SOC.
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
M. FROUIN, président
Décision n° 10558 F
Pourvoi n° H 17-15.162
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Hervé X..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2017 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2, chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Cabinet Y..., société anonyme, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 mars 2018, où étaient présents : M. Frouin, président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller, Mme Berriat, avocat général, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. X..., de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de la société Cabinet Y... ;
Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR jugé fondé sur des faits non prescrits le licenciement pour faute grave de Monsieur X... et débouté ce dernier de ses demandes de condamnations de son employeur, la SA Cabinet G. Y..., au paiement d'indemnités de rupture et dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU' " Il est de principe que l'employeur, à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts ;
QU'en l'espèce, la lettre de licenciement permet de faire la distinction entre les faits invoqués à l'appui de la procédure disciplinaire et ceux invoqués au titre de l'insuffisance professionnelle, de sorte que le moyen tiré de la confusion des motifs par l'employeur ne peut être retenu, étant observé que, dans ses conclusions, Monsieur X... se défend successivement sur le plan disciplinaire puis sur celui de l'insuffisance professionnelle ;
QUE la lettre de licenciement du 18 octobre 2013 rappelle que le cabinet fonde sa notoriété sur sa dimension humaine et la relation personnalisée entretenue avec chaque client et sur des valeurs de collaboration, d'empathie et de qualité de services ;
QU'elle reproche à Monsieur X... au titre de la faute grave les griefs suivants :
- l'altercation survenue le 19 juillet 2013 avec un client, Monsieur B... rapportée à Madame Y... à la mi- septembre,
- dans le cadre de l'enquête approfondie diligentée à la suite de ce signalement, de nombreux incidents avec la clientèle, les compagnies d'assurance et les experts : les clients se sont plaints de son arrogance, son mépris, son agressivité et son inefficacité ; il a été rapporté une attitude hautaine et très agressive avec les compagnies et le personnel des cabinets d'expertise ;
QU'au titre de l'insuffisance professionnelle, la lettre de licenciement énonce les faits suivants :
- la sollicitation systématique des compagnies assureur alors qu'il s'agit de sinistres pour lesquels le Cabinet Y... est habilité à régler directement l'assuré,
- la mauvaise gestion d'un dossier dans lequel un assuré attendait un règlement de 160 euro depuis mi-mai 2013,
- la mauvaise gestion du dossier de Monsieur C... ;
QUE le Cabinet Y... établit que Madame Y... en charge de la gestion du personnel, était en congé de maternité au moment de l'altercation du 19 juillet 2013 et n'est revenue au cabinet que le 1er septembre 2013 ; qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier qu'elle était remplacée pendant le mois de juillet et d'août 2013 dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire et que l'organigramme versé aux débats par Monsieur X... postérieur au licenciement n'en fait pas la preuve ; que l'attestation de Madame D..., responsable indemnisation, présente au cabinet le 19 juillet 2013, jour de l'altercation, confirme que Madame Y... n'a été informée de ces faits qu'à son retour de congé de maternité ; que la cour estime qu'il est ainsi démontré que le Cabinet Y... a engagé la procédure de licenciement dans le délai de prescription de deux mois de l'article L.1332-4 du code du travail et qu'il ne peut pas plus être reproché à l'employeur d'avoir tardé à engager la procédure de licenciement pour faute grave alors que, de retour de congé de maternité, Madame Y... a diligenté une enquête sur les faits reprochés à Monsieur X... et qu'il est constant que l'employeur est en droit de n'engager la procédure de licenciement qu'après s'être donné les moyens d'avoir une parfaite connaissance de l'étendue des faits fautifs de son salarié ; que la lettre d'explication des époux B... concernés par l'altercation du 19 juillet est datée du 2 octobre 2013, soit de 5 jours avant l'engagement de la procédure ;
QU' il appartient au Cabinet Y... qui a procédé au licenciement pour faute grave de Monsieur X... de rapporter la preuve de la faute grave qu'il a invoquée à l'encontre de son salarié, étant rappelé que la faute grave se définit comme un manquement ou un ensemble de manquements qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;
QUE Monsieur et Madame B..., clients du Cabinet Y..., mettent en cause dans leur lettre du 2 octobre 2013 le comportement de Monsieur X... à l'occasion de plusieurs sinistres et indiquent que, le 19 juillet 2013, dans le cadre d'une discussion téléphonique sur le montant d'une franchise, Monsieur X... a indiqué à Monsieur B... ''c'est pas un problème, viens je t'attends'' en le prenant de haut ; que Monsieur B... ajoute qu'il s'est déplacé au cabinet et qu'aucun dialogue n'a été possible, Monsieur X... continuant à le prendre de haut et à être arrogant ; que Madame D... est intervenue pour les recevoir et aborder les problèmes rencontrés avec Monsieur X... ;
QUE dans son attestation, Madame D... confirme que le 19 juillet 2013, un client fort mécontent était venu au cabinet ; qu'elle est intervenue afin que la situation ne dégénère pas ;
QUE l'agressivité du comportement de Monsieur X... est encore attestée par Madame E..., standardiste, qui certifie que Monsieur X... a refusé de prendre en ligne un client au motif qu'elle n'annonçait pas le nom de ce dernier, allant jusqu'à lui raccrocher au nez à trois reprises ; que Madame F..., cliente du cabinet, a demandé par courrier du 4 octobre 2013 à ne plus être suivie par Monsieur X.... qui se montre, selon cette dernière, hautain soupçonneux et inefficace ; que Madame G..., responsable d'un cabinet d'expertise atteste encore que Monsieur X... s'est mal comporté à plusieurs reprises avec ses assistantes et particulièrement le 9 septembre 2013 ; qu'il s'est énervé en traitant de nulle et d'incompétente son assistante, lui raccrochant au nez en l'insultant ; qu'elle ajoute être intervenue auprès du Cabinet Y... pour faire cesser cette attitude injurieuse ; qu'il est exact que Madame G... n'indique pas si elle a été témoin direct des faits mais qu'elle atteste en qualité de responsable de ce cabinet d'expertise chargée de relayer auprès du Cabinet Y... les plaintes de ses salariées de sorte que son attestation peut être prise en compte en ce qu'elle confirme l'attitude désobligeante de Monsieur X... envers certaines secrétaires ;
QUE Monsieur X... se défend d'avoir été agressif et d'avoir adopté un comportement déviant ; que les trois attestations qu'il produit établissent qu'il a pu avoir une attitude adaptée et faire son travail de façon efficace avec ces clients qui en attestent mais qu'il ne produit aucune pièce contredisant les faits précis dénoncés tant par les clients et par une salariée du Cabinet Y... et par la société d'expertise ;
QUE la cour estime, comme le conseil de prud'hommes, que l'attitude agressive de Monsieur X... tant à l'égard de certains clients qu'envers les professionnels avec lesquels il était en contact constitue une faute dans l'exécution de son contrat de travail qui rendait impossible le maintien de Monsieur X... au sein du Cabinet Y..., société de courtage en assurance, tenue de garantir le respect par ses salariés des clients et des collaborateurs du cabinet ;
QUE la faute grave de Monsieur X... est parfaitement constituée, comme l'a justement retenu le conseil de prud'hommes, ce qui justifie, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les motifs tirés de l'insuffisance professionnelle de Monsieur X..., le débouté des demandes en paiement de l'appelant fondées sur son absence de faute grave et sur l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement (
)" ;
ET AUX MOTIFS adoptés QUE "comme le rappelle Monsieur X..., conformément à l'article L.1332-4 du Code du travail, l'employeur dispose d'un délai de deux mois pour engager des poursuites disciplinaires à compter du jour où il a eu connaissance des faits fautifs ; qu'en l'espèce, la SA Cabinet Y... justifie par les bulletins de salaire de Madame Chrystelle Y..., alors directeur général délégué, que cette dernière était absente aux mois de juin, juillet et août pour congé de maternité ; que Monsieur X... soutient qu'il y avait un autre directeur général, Monsieur H... ; qu'il résulte cependant que l'organigramme dont il se prévaut est postérieur à la date de son licenciement ; qu'il n'est par ailleurs ni démontré ni même soutenu que Madame Y... ait délégué ses pouvoirs en son absence ; qu'il n'est pas davantage établi que les faits ayant pu être commis pendant le congé de maternité de Madame Y... aient été portés à sa connaissance avant son retour, que le conseil fixe au 1er septembre 2013 en fonction des bulletins de salaire ;
QUE la lettre de licenciement fait notamment grief à Monsieur X... d'avoir provoqué un incident avec un client, Monsieur B..., plus précisément d'avoir, le 19 juillet 2013 lors d'une dispute au téléphone, tenu les propos suivants : "c'est pas un problème, viens, je t'attends" et d'avoir été hautain avec cette personne ; que la lettre mentionne encore : "Face à vos provocations, l'incident a failli se terminer aux mains et des collaborateurs du cabinet sont intervenus pour faire cesser cette altercation" ;
QU' il résulte de la lettre adressée à la Société défenderesse le 2 octobre 2013 par Monsieur et Madame B... qu'à la suite d'un sinistre sur un véhicule, Monsieur X... aurait répondu à Madame B... courant mars 2013 : "apprenez à lire, vous avez signé un contrat. Si vous n'êtes pas content c'est pareil" et qu'à la suite d'un nouveau sinistre et d'un désaccord avec les conclusions d'un rapport expertal, Monsieur B... et Monsieur X... ont eu une discussion et que Monsieur X... au téléphone a dit à Monsieur B... : "c'est pas un problème, viens, je t'attends" lorsque ce dernier a manifesté son intention de se déplacer et enfin que, lors de l'arrivée de Monsieur B... dans les locaux du Cabinet Y... , Monsieur X... a continué à être arrogant, de sorte qu'aucun dialogue n'a été possible ; qu'il résulte d'une attestation régulière en la forme de Madame Corinne D... que "le 19/07/03, un client fort mécontent est venu au Cabinet. J'ai dû intervenir pour que la situation ne dégénère pas (
)" ;
1°) ALORS QU'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu, dans le même délai, à l'exercice de poursuites pénales ; que les motifs pour lesquels l'employeur s'est abstenu d'exercer son pouvoir disciplinaire sont indifférents à l'écoulement du délai de prescription ; qu'en écartant la prescription de l'incident du 19 juillet 2013 opposée par Monsieur X... par des motifs inopérants déduits de ce que la directrice générale déléguée en charge de la gestion du personnel " était en congé de maternité au moment de l'altercation du 19 juillet 2013 et n'est revenue au cabinet que le 1er septembre 2013" sans qu'il " résulte d'aucune pièce du dossier qu'elle était remplacée pendant le mois de juillet et d'août 2013 dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire" la Cour d'appel, qui s'est déterminée aux termes de motifs inopérants, a violé derechef l'article L.1332-4 du Code du travail ;
2°) ALORS QU'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; que cette connaissance est acquise lorsque les faits, qui se sont déroulés pendant le temps de travail dans les locaux professionnels, en présence du personnel d'encadrement, ont causé un trouble objectif dans l'entreprise, peu important que la personne en charge d'exercer, par délégation le pouvoir disciplinaire au sein de la personne morale employeur, dont le contrat de travail était suspendu, n'ait pas elle-même été physiquement présente ; qu'en l'espèce, il ressort tant des mentions de la lettre de licenciement que des propres constatations de l'arrêt attaqué que "l'altercation survenue le 19 juillet avec un client, Monsieur B..." reprochée à Monsieur X... à titre de faute grave s'est déroulée au vu et au su de l'ensemble du personnel, et notamment de la "responsable indemnisation, Madame D..., présente au Cabinet
qui est intervenue afin que la situation ne dégénère pas" ; qu'en déclarant non prescrits ces faits survenus dans les locaux professionnels en présence du personnel d'encadrement, ayant causé un trouble objectif dans l'entreprise, au motif inopérant qu'ils n'auraient été portés à la connaissance de la directrice générale déléguée, en charge de la gestion du personnel, qu'à son retour de congé de maternité, la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L.1332-4 du Code du travail ;
3°) ALORS en toute hypothèse QUE dans les rapports avec les tiers, la société anonyme à conseil d'administration est représentée par son directeur général ; qu'en cas de délégation de certains de ses pouvoirs à des directeurs généraux éventuellement désignés par le conseil d'administration avec l'accord du directeur général, les directeurs généraux délégataires sont réputés, vis à vis des tiers, disposer des mêmes pouvoirs que le directeur général sans se substituer à lui ; que dès lors, le seul fait qu'un incident survenu au temps et au lieu du travail, ayant créé un trouble objectif au sein de la société et imposé l'intervention du personnel d'encadrement, n'ait pas été porté à la connaissance personnelle du directeur général adjoint délégataire du pouvoir disciplinaire, ne suffit pas à caractériser l'absence de connaissance de ce fait par la personne morale employeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé derechef l'article L.1332-4 du Code du travail, ensemble l'article L.225-56 du Code de commerce ;
4°) ALORS très subsidiairement QUE lorsque la prescription des faits fautifs est opposée par le salarié, c'est à l'employeur qu'il appartient de rapporter la preuve de la connaissance de ces faits dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites disciplinaires ; qu'en l'espèce, il ressort tant des mentions de la lettre de licenciement que des propres constatations de l'arrêt attaqué que "l'altercation survenue le 19 juillet avec un client, Monsieur B..." reprochée à Monsieur X... à titre de faute grave s'est déroulée au vu et au su de l'ensemble du personnel, et notamment de la "responsable indemnisation, Madame D..., présente au Cabinet
qui est intervenue afin que la situation ne dégénère pas" ; qu'en retenant, pour déclarer ces faits non prescrits au moment de l'introduction de la procédure disciplinaire, le 7 octobre 2013, que " le Cabinet Y... établit que Madame Y... en charge de la gestion du personnel, était en congé de maternité au moment de l'altercation du 19 juillet 2013 et n'est revenue au cabinet que le 1er septembre 2013 ; qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier qu'elle était remplacée pendant le mois de juillet et d'août 2013 dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire et que l'organigramme versé aux débats par Monsieur X... postérieur au licenciement n'en fait pas la preuve" quand c'est à la personne morale employeur qu'il revenait d'établir qu'en l'absence de la directrice générale déléguée dont le contrat de travail était suspendu, aucune personne n'exerçait plus les pouvoirs de l'employeur au sein de l'entreprise, la Cour d'appel, qui a renversé la charge de la preuve, a violé les articles L.1332-4 du Code du travail, 1315, devenu 1353 du Code civil.