LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 15 et 16 du code de procédure civile et l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a été engagée le 19 avril 2001 par la société Antonelle, aux droits de laquelle vient la société Galatée, en qualité de vendeuse ; que par jugement du 13 mai 2014, le conseil de prud'hommes de Montluçon a condamné l'employeur à lui payer diverses sommes à titre de rappels de salaire et de dommages-intérêts ; que la société a interjeté appel de ce jugement ; qu'ayant été licenciée pour motif économique le 25 juillet 2014, la salariée a formé un appel incident avant que la société ne se désiste le 2 octobre 2014 de son appel ;
Attendu que pour constater que la société Galatée ne soutient pas son recours et dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la société, régulièrement convoquée, n'a pas comparu ni personne pour elle, a informé la cour de sa non comparution par lettre du 30 novembre 2015, et que la salariée a déclaré former appel incident le 5 août 2014 en précisant qu'elle entendait soumettre à la cour des demandes nouvelles relatives à son licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, sans vérifier si la société, qui, dans sa lettre, informait le greffe avoir reçu le vendredi 27 novembre 2015 des conclusions et pièces de la salariée pour l'audience prévue le 30 novembre 2015 et dénonçait une manoeuvre destinée à la priver de ses capacités de défense, avait été avisée en temps utile avant cette audience des demandes nouvelles de la salariée relatives à la contestation de son licenciement, et avait été mise en mesure d'y répondre, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne la société Galatée à payer à Mme Y... les sommes de 22 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 3 768 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 376,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, l'arrêt rendu le 15 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour la société Galatée
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté dit le licenciement de madame Y... sans cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné la société Galatée à diverses indemnités
Aux motifs que suivant lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 6 juin 2014, la SARL Galatée Mary Kimberley a relevé appel général du jugement qui lui a été notifié le 16 mai 2014 ; Madame Y... a relevé appel incident par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 4 août 2014, de ce jugement qui lui a été notifié le 15 mai 2014, appel portant sur les demandes non accueillies par le Conseil de prud'hommes, la salariée entendant ainsi soumettre à la cour la légitimité de son licenciement pour motif économique intervenu par courrier daté du 25 juillet 2014 en raison de l'unicité de l'instance ; la société Galatée s'est désistée par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 2 octobre 2014 ;
Et aux motifs que selon les dispositions de l'article 946 du code de procédure civile, auquel renvoient celles de l'article R 1461-2 du code du travail, la procédure sans représentation devant la cour d'appel statuant en matière prud'homale est orale et, en vertu de l'article du nouveau code de procédure civile, la partie appelante doit énoncer les moyens qu'elle invoque ; en l'espèce l'appelante n'est pas comparante bien que régulièrement convoquée, ne formule pas de critique contre la décision entreprise et ne soutien donc pas l'appel ; la cour ne se trouve dès lors saisie d'aucun moyen d'infirmation ; le jugement sera en conséquence confirmé ; Sur l'appel incident de Madame Y... ; il résulte des dispositions de l'article 401 du code de procédure civile que le désistement d'appel met fin à l'instance sans avoir besoin d'être acceptée par la partie à l'égard de laquelle il est fait à la condition que cette dernière n'ait pas préalablement formé un appel incident ou une demande incidente ; nonobstant le principe de l'oralité des débats en matière prud'homale, l'appel incident peut être régulièrement formé par dépôt ou envoi au greffe de conclusions valant déclaration d'appel ; en l'espèce, la société Galatée ayant formé appel le 6 juin 2014 du jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 13 mai 201, Madame Y... a déclaré former appel incident le 5 août 2014 en précisant qu'elle entendait soumettre à la cour des demandes nouvelles relatives à son licenciement ; la société Galatée a déclaré se désister de son appel à titre principal par lettre du 29 septembre 2014 ; dans la mesure où Madame Y... a formé appel incident avant le désistement de l'appelant et a manifesté son opposition à l'extinction de l'instance de sorte que son appel était recevable quand bien même le délai pour former appel à titre principal était expiré, le désistement de l'appelant n'a pu mettre fin à l'instance en l'absence d'acceptation ; par ailleurs le fait qu'il s'agisse de demandes nouvelles n'ayant pas été présentées devant le premier juge, ne saurait faire obstacle à leur recevabilité devant la cour puisque l'article R 1452-7 du code du travail prévoit que « les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel » ; et qu'en application de l'article R 1452-6 du même code, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties doivent faire l'objet qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, d'une seule instance ; il y a donc lieu de statuer sur l'appel incident ;
1° Alors que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que lorsque la procédure est orale, le juge doit vérifier si la convocation à l'audience a effectivement été remise à la partie qui ne comparaît pas ou n'est pas représentée ; que la cour d'appel, qui a énoncé que la société Galatée avait été « régulièrement » convoquée par lettre simple le 20 août 2015 pour l'audience du 30 novembre 2015, sans constater que la lettre de convocation lui avait été remise, ni que le courrier du 30 novembre 2015 visé dans l'arrêt dans lequel l'exposante indiquait qu'elle ne se présenterait pas à l'audience, se référait à cette convocation, n'a pas justifié sa décision au regard des articles14 et 16 du code de procédure civile, ensemble les articles article 937 et 938 du code de procédure civile,
2° Alors qu'il appartient aux juges du fond de respecter et de faire respecter le principe de la contradiction des débats ; que lorsque la procédure est orale, le juge ne peut se prononcer sur les demandes formées à l'audience sans s'assurer que la partie adverse non comparante en a été avisée en temps utile de manière à ce qu'elle puisse y répondre ; que la cour d'appel, qui s'est prononcée sur les demandes nouvelles formées par Madame Y... en cause d'appel sans avoir vérifié si la société Galatée en avait été avisée en temps utile et si elle avait été mise en mesure d'y répondre, a violé l'article 16 du code de procédure civile et l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
SUBSIDIAIRELe moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de madame Y... sans cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné la société Galatée à payer diverses indemnités
Aux motifs qu'il résulte des courriers échangés entre les parties que par lettre du 20 décembre 2013, l'employeur invoquant les graves difficultés financières que traverse l'entreprise depuis plusieurs années a expliqué à Madame Y... qu'il devait procéder à des mesures économiques afin de tenter de sauvegarder la société et que dans ce cadre il souhaitait modifier à partir du 1er février 2014, les horaires d'ouverture du magasin et réduire son temps de travail à 24 heures par semaine avec une nouvelle répartition. ( 6 heures par jour du mardi au jeudi) ; madame Y... ayant refusé cette modification, l'employeur a procédé à son licenciement par lettre du 25 juillet 2014 ainsi motivée : « en date du 25 juin 2014, nous vous avions convoquée à un entretien afin de vous faire part de nos difficultés économiques et d'envisager votre licenciement pour ces mêmes motifs ; nous souhaitions également vous entretenir de nos recherches de reclassement pour sauvegarder votre emploi(
) tant dans l'entreprise et dans le groupe qu'auprès d'entreprises extérieures sans que les actions menées ne se soient révélées fructueuses , de plus, nous comptions vous proposer à nouveau la réduction de votre temps de travail suggéré le 20 décembre 2013 et que vous aviez refusée à l'époque ; nous sommes dans l'obligation de réduire très nettement nos charges salariales pesant sur le point de vente notamment par la réduction des jours et des horaires d'ouverture de la boutique ; nous allions également vous proposer de bénéficier du dispositif contrat de sécurisation professionnelle ;(
) Vous n'avez pas souhaité vous rendre à cet entretien qui devait aborder tous ce points ; l'ensemble de nos démarches afin de sauvegarder votre emploi sont demeurées infructueuses et nous avons le regret de vous notifier la rupture de votre contrat de travail pour motif économique au terme du délai de préavis de deux mois après la réception de ce courrier soit le 18 septembre 2014. » ; aux termes de l'article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; le licenciement économique fondé sur le refus du salarié de la modification de son contrat de travail ne peut reposer sur une cause réelle et sérieuse que si la modification repose elle-même sur une cause économique réelle et sérieuse ( difficultés économiques , mutations technologiques, réorganisation de l'entreprise) ; en outre , le licenciement économique fondé sur le refus du salarié d'une modification de son contrat de travail ne peut reposer sur une cause réelle et sérieuse que si la modification repose elle-même sur une cause économique réelle et sérieuse. ( difficultés économiques , mutations technologiques , réorganisation de l'entreprise) ;en outre , le licenciement économique d'un salarié fondé sur un tel refus ne peut intervenir que si le reclassement de l'intéressé dans l'entreprise ou dans le groupe n'est pas possible ; en l'espèce , aucun des éléments versés aux débats ne permet de vérifier l'existence de difficultés économique qui auraient pu justifier la proposition de modification du contrat de travail de Madame Y... alors que selon la salariée, le magasin est toujours ouvert que l'autre salariée n'a pas été inquiétée et qu'une nouvelle personne a été embauchée ; en outre rien ne permet de remettre en cause les explications de madame Y... selon laquelle l'obligation de recherche de reclassement pesant sur l'employeur n'a pas été respectée et aucune proposition n'a été faite ; il s'ensuit que le licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu'il y a lieu de faire droit aux demandes de la salariée à ce titre ;
1° Alors que lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne peut faire droit à la demande que s'il l'estime régulière recevable et fondée ; qu'il doit donc procéder à l'analyse des éléments de la cause ; que la Cour d'appel, qui a relevé qu'elle ne pouvait vérifier l'existence des difficultés économiques de l'employeur sans tenir compte des éléments contenus dans le jugement qu'elle a confirmé, relevant la fermeture du magasin en raison d'un dégât des eaux, une mise en congé de la salariée en raison de ce sinistre de son chômage technique puis partiel, a violé les articles 472 et 455 du code de procédure civile
2° Alors que les juges du fond ne peuvent se fonder sur les seules allégations d'une partie sans procéder au visa ni à l'analyse des documents versés aux débats; que la cour d'appel, qui a énoncé que l'employeur ne justifiait pas de difficultés économique alors que, selon la salariée, le magasin était toujours ouvert, l'autre salariée n'avait pas été inquiétée et qu'une nouvelle personne avait été embauchée, s'est fondée sur les simples allégations et a violé l'article 455 du code de procédure civile
3° Alors que les juges du fond ne peuvent se fonder sur les seules allégations d'une partie sans procéder au visa ni à l'analyse des documents versés aux débats; en énonçant que rien ne permettait de remettre en cause les explications de Madame Y..., selon laquelle l'obligation de recherche de reclassement pesant sur l'employeur n'avait pas été respectée et aucune proposition de reclassement n'avait été faite, la cour d'appel s'est encore fondée sur les simples allégations de la salariée et a violé l'article 455 du code de procédure civile.