CIV. 1
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10302 F
Pourvoi n° A 17-17.502
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme Armelle A... , épouse B... , domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 2 novembre 2015 par la cour d'appel de [...] chambre A), dans le litige l'opposant à M. Etienne B... , domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
M. B... a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 27 mars 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme X..., conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Ortscheidt, avocat de Mme A... , de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. B... ;
Sur le rapport de Mme X..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation du pourvoi principal, annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Dit n'y avoir lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel ;
Condamne Mme A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme A... , demanderesse au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Mme Armelle A... de sa demande en divorce pour faute aux torts exclusifs de Monsieur Etienne B... et de sa demande de dommages et intérêts et en ce qu'il a prononcé le divorce entre les époux sur le fondement de l'article 237 du Code civil ;
AUX MOTIFS QUE Mme A... soutient qu'elle établit l'infidélité de son époux, qu'elle rappelle que celui-ci avait été débouté d'une précédente demande en divorce (pour faute) par la cour d'appel de Rennes en date du 27 mars 2012, qu'elle invoque le non- respect par son époux de l'obligation de communauté de vie énoncée à l'article 215 du code civil, en lien par l'abandon du domicile conjugal par l'intimé au mois de novembre 2008, qu'elle conteste la force probante des attestations produites par son époux, qu'elle ajoute que celui-ci n'a pas respecté le devoir d'entraide entre époux et qu'il n'assumait plus depuis plusieurs années son rôle d'époux et de père (suppression le 8 juin 2004 de toute procuration sur le compte bancaire utilisé par les époux, ouverture d'un compte bancaire au nom de l'épouse et versement d'une somme de 100 € à son ouverture), qu'elle a dû reprendre une activité professionnelle en 2005 pour subvenir aux besoins du foyer familial, qu'elle fait valoir par ailleurs, que son époux a failli à son devoir d'entretien et d'éducation à l'égard de ses enfants en violation des dispositions de l'article 213 du code civil, en soulignant que le père n'a plus aucune relation avec ses enfants ; que M. B... conteste les griefs allégués par son épouse, qu'il réplique que celle-ci refusait tous rapports conjugaux sexuels, qu'il a vécu seul de 2008 à septembre 2010, que son épouse est seule responsable de son départ tenant au mauvais caractère et à l'agressivité de celle-ci, explique qu'il a dû supprimer toute procuration au profit de son épouse sur le compte bancaire utilisé habituellement par les deux époux du fait que son épouse avait vidé le compte, qu'il objecte que son épouse, outre la perception de sa pension d'invalidité, dispose de revenus de gardes en sa qualité d'accueillante familiale (de mai 2005 à octobre 2008) et de ventes d'agneaux élevés sur les terres de [...] à [...], qu'entre 2004 et 2008, c'est lui qui faisait tous les achats pour la maison, rétorque que contrairement à ce que prétend son épouse, il se borne à couper du bois pour sa consommation sans en vendre ; que si l'abandon du domicile conjugal au cours du mois de novembre 2008 par l'époux est caractérisé, néanmoins, celui-ci justifie que le contexte de conflit conjugal aigu émaillé d'altercations verbales et de scènes de ménage entre les époux, était de nature à légitimer son départ, M. B... ayant finalement décidé de s'enfuir plutôt que d'affronter encore le conflit conjugal avec son épouse ; qu'en effet, que M. B... produit de nombreuses attestations relatant les tensions familiales existant au sein du couple avant la séparation des époux, rappelant que Mme A... demandait à son époux de dégager de la maison ; que les épisodes de violence du 25 juillet et du 7 août 2008 invoqués par l'époux ont eu lieu après le dépôt de la 1ère requête en divorce de M. B... le 15 juillet 2008, quelques mois avant la séparation de fait des époux le 1er novembre 2008 et ont fait l'objet d'un classement sans suite le 24 décembre 2008 selon les termes de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 27 mars 2012 ; que si M. B... ne conteste pas vivre avec Mme Evelyne Y..., l'infidélité du mari n'est caractérisée qu'à compter du 1er octobre 2010, date de la signature du bail au nom du couple, soit plus de deux ans après la séparation de fait des époux ; que le grief d'adultère invoqué par l'épouse n'est pas pertinent eu égard à la rupture du couple acquise depuis novembre 2008 et sera donc écarté ; que les griefs tenant à la violation du devoir d'entraide entre époux et au manquement de l'époux à son devoir d'entretien et d'éducation à l'égard de ses enfants ne sont pas établis, M. B... justifiant qu'il participait aux dépenses du ménage, constitué uniquement de deux personnes, les enfants étant majeurs et ayant acquis leur indépendance financière depuis longtemps ; que la circonstance que l'époux n'entretienne plus de relations avec ses enfants qui sont des adultes, ne saurait constituer un manquement aux obligations découlant du mariage ; que les trois griefs allégués par l'épouse contre son conjoint seront donc écartés et il sera fait droit à la demande reconventionnelle en divorce présentée par l'époux pour altération du lien conjugal en vertu des articles 237, 238 alinéa 2 et 246 alinéa 2 du code civil, étant ajouté que l'assignation en divorce a été délivrée le 10 janvier 2013, soit plus de deux ans après la séparation des époux ;
ET AUX MOTIFS NON CONTRAIRES QU' au soutien de sa demande, Mme B... née A... , fait valoir que le juin 2004, son époux a supprimé toute procuration sur le compte bancaire utilisé habituellement par les deux époux et qu'il a décidé unilatéralement de lui ouvrir un compte en ne versant à l'ouverture que 100 €, alors qu'à cette époque, elle ne percevait que 592,56 au titre de sa pension d'invalidité ; que Mme B... née A... expose qu'à compter de cette date, elle a dû nourrir la famille et subvenir aux besoins du foyer avec cette seule ressource ; qu'outre le fait que Mme B... née A... ne justifie nullement de ses dires, il lui sera rappelé qu'en 2004, les enfants étaient respectivement âgés de 33,29,28 et 26 ans ; qu'elle ne justifie nullement que les enfants adultes étaient encore à sa charge ; que Mme B... née A... ne démontrant pas la réalité des griefs invoqués, elle sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 242 du Code Civil ; qu'il y a donc lieu d'examiner la demande de Monsieur B... fondée sur les articles 237 et suivants du Code Civil ; que le divorce peut-être demandé par l'un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré ; que l'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu'ils vivent séparés depuis deux ans lors de l'assignation en divorce ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces du dossier et notamment du contrat de location que Monsieur B... a souscrit le 30 octobre 2008 que les époux vivent séparés depuis le 1er novembre 2008 ; que l'assignation en divorce ayant été délivrée le 10 janvier 2013, soit plus de deux ans après la séparation des époux, il convient en conséquence de prononcer le divorce par altération définitive du lien conjugal ;
1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent rejeter la demande en divorce dont ils sont saisis sans examiner tous les griefs qui leur sont soumis par le demandeur, y compris les griefs postérieurs à l'ordonnance de non conciliation ; qu'en écartant la demande en divorce pour faute formulée par Mme A... , motif pris que les trois griefs invoqués par celle-ci n'étaient pas établis, sans examiner le grief tiré de ce que M. B... ne lui avait pas versé le montant de la pension alimentaire fixée par l'ordonnance de non conciliation au titre du devoir de secours, de sorte qu'elle avait dû recourir à une procédure de paiement direct sur le montant de la retraite de celui-ci, ce qui caractérisait une faute au sens de l'article 242 du code civil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;
2°) ALORS QUE l'introduction de la demande en divorce ne confère pas aux époux, encore dans les liens du mariage, une immunité privant de leurs effets normaux les offenses dont ils peuvent se rendre coupables l'un envers l'autre ; que pour débouter Mme A... de sa demande reconventionnelle en divorce pour faute fondée sur l'adultère commis par M. B... en 2010, la cour d'appel a retenu que le grief d'adultère invoqué par l'épouse n'était pas pertinent eu égard à la rupture du couple acquise depuis novembre 2008 ; qu'en statuant ainsi, quand Mme A... n'avait pas donné son accord à cette séparation et que l'introduction d'une demande en divorce initiée par l'époux en 2008, rejetée par arrêt définitif du 27 mars 2012, ne libérait pas M. B... de son devoir de fidélité, la cour d'appel a violé l'article 242 du code civil ;
3°) ALORS QUE le juge doit examiner et se prononcer sur toutes les pièces régulièrement produites par les parties ; que Mme A... produisait six attestations (pièces communiquées n° 19 à 24), pour contester le fait justificatif invoqué par M. B... pour enlever à l'abandon du domicile conjugal son caractère fautif ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans examiner, même sommairement, les attestations produites par Mme A... , la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Mme A... de sa demande de prestation compensatoire ;
AUX MOTIFS QUE chacun des époux a établi en 2013 une déclaration sur l'honneur selon les modalités prévues à l'article 272 du code civil, respectivement versée aux débats ; que les premiers juges, par application des articles 270 et 271 du code civil, après avoir rappelé les moyens d'existence de chacun des époux, ont conclu à juste titre qu'il n'est pas établi que la rupture du mariage crée une disparité dans les conditions de vie respectives de chacun des époux et rejeté la demande de l'épouse tendant au versement d'une prestation compensatoire ; qu'il doit être rappelé que le mariage aura duré 45 ans, que le couple a eu quatre enfants, que les époux sont retraités agricoles, l'époux, âgé de 67 ans percevant une pension de 2.009 €, partageant la charge d'un loyer de 748 € avec sa compagne, l'épouse, âgée de 66 ans, percevant une pension de 1.010 € et devant acquitter 496 € de charges mensuelles, chacun devant faire face en outre aux dépenses de la vie courante ; que pour apprécier la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux, il convient de prendre en considération toutes les composantes de leur patrimoine et, notamment, leurs biens propres ou personnels quelle qu'en soit l'origine ; que l'épouse est propriétaire en propre, pour l'avoir recueillie de sa mère au titre d'une donation entre vifs le 11 mars 1988 à titre de partage anticipé, d'un bien situé sur la commune de [...], comprenant une maison d'habitation (deux pièces en terre battue au rez-de-chaussée a usage de cuisine et de chambre), une étable, des parcelles de terre sous diverses natures pour une contenance de 3 ha 37 a 80 ca et diverses parcelles de terre sous diverses nature, pour une contenance de 2 ha 35 a 19 ca, le tout représentant 5 ha, 72 a, 99 ca, la communauté étant pour sa part, propriétaire de diverses parcelles de terre agricole pour une surface totale de 4 ha 80 ca à [...] ;
que cette longère (évaluée à 230.000 € en octobre 2012, ayant six pièces), qui constituait l'ancien domicile conjugal, a fait l'objet de rénovation et d'aménagements qui ont été payés par la communauté ; que le projet de partage notarié prévoit que l'épouse est redevable à ce titre d'une récompense de 209.302,23 €, la soulte étant réduite à 104. 668,64 € eu égard aux masses active et passive à partager ; que cet élément caractérise l'absence de disparité caractérisée dans les conditions de vie des époux, M. B... , même s'il dispose d'une pension de retraite supérieure à son épouse, n'est propriétaire d'aucun bien immobilier, étant locataire, n'ayant recueilli que la somme de 5.000 € environ dans le cadre des opérations de partage consécutives au décès de ses parents et ne disposant que d'une faible épargne (11.431 €) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la situation des parties est la suivante : le mariage a duré 43 ans dont 38 ans de vie commune le couple a eu quatre enfants l'époux, âgé de 66 ans est retraité – revenus mensuels : pension de retraite 2.009 € - charges mensuelles : loyer 748 € partagés avec sa compagne, outre les charges de la vie courante ; l'épouse, âgée de 65 ans est retraitée – revenus mensuels : pension de retraite 1.069 € - charges mensuelles : charges courantes ; que Mme B... née A... dispose de trois comptes d'assurances vie dont le solde global en février 2009 (il n'y a pas de relevés plus récents) était de 32.195,47 € ; qu'elle est par ailleurs propriétaire en propre d'un bien situé sur la commune de [...], comprenant notamment une maison d'habitation, une étable et des terres, le tout représentant plus de 5 hectares outre 4 hectares de bois ; que ce bien reçu en donation en janvier 2006 a fait l'objet d'aménagements payés par la communauté ; que le projet de partage établi par Maître Z..., Notaire, prévoit que Mme B... née A... est redevable d'une soulte de 104.668,64 € ; qu'il en résulte qu'il n'est pas établi que la rupture du mariage crée une disparité dans les conditions de vie des époux, de sorte qu'il n'y a pas lieu au paiement d'une prestation compensatoire ;
ALORS QUE lorsque la liquidation du régime matrimonial des époux est égalitaire, il n'y avait pas lieu, en l'absence de circonstances particulières, de tenir compte des biens appartenant à la communauté pour apprécier la disparité créée par la rupture du lien conjugal ; que pour rejeter la demande de prestation compensatoire formulée par Mme A... , la cour d'appel a pris en considération le bien appartenant à la communauté, constitué par diverses parcelles de terre agricole pour une surface totale de 4 ha 80 ca à[...] ; qu'en statuant, quand la liquidation du régime matrimonial des époux étant égalitaire, il n'y avait pas lieu, en l'absence de circonstances particulières, de tenir compte des biens appartenant à la communauté pour apprécier la disparité créée par la rupture du lien conjugal, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil.