SOC.
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président
Décision n° 10624 F
Pourvoi n° N 16-18.544
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. E... Y..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 7 avril 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Les Frères Gourmands, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 27 mars 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. D... , conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, M. Z..., avocat général référendaire, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat de M. Y..., de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Les Frères Gourmands ;
Sur le rapport de M. D... , conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. Y... pour faute grave était justifié et partant de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; que la lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi rédigée : « Monsieur, Nous vous rappelons que depuis le 3 août 2010, vous êtes absent sans autorisation, ni justificatif, ni avis d'arrêt maladie. Nous vous avons mis en demeure par courrier recommandé avec AR le 12 août 2010 et de reprendre votre travail à réception de ce courrier. Vous nous avez répondu par lettre du 17 août 2010 que vous ne souhaitiez pas reprendre votre poste et que vous souhaitiez être licencié. A la suite de quoi, nous vous avons convoqué le mercredi 6 octobre 2010 pour un entretien préalable, auquel vous ne vous êtes pas rendu, sans nous prévenir ou nous téléphoner. En conséquence, nous avons décidé de prononcer votre licenciement pour faute grave, privative du préavis, à effet du jour de première présentation de cette lettre. Les motifs de votre licenciement sont les suivants : Absence prolongée, depuis le 3 août 2010, demeurée injustifiée malgré plusieurs lettres de mise en demeure de reprendre votre poste. Perturbation du bon fonctionnement du service livraison, pendant tout l'été, à une période où le personnel est majoritairement en vacances. Votre Attestation Assedic et certificat de travail vous parviendront par courrier séparé. Un solde de tout compte sera tenu à votre disposition dans la Société. Vous voudrez bien à cette occasion nous rapporter les matériels et documents encore en votre possession (Téléphone portable, carte sim et chargeur, chaussures de sécurité). » ; que pour infirmation de la décision entreprise, la SAS Les frères gourmands fait valoir que M. E... Y... n'a ni repris le travail, ni justifié de la cause de son absence à l'issue de son congé maladie le 3 août 2010, malgré une mise en demeure du 12 août 2010 ; qu'elle soutient, au visa des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, que l'absence injustifiée du salarié du 3 août au 25 octobre 2010, date du licenciement, caractérise un manquement de celui-ci à son obligation de loyauté à l'égard de son employeur constitutif d'une faute grave ; que pour confirmation, M. E... Y... explique que ses relations contractuelles avec son employeur se sont dégradées en raison de la carence de ce dernier à lui fournir les documents relatifs à son accident du travail du 14 avril 2010 qu'il devait envoyer à la sécurité sociale ; que c'est ainsi que : - il a été convoqué par lettre datée du 21 mai 2010 à un entretien préalable au licenciement fixé au 27 mai 2010, au cours duquel la SAS Les frères gourmands lui a indiqué son intention de le licencier ; - l'annonce de son licenciement n'ayant pas été concrétisée, il a adressé à son employeur une mise en demeure de lui remettre les documents de rupture, par lettre recommandée du 21 juin 2010, - il a été contacté par un certain Didier A... se disant mandaté pour négocier une transaction, - il a reçu une lettre recommandée avec accusé de réception de la part de la SAS Les frères gourmands datée du 25 juin 2010 qui, ouverte par Me B..., huissier de justice, s'est révélée contenir une feuille A4 vierge, - il a reçu une mise en demeure de reprendre son poste de travail par lettre recommandée avec avis de réception du 12 août 2010, puis une deuxième convocation à un entretien préalable au licenciement par lettre datée du 22 septembre 2010 et enfin une lettre de licenciement pour faute grave datée du 25 octobre 2010 ; qu'au vu de ces éléments, il fait valoir que les parties ne peuvent renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles relatives au licenciement et qu'il s'ensuit que la transaction, définie par l'article 2044 du code civil comme le contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou à naître, ne peut être conclue qu'une fois la rupture devenue définitive, c'est-à-dire lorsque le licenciement acquiert date certaine par la réception de la lettre de licenciement, conformément à l'article L. 1231-4 du code du travail ; que cela étant, il doit être rappelé que selon l'article L. 1232-2 du code du travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable ; que la convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge ; que cette lettre indique l'objet de la convocation ; que l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ; qu'en outre, en application de l'article L. 1232-6 du même code, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; qu'elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué ; qu'ainsi, en vertu de ces deux textes, la convocation d'un salarié à l'entretien préalable prévu à l'article L. 1232-2 ne lie pas l'employeur dans une décision de licenciement ; que par ailleurs, l'annonce d'un licenciement qui serait faite par l'employeur au cours de cet entretien préalable, n'emporte pas rupture du contrat de travail qui ne peut résulter que d'une lettre de licenciement ; qu'il s'ensuit que le contrat liant M. E... Y... à la SAS Les frères gourmands s'est poursuivi en tous ses effets après l'entretien du 27 mai 2010 qui n'a pas été suivi de l'envoi d'une lettre de licenciement ; que les éventuelles tentatives de rapprochement entre le salarié et l'employeur pour parvenir à une rupture négociée sont sans portée sur ce principe ; que dès lors, l'absence injustifiée de M. E... Y... à l'issue de sa période d'arrêt de travail le 3 août 2010, malgré une mise en demeure de reprendre son travail en date du 12 septembre 2010, restée sans réponse, caractérisent un manquement de celui-ci dans ses obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; que le licenciement pour faute grave de M. E... Y... est donc justifié ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;
ALORS QUE les juges du fond sont tenus d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement ; qu'aux termes de la lettre de licenciement du 25 octobre 2010, l'employeur reprochait au salarié son absence injustifiée depuis le 3 août 2010 ainsi que la « perturbation du bon fonctionnement du service livraison, pendant tout l'été, à une période où le personnel est majoritairement en vacances » ; qu'en jugeant le licenciement de M. Y... justifié par une faute grave, en se fondant sur le seul caractère injustifié de son absence, sans s'expliquer sur le grief tiré de la désorganisation de l'entreprise, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. Y... de sa demande de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article R. 4626-10, le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant la période d'essai par le médecin du travail ; que M. E... Y... fait valoir qu'il n'a jamais passé de visite médicale d'embauche et que cette situation lui a nécessairement causé un préjudice dont il doit obtenir réparation ; que toutefois, il ressort d'une lettre de l'Association pour la Prévention et la Médecine du travail (AMET) du 29 août 2011, que M. E... Y... a été convoqué à une visite médicale d'embauche fixée le 16 octobre 2008 avec le Dr C..., mais ne s'y est pas présenté, et a de nouveau été convoqué à une visite fixée au 8 octobre 2009 à laquelle il ne s'est pas davantage présenté ; qu'au vu de ces circonstances, M. E... Y... sera débouté de sa demande en dommages-intérêts pour absence de visite médicale d'embauche et le jugement sera infirmé de ce chef ;
1°) ALORS QUE selon l'article R. 4624-10 du code du travail, le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail ; que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ; qu'en retenant, pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour absence de visite médicale d'embauche, que l'employeur avait satisfait à ses obligations en convoquant le salarié à une visite médicale d'embauche fixée le 16 octobre 2008, cependant qu'elle relevait que le salarié avait été engagé le 4 mars 2008, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
2°) ALORS QU'il appartient à l'employeur d'assurer le respect des dispositions légales relatives aux visites médicales et de justifier des diligences accomplies sur ce point ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour absence de visite médicale d'embauche, aux motifs que le salarié ne s'était pas présenté aux deux visites médicales pour lesquelles il avait été convoqué, sans rechercher si l'employeur lui avait enjoint de se soumettre à ces examens médicaux obligatoires, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article R. 4624-10 du code du travail.