SOC.
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme FARTHOUAT-DANON , conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10650 F
Pourvoi n° R 16-27.816
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Epsilon, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2016 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant à Mme Zahra X..., épouse Y..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 avril 2018, où étaient présents : Mme Farthouat-Danon , conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ricour , conseiller rapporteur, M. Pion, conseiller, Mme Grivel, avocat général, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Epsilon ;
Sur le rapport de M. Ricour, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Epsilon aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Epsilon.
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement entrepris qui avait constaté l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel entre Mme Zahra Y... et la SCI Epsilon et prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme Zahra Y... à compter du 25 décembre 2013 et qui avait fixé le salaire brut moyen à l87 € et condamné la SCI Epsilon à verser à Mme Zahra Y... les sommes de 374 € d'indemnité compensatrice de préavis et 37,40 € de congés payés afférents, 112 € d'indemnité de licenciement, 500 € de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse, 1 122 € de dommages et intérêts pour travail dissimulé, d'AVOIR ordonné à la SCI Epsilon de remettre à madame X... J... épouse Y..., les bulletins de salaire du 1er novembre 2010 au 25 décembre 2013, date de la résiliation judiciaire, l'attestation pour l'emploi, le certificat de travail et son solde de tout compte et d'AVOIR condamné la SCI Epsilon aux dépens et à payer des sommes par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Sur l'existence d'un contrat de travail : Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération. Ainsi pour déterminer l'existence d'un contrat de travail il faut que les trois conditions suivantes soient remplies : - une prestation de travail qui peut avoir pour objet les tâches les plus diverses, - une rémunération, en contrepartie de la prestation de travail peu importe qu'elle soit versée en argent ou en nature, et calculée au temps, aux pièces ou à la commission, - une subordination juridique caractérisée par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Sur la prestation de travail : Mme Y... produit une pétition et des attestations de plusieurs locataires qui affirment qu'elle a assuré, seule le ménage de l'immeuble depuis novembre 2010 jusqu'au 15 octobre 2013 et que monsieur Laurent B... de la société Côte Sud Immobilier n'intervenait que pour la maintenance et le menu entretien de l'immeuble pour effectuer de petites réparations. D'ailleurs le conseil de prud'hommes de Saint Etienne a entendu monsieur C... qui a confirmé qu'il a vu madame Y... faire le ménage régulier de l'immeuble (passer la serpillère, jeter des seaux d'eau dans la cour devant les poubelles, sortir les poubelles) et qui confirme avoir vu un certain "Laurent" faire le ménage de l'immeuble après que madame Y... soit partie. M. D... a également confirmé devant le conseil de prud'hommes avoir vu madame Y... faire le ménage. Or, la production par la SCI Epsilon de factures de la Côte Sud Immobilier pour des prestations de maintenance, entretien, nettoyage et ménage de l'immeuble sur la période litigieuse n'est pas de nature à contredire ces attestations circonstanciées et renouvelées devant le conseil de prud'hommes, dans la mesure où cette société a pour président monsieur Alain E..., également président de la SCI Epsilon. D'ailleurs, dans sa première attestation, monsieur Laurent B..., salarié de la société Côte Sud Immobilier affirme n'assurer que "l'entretien" de l'immeuble, c'est-à-dire la maintenance, ce qui n'est pas incompatible avec "le ménage" revendiqué par madame Y.... Au vu de ces éléments, madame Y... justifie qu'elle effectuait le ménage personnellement dans les parties communes de l'immeuble depuis novembre 2010, alors que la société chargée de l'entretien et de la maintenance de l'immeuble depuis 2010 n'est intervenue qu'après son départ pour faire en outre le ménage de l'immeuble, et que le travail pour autrui est donc établi. Sur la rémunération : Le bail du 20 octobre 2010, souscrit entre les parties, indiquait un montant du loyer à hauteur de 405.61€ et 42 € de charges Y.... Mme Y... soutient qu'elle effectuait 4 heures de ménage par semaine pour un salaire mensuel de 140 €. Or l'étude détaillée de l'ensemble des quittances produites fait apparaître mensuellement des remises régulières successives avoisinant les 140 € mensuels allégués par madame Y.... Mme F..., travaillant également pour la société de gestion gérant l'immeuble dont le siège social et le président sont les mêmes que la SCI Epsilon, affirme qu'il s'agit d'une erreur informatique de quittancement qui se serait renouvelée sur presque 3 ans. Mais l'étude détaillée des quittances fait apparaître mensuellement des annulations variables de loyers qui passent de 88 € à 102 € puis à nouveau 88 € avec une remise de 156 € en avril 2011 et de 104 € en juillet 2011, sans compter les annulations du loyer de garage à hauteur de 50 € et les annulations de charges à 42 €. Au vu de ces éléments, la Cour ne peut qu'en déduire que la multiplicité et la variabilité des annulations sur charges, sur loyers de l'habitation et du garage excluent l'erreur informatique alléguée, d'autant que ces remises correspondant à plus de 30 % du montant des loyers et charges ne pouvaient passer inaperçues. Mme Y... établit donc qu'en contrepartie de sa prestation de travail elle obtenait mensuellement une rémunération sous forme de remise du loyer. Sur le lien de subordination : S'il ressort des éléments du dossier, qu'effectivement madame Y... n'a eu aucun contact direct avec monsieur Alain E..., associé gérant de la SCI Epsilon, son bailleur, il n'en demeure pas moins qu'elle rencontrait régulièrement madame Sophie F..., salariée de la société de gestion AFG, qui a le même siège et le même président que la SCI Epsilon, monsieur Alain E... ; Le lien de subordination juridique est donc également établi. En conséquence, au vu de ces éléments, les conditions d'une prestation de travail pour autrui, d'une rémunération et d'un lien de subordination juridique étant remplies, la cour confirme la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'il a constaté l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel entre madame Zahra Y... et la SCI Epsilon. Sur les demandes indemnitaires liées à la rupture du contrat de travail : Le conseil de prud'hommes a fixé au 25 décembre 2013, la rupture du contrat de travail de madame Y..., date à laquelle elle a déménagé et n'a plus exercé ses fonctions, et a prononcé la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en lui allouant des indemnités au titre d'un préavis et congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour travail dissimulé et l'a déboutée de ses demandes de rappels de salaire de novembre 2010 à juin 2014 et des congés payés afférents. La SCI Epsilon ne contestant que le principe de l'existence du contrat de travail, il convient de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes dans toutes ses dispositions » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur l'existence du contrat de travail : le contrat de travail suppose la réunion de trois éléments : un travail pour autrui, une rémunération, un lien de subordination ; Un travail pour autrui : que Mme Zahra Y... effectuait les travaux de ménage et de sortie de poubelles dans son immeuble ainsi que l'attestent plusieurs locataires de l'immeuble : - MM. C... et D... (pièce 6 et 7) locataires de l'immeuble. - M. D... est resté dans les lieux d'octobre 2010 à octobre 2013 ; qu'ils confirmeront tous les deux leur témoignage lors de l'enquête à la barre ; que M. Laurent B..., salarié de la société Coté Sud immobilier, intervenait certes dans l'immeuble, mais en tant qu'homme d'entretien pour effectuer des petites réparations et la maintenance de l'immeuble ; qu'il n'est intervenu dans l'immeuble pour faire le ménage que depuis le départ de Mme Zahra Y..., soit décembre 2013 ainsi que le déclarent MM. C... et D... ; Une rémunération : d'après le bail du 20 octobre 2010, le montant du loyer des époux Y... est de 405,61 € et 42 € de charges ; que Mme Zahra Y... dit qu'elle effectuait 4 heures de ménage par semaine pour un salaire mensuel de 140 € ; que l'étude détaillée de l'ensemble des quittances produites en délibéré fait apparaître des remises successives dont la somme avoisine les 140 € ; que ces remises ne s'expliquent pas par l'étude des quittances ; que Mme Zahra Y... dans ses écritures dit que ces remises sont à « hauteur du travail qu'elle effectuait pour la SCI » ; que Mme Sophie F... responsable de la gestion locative pour le compte de la société AFG ,explique, qu'au début du contrat de bail, une remise a été consentie aux époux Y... en contrepartie de désordres affectant leur appartement et que cette remise a perduré pendant 3 ans ; que Mme Sophie F... déclare lors de l'enquête à la barre qu'il y a eu, par la suite, une erreur informatique car la personne en charge d'établir les quittances ne connaissait pas le logiciel, et qu'elle-même ne s'est pas rendue compte de cette erreur. Sur le lien de subordination : que Mme Zahra Y... n'a eu aucun contact avec M. Alain E... associé gérant de la SCI Epsilon, mais qu'elle rencontrait Mme Sophie F... ; que Mme Sophie F... et M. Alain E... disent n'avoir jamais établi de contrat à temps partiel pour Mme Zahra Y... ; qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un écrit pour attester de l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée, mais qu'un faisceau d'indices permet de déduire l'existence d'un contrat de travail ce qui s'avère être le cas en l'espèce entre Mme Zahra Y... et la SCI Epsilon puisque les tâches d'entretien ménager et de sorties de poubelles s'effectuaient pour le compte de la SCI Epsilon ; que la réunion et la persistance dans le temps de tous ces éléments concordant permettent de conclure à l'existence d'un contrat de travail à temps partiel de 4 heures par semaine ;Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail : que la relation de travail a commencé à la date d'entrée dans les lieux soit en novembre 2010 ; que Mme Zahra Y... a quitté les lieux en décembre 2013, qu'il y a donc lieu de considérer que le contrat a pris fin à cette date ; que l'employeur en accordant régulièrement des remises sur les quittances de loyer à hauteur du montant mensuel des heures de ménage effectuées, n'a pas satisfait à ses obligations en ne versant pas de salaire en bonne et due forme et en n'établissant pas de fiches de paie ; qu'en conséquence, que la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à la date du 25 décembre 2013, date à laquelle Mme Zahra Y... a déménagé et n'a plus exercé ses fonctions ; que la résiliation judiciaire est donc prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;Sur les conséquences de la résiliation judiciaire : que Mme Zahra Y... ayant perçu une rémunération sous forme de remises de loyer, elle sera déboutée de sa demande de rappel de salaire ; que le salaire mensuel brut est fixé à 187 €, et que la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, Mme Zahra Y... percevra donc : - une indemnité de préavis de 2 mois soit 374 €, - congés payés afférents 37,40 €, - une indemnité de licenciement de 112 €, - des dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse de 500 € ; Sur le travail dissimulé : qu'il n'a jamais été établi de contrat de travail à temps partiel, ni de déclaration d'embauche, ni de fiche de paie ; que conformément aux articles L8221-3 et L8221-5, le travail dissimulé est avéré, et que Mme Zahra Y... est bien fondée à demander 1 122 € de dommages et intérêts à ce titre » ;
1) ALORS QUE l'existence d'un contrat de travail suppose un lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives à son subordonné, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements ; qu'en retenant en l'espèce l'existence d'un contrat de travail entre Mme Y... et la SCI Epsilon après avoir tout au plus relevé qu'elle aurait réalisé des travaux de ménage dans les parties communes de l'immeuble dans lequel elle était locataire en contrepartie de remises de loyers et/ou de charges, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé que la SCI Epsilon aurait eu le pouvoir de donner des ordres et des directives à Mme Y..., d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 devenu 1103 du code civil ;
2) ALORS QUE la seule circonstance de fournir une prestation « pour le compte » d'une société ne caractérise pas l'existence d'un lien de subordination ; que dès lors, en affirmant par motifs adoptés qu'il était permis de déduire l'existence d'un contrat de travail du fait que les tâches d'entretien ménager et de sorties de poubelles s'effectuaient « pour le compte » de la SCI Epsilon , la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1221-1 du code du travail et 1134 devenu 1103 du code civil ;
3) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de motiver leur décision et à ce titre de viser et d'analyser les éléments de preuve versés aux débats ; qu'en l'espèce, la SCI Epsilon versait aux débats de nombreuses attestations émanant de résidents de l'immeuble pour établir que Mme Y... n'avait pas été salariée par la SCI Epsilon pour effectuer le ménage dans les parties communes (productions n° 18, 22, 25 à 27 déjà en première instance et productions d'appel n° 36 à 38) ; que certaines de ces attestations émanaient de trois locataires qui avaient attesté et/ou signé la pétition en faveur de Mme Y... ; que la SCI Epsilon versait encore aux débats une attestation de Mme F... indiquant que si M. C... n'avait pas voulu revenir sur les déclarations faites devant le conseil de prud'hommes c'est qu'« il ne voulait pas avoir de problèmes avec la justice si il revenait sur ses écrits » (pièce d'appel n° 32) ; qu'en omettant d'examiner ces éléments de preuve qui étaient de nature à remettre en cause la force probante des pièces apportées aux débats par Mme Y... sur qui pesait la charge de la preuve, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la SCI Epsilon faisait valoir, preuves à l'appui, dont une sommation interpellative, que Mme G... épouse H... ne savait ni lire ni écrire le français si bien qu'elle n'avait pu ni attester en français en faveur de Mme Y..., ni signer la pétition en français en toute connaissance de cause (conclusions d'appel page 20 et pièce d'appel n° 23 et 24) ; qu'en omettant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de motiver leur décision et à ce titre de viser et d'analyser les éléments de preuve versés aux débats ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que « dans sa première attestation, monsieur Laurent B..., salarié de la société Côte Sud Immobilier, affirme n'assurer que "l'entretien" de l'immeuble, c'est-à-dire la maintenance, ce qui n'est pas incompatible avec "le ménage" revendiqué par madame Y... », sans à aucun moment viser ni analyser, serait-ce sommairement, les deux autres attestations de M. B... versées aux débats en cause d'appel (productions n° 33 et 39) précisant qu'il avait pour mission de « faire dans l'immeuble de la SCI Epsilon [...] l'entretien, le ménage des parties communes et de certains appartements en relocation, ainsi que les travaux de maintenance technique » (pièce d'appel n° 33) et que « Je fais la même chose depuis des années à savoir l'entretien, le nettoyage, les réparations et la maintenance sur 4 sites immobiliers
Mon travail sur l'immeuble de la SCI Epsilon n'a pas changé entre avant et après le départ de la locataire Madame Y... » (pièce d'appel n° 39) ; qu'il en résulte que la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile.