CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10304 F
Pourvoi n° Z 17-18.720
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la commune d'S... représentée par son maire en exercice, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 28 mars 2017 par la cour d'appel de Bordeaux (3e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Alain X..., domicilié [...] ,
2°/ à Mme Béatrice Y..., épouse Z..., domiciliée [...] ,
3°/ à M. Serge Y..., domicilié [...] ,
4°/ à Mme Jacqueline A..., domiciliée [...] ,
5°/ à Mme Dominique B..., domiciliée [...] ,
6°/ à Mme Andrée C..., domiciliée [...] ,
7°/ à M. Guy D..., domicilié [...] ,
8°/ à Mme Marie E..., domiciliée [...] ,
9°/ à Mme Monique X..., veuve F..., domiciliée [...] ,
10°/ à Mme Caroline G..., épouse H..., domiciliée [...] ,
11°/ à M. Bruno G..., domicilié [...] ,
12°/ à Mme Béatrice G..., épouse I..., domiciliée [...] ,
13°/ à M. Laurent G..., domicilié [...] ,
14°/ à M. Gérard J..., domicilié [...] ,
15°/ à Mme Eve J..., domiciliée [...] ,
16°/ à M. Michel G..., domicilié [...] ,
17°/ à M. Emmanuel G..., domicilié [...] ,
18°/ à M. Marc K..., domicilié [...] ,
19°/ à M. Alain K..., domicilié [...] ,
tous deux pris en qualité de cohéritiers de Paulette D...,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 27 mars 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Auroy, conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la commune d'S..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme X..., de Mmes Caroline et Béatrice G..., de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. X..., de M. et Mme Y..., de Mme E..., de MM. Bruno, Laurent, Michel et Emmanuel G... et de MM. Marc et Alain K..., ès qualités ;
Sur le rapport de Mme Auroy, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la commune d'S... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la commune d'S....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la commune d'S... de sa demande de révision des charges et conditions de la donation du 9 mars 1902 et d'autorisation d'aliéner l'immeuble qui en est l'objet, sis [...] ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la demande de révision des charges et conditions de la donation du 9 mars 1902 et d'autorisation d'aliéner, la commune d'S... demande à être autorisée à aliéner l'immeuble et à affecter le produit de la vente à des oeuvres sociales respectant l'esprit de la donation ; qu'elle fait valoir que la charge qui grève la donation du 9 mars 1902 ne peut plus être respectée par la commune d'S..., en ce que l'affectation de l'immeuble est désormais inconciliable avec la nouvelle législation applicable aux établissements publics recevant du public (articles R 123-2 et suivants du code de la construction), concernant aussi bien la sécurité que l'accessibilité des locaux aux personnes handicapées ; qu'elle explique que c'est en raison de ces contraintes que le service des Affaires maritimes a été déplacé dans des locaux plus adaptés et que le coût des travaux de remise aux normes est devenu sérieusement dommageable pour les finances de la commune, laquelle a le souci de ne pas s'endetter et de ne pas faire peser sur le contribuable ces dépenses qui pourraient être considérées comme somptuaires ; que les intimés soutiennent que la commune d'S... ne satisfait pas aux conditions posées par la loi pour voir réviser les charges grevant la libéralité dont elle a bénéficié ; qu'il font valoir que la commune d'S... ne démontre pas un changement de circonstances lié à la réglementation puisque les normes de sécurité en termes d'incendie et de risque de panique sont anciennes et que des dispositions liées à l'accessibilité des personnes handicapées sont au contraire postérieures à 2007 ; qu'ils relèvent qu'il existe différents types d'établissements recevant du public, que les normes s'adaptent en conséquence et qu'en l'occurrence les locaux auraient pu être adaptés à un coût sans commune mesure avec celui mentionné par le devis, lequel présente des postes de dépenses sans rapport avec la nécessité alléguée d'une remise aux normes ; qu'aux termes de l'article 900-2 du code civil tout gratifié peut demander que soient révisées en justice les conditions et charges grevant les donations ou legs qu'il e reçus, lorsque, par suite d'un changement de circonstances, l'exécution en est devenue pour lui soit extrêmement difficile, soit sérieusement dommageable ; qu'or, en premier lieu, la réglementation invoquée par la commune d'S... ne fait pas en elle-même la démonstration d'un changement de circonstances en mesure d'agir sur l'exécution de la charge ; que les dispositions contenues dans le code de la construction et de l'habitation sont certes des mesures contraignantes, mais il n'est pas indiqué quels changements intervenus dans la législation ont pu interférer sur les conditions juridiques de l'exécution de la charge au point, comme l'affirme la commune d'S..., de contraindre les Affaires maritimes à « prendre un local adapté » ; que ni le devis réalisé le 25 octobre 2013 (pièce n° 11 du dossier de l'appelant), ni la description de l'état général du bâtiment objet d'un procès-verbal dressé le 7 avril 2009 (pièce n° 3 du dossier de l'appelant) ne permettent d'identifier les défauts du bâtiment qui seraient incompatibles avec les normes en vigueur ; que l'écart allégué entre l'état de l'immeuble et les exigences légales liées à la sécurité et à l'accessibilité attendues d'un établissement recevant du public n'est aucunement démontré, ce d'autant plus que la commune ne produit aucun document indiquant les causes du déménagement du service des Affaires maritimes et ne fait état d'aucun projet d'occupation incompatible avec des normes nouvellement en vigueur ; que, par ailleurs, la modification de la politique de la commune s'agissant de la gestion de son budget ne peut être considérée comme un changement de circonstances ; que, de même, la volonté du gratifié personne physique est indifférente dans l'appréciation des difficultés avec lesquelles est exécutée la charge d'une donation et les délibérations du conseil municipal de la commune ne permettent pas de fonder une demande de révision des charges ; qu'en acceptant la donation en 1902, suivant la délibération du conseil municipal constitué à l'époque, la commune s'est engagée pour une durée indéterminée à exécuter les charges de la libéralité conformément aux dispositions du code civil ; qu'en second lieu, les éléments produits ne permettent pas d'établir que l'exécution de la charge est devenue pour la commune d'S... soit extrêmement onéreuse, soit sérieusement dommageable ; qu'en effet, ni les documents d'estimation du bien (pièce n° 4 du dossier), ni le devis (pièce n° 11) versés aux débats ne permettent de chiffrer le coût des adaptations absolument nécessaires des locaux et ne suffisent à établir que ce projet de dépense outrepasse la mesure de l'acceptable eu égard à la qualité du gratifié et aux ressources communales ; que, de plus, la commune ne fait pas état de charges particulièrement lourdes qu'elle aurait pu avoir à supporter du fait de l'occupation des locaux par un établissement recevant du public ; qu'alors que le service des Affaires maritimes a occupé les lieux jusqu'en 2007, la commune a attendu 2013 pour faire établir un devis en vue de sa réhabilitation, alors que la procédure judiciaire était déjà engagée, sans mentionner le coût que présentait pour elle l'exécution de cette charge ; que, pour ces raisons, la commune d'S... sera déboutée de sa demande de révision des charges et ce chef de jugement sera confirmé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, sur la demande de révision des charges et conditions de la donation du 9 mars 1902 et d'autorisation d'aliéner, en application de l'article 900-2 du code civil, tout gratifié peut demander que soient révisées en justice les conditions et charges grevant les donations ou legs qu'il a reçus, lorsque, par suite d'un changement de circonstances, l'exécution est devenue pour lui soit extrêmement difficile, soit .sérieusement dommageable ; qu'aux termes de l'article 900-4 alinéa 2, le juge peut autoriser l'aliénation de tout ou partie des biens faisant l'objet de la libéralité en ordonnant que le prix en sera employé à des fins en rapport avec la volonté du disposant ; que la commune d'S... invoque en l'espèce un changement de circonstances tenant au fait que l'immeuble objet de la donation « édifié en 1871 présente (...) un caractère d'ancienneté et de vétusté ne permettant plus son occupation clans des conditions d'hygiène et de sécurité suffisante pour ses occupants au visa des normes actuelles » (page 3 conclusions) ; qu'il sera relevé en premier lieu qu'il n'est pas démontré que les normes auxquelles la commune d'S... entend faire référence aient évolué depuis 2007, date à laquelle le bâtiment était encore occupé par une administration ; que la commune d'S... ne précise pas davantage les normes qu'elle entend invoquer, alors même que le donateur a exprimé sa volonté quant à l'affectation de l'immeuble clans des termes très généraux (« il sera affecté autant que possible à une oeuvre humanitaire, telle que hospitalisation des vieillards, sanatorium ou à défaut à un service public dépendant soit de l'État soit de l'administration municipale ») conférant ainsi au donataire de larges possibilités s'agissant des modalités d'utilisation du bâtiment, en fonction desquelles la réglementation applicable aux caractéristiques des locaux n'est pas identique ; que la commune d'S... argumente en l'espèce exclusivement sur le fait que l'immeuble serait inadapté pour une occupation par un service public ou un établissement public recevant des personnes âgées, alors même que les dispositions larges prises par Paul R... permettraient tout aussi bien de respecter sa volonté en faisant en sorte que le bâtiment abrite par exemple une association caritative ; qu'il n'est pas non plus établi par les pièces versées à la procédure par la commune d'S... que la mise aux normes qu'elle semble estimer utile aux termes des charges assortissant la donation entraînerait une « situation ruineuse » pour ses finances ; qu'en effet, elle produit uniquement pour tenter d'en justifier une étude de faisabilité du cabinet Bulle Architectes en date du 25 octobre 2013, soit postérieure d'une année à la signification de l'assignation en révision, dont il ressort que le coût total de la réhabilitation de l'immeuble serait compris entre 1.156.800 € HT (estimation basse) et 1.522.850 € HT (estimation haute) ; que, néanmoins, et ainsi que justement relevé par les consorts G... X..., nombre des travaux visés dans cette évaluation ne sont pas indispensables à la remise aux normes de l'immeuble présentée comme nécessaire au respect des charges de la donation par la demanderesse ; que, de plus, quand bien même l'évaluation produite serait pertinente, la commune d'S... ne verse aucun élément relatif à l'état des finances publiques et à sa comptabilité caractérisant que la prise en charge de travaux d'un tel montant serait pour elle « soit extrêmement difficile, soit sérieusement dommageable » au sens des dispositions de l'article 900-2 du code civil précité ; que les constats d'huissier dressés par Maître M... le 7 avril 2009 et Maître N... le 2 août 2012 ne font en outre nullement ressortir que l'immeuble serait vétuste, ce que souligne d'ailleurs la commune d'S... elle-même dans ses écritures en reprenant littéralement les termes du second constat selon lesquels « de l'extérieur de la maison est ancienne, mais ne semble pas vétuste » (pages 7 et 8) ; qu'enfin, il y a lieu de souligner que la commune d'S... ne satisfait pas aux conditions posées par l'article 900-5 du code civil qui dispose que le donataire qui sollicite la révision des charges et conditions doit justifier des diligences qu'il a faites pour exécuter ses obligations ; que la commune d'S... ne fait effectivement état d'aucune diligence entreprise entre la date à laquelle le service des Affaires Maritimes a cessé d'occuper l'immeuble en 2007 et celle de l'exploit introductif d'instance signifié en 2012 pour tenter de parvenir à respecter la volonté du donateur, les seules démarches dont il est justifié ayant en l'espèce consisté à faire évaluer le bien immobilier par France Domaine en 2010 et 2012 en vue de son aliénation et à solliciter les héritiers de Paul R... pour être autorisée à cette fin ; qu'il résulte de l'ensemble de ces motifs que les conditions des articles 900-2 et 900-4 du code civil ne sont pas remplies pour permettre une révision des conditions et charges de la donation du 9 mars 1902 et autoriser la commune d'S... à aliéner l'immeuble qui en est l'objet ; que les prétentions de la commune d'S... seront par conséquent rejetées ;
1) ALORS QU'il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de ses prétentions ; que pour rejeter la demande en révision des charges grevant la donation, la cour d'appel a retenu que les pièces produites par la commune d'S... ne permettaient pas « d'identifier les défauts du bâtiment qui seraient incompatibles avec les normes en vigueurs » et que « l'écart allégué entre l'état de l'immeuble et les exigences légales liées à la sécurité et à l'accessibilité attendes d'un établissement recevant du public n'[était] aucunement démontré » ; qu'en statuant ainsi, quand la commune produisait une devis pour la mise aux normes du bâtiment pour permettre l'accueil du public (pièce n° 11), lequel comprenait deux estimations, respectivement basse et haute, d'un ensemble de travaux précisément détaillés et qu'il incombait aux héritiers de Paul R... de soutenir et de prouver que tout ou partie de ces travaux ne seraient pas indispensables à la mise aux normes du bâtiment, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353, et l'article 9 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que pour rejeter la demande en révision des charges grevant la donation, la cour d'appel a retenu que les pièces produites par la commune d'S... ne permettaient pas « de chiffrer le coût des adaptations absolument nécessaires des locaux » ; qu'en statuant ainsi, quand la commune produisait un devis du cabinet Bulle Architectes pour la mise aux normes du bâtiment pour permettre l'accueil du public (pièce n° 11), lequel comprenait deux estimations, respectivement basse et haute, d'un ensemble de travaux précisément détaillés, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce document, méconnaissant ainsi le principe de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable la demande reconventionnelle en révocation pour inexécution des charges et conditions de la donation du 9 mars 1902 de M. Alain X..., M. Jean-Michel G..., M. Emmanuel G..., M. Laurent G..., M. Bruno G..., Mme Béatrice G... épouse I..., Mme Caroline G... épouse H... et Mme Monique X... veuve F... ; et d'AVOIR prononcé la révocation de la donation consentie le 9 mars 1902 par M. Paul R... à la Commune d'S... pour inexécution des charges et conditions ; d'AVOIR ordonné en conséquence le retour dans les mains des héritiers de M. Paul R... , soit M. Alain X..., M. Jean-Michel G..., M. Emmanuel G..., M. Laurent G..., M. Bruno G..., Mme Béatrice G... épouse I..., Mme Caroline G... épouse H... et Mme Monique X... veuve F..., Madame Andrée D... épouse C..., Madame Eve J..., Mme Béatrice Y... épouse Z..., M. Serge Y..., Mme Jacqueline D... épouse A..., Mme Dominique D... épouse B..., M. Guy D..., Mme Marie E..., Mme Paulette D... épouse L... , et M. Gérard O..., de l'immeuble sis [...] , cadastré section [...] pour 941 m² et [...] pour 15 m², libre de toutes charges et hypothèques du chef du donataire ; d'AVOIR condamné la commune d'S... à réparer le préjudice subi par les héritiers de M. Paul R... à raison du défaut d'entretien fautif et de la dégradation de l'immeuble objet de la donation ; d'AVOIR condamné la commune d'S... à réparer le préjudice subi par les héritiers de M. Paul R... à raison du défaut d'entretien fautif et de la dégradation de l'immeuble objet de la donation ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la recevabilité de la demande incidente en révocation, la commune d'S... soutient que l'action en révocation de la libéralité pour inexécution des charges liées à la mention du nom du donateur est prescrite puisque le donateur y aurait renoncé de son vivant et demande l'infirmation du jugement sur ce point ; que les intimés considèrent que s'applique le délai de prescription trentenaire attaché aux actions immobilières et qu'en admettant que soit applicable la prescription quinquennale de l'article 2224, celle-ci a pour point de départ le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l'exercer, soit la date du courrier du notaire Me P... daté du 5 mars 2010 informant les héritiers, de sorte que le 28 mars 2013, date à laquelle les consorts G... ont les premiers formulé la demande de révocation par conclusions, l'action n'était pas prescrite ; que l'appelant ne démontre pas la renonciation du disposant aux charges et n'allègue pas que les intimés auraient dû avoir connaissance de l'inexécution de ces conditions antérieurement au courrier du notaire du 5 mars 2010 ; qu'en outre, s'agissant plus spécialement de la charge attachée à l'affectation de l'immeuble, la commune d'S... ne soutient plus devant la cour d'appel que devrait s'appliquer un délai de prescription quinquennale dont le point de départ serait le jour où l'action a pris naissance du fait de l'inexécution ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action en révocation pour inexécution des charge et conditions ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la commune d'S... fait elle-même valoir que la demande de révocation pour inexécution des charges et conditions de la donation du 9 mars 1902 présentée par les héritiers de Monsieur Paul R... à titre reconventionnel serait prescrite comme étant enfermée dans un délai de prescription quinquennal depuis la réforme opérée par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, lequel a commencé à courir à compter de la prétendue inexécution des charges, soit en 2007, et même en 1902 concernant le grief invoqué par les héritiers du donateur selon lequel l'immeuble n'aurait jamais porté le nom de R... ; que n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile n'a introduit aucune disposition spéciale relative à la durée de prescription de l'action en révocation d'une donation ; qu'il convient en conséquence de faire application du droit commun de la prescription et de considérer que lorsque la donation a eu pour objet un bien immobilier comme en l'espèce, l'action en révocation est une action réelle immobilière se prescrivant par trente ans conformément à l'article 2227 du code civil ; qu'au surplus, ce délai de prescription ne peut courir à l'égard des héritiers du donateur qu'à compter du jour où ils ont effectivement eu connaissance de l'inexécution qu'ils invoquent, ce qui n'a été le cas pour les héritiers de Monsieur Paul R... qu'a réception aux mois de mars et juin 2010 du courrier de Maître P... sollicitant leur accord en vue de la renonciation au bénéfice des charges et conditions stipulées dans l'acte de donation pour qu'il soit procédé à l'aliénation du bâtiment et à la réaffectation du prix de la vente ; que, dès lors, la demande en révocation de la donation du 9 mars 1902 pour inexécution des conditions et charges formulées à titre reconventionnel par les héritiers de M. Paul R... n'est pas davantage prescrite ;
1) ALORS QUE l'action en révocation d'une donation pour inexécution des charges se prescrit par trente ans ; qu'en se fondant, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en révocation de la donation pour inexécution des charges, sur la circonstance en réalité inopérante que la commune d'S... ne démontrait pas « la renonciation du disposant aux charges », la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'ancien article 2262 du code civil devenu l'article 2227 du code civil ;
2) ALORS QUE la prescription trentenaire de l'action en révocation a pour point de départ la cessation de l'exécution ; que dans ses conclusions d'appel (p. 15), la commune d'S... faisait valoir que s'agissant des charges relatives au nom de l'immeuble et à l'identification de la provenance du don, l'action en révocation était frappée par la prescription trentenaire ; que la cour d'appel a retenu que les première et troisième charges grevant la donation de 1902 n'ont jamais été exécutées par la commune d'S... et que Paul R... est décédé le [...] soit plus d'un an après la donation ; qu'en rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en révocation de la donation pour inexécution des charges, quand il ressortait de ses propres constatations que la première charge, relative au nom de l'immeuble, et la troisième charge, relative à l'identification de l'origine du don, grevant la donation de 1902 n'avaient jamais été exécutées, du vivant même du donateur, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'ancien article 2262 du code civil devenu l'article 2227 du code civil ;
3) ALORS QUE la prescription trentenaire de l'action en révocation a pour point de départ la cessation de l'exécution ; qu'en se fondant, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en révocation de la donation pour inexécution des charges, sur la circonstance en réalité inopérante que la commune d'S... « n'[alléguait] pas que les intimés auraient dû avoir connaissance de l'inexécution de ces conditions antérieurement au courrier du notaire du 5 mars 2010 », la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'ancien article 2262 du code civil devenu l'article 2227 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la révocation de la donation consentie le 9 mars 1902 par M. Paul R... à la commune d'S... pour inexécution des charges et conditions ; d'AVOIR ordonné en conséquence le retour dans les mains des héritiers de M. Paul R... , soit M. Alain X..., M. Jean-Michel G..., M. Emmanuel G..., M. Laurent G..., M. Bruno G..., Mme Béatrice G... épouse I..., Mme Caroline G... épouse H... et Mme Monique X... veuve F..., Madame Andrée D... épouse C..., Madame Eve J..., Mme Béatrice Y... épouse Z..., M. Serge Y..., Mme Jacqueline D... épouse A..., Mme Dominique D... épouse B..., M. Guy D..., Mme Marie E..., Mme Paulette D... épouse L... , et M. Gérard O..., de l'immeuble sis [...] , cadastré section [...] pour 941 m² et [...] pour 15 m², libre de toutes charges et hypothèques du chef du donataire ; d'AVOIR condamné la commune d'S... à réparer le préjudice subi par les héritiers de M. Paul R... à raison du défaut d'entretien fautif et de la dégradation de l'immeuble objet de la donation ; d'AVOIR condamné la commune d'S... à réparer le préjudice subi par les héritiers de M. Paul R... à raison du défaut d'entretien fautif et de la dégradation de l'immeuble objet de la donation ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la révocation de la libéralité pour inexécution des charges et conditions de la donation, les intimés font valoir que la commune d'S... est défaillante dans l'exécution de ses obligations puisque l'immeuble donné n'a jamais porté le nom de « Maison Paul R... », qu'il n'est pas démontré que les redevances ont été versées au Bureau de bienfaisance avec mention de la provenance du don « R... » et qu'au moins depuis 2007 l'immeuble est inoccupé, contrairement à l'affectation de l'immeuble souhaitée par le disposant ; que M. X... ajoute que le gratifié ne justifie d'aucune diligence quant à l'entretien du bien qu'impose l'exécution de la charge ; que la commune d'S... réplique que l'inexécution n'est pas suffisante pour emporter révocation de la libéralité et qu'elle est le fait des règlements imposés aux bâtiments publics ; qu'outre le fait que le donateur a renoncé de son vivant à la première et à la troisième charge, la volonté du donateur a été respectée puisqu'après le déménagement des Affaires maritimes le bâtiment a été occupé par les services techniques de la mairie, qu'il sert ainsi de « cantonnement » aux employés communaux (page 17 des conclusions) ce qui reste conforme à l'affectation de l'immeuble souhaitée par le donateur ; que, par application de l'article 953 du code civil, la donation entre vifs pourra être révoquée pour cause d'inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite ; qu'en l'espèce, la commune admet ne jamais avoir exécuté la première et la troisième condition puisqu'elle estime « constant et non contesté que l'immeuble n'a jamais porté le nom Paul R... » et qu'il est constant et non contesté que la redevance qui a été versée par les Affaires Maritimes n'a pas davantage porté la mention de la provenance du don (conclusions, page 8) ; qu'en revanche, elle ne démontre pas la volonté réelle et non équivoque, même implicite, du donateur d'avoir renoncé à ccs charges, le silence gardé par lui ne pouvant être considéré comme un fait non équivoque alors que Paul R... s'est éteint le 8 août 1903 soit dans l'année qui a suivi celle de la donation ; que, par ailleurs, la commune se contredit en affirmant tout à la fois que l'inexécution est due à la réglementation des bâtiments publics et que le bâtiment est actuellement occupé par les services techniques dépendant de la mairie ; que surtout, elle n'apporte la preuve ni de l'un ni de l'autre, et ne justifie d'aucune démarche entreprise depuis 2007 aux fins de voir affecter le bâtiment « autant que possible à une oeuvre humanitaire », conformément à la charge ainsi libellée ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que les conditions d'exécution de la donation ne sont plus conformes au but qui avait déterminé le disposant en 1902, lequel entendait voir durablement associer son nom à une oeuvre sinon charitable au moins d'intérêt public, par l'affectation particulière d'un immeuble exposé à la vue de tous ; qu'ainsi, au vu du manquement suffisamment grave et caractérisé du donataire à ses obligations, il y a lieu de révoquer la libéralité et de restituer le bien aux héritiers continuateurs de la personne du défunt ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur la demande reconventionnelle en révocation pour inexécution des charges et conditions de la donation du 9 mars 1902, l'article 953 du code civil dispose que « la donation entre vifs ne pourra être révoquée que pour cause d'inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite, pour cause d'ingratitude, et pour cause de survenance d'enfants » ; qu'en l'absence de clause résolutoire de plein droit à défaut d'exécution des charges et conditions stipulée par Paul R... dans la donation du 9 mars 1902, il appartient au Tribunal d'apprécier si l'inexécution des charges en l'espèce invoquée par ses héritiers est suffisamment importante et grave pour justifier la révocation pure et simple de la donation ; que la première charge stipulée par Paul R... énonce que l'immeuble objet de la donation « portera le nom de "Maison Paul R... " » ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que l'immeuble connu sous le nom de « Maison Universelle » au jour de la donation du 9 mars 1902 n'a jamais été rebaptisé conformément à la volonté du donateur ; qu'en effet, le constat d'huissier dressé par Maître N... à la requête de Madame I... le 2 août 2012 montre que l'inscription « Maison Universelle » apparaît toujours sur la façade de l'immeuble et que la dénomination « Maison Paul R... » ne figure à aucun endroit sur le bâtiment ; que, de même, les différents extraits d'annuaires et registres versés par Monsieur Alain X... établissent que l'immeuble n'a jamais été référencé sous le nom souhaité par le donateur ; qu'il est dès lors établi que cette première charge n'a jamais été respectée par la commune d'S..., ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas dans ses écritures en soulignant uniquement sur ce point que « s'agissant du nom, il convient d'observer que le nom n'était pas à perpétuité et qu'il n'y avait aucune obligation d'apposer le nom sur les murs de façade ou ci un quelconque autre endroit » (page 9 conclusions) ; que l'acte de donation énonce en second lieu que l'immeuble sera affecté autant que possible à une oeuvre humanitaire, telle que hospitalisation de vieillards, sanatorium ou à défaut à un service public dépendant soit de l'État, soit de l'administration communale ; qu'il apparaît que cette charge a été exécutée par la demanderesse par l'affectation de l'immeuble objet de la donation à l'administration de l'Inscription Maritime, devenue par la suite administration des Affaires maritimes, à compter de la délibération adoptée par le Conseil Municipal de la commune le 2 juillet 1904 et jusqu'en 2007 ; que, pour autant, force est de constater que l'immeuble est inoccupé depuis cette date et ne faisait dès lors plus l'objet d'une utilisation conforme à la volonté de Paul R... depuis cinq années au jour de l'assignation en révision des conditions et charges ; que la circonstance soulignée par la demanderesse selon laquelle depuis 2007, « l'immeuble est utilisé par les services communaux (services techniques, service communication et relations publiques) à qui il sert de cantonnement » (page 8 conclusions) ne saurait s'analyser en une exécution de la charge précédemment rappelée dans le respect des prévisions du donateur ; qu'il en résulte que cette seconde charge n'est pas davantage respectée par la Commune d'S... depuis huit années au jour du présent jugement ; que Paul R... avait enfin imposé qu'au cas où la ville recevrait une redevance quelconque pour loyers de l'administration tributaire, cette redevance devrait être versée au Bureau de bienfaisance avec mention de la provenance du don R... ; que, dans ses conclusions, la Commune d'S... expose de manière très précise les modalités selon lesquelles les loyers perçus pour l'immeuble ont toujours été directement versés clans la comptabilité publique « sur une ligne générique intitulée "Produits des immeubles" (compte 752) », avant d'être allouées au budget général de la commune qui parallèlement , verse au Centre communal d'action sociale (anciennement « Bureau de bienfaisance ») une subvention annuelle (pages 7, 13 et 14 conclusions) ; que force est de constater cependant qu'elle n'a pas produit au Tribunal la moindre pièce de nature à confirmer les moyens par elle développés en ce sens et qu'elle ne s'explique d'aucune manière au sujet de la mention expresse de la provenance du don prévue par le donateur, alors même que cette circonstance apparaissait déterminante pour lui, dans la mesure où deux des charges qu'il avait mentionnées visaient à ce que le nom de R... passe à la postérité ;que, dès lors, le Tribunal estime qu'il n'est pas non plus établi que cette charge a été exécutée par la demanderesse conformément à la volonté de Paul R... ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que les manquements de la Commune d'S... dans l'exécution des charges de la donation consentie le 9 mars 1902 sont suffisamment graves et importants pour justifier que la révocation de la libéralité soit prononcée conformément à la demande des héritiers du donateur ;
ALORS QU'une donation n'est révocable que si la charge dont elle est grevée et qui n'a pas été exécutée en constituait la cause impulsive et déterminante ; que, pour prononcer la révocation de la donation, la cour d'appel a retenu que « les conditions d'exécution de la donation n'[étaient] plus conformes au but qui avait déterminé le disposant en 1902, lequel entendait voir durablement associer son nom à une oeuvre sinon charitable au moins d'intérêt public, par l'affectation particulière d'un immeuble exposé à la vue de tous » ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à caractériser en quoi l'affectation à une oeuvre charitable ou d'intérêt public était en soi la cause impulsive et déterminante de la donation, dès lors que l'absence d'association de son nom à cette oeuvre ne pouvait plus donner lieu à révocation de la donation en raison de la prescription, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 953 du code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la commune d'S... de sa demande subsidiaire en remboursement des impenses ;
AUX MOTIFS QUE, sur le remboursement des impenses, la commune d'S... fait valoir à titre subsidiaire que l'effet rétroactif de la révocation lui donne droit au remboursement des impenses qu'elle a supportées depuis la date de la donation et que ceux-ci devront être évalués à dire d'expert ; que les intimés allèguent que seules les impenses nécessaires pourraient faire l'objet d'un remboursement et que les fruits et produits du bien ne peuvent être conservés par cette dernière que dans la mesure où elle est de bonne foi, ce qui n'est pas le cas ; que la révocation de la donation qui opère rétroactivement entraîne restitutions réciproques, de sorte que la demande tendant au remboursement des impenses supportées par le donataire est la conséquence de la demande en révocation ; que, cependant, par application de l'article 146 du code de procédure civile, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver ; qu'or, la commune d'S... qui a fait le choix de ne produire aucun document comptable ou facture acquittée au soutien de sa demande principale de révision d'une charge qu'elle estimait trop lourde, est mal fondée à demander une mesure d'instruction venant suppléer sa carence dans l'administration de la preuve des impenses dont elle se prévaut dès lors que le bien est restitué aux héritiers du disposant ; que la commune d'S... échouant dans l'administration de la preuve, elle sera déboutée de sa demande ;
ALORS QUE la révocation de la donation qui opère rétroactivement entraîne restitutions réciproques, de sorte que le donataire a droit au remboursement des impenses qu'il a supportées ; qu'après avoir reconnu que la commune d'S... avait droit au remboursement des impenses engagées dans le bien donné, la cour d'appel a rejeté sa demande au motif que « la commune d'S... qui [avait] fait le choix de ne produire aucun document comptable ou facture acquittée au soutien de sa demande principale de révision d'une charge qu'elle estimait trop lourde, [était] mal fondée à demander une mesure d'instruction venant suppléer sa carence dans l'administration de la preuve des impenses dont elle se prévaut dès lors que le bien est restitué aux héritiers du disposant » ; qu'en statuant ainsi, par un motif qui pouvait justifier le rejet de la demande d'expertise mais non le rejet de la demande relative aux impenses dans son principe, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 954 du code civil.