SOC.
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10657 F
Pourvoi n° R 16-27.540
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société VWR international, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à M. Fabrice X..., domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 avril 2018, où étaient présents : Mme Farthouat-Danon , conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pion, conseiller rapporteur, M. Ricour, conseiller, Mme Grivel, avocat général, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société VWR international, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. X... ;
Sur le rapport de M. Pion, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société VWR international aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société VWR international à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société VWR international.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X... à la date du 15 octobre 2010 aux torts de la société VWR International et d'AVOIR en conséquence condamné cette dernière à lui verser les sommes de 7.837, 59 euros bruts et de783, 75 euros bruts à titre de rappel de salaire et des congés-payés au titre de la mise à pied, de 24.757, 53 euros bruts et de 2.475, 75 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés-payés sur préavis, de 156.873 euros bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts à compter du 21 juillet 2010, outre 120.000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts courant au taux légal à compter de l'arrêt et 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE sur la résiliation du contrat de travail ; que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement pour un motif survenu au cours de la poursuite du contrat le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est justifiée ; que le salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail doit rapporter la preuve que l'employeur a commis des manquements graves à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ; que M. X... reproche à son employeur d'avoir modifié unilatéralement son contrat de travail supprimant de fait son rôle de directeur des ventes pour lui confier une activité de responsable de supports à la vente consistant essentiellement à assumer un rôle de formateur auprès des vendeurs et des clients et à organiser des formations, que cette évolution de poste constituerait un véritable déclassement avec perte de responsabilités, ce d'autant plus qu'un échelon intermédiaire a été créé entre lui et son précédent supérieur hiérarchique ; que la société réfute ces affirmations faisant état d'une simple adaptation de ses fonctions dans le cadre d'une réorganisation générale sans modification du contrat de travail ou déclassement ; que les organigrammes produits et un courriel adressé par la direction de l'entreprise à tous les collaborateurs de la société VWR International Europe le 28 avril 2010 démontrent que jusqu'à cette date M. X... était sous la subordination du Directeur de la division, dite "Catégorie", Instrumentation Scientifique, M. A..., et se situait à un niveau N-3 ; qu'à compter de la réorganisation intervenue fin avril 2010, trois Catégories de l'entreprise: les services techniques, Instrumentation scientifique et Applications, Equipements et Instrumentations, ont été fusionnées en une seule Catégorie dite "Equipement scientifique et Services" sous la direction de M. B..., M. C... devenant directeur de la chromatographie, et M. X..., désormais sous la subordination de ce dernier, Directeur des Ventes de Solutions Chromatographie, soit à un niveau N-4 dans la hiérarchie après création d'un échelon intermédiaire, entre lui et le directeur de la Catégorie ; que c'est à bon droit que le premier juge relève que la création d'un échelon intermédiaire dans le cadre d'une réorganisation de l'entreprise, a fortiori après le regroupement de trois divisions, ne caractérise pas en lui-même un déclassement et une modification du contrat de travail ; qu'il incombe donc à M. X... de démontrer que ses responsabilités et ses attributions ont été modifiées unilatéralement par l'employeur dans le cadre de cette réorganisation ; que M. X... prétend qu'il assurait, avant la réorganisation d'avril 2010, des fonctions de management direct et indirect des responsables de ventes, qu'il assumait des responsabilités opérationnelles en termes de plan d'actions, élaboration des objectifs annuels de l'activité vente ... sans activité de support à la vente ; qu'il ne produit aucune fiche de poste détaillant ses fonctions antérieures ; que l'examen des organigrammes des années 2006 et 2007 corroborés, notamment, par les attestations de M. A..., supérieur hiérarchique de M. X... entre 2005 et 2009, de M. F... directeur général de la filiale "Hollande", de M. D..., directeur général Suisse et Italie puis Allemagne, établissent que M. X... responsable des ventes européennes et des marges de la catégorie Instruments scientifiques (mis à part l'activité export hors Europe) a vu ses fonctions et responsabilités évoluer entre 2005 et 2007 avec la mise en place d'une structure dite "matricielle" passant d'un compte-rendu d'activité (reporting) des directeurs des ventes de chaque pays européen à la direction des ventes européennes, dirigée par M. X..., vers un reporting divisé au niveau des "directeurs pays". M. F... précisant que dans le cadre de cette organisation matricielle M. X... organisait les campagnes marketing, l'introduction des produits, les formations produits, assumant ainsi des fonctions marketing et support à la vente, qu'au demeurant dans sa lettre en date du 29 juin 2010 M. X... se réfère bien à cette organisation matricielle, et à la gestion des vendeurs par les responsables locaux (pays) ; que cependant si M. A... rappelle que le marketing pour les activités stratégie, vente, publicité et la coordination des formations pour les spécialistes de la vente, faisaient partie des tâches principales dc M. X... depuis 2007/2008, il reconnaît que relevaient également de celles-ci la planification annuelle des objectifs pour la Catégorie en Europe, la direction de l'activité de vente en Europe pour atteindre les objectifs prévus, qu'au-delà du suivi des résultats commerciaux des pays M. X... mettait en oeuvre des plans d'action trimestriels pour les pays pour l'activité vente ; que ces tâches opérationnelles, au coeur de l'emploi de M. X..., ne relèvent pas du support à la vente ou du marketing ; qu'ainsi M. X... assurait toujours début 2010 des responsabilités opérationnelles au niveau Europe en terme de vente dans la catégorie Instrumentation scientifique ; qu'or, la description du nouveau poste de travail confié à M. X... à compter de mai 2010, faite par son nouveau supérieur hiérarchique dans un courriel en date du 09 juin 2010, ne comporte plus aucune responsabilité opérationnelle en termes de vente ; que si M. X... conservait ses attributions en termes de marketing, introduction de produits, suivi du portefeuille des affaires, il lui était clairement demandé de centrer son activité sur les missions de support à la vente, notamment la formation des vendeurs et des clients, et il perdait toutes responsabilités quant à la détermination des objectifs de vente des pays, la mise en oeuvre des plans d'actions ... tâches opérationnelles essentielles pour un directeur des ventes ; qu'il est exact que dans le cadre de cette réorganisation de l'entreprise M. X... a formulé des propositions sur la définition de ses nouvelles fonctions et a émis des suggestions sur l'intitulé de son poste, cependant aucun avenant contractuel n'a été signé entre les parties et il n'est pas justifié que le salarié a accepté cette modification de ses attributions ; que même si elle ne s'est accompagnée d'aucun changement des modalités de rémunération de M. X... cette perte de responsabilités, pour un membre de l'équipe de direction, caractérise bien une modification du contrat de travail ; qu'unilatéralement imposée par l'employeur elle caractérise un manquement grave de ce dernier à ses obligations et ne permettait pas la poursuite de l'exécution du contrat de travail ; que dès lors il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date 15 octobre 2010 ; sur l'indemnisation du préjudice subi par le salarié ; que la résiliation judiciaire prononcée aux torts dc l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que M. X... est en droit de prétendre au paiement du rappel de salaire pendant la durée de sa mise à pied conservatoire du 20 septembre au 15 octobre 2010 (et non du 07 au 25 juillet comme indiqué par erreur in fine des conclusions de M. X...) soit la somme de 7837,59 E bruts outre celle de 783,75 E bruts au titre des congés payés afférents ; que la société sera également condamnée à lui payer les indemnités de rupture dont les montants ne font l'objet d'aucune discussion entre les parties ; que ces sommes produiront des intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2010, date de convocation des parties devant le conseil de prud'hommes en application des dispositions de l'article 1l53 du code civil ; qu'en application des dispositions de l'article L l235-3 du code du travail, M. X... a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois; qu'en l'espèce, le salarié percevait un salaire moyen mensuel brut de 8560 E outre des primes d'objectifs, de 13ème mois, de vacances pour un montant total sur douze mois de 42341 E bruts soit 3528,40 E par mois, il avait une ancienneté de 22 ans, il a perçu des allocations de pôle emploi pour un montant mensuel de 5413 E nets par mois en 201l, de 5200 E nets en 2012, il a créé une agence aéronautique sous la forme d'une SAS ayant débuté son activité en avril 2012. ; qu'il ne justifie pas des revenus générés par cette activité ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la SAS V.W.R. International sera condamnée à lui payer la somme de 120000 E à titre de dommages intérêts avec intérêts courant au taux légal à compter du présent arrêt ; Sur les autres demandes ; que la SAS VWR International qui succombe sera condamnée aux dépens de la procédure de première instance et d'appel et conservera à la charge de ses frais irrépétibles ; que l'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. X... qui se verra allouer la somme de 2.000 euros à ce titre.
1° - ALORS QUE ne constitue pas une modification du contrat de travail mais un simple changement des conditions de travail le retrait de certaines tâches ou responsabilités résultant d'une légitime réorganisation dès lors que le niveau et la qualité des responsabilités du salarié sont maintenus, tout comme sa rémunération ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'avant 2010, M. X..., Directeur des ventes europe instrumentation scientifique, avait pour tâches principales le marketing pour les activités stratégies, vente et publicité, la coordination des formation pour les spécialistes de la vente, mais aussi la planification annuelle des objectifs pour la catégorie europe, la direction de l'activité de vente en europe, la mise en oeuvre des plans d'actions trimestriels pour les pays pour l'activité vente ; que la cour d'appel a encore relevé qu'après la réorganisation mise en place en avril 2010, ayant consisté à fusionner les trois catégories de produits en vigueur au sein de la société en une seule catégorie, M. X..., devenu Directeur des ventes de solutions chromatographie, avait conservé ses attributions en termes de marketing, introduction des produits et suivi du portefeuille des affaires, qu'il lui était clairement demandé de centrer son activité sur les missions de support à la vente, notamment la formation des vendeurs et des clients, mais qu'il avait perdu toute responsabilité opérationnelle en terme de vente ; qu'en considérant que cette seule perte d'un partie de ses responsabilités, sans aucun changement des modalités de rémunération, caractérisait une modification de son contrat de travail, sans rechercher si le niveau et la qualité de ses responsabilités n'avaient pas été maintenus par l'accroissement demandée de son activité sur les missions de support à la vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil dans sa rédaction applicable antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
2° - ALORS en tout état de cause QUE la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être prononcée aux torts de l'employeur que si les manquements qui lui sont reprochés sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, ce qui suppose que le salarié n'ait pas toléré ces manquements pendant un certain temps; qu'en l'espèce, il ressort de l'arrêt qu'à compter du mois d'avril 2010, le salarié s'était vu confier un poste de travail ne comportant plus de responsabilités opérationnelles en termes de vente, que les parties s'accordaient sur le fait que le salarié avait néanmoins continué à exercer ces nouvelles fonctions pendant plusieurs mois, que l'arrêt a encore constaté qu'il avait attendu le 21 septembre 2010 pour saisir le conseil des prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail; qu'en jugeant que la modification du contrat de travail unilatéralement imposée au salarié caractérisait un grave manquement de l'employeur à ses obligations ne permettant pas la poursuite de l'exécution du contrat de travail lorsqu'il résultait de ses constatations que la modification en cause n'avait pas empêché la poursuite du contrat de travail pendant plus de quatre mois, la cour d'appel a violé les articles L. 1222-1, L. 1231-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil dans sa rédaction applicable antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.