CIV. 2
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10318 F
Pourvoi n° T 17-11.354
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Thierry Y..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2016 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Papeterie de Clairefontaine, dont le siège est [...] ,
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 28 mars 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Z..., conseiller rapporteur, M. Cadiot, conseiller, Mme Szirek, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. Y..., de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Papeterie de Clairefontaine, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges ;
Sur le rapport de Mme Z..., conseiller, l'avis de M. de Monteynard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Cadiot, conseiller conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Y....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la victime d'un accident du travail (M. Y..., l'exposant) de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur (la société Papeteries de Clairefontaine), en conséquence en fixation au taux maximum de la majoration de sa rente et en institution d'une expertise pour déterminer l'étendue de ses préjudices ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'absence de formation et d'information, M. Y... soutenait que les salariés de la société Papeteries de Clairefontaine ne disposaient d'aucune formation sur le fonctionnement des machines qu'ils utilisaient et que lui-même n'avait bénéficié d'aucune formation sur la machine Will 8 sur laquelle l'accident s'était produit ; que l'employeur produisait aux débats une fiche intitulée "formation sécurité au poste de travail service façonnage" qui concernait la machine Will 8 et qui avait été signée le 26 janvier 2004 par le formateur, M. A..., et par l'opérateur, M. Y... ; que des fiches analogues, qui concernaient d'autres machines, avaient également été signées par M. Y... à différentes dates ; que ces éléments permettaient d'établir qu'il avait bien reçu une formation appropriée ; qu'il faisait valoir cependant qu'il n'avait pas reçu d'information sur les règles à observer pour le nettoyage des cylindres ; qu'il résultait cependant des circonstances de l'accident, qui n'étaient pas contestées par lui, qu'il avait démonté un carter de protection et qu'après avoir, dans un premier temps, arrêté la machine pour la nettoyer, il avait ensuite voulu retirer une impureté tandis qu'il avait déjà remis la machine en fonctionnement, contrairement aux instructions ; que M. Y... avait donc connaissance du fait que la machine ne devait pas être nettoyée pendant son fonctionnement et l'absence d'information précise sur la façon de procéder au nettoyage des cylindres n'avait joué aucun rôle dans la survenue de l'accident ; que, sur l'absence de dispositif d'arrêt d'urgence accessible, M. Y... ne prouvait pas que le dispositif d'arrêt d'urgence était inaccessible depuis l'endroit où il devait normalement se trouver lorsqu'il conduisait la machine ; qu'il ressortait du récit de l'accident que c'était précisément parce que les mains de M. Y... avaient été happées à un endroit dangereux, où il n'aurait pas dû intervenir pendant que la machine était en marche, qu'il n'avait pu actionner lui-même le dispositif d'arrêt d'urgence, ce qui avait pu être fait en revanche par l'une de ses collègues ; que, sur l'absence de vérification de la machine, l'arrêté du 5 mars 1993 modifié prévoyait notamment l'obligation de procéder à une vérification générale périodique de certaines machines ; que, toutefois, il ne résultait d'aucune des pièces du dossier que l'équipement sur lequel travaillait M. Y... correspondait à l'un ou l'autre de ces types de machine ; que, sur la conscience du danger, il n'était pas soutenu qu'un accident analogue à celui dont M. Y... avait été victime se fût déjà produit dans l'entreprise et il ne résultait d'aucun élément du dossier que l'employeur avait été alerté avant l'accident sur les possibles dangers que pouvait présenter la machine Will 8 ; que le récit des faits permettait d'établir que la cause de l'accident résidait dans le non-respect des consignes de sécurité par M. Y... puisqu'il avait remis en route la machine en marche lente sans replacer le carter de protection et qu'il avait néanmoins voulu retirer une impureté après cette remise en marche ; que l'employeur, qui avait donné pour instructions de ne jamais nettoyer une machine en fonctionnement et de ne jamais retirer les organes de sécurité, ne pouvait avoir conscience du risque pris par son salarié de sa propre initiative ; que M. Y... relevait que l'employeur avait pris après l'accident une note de service datée du 25 avril 2008 pour indiquer que les interventions sur ou à proximité des pièces mobiles non protégées ne devaient pas être effectuées en marche continue (vitesse réduite ou vitesse de production) et que l'usage de la baladeuse permettant de faire fonctionner la machine au coup par coup était obligatoire pour toutes ces opérations ; que, toutefois, le fait de faire fonctionner la machine au coup par coup au moyen de la baladeuse ne pouvait être assimilé au fonctionnement habituel de la machine, lequel s'entendait soit de la vitesse normale de production, soit de la marche lente qui était celle utilisée par M. Y... au moment de l'accident ; qu'il était manifeste que le déclenchement au coup par coup de la machine au moyen de la baladeuse ne se concevait qu'à l'occasion des opérations de maintenance et non lorsque la machine se trouvait dans son cycle de production, que ce soit en vitesse normale ou en vitesse lente ; qu'il n'existait donc pas de contradiction dans le fait d'interdire le nettoyage d'une machine en fonctionnement, ce qui s'entendait de la marche normale ou lente pour les opérations de production, tout en préconisant le recours à la baladeuse permettant son utilisation au coup par coup pour les opérations de maintenance ; qu'en outre, le fait pour l'employeur d'avoir pris une nouvelle note de service pour préciser ses instructions après l'accident, afin de tenir compte des circonstances particulières de celui-ci, ne permettait pas de présumer l'existence d'une conscience du danger qui aurait été antérieure à l'accident (arrêt attaqué, p. 5, alinéas 2 à 6, p. 6, alinéas 1 à 8, p. 7, alinéas 1 à 8, p. 8, alinéas 5 à 8, p. 9, alinéas 1 à 8) ;
ALORS QUE, d'une part, l'employeur commet une faute inexcusable lorsqu'il n'a pas organisé une formation pratique, appropriée à la sécurité de ses salariés et répétée régulièrement, et qu'il s'est contenté d'une formation hâtive ou de la simple remise d'une fiche au salarié ; qu'en l'espèce, pour écarter la faute inexcusable de l'employeur, l'arrêt attaqué s'est borné à relever que, quatre ans avant la survenance de l'accident du travail dont l'exposant avait été victime, celui-ci avait signé une fiche de présentation du poste ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la formation organisée par l'employeur était pratique, appropriée à la sécurité du salarié et répétée périodiquement afin de préserver celui-ci du danger, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles L. 4141-1, L. 4141-2, L. 4141-3, R. 4141-1, R. 4141-2, R. 4141-3 et R. 4141-3-1 et R. 4141-4 du code du travail, 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, d'autre part, l'employeur se rend coupable d'une faute inexcusable lorsqu'il n'a pas installé sur une machine un ou plusieurs dispositifs d'arrêt d'urgence clairement identifiables, accessibles et en nombre suffisant ; qu'en l'espèce, pour écarter la faute inexcusable de l'employeur, l'arrêt attaqué s'est contenté de relever que si l'exposant n'avait pas pu actionner le dispositif d'arrêt d'urgence de la machine, c'était parce que ses deux mains avaient été happées à un endroit dangereux ; qu'en se déterminant de la sorte sans vérifier si la machine était équipée d'un nombre suffisant de dispositifs d'arrêt d'urgence et si celui équipant la machine était effectivement accessible au salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 4324-15 du code du travail, 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, en outre, l'article 1er de l'arrêté du 5 mars 1993 – soumettant certains équipements de travail à l'obligation de faire l'objet des vérifications générales périodiques prévues à l'article R. 233-11 du code du travail (devenu R. 4323-22 du même code) – prévoit que les machines de type « massicots pour la découpe du papier, du carton (
), presses à façonner les cuirs, peaux, papiers, cartons » doivent faire l'objet d'une vérification générale périodique tous les trois mois ; qu'en l'espèce, en considérant que cet arrêté n'était pas applicable à la machine en cause qui était pourtant une presse rotative à façonner le papier et était dès lors soumise à l'obligation de vérification générale tous les trois mois, la cour d'appel a violé l'article 1er de l'arrêté du 5 mars 1993, l'article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, enfin, la faute inexcusable est caractérisée à chaque fois que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en protéger ; que l'arrêt attaqué a admis qu'à la suite de l'accident l'employeur avait décidé de prendre une nouvelle note de service modifiant les consignes de sécurité d'utilisation de la machine lors de son nettoyage et de sa maintenance en préconisant à l'avenir d'avoir recours à la baladeuse et de faire fonctionner la machine au coup par coup, ce dont il résultait qu'il aurait dû avoir conscience du danger lié aux conditions de nettoyage et de maintenance de la machine sur laquelle travaillait le salarié et qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en déclarant néanmoins que l'employeur n'avait pu avoir conscience du danger avant l'accident, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, et l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale.