SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
M. FROUIN, président
Décision n° 10538 F
Pourvoi n° R 16-27.701
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme Amélie C... , épouse Y... Z... , domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 23 septembre 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Hôpital privé du [...], société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 mars 2018, où étaient présents : M. Frouin, président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller, Mme Berriat, avocat général, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme C... , de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société Hôpital privé du [...] ;
Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme C... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme C... , épouse Y... Z...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Madame Amélie C... épouse Y... Z... était justifié par une faute grave et de l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes sur ce fondement, Aux motifs qu'il est reproché à Madame Amélie Y... Z... d'avoir le 7 janvier 2010 refusé d'assister un patient tétraplégique pour sa douche et d'avoir tenu des propos inacceptables en sa présence reproduits dans la lettre de licenciement ; à l'appui de ces griefs, l'hôpital privé du [...] produit le courrier adressé par Madame D... , secrétaire médicale du service, et Monsieur A..., kinésithérapeute, à Madame B..., cadre infirmier du service de réanimation et de soins continus, lui signalant que le 7 janvier 2010 Madame Amélie Y... Z... avait protesté suite à l'instruction qu'elle avait reçue de la part de Monsieur A... d'aider un patient tétraplégique pour sa douche et avait tenu des propos inacceptables remettant en cause l'utilité de ces soins compte tenu de l'état de santé de ce patient ; contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la recevabilité comme moyen de preuve de ces courriers n'est pas soumise au formalisme de l'article 202 du code de procédure civile ; que ces courriers, dont le contenu est confirmé par les attestations de Madame D... et de Monsieur A... produites en appel, ont pour objet d'alerter la supérieure hiérarchique de Madame Amélie Y... Z... des propos dont ils ont été directement témoins puisque tenus à Madame D... ; qu'en substance, le fait pour Madame Amélie Y... Z... d'avoir exprimé de manière «véhémente» ses interrogations sur l'opportunité des soins, comme le relate Madame D..., devant la chambre d'un patient lourdement handicapé qui les a entendus, les propos suivants : « pourquoi avoir accepté de lui faire prendre une douche? ...en maison de retraite, les douches se font une fois par semaine... ce patient est exigeant » constitue indéniablement une faute grave, incompatible avec les devoirs du personnel soignant, et rendant impossible son maintien dans l'hôpital ; que les explications et dénégations de Madame Amélie Y... Z... sont inopérantes au regard des termes précis et sans ambiguïté des deux témoins, Madame D... et Monsieur A... ; qu'aucune excuse ne peut être alléguée en rapport avec une surcharge de travail que tente de mettre en avant Madame Amélie Y... Z... , ni avec un contexte de travail particulier, les attestations qu'elle produit aux débats (dont l'une émanant de sa propre soeur également licenciée par le même employeur) n'apportant aucun élément pertinent aux débats ; qu'en outre, l'hôpital, informé par le courrier de Madame D... du 13 janvier 2010, a convoqué Madame Amélie Y... Z... à un entretien dès le 14 janvier 2010 et lui a notifié dès l'issue de cet entretien le 21 janvier, après avoir recueilli ses explications, sa mise à pied conservatoire ; il ne peut donc lui être reproché aucun délai injustifié dans la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, privant les faits de leur caractère de gravité ; qu'enfin contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes et que reprend Madame Amélie Y... Z... , celle-ci n'avait pas déjà été sanctionnée pour ces mêmes faits préalablement à la décision de licenciement ; que la mesure de mise à pied qui lui a été notifiée le 21 janvier 2010 a été prise à titre conservatoire, comme elle l'admet elle-même dans ses conclusions (page 13) : « lors de son entretien préalable du 21 janvier 2010, Madame Amélie Y... Z... avait été informée oralement par son supérieur hiérarchique qu'elle était mise à pied à titre conservatoire dans l'attente de la décision à intervenir » ; que dans ces conditions, il y a lieu de dire que le licenciement est justifié par une faute grave et d'infirmer le jugement déféré de ce chef et en ce qu'il a accordé à Madame Amélie Y... Z... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, un rappel de salaire sur mis à pied et les congés payés afférents ainsi que l'indemnité conventionnelle de licenciement et en ce qu'il a condamné l'employeur à rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage versées dans la limite de six mois ;
Alors, d'une part, que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que pour décider que le licenciement de la salariée était justifié par une faute grave, la Cour d'appel a énoncé que « le fait d'avoir exprimé de manière véhémente ses interrogations sur l'opportunité des soins (
) devant la chambre d'un patient lourdement handicapé qui les as entendus (
) constitue indéniablement une faute grave, incompatible avec les devoirs du personnel soignant, et rend incompatible son maintien dans l'hôpital » ; qu'en se prononçant en ce sens, sans préciser si le fait d'avoir tenu une seule fois de tels propos rendait impossible le maintien de la salariée au sein de l'hôpital pendant la durée du préavis, quand cette dernière avait toujours eu un comportement irréprochable et n'avait jamais reçu de mise en garde ou d'avertissement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du Code du travail ;
Alors, d'autre part, que Madame Y... exposait dans ses écritures d'appel que son planning ayant été très chargé, elle avait indiqué dans un premier temps au kinésithérapeute qui était intervenu à l'heure du déjeuner qu'elle ne pouvait donner une douche dans l'immédiat au patient B. car il lui fallait suivre les autres patients (prise de température, tension artérielle, fréquence cardiaque et respiratoire, diurèse, bocaux des urines et des selles, nettoyage et désinfection manuelle, d'autant que l'hôpital ne dispose pas de matériels adaptés) et installer certains patients pour les aider à manger et notamment les cinq patients avec des situations difficiles ; qu'elle soulignait qu'elle était la seule aide-soignante en charge d'un service de soins continus jour avec 8 lits ; qu'en énonçant de façon péremptoire qu'« aucune excuse ne peut être alléguée en rapport avec une surcharge de travail que tente de mettre en avant Madame Amélie Y... Z... », sans exposer en quoi le contexte de surcharge de travail ne pouvait atténuer la gravité du manquement de la salariée et remettre en cause la qualification par l'employeur de faute grave justifiant son licenciement immédiat, la Cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 1234-1 du Code du travail ;
Alors, en outre, et en tout état de cause, qu'en énonçant que Madame Y... avait admis elle-même dans ses conclusions (page 13) avoir été informée oralement par son supérieur hiérarchique qu'elle était mise à pied à titre conservatoire dans l'attente de la décision à intervenir, quand les écritures de la salariée ne comportent nullement de telles allégations, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de Madame Y... et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
Alors, par ailleurs, et en tout état de cause, que Madame Y... énonçait dans ses écritures que le courrier notifié le 21 janvier 2010 s'analysait en une mise à pied disciplinaire, de sorte que son comportement, analysé comme fautif par la direction, ne pouvait à tout le moins être sanctionné deux fois, en application du principe « non bis in idem » ; qu'en se bornant à énoncer que « contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes et que reprend Madame Amélie Y... Z... , celle-ci n'avait pas déjà été sanctionnée pour ces mêmes faits préalablement à la décision de licenciement », sans procéder à l'examen, même sommaire, de la lettre recommandée adressée à la salariée lui notifiant sa mise à pied, la Cour d'appel a procédé par voie de simple affirmation, privant sa décision de toute base légale au regard de l'article L.1332-3 du Code du travail ;
Alors, enfin, subsidiairement, qu'il ressortait des pièces et écritures versées aux débats que si l'employeur a soutenu avoir informé oralement la salariée lors de l'entretien du 21 janvier 2010 de sa mise à pied à titre conservatoire dans l'attente d'une décision à venir, la salariée ayant été priée de quitter immédiatement l'hôpital, un courrier recommandé retiré le 26 janvier suivant avait notifié à la salariée une mise à pied « dès réception de la présente » avec retenue correspondante de salaire; qu'il se déduisait que si la première mise à pied oralement notifiée lors de l'entretien était conservatoire et d'effet immédiat, la seconde mise à pied notifiée par écrit était disciplinaire, sanctionnant la salariée pour avoir tenu des propos inacceptables devant un patient, et mise en oeuvre à réception du courrier; que le licenciement pour faute grave notifié par courrier daté du 28 janvier et reçu le 2 février suivant, sanctionnant de nouveau la salariée pour avoir tenu des propos inacceptables devant un patient, constituait dès lors une double sanction ; qu'en ne procédant pas une telle déduction, et en se bornant à énoncer par voie de simple affirmation que la salariée « n'avait pas déjà été sanctionnée pour ces mêmes faits préalablement au licenciement », au motif que « la mesure de mise à pied qui lui a été notifiée le 21 janvier 2010 [avait] été prise à titre conservatoire », la Cour d'appel a violé l'article L. 1234-1 du Code du travail.