CIV. 1
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10286 F
Pourvoi n° Z 17-14.396
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 13 octobre 2016 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Maxime Z..., domicilié [...] ,
2°/ à la société Médical Insurance Company Limited, dont le siège est [...] , représentée par la SASU François Branchet, dont le siège est [...] ,
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais, dont le siège est [...] ,
4°/ à la société Apicil prévoyance, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 mars 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme X..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et infections nosocomiales, de Me C... , avocat de M. Z... et de la société Médical Insurance Company Limited ;
Sur le rapport de Mme X..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'ONIAM aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision.
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour l'ONIAM.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté l'ONIAM de toutes ses demandes à l'encontre de monsieur Z... et de la société Medical Insurance Company Ltd., d'avoir condamné l'ONIAM aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais de l'expertise médicale, lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile et d'avoir condamné l'ONIAM à payer à monsieur Z... et à la société Medical Insurance Company Ltd la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs qu'il résulte des articles L. 1142-1, L. 1142-1-1 et L. 1142-17 du code de la santé publique, que le succès du recours subrogatoire de l'ONIAM suppose qu'il rapporte la preuve d'une faute du professionnel de santé et d'un lien de causalité entre cette faute et le dommage ; qu'il est constant que madame Y... avait été adressée au docteur Z... par son gastroentérologue, le docteur A..., pour des douleurs pelviennes durant depuis plusieurs années, et que le premier rendez-vous a eu lieu le 18 novembre 2003 ; qu'un scanner abdomino-pelvien a été réalisé le même jour ; qu'aux termes de cette consultation, aucune indication opératoire n'a été retenue par le docteur Z..., qui a noté qu'il reverrait éventuellement la patiente après la coloscopie qu'elle devait effectuer « bientôt » pour envisager une coelioscopie et une cure de son éventration en même temps ; qu'à cette date, la patiente présentait une petite éventration sous-ombilicale, une éventration sus-pubienne, des douleurs au niveau de la région inguinale bilatérale, des douleurs vaginales au toucher vaginal et une cystocèle débutante compensée par une rectocèle ; que c'est à la suite de la coloscopie réalisée par le docteur A... le 7 décembre 2005 que madame Y... a revu le docteur Z... le 6 janvier 2006 ; qu'au cours de ce rendez-vous, le praticien a constaté une rectocèle de grade 2, une cystocèle de grade 2, une éventration péri-ombilicale et un tablier abdominal douloureux ; que le docteur Z... écrit alors à ses confrères, après avoir relaté ses constats, que madame Y... « souhaite bénéficier d'une cure d'éventration et d'une dermolipectomie. En même temps, il conviendra de lui mettre une bandelette antérieure et postérieure sur les cloisons recto-vaginale et vésico-vaginale. De cette manière on corrige son problème de statique pelvienne en même temps que sa cure d'éventration » ; qu'il est constant qu'après l'intervention, madame Y... a présenté des douleurs abdominales importantes, un retard de reprise du transit important et une déglobulisation progressive, puis 4 ou 5 jours après l'intervention, alors qu'elle était toujours hospitalisée, la cure d'éventration a lâché ; que les experts ont indiqué que cette récidive de l'éventration (qui constitue le dommage à l'origine de l'indemnisation par l'ONIAM), ne pouvait pas être considérée comme un événement reliable à une faute s'agissant d'un événement de type aléatoire, facilité par l'état antérieur (âge, madame Y... ayant 77 ans en 2006, état de la musculature abdominale) ; qu'ils ont précisé que le dommage subi par Mme Y... était imputable à 40% à son état antérieur et à 60% à l'intervention chirurgicale ; que les experts ont en outre observé que le résultat de la cure de cystocèle et de rectocèle était bon, en l'absence de toute rectocèle ou cystocèle séquellaires, en l'absence de toute incontinence urinaire d'effort, de toute incontinence anale ; qu'en revanche, les algies abdominales n'ont pas seulement disparu mais ont augmenté en raison de la présence d'une importante éviscération couverte, soit une rétractation complète des muscles droit de l'abdomen dans les flancs ; que cette éviscération couverte contient des anses grêles et du côlon qui repousse sous la peau la plaque mise en place lors de l'intervention ; qu'ainsi que l'ont écrit les experts, le docteur Z... a jugé que l'étiologie des douleurs dont se plaignait la patiente depuis plusieurs années pouvait être liée à la présence d'une rectocèle et d'une éventration sus-pubienne ; que, s'agissant des causes du dommage, répondant notamment à la question : « dire si le comportement de l'équipe médicale ou du médecin mis en cause a été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science à l'époque du fait générateur », les experts ont ainsi répondu : . « dans l'établissement du diagnostic : les experts n'ont pas relevé de dysfonctionnement fautif dans le comportement de l'équipe médicale ou du médecin, ni de non-conformité aux règles de l'art et aux données acquises de la science à l'époque du fait générateur », . « dans le choix, la réalisation et la surveillance des investigations et du traitement : le choix de la technique opératoire de suspension vagino-cervicale et rectale par bandelettes mises en place par voie médiane sous-ombilicale est l'un des choix conformes en la matière. La dermolipectomie associée à la cure d'éventration n'était pas demandée par Mme Y.... Elle lui fut proposée par le docteur Z... et Mme Y... l'avait acceptée » ; que les experts n'ont donc jamais fait état d'une faute du docteur Z... ; que c'est d'ailleurs après avoir rappelé que la CRCI n'était pas liée par le rapport des experts qu'elle a considéré que l'indication opératoire n'était pas réellement justifiée et que le docteur Z... avait fait preuve d'un manque de prudence qui devait être considéré comme une faute de nature à engager sa responsabilité dans la mesure où le dommage est imputable à l'intervention en cause ; que le tribunal a repris cette analyse, précisant qu'il y avait bien une faute médicale dans le choix du traitement même si les experts n'ont relevé aucune faute technique dans le geste médical ; que, cependant, aucun élément médical ne permet de considérer que le docteur Z... qui a traité non seulement un prolapsus, mais également deux éventrations, aurait commis une erreur d'appréciation fautive en estimant que son intervention contribuerait à traiter les douleurs subies depuis plusieurs années par la patiente ; que le seul fait que les experts aient indiqué que les explorations préopératoires avant la cure de prolapsus étaient très minimalistes, notant qu'un bilan urodynamique, une fibroscopie vésicale ou un colpocystogramme sont souvent utiles pour explorer des algies pelviennes, est insuffisant à caractériser une faute du praticien, les experts ayant eux-mêmes précisé que ces examens n'étaient pas indispensables ; qu'ainsi que l'observent à raison les appelants, les experts n'ont jamais dit que l'état clinique de madame Y... ne justifiait pas l'intervention ; que, dans ces conditions et en l'absence du moindre avis scientifique susceptible de remettre en cause les conclusions des experts, il apparaît qu'il n'est pas démontré que le docteur Z... ait commis une faute à l'origine du dommage subi par la patiente, lequel consiste en une complication de la cure d'éventration ; que l'ONIAM allègue également un manquement du praticien au devoir d'information, sans cependant en tirer de conséquences s'agissant de sa demande, alors que l'indemnisation qu'elle a réglée à madame Y... portait sur le dommage résultant de l'intervention (DFT, souffrances endurées, frais de tierce personne, DFP, préjudice esthétique, préjudice d'agrément) et non sur la perte de chance de pouvoir l'éviter ; que les appelants répliquent que l'ONIAM ne peut se prévaloir d'un manquement au devoir d'information dans le cadre de son recours, et ce en vertu d'une jurisprudence acquise depuis 2014 ; que l'ONIAM n'a pas répliqué à ce moyen ; qu'ainsi que le soulignent les appelants, il n'appartient pas à l'ONIAM qui a indemnisé la victime en vertu de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, de se prévaloir, lorsqu'il exerce à l'égard d'un professionnel de santé l'action récursoire prévue par l'article L. 1142-15 du même code, de la méconnaissance du droit, reconnu aux patients par l'article L. 1111-2, d'être informés des risques des traitements qui leur sont proposés ; qu'aucune faute ne justifiant la mise en cause de la responsabilité du praticien, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions ;
Alors que l'obligation du médecin de réaliser des diligences préopératoires permettant de déterminer avec précision l'état antérieur du patient et de prendre celui-ci en compte dans la décision de réaliser une intervention chirurgicale s'étend à la réalisation de tous les examens utiles et ne se limite pas à ceux qui seraient regardés comme indispensables ; qu'ayant constaté que les experts indiquaient que la récidive de l'éventration avait été facilitée par l'état antérieur de la patiente, retenu que le dommage subi par cette dernière était imputable à son état antérieur à hauteur de 40 %, et relevé que, selon ces mêmes experts, les explorations préopératoires avaient été « très minimalistes », la cour d'appel, en écartant le moyen pris de ce que le médecin avait commis une faute pour ne pas avoir réalisé tous les examens lui permettant de poser l'indication opératoire appropriée à l'état de santé de la patiente par la constatation que, selon les experts, ces examens n'étaient pas indispensables, a limité l'obligation précitée du médecin à la réalisation de seuls actes indispensables pour connaître l'état de santé du patient, et a ainsi méconnu l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique ;
Alors, en tout état de cause, qu'en se bornant à relever que les explorations préopératoires avaient été « très minimalistes » mais que les autres examens qui auraient pu être pratiqués n'étaient en réalité pas indispensables sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel de l'ONIAM, p. 8 § 7 et p. 10 § 3 à 6), si le professionnel de santé avait réalisé l'ensemble des diligences préopératoires utiles, même non indispensables, permettant de déterminer de manière effective l'état antérieur de la patiente et de prendre celui-ci en compte avant de décider de réaliser l'intervention chirurgicale dommageable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique ;
Alors, enfin, que, subrogé dans les droits de la victime d'un accident médical à concurrence des sommes qu'il a versées à cette dernière suite au silence ou au refus de l'assureur du professionnel ou de l'établissement de santé dont la responsabilité a été retenue par la commission de conciliation et d'indemnisation, l'ONIAM peut se prévaloir d'un manquement par ce professionnel ou cet établissement de santé à son devoir d'information du patient en vue d'obtenir de sa part ou de son assureur le remboursement des sommes versées à la victime et correspondant, dans la mesure de la chance perdue d'échapper à l'accident médical, à la fraction des différents chefs de préjudices dont il a assuré l'indemnisation ; qu'en retenant qu'il n'appartenait pas à l'ONIAM ayant indemnisé la victime de l'accident médical à la suite du refus de l'assureur de présenter une offre, de se prévaloir à l'encontre du professionnel de santé de la méconnaissance du patient à être informé des risques des traitements qui lui étaient proposés, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, ensemble l'article L. 1111-2 du même code.