner la société Immozon à payer à M. Y... une commission sur le dossier Z..., à se fonder sur la circonstance que les terrains en cause étaient situés sur la commune de [...], zone réservée à M. Y..., sans constater que les ventes des quatre terrains avaient effectivement été conclues et, partant, les actes authentiques signés, pendant l'exécution du contrat de travail ou jusqu'à l'expiration du droit de suite du salarié, à savoir dans un délai de trois mois suivant la date de rupture du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en la cause.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Immozon de sa demande tendant à voir dire que M. Y... a exécuté son contrat de travail de manière déloyale en créant la société Selectiv'Immo et le voir, en conséquence, condamné à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' en l'absence de clause de non-concurrence, la création par un ancien salarié d'une entreprise concurrente ne constitue pas un acte de concurrence déloyale dès lors qu'elle n'était pas interdite par une clause contractuelle et n'a pas été accompagnée de pratiques illicites de débauchage de personnel ou de détournement de clientèle, le salarié pouvant préparer sa future activité à condition que cette concurrence ne soit effective qu'après l'expiration du contrat ; qu'en l'espèce, le contrat de travail de M. Y... ne contient pas de clause de non-concurrence mais stipule que le salarié s'interdit de s'intéresser à toute entreprise concurrente ou non et ne devra faire aucune opération pour son compte ou celui d'un tiers ; qu'il résulte des pièces versées au débat que la démission de M. Y... est en date du 20 juillet 2012 et prend donc effet, le 20 août 2012 ; que s'il a créé une société Selectiv'Immo en déposant ses statuts, il établit la réception de sa carte d'agent immobilier, le 21 août 2012, lui permettant de commencer son activité ; que de plus, il justifie avoir commandé ses fournitures, le 24 août 2012, avoir ouvert sa ligne téléphonique, le 31 août 2012 et son site internet, le 7 septembre 2012, et avoir pris un local à bail, le 1er octobre 2012 ; qu'ainsi, la société Immozon n'établit aucun détournement de clientèle par une concurrence née pendant l'exécution du contrat de travail, le seul dépôt des statuts de la société avant la démission en date du 20 juillet 2012 n'étant qu'une formalité préalable à l'exercice d'une activité concurrente, laquelle est devenue effective qu'après obtention de la carte d'agent immobilier, en date du 21 août 2012, accessoire juridique indispensable à l'exercice de cette activité professionnelle ; que par conséquent, la société Immozon n'établit pas l'existence d'une concurrence déloyale ou illicite de M. Y... et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la concurrence déloyale, en fait, le salarié a adressé sa lettre de démission le 20 juillet 2012 et dont il avait été dispensé d'effectuer le préavis ; que le 2 juillet il créé une société concurrente dénommée Selectiv'Immo et, ce, en l'absence de clause de concurrence ; que pour justifier que cette entreprise n'aura pas d'activité avant plusieurs mois, le salarié nous fourni à la barre : - carte professionnelle délivrée par la préfecture du Rhône le 21/08/2012 - facture du 24/08/2012 : petite fourniture de bureau - facture du 23/08/2012 : ligne mobile dont le premier appel est daté du 18/08/2012 - facture du 31/08/2012 : ouverture de ligne téléphonique fixe - extrait du registre des délibérations du conseil municipal de Marennes, séance du 11 septembre 2012 : proposition de contrat de bail professionnel consenti à M. Y... à date d'effet du 01/10/2012 - facture du 13/09/2012 : commande de carte de visite et d'enveloppes ; que l'entreprise Immozon estime que le salarié a manqué à ses obligations contractuelles en exerçant une activité concurrente à celle de son employeur durant deux semaines alors qu'elle reconnaît que le contrat était dépourvu de clause de concurrence ; qu'elle ne rapporte aucun élément pour prouver un quelconque préjudice dont elle se dit victime ; que dans cette situation, le salarié n'a pas exercé des pratiques illicites de débauchage de personnel ou de détournement de clientèle ; que le salarié a seulement préparé sa future activité et qui d'ailleurs fut effective qu'après la fin de son contrat comme le prouve les documents fournis ; que dans un arrêt de cour de cassation n° 13- 11114 du 11 mars 2014, il est rappelé qu'il appartient à celui qui se prétend victime d'actes de concurrence déloyale d'établir l'existence du comportement fautif et déloyal et des manoeuvres constitutives de concurrence déloyale ; qu'en conséquence, le conseil déboute la société Immozon de sa demande de 20.000 euros au titre de dommages et intérêt pour le préjudice subi du fait des agissements déloyaux du salarié ;
ALORS QUE le salarié est tenu, pendant l'exécution de son contrat de travail, d'une obligation générale de loyauté et de fidélité lui interdisant les agissements qui constitueraient une concurrence à l'égard de l'employeur ; que la cour qui, bien qu'elle ait constaté que le contrat de travail du salarié mentionnait expressément qu'il s'interdisait de s'intéresser à toute entreprise concurrente ou non et ne devait faire aucune opération pour son compte ou celui d'un tiers et qu'avant d'avoir donné sa démission le 20 juillet 2012, ce dernier avait créé une société Selectiv'Immo en déposant ses statuts, formalité préalable à l'exercice d'une activité concurrente, a néanmoins, pour débouter la société Immozon de sa demande tendant à voir M. Y... condamné à lui verser des dommages et intérêts en raison de son exécution déloyale du contrat de travail, énoncé que l'activité de cette société n'avait débuté qu'après la démission du salarié, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que le salarié, alors qu'il était toujours lié à son employeur, s'était, au mépris de la clause précitée comme de l'obligation générale de loyauté inhérente au contrat de travail, livré à des agissements préjudiciables aux intérêts de son employeur en créant une société directement concurrente à l'activité de ce dernier, violant ainsi l'article L. 1221-1 du code du travail.