CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10293 F
Pourvoi n° B 17-18.699
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par l'association Vivre à La Défense, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 2 mars 2017 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Hermitage, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ à l'établissement public d'aménagement de La Défense-Seine-Arche, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 27 mars 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. X..., conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de l'association Vivre à La Défense, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Hermitage, de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'établissement public d'aménagement de La Défense-Seine-Arche ;
Sur le rapport de M. X..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association Vivre à La Défense aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Hermitage et à l'établissement public d'aménagement de La Défense-Seine-Arche, chacun, la somme de 2 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour l'association Vivre à La Défense.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'association Vivre à La Défense irrecevable en sa demande tendant à voir prononcer la nullité du protocole conclu le 19 juin 2010 entre l'EPAD et la société Hermitage ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« aux termes des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ;
que si une association peut, même hors habilitation législative et en l'absence de prévision statutaire expresse quant au recours à une action en justice, agir en défense d'intérêts collectifs, son action n'est cependant recevable qu'autant que ceux-ci entrent dans son objet social ;
que l'association Vivre à La Défense ne peut valablement justifier de son intérêt à agir en annulation du protocole conclu entre l'EPAD et la société Hermitage le 19 juin 2010 par référence à un préjudice que lui causerait le fait que cet acte est invoqué à l'occasion d'autres actions en justice, le principe de l'effet relatif des contrats ayant pour conséquence de lui donner la faculté de se prévaloir en justice des conséquences dommageables qui découleraient de l'existence de cet acte qui pour elle est un fait juridique et non un acte ; mais qu'en aucune façon le fait que ce protocole soit invoqué devant les juridictions administratives ne lui confère le droit d'en demander l'annulation ;
qu'il appartient donc à l'association Vivre à La Défense de rapporter la preuve qu'elle détient un droit susceptible d'être lésé par le protocole du 19 juin 2010 ;
que l'article 2.2 des statuts de l'association Vivre à La Défense définit ainsi son objet :
« - La fédération, la gestion et la défense des intérêts des locataires et occupants des immeubles du quartier de La Défense,
- La représentation et la défense des intérêts des locataires et occupants des immeubles du quartier à l'égard,
d'une part :
- Des propriétaires et/ou copropriétaires -réunis en syndicat ou non-, ou des tiers, personne physique ou morale de droit privé,
d'autre part :
- De toute administration, collectivités territoriales ou de tiers, personne de droit public ou para public,
- L'assistance et l'information aux locataires et en priorité pour ses membres, l'organisation de réunions ou de toute manifestation d'intérêt collectif pour eux » ;
que l'action de l'association Vivre à La Défense est donc délimitée à la défense des droits de ses membres essentiellement face aux bailleurs et/ou aux administrations ; que son objet social n'est donc pas comme elle l'écrit d'assurer la protection des habitants du quartier contre la destruction urbanistique de celui-ci ;
qu'ainsi que le relèvent les premiers juges, à la supposer établie, la vente de la chose d'autrui alléguée n'ouvrirait droit à une action en nullité qu'à l'acquéreur, et ce par application de l'article 1599 du code civil, s'agissant d'une nullité relative ;
que quand bien même le protocole serait susceptible d'encourir une nullité absolue, il sera rappelé que si toute personne peut s'en prévaloir, les règles posées par les articles 31 et 32 précitées n'en sont pas pour autant écartées et il appartient à toute personne qui veut agir en justice aux fins de nullité de démontrer qu'elle détient des droits lésés par cet acte, l'intérêt à agir ne pouvant résider dans la seule recherche de la sanction de la méconnaissance de la règle de droit ;
qu'il n'est pas démontré que les droits des locataires que défend l'association dans le cadre de son objet tel que rappelé ci-dessus sont contredits ou heurtés par des droits concurrents que créerait le protocole du 19 juin 2010 ;
qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en toutes ses dispositions » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « en application de l'article 31 du Code de procédure civile, si une association peut, même hors habilitation législative et en l'absence de prévision statutaire quant à l'emprunt des voies judiciaires, agir en défense d'intérêts collectifs, son action n'est cependant recevable qu'autant que ceux-ci entrent dans son objet social ;
que l'intérêt à agir d'une association en défense des intérêts collectifs qu'il entre dans son objet de protéger doit être direct, en ce qu'il doit tendre à la réalisation d'un droit subjectif, né et actuel ; qu'il s'apprécie au vu de la prétention qui forme l'objet de l'action en justice ; qu'il en résulte que l'association Vivre à La Défense ne peut valablement justifier son intérêt à agir en annulation du protocole conclu entre l'EPAD et la société Hermitage le 19 juin 2010 par référence à un préjudice que lui causerait l'invocation de cet acte dans d'autres actions en justice qu'elle aurait engagées, action dont au surplus elle ne prouve pas qu'elles soient encore en cours ; qu'il appartient en revanche à l'association Vivre à La Défense d'établir que le protocole du 19 juin 2010 dont elle demande l'annulation, porte directement atteinte aux intérêts collectifs qu'elle représente ; qu'aux termes de l'article 2.2 des statuts de l'association Vivre à La Défense, son objet est :
« - La fédération, la gestion et la défense des intérêts des locataires et occupants des immeubles du quartier de La Défense,
- La représentation et la défense des intérêts des locataires et occupants des immeubles du quartier à l'égard,
d'une part :
- Des propriétaires et/ou copropriétaires -réunis en syndicat ou non-, ou des tiers, personne physique ou morale de droit privé,
d'autre part :
- De toute administration, collectivités territoriales ou de tiers, personne de droit public ou para public,
- L'assistance et l'information aux locataires et en priorité pour ses membres, l'organisation de réunions ou de toute manifestation d'intérêt collectif pour eux » ;
que l'association Vivre à La Défense soutient qu'elle agit en annulation du protocole conclu entre l'EPAD et la société Hermitage le 19 juin 2010 au motif qu'il serait nul car ayant une cause illicite et contraire à l'ordre public ; qu'elle soutient que cette illicéité résulterait du fait que le protocole prévoirait la cession de droits réels immobiliers, en l'occurrence de lots de volume existants, dont l'EPADESA n'est pas propriétaire et, s'agissant des droits à construire, qui n'ont aucun objet car inclus dans les lots de volume cédés ; qu'il convient en premier lieu de relever que le protocole du 19 juin 2010 n'est pas un contrat de vente mais un contrat préparatoire aux termes duquel les parties ont manifesté leur intention de conclure ultérieurement un contrat de vente dont elle ont seulement entendu fixer certaines modalités ; qu'il en résulte, sans préjuger de la pertinence de la réalité factuelle des griefs allégués par l'association Vivre à La Défense, que l‘atteinte à des droits personnels ou réels susceptibles de résulter de la vente du bien d'autrui et/ou de la vente de droits réels immobiliers dépourvus d'objet, ne peut être constituée par le seul protocole du 19 juin 2010 qui, précisément, n'emporte cession d'aucune chose ni d'aucun droit réel ; qu'il n'existe donc aucun intérêt né et actuel à agir, qu'il soit collectif ou individuel ; qu'en second lieu, sans davantage préjuger de la pertinence et de la réalité factuelle des griefs allégués par l'association Vivre à La Défense, la vente de la chose d'autrui n'ouvrirait droit à une action en nullité qu'à l'acquéreur, en application de l'article 1599 du Code civil, soit en l'espèce, à la société Hermitage SAS ; que quant à la vente de droits réels immobiliers dépourvus d'objet, l'association Vivre à La Défense ne démontre pas en quoi il entrerait dans son objet statutaire d'en poursuivre et d'en solliciter l'annulation en justice ; qu'elle n'établit pas quel intérêt collectif, qu'il lui appartient de défendre en vertu de ses statuts, serait susceptible d'être lésé par la conclusion d'une telle vente ; qu'en effet, la défense des intérêts des locataires et occupants des immeuble du quartier de La Défense n'est pas susceptible de présenter un quelconque rapport avec l'éventuelle conclusion par le propriétaire d'immeubles à construire dans ce quartier d'un contrat susceptible de lui être financièrement défavorable ; que par suite, l'association Vivre à La Défense sera déclarée irrecevable en toutes ses demandes, faute de justifier d'un intérêt légitime à agir » ;
1°/ ALORS QUE l'intérêt à agir se définit comme l'avantage que l'action est susceptible de procurer au plaideur ; que l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause, y compris ses preuves, dans ses conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'est contraire au procès équitable, l'entrave mise à la possibilité pour une partie de contester la licéité d'un acte qui lui est opposé dans le cadre d'un litige ; que l'association Vivre à La Défense exposait que, dans le cadre des trois recours pour excès de pouvoir qu'elle a formés devant le juge administratif à l'encontre des trois arrêtés de permis de construire du 6 mars 2012 délivrés aux fins d'édification des deux tours, et de leur locaux techniques, la société Hermitage et le Préfet des Hauts-de-Seine ont cherché à tirer argument du protocole du 19 juin 2010 ; que ce protocole était de nature à rompre l'égalité des armes entre les pouvoirs publics et le promoteur, d'une part, et l'association de défense des habitants de La Défense, d'autre part, puisqu'il a été signé sous l'égide des Présidents Z... et Y..., dans le cadre du 13ème forum international économique tenu à Saint-Pétersbourg, ce qui n'a pas manqué de conférer au projet une très grande solennité, et de le faire apparaître comme irréprochable ; qu'en jugeant qu'en aucune façon le fait que ce protocole soit invoqué devant les juridictions administratives n'aurait conféré à l'association Vivre à La Défense le droit d'en demander l'annulation et en interdisant ainsi à cette partie de remettre en cause la licéité d'un acte dont se prévaut pourtant son adversaire devant le juge administratif, la Cour d'appel a violé ensemble les articles 31 du Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
2°/ ALORS QU'une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs, dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; que l'objet social s'entend du but concret poursuivi par l'association ; que l'association Vivre à La Défense exposait qu'elle a pour but et pour objet notamment « l'amélioration des conditions de vie des riverains, de séjour des actifs ou des visiteurs du quartier de La Défense, de les réunir et de défendre leurs intérêts » (article 2.1 des statuts) et « la défense des intérêts des locataires et occupants des immeubles du quartier de La Défense » (article 2.2 des statuts) ; qu'en retenant que l'objet social de l'association serait limité aux énonciations de l'article 2.2 des statuts, pour décider que cet objet ne serait pas « d'assurer la protection des habitants du quartier contre la destruction urbanistique de celui-ci », cependant que l'article 2.1 faisait partie intégrante de cet objet, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 31 du Code de procédure civile ;
3°/ ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QU'une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs, dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; que la Cour d'appel a constaté que l'association Vivre à La Défense a pour objet notamment « la défense des intérêts des locataires et occupants des immeubles du quartier de La Défense » (article 2.2 des statuts) ; qu'en jugeant que l'objet social de cette association ne serait pas « d'assurer la protection des habitants du quartier contre la destruction urbanistique de celui-ci », cependant que la destruction urbanistique envisagée met nécessairement en péril les intérêts des locataires et occupants des immeubles en prévoyant la destruction de leurs logements, la Cour d'appel a dénaturé l'article 2.2 des statuts de l'association Vivre à La Défense, en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
4°/ ALORS QUE l'intérêt à agir se définit comme l'avantage que l'action est susceptible de procurer au plaideur ; qu'en retenant que l'intérêt à agir supposerait la démonstration que l'acte porte atteinte à des droits personnels ou réels du demandeur (cf. jugement p. 4 al. 11) et qu'« il n'est pas démontré que les droits des locataires que défend l'association dans le cadre de son objet tel que rappelé ci-dessus sont contredit ou heurtés par des droits concurrents que créerait le protocole du 19 juin 2010 » (arrêt p. 6 al ; 2 et 3), cependant que l'intérêt à agir ne suppose pas la preuve d'une atteinte à un droit réel ou personnel du demandeur, mais uniquement la preuve que le succès de l'action intentée pourrait lui procurer un avantage, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article 31 du Code de procédure civile ;
5°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE l'intérêt à agir se définit comme l'avantage que l'action est susceptible de procurer au plaideur ; qu'il n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ; que la Cour d'appel constaté que l'association avait pour but « la défense des droits de ses membres essentiellement face aux bailleurs et/ou aux administrations » ; qu'en retenant qu'« il n'est pas démontré que les droits des locataires que défend l'association dans le cadre de son objet tel que rappelé ci-dessus sont contredit ou heurtés par des droits concurrents que créerait le protocole du 19 juin 2010 », cependant que cette démonstration était relative au bien-fondé de l'action et non à sa recevabilité, la Cour d'appel a violé l'article 31 du Code de procédure civile ;
6°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE l'association Vivre à La Défense, reprenant les termes du protocole d'accord du 19 juin 2010, exposait dans ses écritures que cet accord cadre fixe les conditions d'octroi de la « maîtrise foncière » promise à la société Hermitage, telles que l'engagement de l'EPAD de céder à cette dernière « les biens immobiliers, libres de toute occupation (bail, convention d'occupation,
), inclus dans le périmètre du projet » (cf. conclusions p. 7 à 9) ; qu'en se bornant à retenir qu'« il n'est pas démontré que les droits des locataires que défend l'association dans le cadre de son objet tel que rappelé cidessus sont contredit ou heurtés par des droits concurrents que créerait le protocole du 19 juin 2010 », sans répondre au moyen par lequel l'association faisait valoir que cet acte prévoit qu'il soit, dans un premier temps mis fin à leurs baux afin que les immeubles [...]
, [...] et [...] soient livrés libres de toute occupation et, dans un second temps, que ces immeubles soient détruits, de sorte que l'annulation de cet acte était nécessairement de nature à porter une atteinte au droit des locataires qui risquaient de se voir ainsi privés de leurs logements, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.