SOC.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 10613 F-N
Pourvoi n° H 17-10.424
et
Pourvoi n° K 17-10.450 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu les pourvois n° H 17-10.424 à K 17-10.450 formés par la société Clinique du Pont de Chaume, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
contre vingt-sept arrêts rendus le 10 novembre 2016 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2, chambre sociale), dans les litiges l'opposant à :
1°/ à M. Nicolas Y..., domicilié [...] ,
2°/ à Mme Estelle Z..., épouse A..., domiciliée [...] ,
3°/ à Mme Agnès B..., épouse C..., domiciliée [...] ,
4°/ à Mme Alexandra D..., épouse E..., domiciliée [...] ,
5°/ à Mme Delphine F..., épouse G..., domiciliée [...] ,
6°/ à Mme Maryline H..., épouse I..., domiciliée [...] ,
7°/ à Mme Magali J..., épouse K..., domiciliée [...] ,
8°/ à Mme Luz Maria LL... , domiciliée [...] ,
9°/ à Mme Christine MM... , domiciliée [...] ,
10°/ à Mme Nicole L..., domiciliée [...] ,
11°/ à Mme Jennifer M..., domiciliée [...] ,
12°/ à Mme Nathalie N..., épouse O..., domiciliée [...] ,
13°/ à Mme Mathilde P..., domiciliée [...] ,
14°/ à Mme Chantal Q..., domiciliée [...] ,
15°/ à Mme Françoise R..., domiciliée [...] ,
16°/ à Mme Françoise S..., domiciliée [...] ,
17°/ à Mme Annie T..., épouse U... de Pressense, domiciliée [...] ,
18°/ à Mme Michèle V..., domiciliée [...] ,
19°/ à Mme Sylvie W..., épouse XX..., domiciliée [...] ,
20°/ à M. Stéphane YY..., domicilié [...] ,
21°/ à Mme Erica Matias ZZ..., domiciliée [...] ,
22°/ à Mme Lydie AA..., domiciliée [...] ,
23°/ à Mme Marie-José BB..., épouse CC..., domiciliée [...] ,
24°/ à Mme Jennifer DD..., épouse Y..., domiciliée [...] ,
25°/ à Mme Aurélie EE..., domiciliée [...] ,
26°/ à Mme Isabelle FF..., domiciliée [...] ,
27°/ à Mme Christel GG..., domiciliée [...] ,
28°/ au syndicat CGT de la Clinique du Pont de Chaume, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 21 mars 2018, où étaient présentes : Mme X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme HH..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme HH..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Clinique du Pont de Chaume, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. Y..., de Mme Q..., de Mme GG..., de Mme FF..., de Mme EE..., de Mme DD..., de Mme BB..., de Mme AA..., de Mme Matias ZZ..., de M. YY..., de Mme W..., de Mme V..., de Mme T..., de Mme S..., de Mme R..., de Mme P..., de Mme N..., de Mme M..., de Mme L..., de Mme MM... , de Mme LL... , de Mme J..., de Mme H..., de Mme F..., de Mme D..., de Mme B..., de Mme Z... et du syndicat CGT de la Clinique du Pont de Chaume, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la connexité, joint les pourvois n° H 17-10.424 à K 17-10.450 ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre des décisions attaquées, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Clinique du Pont de Chaume aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Clinique du Pont de Chaume à payer à M. Y..., Mme Q..., Mme GG..., Mme FF..., Mme EE..., Mme DD..., Mme BB..., Mme AA..., Mme Matias ZZ..., M. YY..., Mme W..., Mme V..., Mme T..., Mme S..., Mme R..., Mme P..., Mme N..., Mme M..., Mme L..., Mme MM... , Mme LL... , Mme J..., Mme H..., Mme F..., Mme D..., Mme B..., Mme Z... et au syndicat CGT de la Clinique du Pont de Chaume la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens communs produits, aux pourvois n° H 17-10.424 à K 17-10.450, par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Clinique du Pont de Chaume
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR dit et jugé qu'il convient d'évaluer forfaitairement à 15 minutes par jour le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, dit et jugé que le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage est évalué forfaitairement à 22 minutes et 30 secondes si le repas est pris à la cafétéria, et d'AVOIR en conséquence condamné la Clinique du Pont de Chaume à payer aux salariés une certaine somme au titre de la contrepartie financière du temps d'habillage et de déshabillage pour la période de décembre 2008 à septembre 2016 inclus, ainsi que la somme de 200 euros en réparation du préjudice moral subi, outre la somme de 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la première instance que de l'appel ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur le droit à contrepartie au titre du temps d'habillage et de déshabillage ; l'employeur n'invoque aucun moyen à l'appui de la demande d'irrecevabilité. La demande de la salariée est parfaitement recevable en la forme ; il résulte des dispositions de l'article L. 3121-3 du code du travail que Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées, soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le, déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ; ces contreparties sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif ; l'accord de branche sur la réduction et l'aménagement du temps de travail du secteur de l'hospitalisation privée et du secteur social et médico-social à caractère commercial dispose dans son chapitre 2, section 1, article 1 que le temps de travail effectif au sens du présent accord est celui tel que défini par l'article L. 212-4 du code du travail [devenu l'article L. 3121-3 précité] ; le temps d'habillage et de déshabillage des personnels dont le port d'une tenue de travail est imposé des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail devra donner lieu à une contrepartie sous forme financière ou de repos ; cette contrepartie sera déterminée par l'accord d'entreprise ou le contrat de-travail ; en premier lieu, il y a lieu de retenir que les termes de l'article L. 3121-3 du code du travail, lesquels prévoient une contrepartie pécuniaire ou sous forme de repos, excluent sue le temps d'habillage et de déshabillage soit considéré comme un temps effectif de travail ; en l'espèce, aucun accord n'a été conclu dans la Clinique du Pont de Chaume et aucune stipulation des contrats de travail ne prévoit de clause relative au temps d'habillage et de déshabillage ; l'employeur s'oppose à la demande : il invoque pour la période antérieure à son engagement unilatéral l'existence d'un usage instaurant une contrepartie financière et pour la période postérieure une contrepartie suffisante sous forme de repos fixée par l'engagement unilatéral ; l'engagement unilatéral de l'employeur sur le temps d'habillage et de déshabillage a pris effet à compter du 1er janvier 2013, c'est donc en fonction de cette date (et non de la date de signature de l'engagement unilatéral) que la situation de la salariée doit être examinée ; cette contrepartie est effectivement accordée annuellement lors de l'année n+1, soit la première fois à compter du 1er janvier 2014 ; *sur la période antérieure au 1er janvier 2013 : l'usage allégué par l'employeur consiste à la compensation du temps d'habillage et de déshabillage par des temps de pause, pendant lesquels les salariés peuvent vaquer à leurs occupations personnelles, mais étant rémunérés (café, cigarette, discussions, sommeil,
), ce qui constitue un avantage financier ; la preuve de cet usage est à la charge de l'employeur qui l'invoque ; l'employeur fait référence à un compte rendu du comité d'entreprise du 23 janvier 2001 mentionnant que « le temps d'habillage et de déshabillage reste toujours compris dans le temps de pause » ; ces termes employés dans ce compte rendu de 2001, à la rubrique divers, sont cités sans aucun contexte et peuvent correspondre à une réponse de l'employeur à une question, ils ne permettent pas d'établir l'existence d'une contrepartie financière du temps d'habillage et de déshabillage et donc de l'usage allégué ; l'employeur ne peut se fonder sur les termes du procès-verbal de désaccord dressé le 11 décembre 2012 pour établir cet usage puisque précisément aucun accord n'a été trouvé ; les termes de l'engagement unilatéral, lesquels constituent des affirmations de l'employeur, n'ont pas été validés par les autres signataires ; la Clinique du Pont de Chaume, dont l'effectif est de 460 salariés environ, produit un seul témoignage d'une ancienne salariée, Mme II..., laquelle atteste de l'existence de multiples temps libres des salariés pris pour divers motifs personnels mais payés par l'employeur ; la salariée intimée produit l'attestation de Mme JJ..., infirmière à la Clinique de Villeneuve sur Lot, précisant que Mme II... continue à exercer la fonction d'infirmière coordinatrice à la clinique de Villeneuve sur Lot, sous la subordination du juridique du groupe VEDICI auquel appartient la Clinique du Pont de Chaume ; l'intimée produit également la carte de la localisation des établissements de santé du groupe VEDICI qui fait apparaître effectivement la Clinique du Pont de Chaume et la Clinique de Villeneuve sur Lot ; cette attestation et la carte de localisation des établissements ne sont pas contestées par la Clinique du Pont de Chaume ; ainsi, le témoin a toujours un lien de subordination avec le groupe dirigeant l'entreprise de l'employeur ; surtout, il y a lieu de retenir que l'attestation isolée de Mme II... ne permet pas de rattacher les pauses informelles des salariés, décrites de façon générale mais non circonstanciée, à la contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage ; compte tenu de ces éléments, l'attestation de Mme II... ne permet pas d'établir l'usage allégué ; enfin, aucun élément ne permet de comptabiliser la durée effective des pauses informelles alléguées et donc de vérifier la cohérence avec une prétendue contrepartie financière ; l'usage allégué par la Clinique n'est donc pas établi, de sorte qu'il n'existe pas de contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage pour la période antérieure au 1er janvier 2013 ; la demande de la salariée intimée est donc bien fondée dans son principe pour cette période ; *sur la période postérieure au 1er janvier 2013 : le procès-verbal de désaccord du 11 décembre 2012 mentionne que la Clinique du Pont de Chaume s'engage à ce que soient attribuées 12 heures de récupération annuelle pour temps d'habillage/déshabillage par salarié à temps plein (...) ; cette contrepartie accordée unilatéralement par l'employeur est contestée par la salariée intimée laquelle considère qu'elle est insuffisante et dérisoire au regard du temps passé aux opérations d'habillage et de déshabillage ; l'examen du bien-fondé de la demande de la salariée intimée suppose donc une quantification préalable de la contrepartie allouée jar l'employeur ;
ENCORE AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la quantification de la contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage : les accords d'entreprises tierces et les conventions collectives concernant d'autres secteurs ou professions, relatifs à la contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage, produits par l'employeur, n'ont aucune valeur obligatoire dans le présent contentieux ; aucune disposition ne fait obstacle à ce qu'il soit fait référence à un taux équivalent au taux horaire salarial pour chiffrer la contrepartie financière. Dans la mesure où le salarié doit être présent dans l'entreprise pendant l'opération et ne peut vaquer librement à une autre occupation, la contrepartie financière sera mesurée au regard d'une part, du temps passé pour l'habillage et le déshabillage et d'autre part, d'un taux équivalent au taux horaire alloué par ailleurs pour le temps de travail ; la Clinique s'appuie sur un constat d'huissier réalisé dans un lieu unique dans lequel était déposée la tenue de travail à disposition de l'huissier, lequel a comptabilisé un temps d'habillage et de déshabillage à hauteur de 5 minutes 23 secondes par jour ; toutefois, il résulte des attestations concordantes de 11 salariés de la Clinique du Pont de Chaume, non contestées utilement par l'employeur, que ces salariés – comme les autres collègues – procèdent aux opérations suivantes : - pose ses affaires devant son vestiaire, cherche et récupère sa tenue qui est dans un chariot avec les autres tenues des collègues ; se déshabille, range ses vêtements personnels, s'habille en tenue de travail (y compris chaussettes et sabots) ; prend ses outils pour travailler (stylo, ciseaux) ; part à la salle de bain faire le lavage de mains obligatoire ; sort du vestiaire et se dirige vers son service éloigné du vestiaire ; de plus ces salariés de la Clinique du Pont de Chaume ont effectué un décompte de temps chronométré de l'habillage et du déshabillage variant entre 13 Minutes et 19 minutes ; enfin, la restitution de la visite des vestiaires de la clinique par le CHSCT du 4 février 2014 démontre l'exiguïté des locaux, la difficulté pour récupérer la tenue de travail nominative et l'éloignement des vestiaires du lieu du service d'affectation ; ainsi, le constat d'huissier qui ne correspond pas à la réalité des opérations d'habillage et de déshabillage ne contredit pas les chronométrages effectués par les salariés de la Clinique et ne peut être retenu ; c'est donc justement que les premiers juges ont retenu une durée de 15 minutes par jour travaillé, valeur correspondant à la moyenne des temps chronométrés correspondant à la réalité du temps d'habillage et de déshabillage et l'ont fixé à 22 minutes 30 secondes lorsqu'il y a lieu à prise du repas à la cafétéria de l'entreprise, entraînant un changement supplémentaire de tenue ; eu égard à l'évaluation du temps d'habillage et de déshabillage à hauteur de 15 minutes par jour (ou de 22 minutes 30 secondes par jour), il apparaît que les 12 heures annuelles attribuées unilatéralement, au titre de la contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage sont tout à fait insuffisantes et dérisoires ; il sera donc alloué à la salariée une contrepartie financière pour les deux périodes antérieure et postérieure au 1er janvier 2013 ; la salariée intimée présente un décompte critiqué de façon détaillée par la Clinique au regard des jours effectivement travaillés uniquement sur l'année 2012 et de façon générale sur les autres périodes sans opérer de contre-chiffrage pour les périodes de 2007 à 2011 et de 2013 à 2016 ; la Clinique produit un document de 500 pages environ constitué par les plannings prévisionnels des salariés par services pour la période de 2007 à 2011, accompagné d'une annexe explicative (pièces 5 et 5-1) ; l'examen approfondi de ces pièces par la cour fait apparaître que les codes couleur utilisés ne sont pas tous explicités, qu'une lettre utilisée dans le planning ne comporte pas de légende, que la signification d'une autre lettre varie selon le service ; en définitive, les pièces produites par l'employeur, correspondant à un prévisionnel, ne sont pas exploitables par la juridiction pour déterminer le nombre de jours effectivement travaillés par la salariée intimée ; le fait pour l'employeur de renvoyer la cour à effectuer des recherches dans un document inexploitable n'est pas sérieux ; pour la période de 2012 à septembre 2016, l'employeur ne produit aucun justificatif ; or l'employeur a l'obligation légale de tenir un décompte précis des jours travaillés ; compte tenu de ces éléments, les jours travaillés décomptés par la salariée, lesquels ne sont pas sérieusement contestés par l'employeur, seront retenus ; compte tenu du taux horaire applicable à chaque période, mentionné dans les décompte de la salariée correspondant à celui mentionné dans les bulletins de salaire, le montant de la contrepartie doit être rectifié et la somme due par la Clinique du Pont de Chaume sera fixée à 2.341,97 euros ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE sur le temps d'habillage et de déshabillage ; aux termes de l'article L. 3121-3 du code du travail : « le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail. Ces contreparties sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif » ; le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, ne constitue pas du temps de travail effectif rémunéré par du salaire ; en l'espèce, le caractère obligatoire du port de la tenue de travail ainsi que le fait que l'habillage et le déshabillage soient réalisés sur le lieu de travail sont incontestables ; à la Clinique du Pont de Chaume, il était d'usage de longue date que le temps pris par les salariés pour les opérations d'habillage et de déshabillage soit compensé par des temps de pauses pris librement et rémunérés, et fasse à ce titre l'objet d'une contrepartie en repos ; La Clinique du Pont de Chaume précise en outre dans ses écritures que : « le paiement d'un temps de pause, au cours duquel le salarié peut vaquer librement à ses occupations personnelles, constitue un avantage financier pouvant par conséquent tenir lieu de contrepartie au temps d'habillage/déshabillage » ; la Clinique du Pont de Chaume indique également qu'il est fait mention aux termes du procès-verbal d'une réunion du comité d'entreprise du 23 janvier 2001, que : « le temps d'habillage/déshabillage reste toujours compris dans le temps de pause » ; mais l'employeur ne rapporte pas la preuve que ces contreparties étaient véritablement dédiées au temps d'habillage/déshabillage ; en effet, il n'est pas possible de considérer que le temps de pause visé à l'article L. 3121-33 du code du travail puisse faire office de contrepartie au temps consacré à l'habillage et au déshabillage ; l'employeur ne fournit pas les élément permettant à la fois de s'assurer du respect des dispositions de l'article L. 3121-3 du code du travail précité (temps de pause d'au moins 20 minutes, dès que le travail quotidien atteint six heures), et du respect des contreparties accordées sous forme de repos ; pour la période postérieure à décembre 2012, et en application d'un engagement unilatéral de l'employeur, les salariés ont bénéficié à compter du 1er janvier 2013, de 12 heures de récupération annuelles à titre de contrepartie du temps passé aux opérations d'habillage/déshabillage ; les heures sont acquises en fin d'années N et à récupérer l'année N+1 ; factuellement, ces dispositions n'ont trouvé application que depuis le 1er janvier 2014 ; or les demandes de contrepartie des salariés portent sur a période de novembre 2008 à novembre 2012 ; pour ce qui concerne la quantification du temps consacré à l'habillage/déshabillage, plusieurs salariés présentent un décompte du temps effectué en temps réel à l'aide d'un chronomètre comme suit : Mme R... : auxiliaire de puériculture (suite de couches et bloc obstétrical) a calculé un temps total de 15 min 32 ; Mme K... : chirurgie ambulatoire a calculé un temps total de 16 min 30 ; Mme MM... : IDE, service oncologie, 1er sud, a calculé un temps total de 16 min 68 ; Mme E... : IDE, service oncologie, 1er sud, a calculé un temps total de 15 min 06 ; Mme KK... Augustin : IDE, dialyse, a calculé un temps total de 15 min 05 ; Mme A... : IDE, 2è sud, a calculé un temps total de 15 min 22 (12h20 d'amplitude horaire) ; Mme Q... : AS, réanimation, a calculé un temps total de 19 min ; Mme C... : IDE nuit, 2è sud, a calculé un temps total de 13 min 50 (12 heures travail de nuit) ; Mme I... : AS, a calculé un temps total de 15 min ; Mme AA... : IDE, oncologie (travail en 12 heures) a calculé un temps total de 13 min 50 ; Mme M... : AS, USIC, a calculé un temps total de 15 min 38 ; on constate une amplitude importante (de 13 à 19 minutes) et des temps différenciés selon la qualification du salarié et les services (sur un panel d'une dizaine de salariés) ; en revanche, on constate que les attestations sur l'honneur, produites sur la base d'un même moule (28 formulaires pré-établis), sont rédigés en termes parfaitement identiques et font état de façon uniforme d'un temps d'habillage/déshabillage fixé systématiquement à 20 minutes par jour (30 minutes si le repas est pris à la cafétéria), et ce, quel que soit le service et la qualification des salariés ; ces attestations, qui manifestement ont été établies pour les besoins de la cause, ne sont pas crédibles, car elles contredisent les temps chronométrés (entre 13 et 19 minutes) ; par ailleurs, le constat d'huissier versé aux débats par la Clinique du Pont de Chaume, fait état d'une temps d'habillage/déshabillage de 5 minutes 23 secondes, manifestement insuffisant et peu significatif car il ne concerne qu'une personne : au vu des pièces versées aux débats et des conclusions des parties, le conseil de prud'hommes évalue forfaitairement à 15 minutes par jour le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, temps porté à 22 minutes et 30 secondes si le repas est pris à la cafétéria ; ainsi, le temps ayant servi de base au calcul de la contrepartie financière sollicitée par les salariés doit être réduit de 25% ; par voie de conséquence, le conseil fera droit aux demandes des salariés, sur les périodes de novembre 2008 à novembre 2012 et décembre 2012 à septembre 2014, sous forme d'une contrepartie financière et non d'un rappel de salaire, étant précisé que cette contrepartie financière doit être réduite de 25% (20 min . 15 min) ; sur le nombre de jours travaillés ; pour la seule année 2012, il apparaît que le nombre de jours réellement travaillés par les 20 salariés, mentionné dans les écritures de la Clinique du Point de Chaume, s'élève au total à 1234 ; or, 1331 jours auraient été déclarés par les salariés, soit 97 jours déclarés à tort ; néanmoins, il convient de préciser que 5 salariés ont déclaré un nombre de jours travaillés inférieur de 33 par rapport au nombre de jours réellement travaillés ; dans ces conditions, le conseil dit et juge que la force probatoire des documents relatifs aux heures réellement travaillées en 2012 n'a pas à être remise en cause, d'autant que le pourcentage d'erreurs constaté de 7,28% (97/1331) est largement inférieur au seuil de signification généralement admis en la matière ; pour ce qui concerne les années antérieures à 2012, l'absence de contestation précise que l'employeur permet de tenir pour acquis les temps de travail déclarés par les salariés, peu important l'absence de plannings individualisés invoquée par l'employeur ;
1°) ALORS QUE le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties ; que ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ; que ces contreparties sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d‘entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif ; qu'en l'absence d'accord collectif ou de clause dans le contrat de travail définissant les contreparties dont les opérations d'habillage et de déshabillage doivent faire l'objet quand elles doivent être réalisées sur le lieu de travail et ne sont pas assimilées à un temps de travail effectif, il appartient au juge de déterminer la contrepartie en fonction des prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le constat d'huissier a comptabilisé un temps d'habillage et de déshabillage à hauteur de 5 minutes 23 secondes par jour ; qu'elle a par ailleurs constaté que les salariés « ont effectué un décompte de temps chronométré de l'habillage et du déshabillage variant entre 13 et 19 minutes » ; qu'elle a relevé que les salariés ont « procédé aux opérations suivantes : - pose ses affaires devant son vestiaire, cherche et récupère sa tenue qui est dans un chariot avec les autres tenues de ses collègues ; - se déshabille, range ses vêtements personnels, s'habille en tenue de travail (y compris chaussettes et sabots) ; prend ses outils pour travailler (stylo, ciseaux) ; part de la salle de bain faire le lavage de main obligatoire ; sort du vestiaire et se dirige vers son service éloigné du vestiaire » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans faire ressortir en quoi le temps de trajet entre le vestiaire et le lieu de travail devait entrer dans temps d'habillage et de déshabillage sujet à contrepartie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 3121-3 du code du travail dans sa version applicable au litige ;
2°) ALORS QUE le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties ; que ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ; que ces contreparties sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d‘entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif ; qu'en l'absence d'accord collectif ou de clause dans le contrat de travail définissant les contreparties dont les opérations d'habillage et de déshabillage doivent faire l'objet quand elles doivent être réalisées sur le lieu de travail et ne sont pas assimilées à un temps de travail effectif, il appartient au juge de déterminer la contrepartie en fonction des prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rappelé que les dispositions du code du travail excluent que le temps d'habillage et de déshabillage soit considéré comme un temps de travail effectif ; que par ailleurs, il n'a pas été contesté que l'accord collectif d'entreprise relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail n'assimile pas le temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif ; qu'en fixant pourtant explicitement la contrepartie financière par référence à la rémunération due en contrepartie d'un travail effectif, ce qui revenait à assimiler les temps d'habillage et de déshabillage à du travail effectif, et ce au motif inopérant que le salarié ne peut vaquer à ses occupations durant cette opération, la cour d'appel violé l'article L. 3121-3 du code du travail dans sa version applicable au litige ;
3°) ALORS, subsidiairement, QUE le juge doit motiver sa décision ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, si elle a affirmé que les 12 heures annuelles attribuées unilatéralement par l'employeur au titre de la contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage sont tout à fait insuffisantes et dérisoires, en a donc, ce faisant, admis l'existence ; qu'elle a par ailleurs constaté que « compte tenu du taux horaire applicable à chaque période, mentionné dans les décomptes du salarié correspondant à celui mentionné dans les bulletins de salaire, le montant de la contrepartie doit être rectifié », sans pour autant expliciter le mode de calcul retenu ;qu'ainsi, en ne mettant pas en mesure la Cour de cassation d'exercer son contrôle quant au mode de calcul qu'elle a retenu à cette fin, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 3121-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, ensemble les articles 4, 12 et 455 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS, toujours subsidiairement, QU'en l'absence d'accord collectif ou de clause dans le contrat de travail définissant les contreparties dont les opérations d'habillage et de déshabillage doivent faire l'objet quand elles doivent être réalisées sur le lieu de travail et ne sont pas assimilées à un temps de travail effectif, il appartient au juge de déterminer la contrepartie en fonction des prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, si elle a affirmé que les 12 heures annuelles attribuées unilatéralement au titre de la contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage sont tout à fait insuffisantes et dérisoires, en a bien, ce faisant, constaté l'existence ; qu'il lui appartenait donc, en tout état de cause, de tenir compte de la contrepartie effectivement octroyée par l'employeur dans le calcul du reliquat de contrepartie qu'elle estimait due aux salariés ; que pourtant, après avoir énoncé que « compte tenu du taux horaire applicable à chaque période, mentionné dans les décomptes du salarié correspondant à celui mentionné dans les bulletins de salaire, le montant de la contrepartie doit être rectifié », la cour d'appel a alloué aux salariés la totalité de la contrepartie qu'ils sollicitaient, sans nullement en déduire le montant correspondant aux 12 heures annuelles effectivement octroyées par l'employeur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, ensemble l'articles 4 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR condamné la Clinique du Pont de Chaume à payer au syndicat CGT de la Clinique du Pont de Chaume la somme de 540 euros à titre de dommages et intérêts, et de 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE le caractère abusif ou non d'une demande n'a aucune incidence sur la recevabilité ; l'absence d'application ou la mauvaise application par l'employeur des dispositions relatives à la contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage de personnels soignants concerne l'intérêt collectif de la profession que représente le syndicat CGT de la Clinique du Pont de Chaume ; l'action du syndicat est donc recevable en application des dispositions de l'article L. 2132-3 du code du travail ; le non-respect des dispositions relatives à la contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage a causé un préjudice à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat ; il sera donc alloué au syndicat intervenant la somme de 50 euros dans cette affaire disjointe à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt général de la profession ;
ALORS QUE la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation des chefs condamnant la Clinique du Pont de Chaume envers le syndicat CGT de la Clinique du Pont de Chaume, compte tenu du lien de dépendance nécessaire, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile.