CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10301 F
Pourvoi n° J 17-16.797
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ Mme Gabrielle Y..., épouse Z..., domiciliée [...] ,
2°/ Mme Marthe Y..., épouse A..., domiciliée [...] ,
3°/ Mme Eliane B..., domiciliée [...] ,
toutes trois agissant en qualité d'héritières de Robert Y..., décédé le [...] ,
contre l'arrêt rendu le 7 février 2017 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société Placoplatre, société anonyme, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 21 mars 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. C..., conseiller référendaire rapporteur, M. Besson, conseiller, Mme Mainardi, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mmes Gabrielle et Marthe Y... et de Mme B..., de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Placoplatre ;
Sur le rapport de M. C..., conseiller référendaire, l'avis de M. D..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes Gabrielle et Marthe Y... et Mme B... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mmes Gabrielle et Marthe Y... et de Mme B..., les condamne à payer à la société Placoplatre la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mmes Gabrielle et Marthe Y... et Mme B....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté les consorts Y... de l'ensemble de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE, sur la responsabilité de la société Placoplatre dans la surmortalité du troupeau, les consorts Y... fondent leur action sur la responsabilité délictuelle ;
Qu'il leur appartient par conséquent de démontrer la faute de la société Placoplatre en lien de causalité avec le préjudice allégué ;
Que les consorts Y... reprochent à la société Placoplatre d'avoir, à la fin de l'année 2000, rapproché le concasseur du point d'eau où s'abreuvaient les animaux et de ne pas avoir fait procéder à des analyses chimiques régulières de l'eau pour vérifier l'incidence qui pouvait en résulter sur la qualité de l'eau ;
Qu'ils soutiennent qu'il n'existe pas d'autre explication à la mortalité, enregistrée entre le mois d'août 2002 et le 9 janvier 2003, sur 27 % du troupeau, qu'une intoxication au soufre ;
Qu'il ressort de l'étude réalisée sur l'environnement de la ferme par le bureau d'études Burgeap d'Avignon, à la demande de la préfecture des Hautes-Alpes :
- que si l'eau de la source présentait en 2003 des teneurs très élevées en sulfates (1.700 à 1.760 mg/1) la rendant impropre à l'alimentation en eau du bétail, les analyses effectuées en 1989, soit avant l'installation de la carrière, révélaient déjà une teneur en sulfates très élevée (1.780 mg/l),
- qu'en outre le suivi annuel des points d'eau réalisé par des mesures de conductivité - dont le Burgeap indique qu'il est tout à fait adapté pour appréhender la concentration des sulfates dans l'eau - révèle une minéralisation stable pendant les 13 années d'observation de 1989 à 2002 ;
Que l'étude conclu que l'eau de la source est saturée en sulfate de calcium, indépendamment de l'exploitation de la carrière ;
Que le simple fait que la société Placoplatre ait payé l'étude faite par le Burgeap ne permet pas de mettre en doute cet organisme qui a procédé à ses investigations de façon contradictoire et a suivi la méthodologie d'étude détaillée des risques décrit dans le guide de gestion des sites pollués établi par le ministère de l'écologie et du développement durable ;
Qu'aucun autre élément versé aux débats ne permet de démontrer l'existence d'une augmentation anormale des taux de sulfates dans l'eau de la source, à la suite de l'installation du concasseur à proximité de celle-ci ;
Qu'il ne peut se déduire de la seule concomitance entre l'installation du concasseur et l'apparition de la surmortalité, la preuve d'une faute de la société Placoplatre ;
Que, par ailleurs, l'expertise diligentée par le Dr E... de l'Envt, en présence notamment de Robert Y..., du Dr F... , vétérinaire qui suivait le troupeau depuis une dizaine d'années, d'un représentant de la société Placoplatre et de l'avocat de celle-ci, montre :
- que la mortalité constatée est due à plusieurs facteurs de risque, liés à l'augmentation de l'effectif, au bâtiment, à l'alimentation, au nombre de béliers, ainsi qu'à une composant parasitaire majeure,
- mais qu'aucune pathologie connue pour être liée à des excès soufrés n'a pu être mise en évidence ;
Que cet avis a donné lieu à des observations du Dr F... , le 3 octobre 2011, auxquelles l'expert a répondu de façon très argumentée le 9 février 2012, concluant qu'au vu des données plus complètes de la littérature scientifique « les concentrations tissulaires en soufre ne semblent pas pouvoir être retenues comme élément de preuve d'une éventuelle intoxication chronique par le souffre, ni chez les adultes ni chez les agneaux » ;
Qu'il ne peut donc être affirmé avec certitude que les ovins, dont le symptôme majeur était « un amaigrissement sur plusieurs semaines, conduisant à la cachexie et la mort, l'appétit était conservé jusqu'au décubitus terminal ; il n'y avait pas de perte de laine ; les brebis maigres produisaient moins de lait et leurs agneaux, chétifs, mouraient dans les premiers jours de vie », ont présenté une pathologie en lien avec un excès de soufre ;
Qu'aucun élément technique nouveau, susceptible de justifier le recours à des investigations vétérinaires supplémentaires, n'est produit par les consorts Y..., de sorte que leur demande d'expertise présentée plus de onze ans après le dernier rapport déposé par l'Entv ne saurait prospérer ;
Qu'ainsi, en l'absence de démonstration d'une faute commise par la société Placoplatre en lien de causalité avec la surmortalité des ovins, la demande des consorts Y... doit être rejetée et le jugement infirmé en toutes ses dispositions ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut modifier les limites du litige ; que, dans leurs écritures d'appel, les exposantes avaient rappelé les termes de l'assignation visant « à titre principal les articles 1382 et 1383 du code civil » et, « à titre subsidiaire, les dispositions des articles 1384 alinéa 1er du code civil » ; qu'en énonçant que les consorts Y... fondent leur action sur la responsabilité délictuelle et qu'ils devaient en conséquence démontrer la faute de la société Placoplatre en lien de causalité avec le préjudice allégué, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'exploitant d'une carrière située près d'une source d'eau naturelle permettant d'abreuver du bétail est tenu de se prémunir contre tout risque de pollution, notamment par des analyses chimiques régulières relatives à l'impact de son exploitation sur cette source ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la société Placoplatre n'avait pas commis une faute en se satisfaisant des tests non probants de conductivité de l'eau, sans effectuer « entre l'année 1989 et l'année 2003, soit pendant près de quinze années, et même après déplacement du concasseur à proximité du point d'eau », aucune « véritable analyse chimique précise et détaillée de cette eau », la cour a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;
3°) ALORS QU'en se bornant à affirmer « qu'il ne peut se déduire de la seule concomitance entre l'installation du concasseur et l'apparition de la surmortalité, la preuve d'une faute de la SA Placoplatre », sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il n'existait pas des présomptions graves précises et concordantes du lien entre la concomitance du déplacement du concasseur et la surmortalité du bétail dès lors que les prétendus autres « facteurs de risque » n'avaient jamais été modifiés depuis l'origine de l'exploitation, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil et de l'article 1353, devenu 1382 du code même code ;
4°) ALORS QU'en se fondant, pour écarter toute faute de la société Placoplatre, sur le fait que l'eau de la source présentait en 2003 « des teneurs très élevées en sulfates la rendant impropre à l'alimentation en eau du bétail » mais que « les analyses effectuées en 1989, soit avant l'installation de la carrière, révélaient déjà une teneur en sulfates très élevée », sans répondre au chef des écritures des exposantes démontrant qu'en 1989, les mesures avaient été prises après de fortes pluies, ce qui n'était pas le cas en 2003, et que ces mesures ne pouvaient donc être comparées, la cour a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du code de procédure civile.