SOC.
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme C..., conseiller doyen faisant fonction de président
Décision n° 10659 F
Pourvoi n° B 16-21.892
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme Audrey X..., domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 8 juin 2016 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Groupe La Brégère, société par actions simplifiée, dont le siège est La Brégère, rue Max Barel, 24750 Boulazac,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 avril 2018, où étaient présents : Mme C..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. Y..., conseiller référendaire rapporteur, M. Pion, conseiller, Mme Z..., avocat général, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de Mme X..., de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Groupe La Brégère ;
Sur le rapport de M. Y..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme Audrey X..., en date du 9 juillet 2012, s'analysait en une démission et débouté en conséquence cette dernière de ses demandes en paiement de diverses indemnités de rupture, d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail, en l'espèce, Mme X... reproche à son employeur le Groupe La Brégère les manquements suivants : - le non-paiement des sommes qui lui sont légalement dues ; - une surcharge de travail qui a eu pour conséquence la dégradation de son état de santé ; - un prêt de manoeuvre illicite dans le cadre du mi-temps qu'elle a été amenée à accomplir auprès de Me A... et Agorajuris. Premier manquement : Mme X... reproche à son employeur le Groupe La Brégère un prêt de manoeuvre (lire : main d'oeuvre) illicite dans le cadre du mi-temps qu'elle a été amenée à accomplir auprès de Me A... et Agorajuris. C'est à Mme X... de rapporter la preuve de ce manquement. Elle indique que la lettre de mission du 31 mai 2011 définissant précisément la prestation de service du Groupe La Brégère au profit de son client Agorajuris serait un faux établi par son ex employeur et Agorajuris, pour les besoins de la cause
sans en apporter le moindre commencement de preuve. Mme X... est également dans l'incapacité de démontrer avoir travaillé sous lien de subordination de Me A..., en dehors du fait que ce dernier aurait contresigné les e-mail et les courriers qu'elle adressait aux clients d'Agorajuris, dans le cadre des prestations définies expressément dans la lettre de mission précitée. Il ressort au contraire explicitement des pièces produites par le Groupe La Brégère : lettre de mission fixant expressément les prestations assurées par le cabinet d'experts comptables telles que « l'établissement de contrat de travail, l'assistance et la représentation en cas de contrôle administratifs d'organisme sociaux, l'établissement de bulletins de salaire, l'assistance ou l'établissement des déclarations annuelles de données sociales, le conseil sur des questions juridiques simples portant sur la réglementation du travail », un avenant au contrat de travail de Mme X..., les factures des missions adressées par le Groupe La Brégère à Agorajuris) que Mme X... n'a jamais été mise à disposition d'Agorajuris qu'elle est toujours demeurée sous la seule subordination du Groupe La Brégère qui seul conservait sur elle un pouvoir de direction, de discipline. Il s'ensuit qu'il s'agit bien donc d'un contrat de prestations de services. Mme X... est dans l'incapacité d'établir d'une quelconque manière l'existence d'un prêt de [main d'oeuvre] illicite, mieux elle produit elle-même dans ses propres pièces une facture de mission adressée par le Groupe La Brégère à Agorajuris
Deuxième manquement : Le non paiement de ses heures supplémentaires, Mme X... soutient avoir largement dépassé la durée du temps de travail de 35 heures prévue chaque semaine à compter de juin 2011, outre les 4 heures de travail effectuées auprès du cabinet Agojuris elle continuait à effectuer la grande partie de son travail au sein du Groupe La Brégère. Elle indique avoir effectué 411,73 heures supplémentaires. Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. En l'espèce, Mme X... produit un tableau récapitulatif des heures supplémentaires qu'elle dit avoir effectuées (pièce 12 de la salariée). Pour étayer sa demande la salariée produit des e-mails. L'employeur conteste le nombre d'heures supplémentaires réclamées. Il fait valoir qu'il dispose d'un état de gestion des temps qui correspond à des unités de facturation vers les clients ou vers les collaborateurs, établi à partir des feuilles de semaine remises au service facturation par chaque collaborateur et donc par la salariée (pièces 18, 19, 20 de l'employeur). L'employeur indique que les horaires du cabinet sont les suivants : 8h30-12h30/14h00-18h00 soit 39 heures par semaine les salariés bénéficient de 10 jours de RTT et 30 minutes de pause par jour soit une moyenne annuelle de 35 heures par semaine. L'employeur rapporte de surcroît la preuve, au vu du semainier de la standardiste, que Mme X... était en congés payés la deuxième semaine d'août alors qu'elle indique avoir effectué 51,25 heures supplémentaires, elle était en congés la 3ème et 4ème semaine de mars alors qu'elle prétend avoir effectué 40 heures par semaine ou encore en congés maladie les semaines 4 et 5 de novembre alors que selon son tableau elle prétend avoir effectué 47,5 heures chacune de ces semaines. De même l'exploitation des e-mails produits par Mme X... n'établit en rien les heures supplémentaires sollicitées, l'employeur établit au contraire l'arrivée plus tardive de la salariée dans la matinée ou même ses absences dans la journée les jours où elle prétend avoir travaillé au-delà de 18 heures. Il résulte expressément des preuves apportées par l'employeur que Mme X... n'a nullement accompli les heures qu'elle dit avoir effectuées. L'employeur établit au surplus que Mme X... a délibérément triché en remettant au service administratif de l'avocat d'Agorajuris Me A... un nombre d'heures très inférieures à celles qu'elle a déclaré avoir effectuées chez ce même Me A... à son employeur du Groupe La Brégère pour juin, juillet, août, septembre, afin d'obtenir une rémunération indue. Il s'ensuit que ce manquement n'est pas établi, la somme réclamée par Mme X... au titre des heures supplémentaires et du rappel de salaire durant son affectation à Agorajuris n'est en rien fondée. Troisième manquement la surcharge de travail et la dégradation de l'état de santé de Mme X... : Mme X... sur qui repose la charge de la preuve ne produit aucun document médical, attestation, ou autre élément permettant d'établir ni cette surcharge de travail au vu des développements ci-dessus sur les heures supplémentaires ni de lien avec la dégradation de son état de santé. Au contraire, il résulte de l'avenant n° 2 à son contrat de travail (pièce 2 de la salariée) signé le 4 novembre 2011 par les deux parties qu'elle devait « réduire le portefeuille de clients dont elle était responsable pour le Groupe La Brégère en les répartissant aux nouveaux assistants recrutés à cet effet de sorte que la clientèle ne puisse en aucun cas se plaindre d'un manque de disponibilité de sa part ». L'employeur produit les attestations et e-mails qui établissent qu'il avait organisé la décharge de Mme X..., notamment au profit Steven B..., dès le 31 mai 2011. Il s'ensuit que Mme X... ne rapporte pas non plus la preuve de ce manquement. Dès lors la prise d'acte de Mme X... produit les effets d'une démission. Il convient donc de la débouter de toutes ses demandes de rappels de salaires et de commissions non fondées ;
1) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, l'avenant au contrat de travail de Mme Audrey X... en date du 4 novembre 2011, qui modifiait son contrat de travail, indiquait qu'à sa demande, elle était affectée pour la moitié de son temps de travail à des tâches d'assistance juridique auprès du client, Maître Jacques A..., avocat au cabinet Agorajuris ; qu'en considérant pourtant qu'il ressortait explicitement de l'avenant au contrat de travail de Mme Audrey X... que la salariée n'avait jamais été mise à disposition du cabinet Agorarjuris, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis dudit avenant et violé le principe susvisé ;
2) ALORS QU' en se bornant à affirmer qu'il ressortait explicitement de la lettre de mission, qui fixait les prestations assurées par le cabinet d'experts comptables, de l'avenant au contrat de travail de Mme Audrey X... et des factures des missions adressées par le Groupe La Brégère au cabinet Agorajuris, que Mme Audrey X... n'avait jamais été mise à la disposition de ce cabinet d'avocats et qu'elle était toujours demeurée sous la seule subordination du Groupe La Brégère qui seul conservait sur elle un pouvoir de direction, de discipline, sans rechercher dans quelles conditions la salariée avait exercé sa mission auprès de Maître A..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8241-1 du code du travail, ensemble les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du même code ;
3) ALORS QUE le prêt de main d'oeuvre illicite est caractérisé, si la convention a pour objet exclusif la fourniture de main d'oeuvre moyennant rémunération sans transmission d'un savoir-faire ou mise en oeuvre d'une technicité qui relève de la spécificité propre de l'entreprise prêteuse ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel récapitulatives, Mme Audrey X... faisait valoir que les tâches qu'elles effectuaient ne nécessitaient aucune savoir-faire particulier, ces tâches s'inscrivant dans le cadre de l'activité du cabinet Agorajuris, et plus particulièrement de Maître A..., spécialisé en droit social, auprès duquel elle était rattachée ; qu'en retenant, pour considérer que la prise d'acte produisait les effets d'une démission, que Mme Audrey X... était dans l'incapacité d'établir d'une quelconque manière l'existence d'un prêt de main d'oeuvre illicite, sans rechercher comme il lui était demandé, si la salariée n'avait pas effectué des tâches ne nécessitant aucune technicité spécifique par rapport à l'activité du cabinet d'avocats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8241-1 du code du travail, ensemble les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du même code ;
4) ALORS QU'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que le juge ne peut, pour rejeter une demande d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié et doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés, éléments que l'employeur est tenu de lui fournir ; qu'en l'espèce, pour estimer que la salariée n'avait pas accompli d'heures supplémentaires et que la prise d'acte de la rupture produisait les effets d'une démission, la cour d'appel a retenu que l'exploitation des courriels produits par Mme Audrey X... ne prouvait en rien les heures supplémentaires sollicitées, l'employeur établissant au contraire l'arrivée plus tardive de la salariée dans la matinée ou même ses absences dans la journée les jours où elle prétendait avoir travaillé au-delà de 18 heures ; qu'en reprenant ainsi l'argumentation de l'employeur fondée sur les courriels produits par Mme Audrey X..., la cour d'appel, qui s'est déterminée au vu des seuls éléments fournis par la salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail, ensemble les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du même code.