SOC.
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
M. FROUIN, président
Décision n° 10547 F
Pourvoi n° K 17-10.243
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme Giulia X..., épouse Y..., domiciliée [...]                         ,
contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2016 par la cour d'appel de Montpellier (4e A chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Dell, société anonyme, dont le siège est [...]                                        ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 mars 2018, où étaient présents : M. Frouin, président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller, Mme Berriat, avocat général, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de Mme X..., de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Dell ;
Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X..., salariée, de sa demande de condamnation de la société Dell, employeur, au paiement de la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la salariée ne conteste pas le fait qui lui est reproché, à savoir l'imputation sur le compte d'un commercial Médium Business, M. Umberto C., de 82 commandes pour un montant global de 427 000 dollars qui ne pouvaient lui être attribuées puisque ne relevant pas de son portefeuille clients direct permettant ainsi l'augmentation tant de son volume de chiffre d'affaires avec perception indue de rémunération variable ; qu'en effet elle conclut qu'elle a toujours reconnu les faits (cf. notamment page 7/18 de ses conclusions), mais les a toujours justifiés par le fait que cette pratique avait été enseignée, encouragée et couverte par ses supérieurs et qu'elle était utilisée par d'autres salariés ; qu'ainsi la salariée expose : qu'elle a procédé ainsi en application d'une « méthode qui lui a été apprise afin de générer des commissions non dues aux commerciaux du SMB, mais également aux Team Leader et Managers qui sont commissionnés sur les chiffres d'affaires de leurs commerciaux » ; la rupture est discriminatoire car cette méthode (« pratique du système des collaboratives en rattachant des ventes non attribuées à des commerciaux du SMB ») était connue de tous, appliquée par d'autres salariés qui n'ont pas été sanctionnés, cautionnée et même encouragée par les supérieurs hiérarchiques (team leader et managers) ; qu'en premier lieu, et dans la mesure de la position adoptée par la salariée qui sous-tend une nécessaire connaissance du système d'attribution et de réattribution des commandes, il importe peu que le système, communiqué et appris à la salariée, n'ait pas donné lieu à un écrit (cf. page 3/18 de ses conclusions : « il n'existe pas de process écrit ») et que la formation qui lui ait été donnée ne puisse recevoir le qualificatif d'officielle (cf. même page : « il convient de préciser qu'elle n'a reçu aucune formation officielle, la seule formation reçue lui a été dispensée par son manager et ses collègues de travail notamment à l'occasion d'un premier stage puis dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail ») ; qu'aucun élément ne permet de prouver que le détournement des règles sur le système d'attribution et de réattribution des commandes lui ait été appris ; que les résultats du mois d'août (pièce n° 14) au cours duquel M. B..., licencié avec Mme X..., réalise 452 345 euros de chiffre d'affaires, M. O... 438 185 euros, Mme D... 527 906 euros, M. E... 715 675 euros, Mme F... 522 417 euros et M. G... 517 517 euros ne permettent nullement « de distinguer les salariés qui utilisaient le système des collaboratives de façon détournée » ; qu'il en est de même pour la situation des salariés qui réalisent leurs objectifs ; que les résultats tracés à la pièce n° 15 ne permettant pas plus de caractériser que « depuis cette période les commerciaux réalisent des chiffres d'affaires bien moins importants », fait duquel, s'il était établi, il ne peut être déduit l'existence d'une pratique généralisée antérieure de détournement des règles ; que l'imprécision des attestations de Mme H... C. (pièce n° 7) et de M. I... (pièce n° 9) sur les possibles auteurs de « pratique qui n'est pas tout à fait correcte », ne serait-ce que sur l'identification (« plusieurs commerciaux »), les prive de tout effet probatoire sur l'existence d'un système généralisé et conjugué, remarque devant être faite que Mme H... C. s'empresse d'indiquer qu'elle « n'a jamais pensé à utiliser (ces méthodes) pour atteindre ses objectifs » ; qu'il ne peut être tiré aucune conséquence de l'attestation de M. J... (pièce n° 6) qui évoque une augmentation des collaboratives et non une augmentation des pratiques irrégulières d'imputation sur les comptes des commerciaux ; que les pièces n° 10, 24, 25, 26 constituées de mails, de tableaux et chiffres non analysés ne permettent pas plus la caractérisation de ce que « cette pratique était également mise en oeuvre par une salariée nommée Simone S. » et ce quand bien même la dénonciation de cette salariée par Mme K... ait été reprise par l'autre salarié licencié en compagnie de Mme X... ; qu'il en est de même d'extraits de conversations numériques (pièces n° 11 et 12) dans lesquels le manager de M. B..., M. L..., indique qu'il voyait « passer l'argent de B... », oui comme Team leader, M... comme LOR, N... comme Channel Leader,
oui », voire qu'il envoyait des rapports réguliers « avec la situation mise à jour des Collaboratives QTD » » ; que la dénonciation faite par l'avocat de Mme X... dans son courrier du 8 février 2012 à l'encontre de certains salariés reste une dénonciation et ne lui permet nullement de dénoncer une inégalité de traitement car ces salariés licenciés n'ont pas été sanctionnés (« malgré ces informations transmises, la société Dell n'a procédé à aucun autre licenciement dans le délai de prescription de deux mois ») ;
1 ° ) ALORS QUE le juge doit donner aux faits leur qualification juridique et en tirer les conséquences de droit ; qu'en l'état d'un licenciement prononcé pour cause réelle et sérieuse, mais en réalité, après une mise à pied conservatoire, pour « erreur intentionnelle dans une logique de malhonnêteté en totale infraction avec les règles en vigueur dans l'entreprise », donc en fait pour un motif disciplinaire, ce dont il résultait que la preuve en incombait entièrement à l'employeur, la cour d'appel, en jugeant qu'aucun élément ne permet de prouver que le détournement des règles sur le système d'attribution et de rétribution des commandes reproché à la salariée lui avait été appris, a violé l'article 12 du code de procédure civile et inversé la charge de la preuve ;
2°) ALORS EN TOUT CAS QUE la fraude ne se présume pas, que la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'incombe particulièrement ni à l'employeur ni au salarié, et que si un doute subsiste, il profite à ce dernier ; qu'en jugeant que la salariée ne démontrait pas avoir reçu instruction de répartir les commandes en fonction des intérêts des salariés commerciaux et manageurs, le cas échéant en dehors de leurs portefeuilles de clients, ou en tout cas ne pas avoir reçu instruction de ne pas le faire, cependant qu'il se déduisait de l'existence de 82 cas relevés dans la lettre de licenciement que les supérieurs hiérarchiques ne pouvaient ignorer la pratique reprochée, la cour d'appel a violé l'article L 1235-1 du code du travail ;
3°) ALORS ENCORE QUE les arrêts qui ne sont pas motivés sont déclarés nuls, et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en négligeant le moyen de confirmation de la salariée démontrant l'absence d'information de l'employeur sur les règles de répartition des commandes tiré des constatations du comité d'entreprise et de l'absence d'évocation de ce point intéressant la négociation annuelle obligatoire sur les salaires et les rémunérations, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4 ° ) ET ALORS ENFIN QUE le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en écartant pour son « imprécision » l'attestation de M. I..., communiquée sous numéro de pièce 9 (Prod.), par lequel ce dernier témoignait qu'« il était fréquent que l'affaire soit signalée au tout départ, non pas par le segment SMB, mais par le Channel, ce qui impliquait au final que le service SMB (commerciaux, managers, chefs de département) étaient rémunérés sur une affaire qu'ils n'avaient pas détectée. Cette pratique était générale et connue de tous, car intéressant les deux départements dans tous les cas. Les objectifs de vente de Dell SMB devenant chaque trimestre très difficile à atteindre (voire même impossible), cette pratique irrégulière était hautement incitée et poussée par les managers et chefs de département SMB, de façon officieuse », la cour d'appel qui a dénaturé les termes clairs et précis de l'attestation, a violé le principe susvisé.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X..., salariée, de sa demande tendant à voir constater la nullité de son licenciement, et de sa demande de condamnation de la société Dell, employeur, au paiement de la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la salariée ne conteste pas le fait qui lui est reproché, à savoir l'imputation sur le compte d'un commercial Médium Business, M. Umberto C., de 82 commandes pour un montant global de 427 000 dollars qui ne pouvaient lui être attribuées puisque ne relevant pas de son portefeuille clients direct permettant ainsi l'augmentation tant de son volume de chiffre d'affaires avec perception indue de rémunération variable ; qu'en effet elle conclut qu'elle a toujours reconnu les faits (cf. notamment page 7/18 de ses conclusions), mais les a toujours justifiés par le fait que cette pratique avait été enseignée, encouragée et couverte par ses supérieurs et qu'elle était utilisée par d'autres salariés ; qu'ainsi la salariée expose : qu'elle a procédé ainsi en application d'une « méthode qui lui a été apprise afin de générer des commissions non dues aux commerciaux du SMB, mais également aux Team Leader et Managers qui sont commissionnés sur les chiffres d'affaires de leurs commerciaux » ; la rupture est discriminatoire car cette méthode (« pratique du système des collaboratives en rattachant des ventes non attribuées à des commerciaux du SMB ») était connue de tous, appliquée par d'autres salariés qui n'ont pas été sanctionnés, cautionnée et même encouragée par les supérieurs hiérarchiques (team leader et managers) ; qu'en premier lieu, et dans la mesure de la position adoptée par la salariée qui sous-tend une nécessaire connaissance du système d'attribution et de réattribution des commandes, il importe peu que le système, communiqué et appris à la salariée, n'ait pas donné lieu à un écrit (cf. page 3/18 de ses conclusions : « il n'existe pas de process écrit ») et que la formation qui lui ait été donnée ne puisse recevoir le qualificatif d'officielle (cf. même page : « il convient de préciser qu'elle n'a reçu aucune formation officielle, la seule formation reçue lui a été dispensée par son manager et ses collègues de travail notamment à l'occasion d'un premier stage puis dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail ») ; qu'aucun élément ne permet de prouver que le détournement des règles sur le système d'attribution et de réattribution des commandes lui ait été appris ; que les résultats du mois d'août (pièce n° 14) au cours duquel M. B..., licencié avec Mme X..., réalise 452 345 euros de chiffre d'affaires, M. O... 438 185 euros, Mme D... 527 906 euros, M. E... 715 675 euros, Mme F... 522 417 euros et M. G... 517 517 euros ne permettent nullement « de distinguer les salariés qui utilisaient le système des collaboratives de façon détournée » ; qu'il en est de même pour la situation des salariés qui réalisent leurs objectifs ; que les résultats tracés à la pièce n° 15 ne permettant pas plus de caractériser que « depuis cette période les commerciaux réalisent des chiffres d'affaires bien moins importants », fait duquel, s'il était établi, il ne peut être déduit l'existence d'une pratique généralisée antérieure de détournement des règles ; que l'imprécision des attestations de Mme H... C. (pièce n° 7) et de M. I... (pièce n° 9) sur les possibles auteurs de « pratique qui n'est pas tout à fait correcte », ne serait-ce que sur l'identification (« plusieurs commerciaux »), les prive de tout effet probatoire sur l'existence d'un système généralisé et conjugué, remarque devant être faite que Mme H... C. s'empresse d'indiquer qu'elle « n'a jamais pensé à utiliser (ces méthodes) pour atteindre ses objectifs » ; qu'il ne peut être tiré aucune conséquence de l'attestation de M. J... (pièce n° 6) qui évoque une augmentation des collaboratives et non une augmentation des pratiques irrégulières d'imputation sur les comptes des commerciaux ; que les pièces n° 10, 24, 25, 26 constituées de mails, de tableaux et chiffres non analysés ne permettent pas plus la caractérisation de ce que « cette pratique était également mise en oeuvre par une salariée nommée Simone S. » et ce quand bien même la dénonciation de cette salariée par Mme K... ait été reprise par l'autre salarié licencié en compagnie de Mme X... ; qu'il en est de même d'extraits de conversations numériques (pièces n° 11 et 12) dans lesquels le manager de M. B..., M. L..., indique qu'il voyait « passer l'argent de B... », oui comme Team leader, M... comme LOR, N... comme Channel Leader,
oui », voire qu'il envoyait des rapports réguliers « avec la situation mise à jour des Collaboratives QTD » » ; que la dénonciation faite par l'avocat de Mme X... dans son courrier du 8 février 2012 à l'encontre de certains salariés reste une dénonciation et ne lui permet nullement de dénoncer une inégalité de traitement car ces salariés licenciés n'ont pas été sanctionnés (« malgré ces informations transmises, la société Dell n'a procédé à aucun autre licenciement dans le délai de prescription de deux mois ») ; ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE selon l'article L 1132-1 du code du travail, « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L . 3221-3 , de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap » ; qu'en l'espèce, Mme X... soutient qu'elle a fait l'objet d'une mesure discriminatoire dans la mesure où d'autres commerciaux qui pratiquaient de la même manière qu'elle le « système des collaboratives », en rattachant des ventes non attribuées à des commerciaux du SMB, n'avaient pas été sanctionnés, et ce, d'autant que la pratique détournée était mise en oeuvre par d'autres salariés et encouragée par la hiérarchie qui en bénéficiait en touchant des commissions ; que pour autant, bien que Mme X... et son collègue, Umberto B... du « small and medium business », aient fait l'objet d'une mesure discrétionnaire, rien n'indique que la différence de traitement arguée par l'intéressée relève des dispositions légales prohibées par l'article du code du travail ci-dessus visé ;
1°) ALORS D'UNE PART QUE la cassation du chef du dispositif de l'arrêt déboutant la salariée de sa demande d'invalidation de la cause de son licenciement, entraînera, en application de l'article 624 du code de procédure civile, l'annulation du débouté de sa demande tendant à voir constater que ce licenciement avait un caractère discriminatoire, les mêmes pratiques qui lui étaient reprochées étant constatées chez d'autres salariés sans réaction de l'employeur ;
2°) ALORS D'AUTRE PART QUE le juge doit analyser chacun et dans leur ensemble tous les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, et si ces éléments sont présentés, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à aucun des cas de discrimination énumérés par le code du travail ; qu'en jugeant que rien n'indique que la différence de traitement arguée par l'intéressée relève des dispositions légales prohibées par le code du travail sans les analyser et sans tirer les conséquences de la différence de traitement constatée, la cour d'appel a violé les articles L 1132-1 et L 1134-1 du code du travail.