CIV. 1
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10269 F
Pourvoi n° T 17-13.125
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ Mme Isaure X...,
2°/ M. André X...,
tous deux domiciliés [...] ,
contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2016 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige les opposant à M. Tony Y..., domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 mars 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Z..., conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. et Mme X..., de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de M. Z..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les acquéreurs d'un camion (les consorts X..., les exposants) de leurs demandes tendant à voir constater l'existence du contrat de vente conclu entre eux et le vendeur (M. Y...) ;
AUX MOTIFS QUE, les appelants affirmant que la vente du véhicule [...] leur avait été consentie au prix de 28 000 euros, il leur appartenait, ainsi que l'avait justement relevé le tribunal, de prouver l'existence de l'obligation par écrit, conformément aux dispositions des articles 1315 et 1341 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à l'espèce ; que, reconnaissant ne pas être en mesure de produire un écrit, les consorts X... se référaient à des « indices » : le paiement par M. X... de frais de réparation du véhicule à hauteur de 17 665,28 euros, les versements de 8000 euros par M. X... à M. Y... et la remise de deux chèques de M. X... à Mme A... ; qu'outre que ces justificatifs n'émanaient pas de M. Y..., ils n'étaient corroborés par aucun autre élément matériel, la carte grise étant toujours restée au nom de l'intimé, ces indices ne pouvaient suffire à justifier d'un commencement de preuve par écrit, étant observé qu'il était constant que les parties entretenaient des relations étroites en raison de l'implication de Mme Isaure X... dans les compétitions hippiques, laquelle était formée et entraînée par M. Y... et utilisait à l'occasion des concours le véhicule litigieux ; que, pour justifier l'absence d'écrit ou même de commencement de preuve par écrit, les appelants se prévalaient des dispositions de l'article 1348 du code civil et soutenaient avoir été dans l'impossibilité morale de se procurer un écrit au regard des usages en vigueur dans le monde hippique ; que la production d'une unique décision de justice concernant une vente de chevaux ne pouvait suffire à justifier d'un usage professionnel, s'agissant de la vente d'un véhicule automobile entre un professionnel de l'équitation et un non professionnel ; que, dès lors, le jugement serait confirmé en ce qu'il avait dit que la preuve d'une vente du véhicule n'était pas rapportée ;
ALORS QUE constitue un commencement de preuve par écrit de l'existence d'un contrat de vente, en ce qu'il émane de la partie à laquelle on l'oppose, un chèque émis par l'acquéreur au profit du vendeur et endossé par ce dernier ; que les exposants faisaient valoir qu'ils avaient payé le prix de vente du camion par plusieurs chèques émis au profit du vendeur qui les avait endossés ; qu'en énonçant, pour retenir que ces chèques ne constituaient pas un commencement de preuve par écrit, qu'ils n'émanaient pas du vendeur, la cour d'appel a violé l'article 1347 du code civil (1362 nouveau) ;
ALORS QUE, en outre, les exposants faisaient valoir que le courrier duquel il ressortait que le vendeur opposait que M. X... avait l'entière responsabilité du camion, constituait un commencement de preuve par écrit de l'existence d'un contrat de vente ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il le lui était demandé, si un tel courrier constituait un commencement de preuve par écrit de l'existence du contrat invoqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1347 du code civil (1362 nouveau) ;
ALORS QUE, enfin, le juge doit appliquer la règle de droit au litige dont il est saisi ; que les exposants se prévalaient d'un usage professionnel dans le milieu hippique rendant impossible l'obtention d'une preuve littérale ; qu'en les déboutant néanmoins au prétexte que « la production d'une unique décision de justice concernant la vente de chevaux ne saurait suffire à justifier d'un usage professionnel », sans avoir recherché s'il existait réellement un tel usage, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ensemble l'article 1348 du code civil (1360 nouveau).
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les acquéreurs d'un camion (les consorts X..., les exposants) de leurs demandes tendant à voir constater, à titre subsidiaire, l'existence d'un prêt consenti par eux au profit du vendeur (M. Y...) ;
AUX MOTIFS QUE, à l'appui de leurs prétentions, les appelants indiquaient justifier de la remise des fonds et produisaient la copie de plusieurs chèques tirés sur le compte personnel de M. X... pour un montant total de 28 000 euros ; qu'il convenait d'observer, d'une part, que la preuve de la remise de fonds à une personne ne suffisait pas à justifier l'obligation pour celle-ci de restituer la somme reçue, d'autre part, que deux chèques d'un montant de 20 000 euros étaient libellés à l'ordre de Mme A..., sans qu'il eût été plus justifié d'une versement pour le compte de M. Y... et qu'en tout état de cause la remise des fonds à l'intimé n'était pas justifiée ; qu'il ressortait en revanche des pièces même produites par les appelants qu'il existait, depuis 2010 jusqu'en janvier 2013, entre M. Y..., M. André X... et Mme Isaure X... des relations de confiance et de partenariat, qui s'étaient traduites par le versement régulier de sommes par la cabinet X... dans le cadre d'un sponsoring, et M. Y..., à qui avaient été remis les fonds, bénéficiait, ainsi que l'avait justement retenu le tribunal, d'une présomption de don manuel quand bien même cette remise avait été effectuée par chèque, imposant aux appelants de justifier de leur absence d'intention libérale ;
ALORS QUE les exposants faisaient valoir qu'ils s'étaient acquittés de la dette du vendeur envers un tiers par l'émission de deux chèques au profit de ce dernier et que la cause dont procédait ce paiement impliquait pour le vendeur l'obligation de leur rembourser la somme ainsi versée ; que l'arrêt attaqué a relevé que les relations qui s'étaient jusqu'alors nouées entre le vendeur et les exposants étaient dépourvues d'intention libérale, puisque le sponsoring de M. Y... par le cabinet de M. X... avait eu pour contrepartie l'entraînement, par le premier, de la fille du second ; qu'en présumant que le solvens avait versé les sommes litigieuses avec une intention libérale, bien qu'elle eût constaté que les relations de M. X... et de M. Y... avaient toujours été causées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1353 ancien et 1892 du code civil ;
ALORS QUE, en outre, il appartient aux juges de vérifier si, pris dans leur ensemble, des éléments matériels, isolément insuffisants, établissent l'existence du contrat invoqué ; que, pour démontrer que M. X... avait prêté la somme de 28 000 euros à M. Y..., les exposants versaient aux débats des chèques d'un montant de 20 000 euros émis au profit de Mme A... et des chèques pour un montant de 8 000 euros émis au bénéfice de M. Y..., tous tirés sur le compte personnel de M. X... et non sur le compte de son cabinet, ce qui établissait qu'ils n'avaient pas été émis dans le cadre de l'ancien sponsoring de M. Y... par le cabinet de M. X... ; qu'en appréciant cependant séparément l'ensemble de ces éléments de preuve pour écarter l'existence d'un prêt, la cour d'appel a violé les articles 1353 nouveau (1315 ancien) et 1892 du code civil.
SUR LE
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(encore plus subsidiaire)Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les acquéreurs d'un camion (les consorts X..., les exposants) de leurs demandes tendant à voir constater l'existence d'un contrat de prêt à usage de la part du vendeur (M. Y...) ;
AUX MOTIFS QUE les consorts X... soutenaient que si le véhicule n'avait pas été vendu c'était qu'il avait été mis à leur disposition dans le cadre d'un prêt à usage ; qu'ils demandaient en conséquence le remboursement des frais de réparation versés par application des dispositions de l'article 1890 du code civil soutenant avoir été contraints à des dépenses extraordinaires, nécessaires à la conservation de la chose ; qu'outre, ainsi que le soulignait l'intimé, il était paradoxal et contradictoire pour les appelants de revendiquer toute à la fois la propriété du véhicule et d'invoquer un prêt à usage concernant ce même véhicule ; qu'il n'était pas justifié du prêt du véhicule, la circonstance que le nom d'Isaure X... eût été apposé sur le camion alors que le cabinet X... finançait une partie des activités de compétition de M. Y... ne permettait pas de justifier d'un tel prêt, étant en outre observé que Mme X... n'était pas titulaire du permis poids lourd, avant 2013 ; que, par ailleurs, il n'était pas justifié par M. X... du paiement des factures dont il sollicitait le remboursement ;
ALORS QUE, le juge ne devant examiner une demande subsidiaire que lorsqu'il a rejeté la demande formulée à titre principale, la demande subsidiaire ne peut contredire la demande principale ; que les exposants demandaient à titre principal constatation d'un contrat de vente ayant pour objet le véhicule litigieux, à titre subsidiaire la constatation de l'existence d'un contrat de prêt et à titre encore plus subsidiaire la constatation de l'existence d'un prêt à usage ; qu'après avoir rejeté la demande principale des exposants et leur première demande subsidiaire, l'arrêt attaqué ne pouvait rejeter leur demande encore plus subsidiaire pour la raison qu'il aurait été paradoxal et contradictoire pour eux de revendiquer tout à la fois la propriété du véhicule et d'invoquer un prêt à usage concernant ce même véhicule ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.
SUR LE QUATRIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(toujours plus subsidiaire)Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le solvens (les consorts X..., les exposants) de son action de in rem verso ;
AUX MOTIFS QUE les consorts X... invoquaient les dispositions de l'article 1371 du code civil et l'enrichissement de M. Y... dépourvu de cause ; qu'ainsi que l'avait justement retenu le tribunal, l'action fondée sur l'enrichissement sans cause ne pouvait être admise qu'à défaut de toute autre action ouverte aux demandeurs, notamment pour suppléer une autre action que le demandeur ne pouvait intenter parce qu'il ne pouvait apporter les preuves qu'elle exigeait ; qu'ayant fondé leur demande sur un contrat de vente ou de prêt, dont ils ne pouvaient prouver l'existence, et alors qu'il était constant qu'il existait entre les parties un partenariat financier, les consorts X... ne pouvaient démontrer un enrichissement sans cause ni agir sur ce fondement ;
ALORS QUE nul ne peut s'enrichir injustement au détriment d'autrui ; que le rejet d'une demande fondée sur un contrat de vente, de prêt ou de prêt à usage dont la preuve n'a pu être rapportée rend recevable celle, subsidiaire, fondée sur l'enrichissement sans cause ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a écarté la demande en paiement fondée sur l'enrichissement sans cause pour la seule raison que la subsidiarité de cette action ne pouvait être intentée en vue de suppléer l'incapacité des exposants à rapporter la preuve d'un contrat de vente ou de prêt; qu'en statuant ainsi, quand le rejet de la demande fondée sur l'existence d'un contrat de vente ou de prêt rendait recevable celle, subsidiaire, fondée sur l'enrichissement sans cause, la cour d'appel a violé l'article 1371 du Code civil ensemble le principe susvisé.