SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
M. FROUIN, président
Décision n° 10537 F
Pourvoi n° H 16-27.509
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ la société Peoleo, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ la société AJJIS, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Peoleo,
3°/ la société Soinne, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [...] , agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Peoleo,
contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2016 par la cour d'appel de Paris (pole 6, chambre 7), dans le litige les opposant :
1°/ à M. Marc X..., domicilié [...] ,
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 mars 2018, où étaient présents : M. Frouin, président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller, Mme Berriat, avocat général, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Peoleo et des sociétés AJJIS et Soinne, ès qualités, de la SCP de Chaisemartin, Doumic et Seiller, avocat de M. X... ;
Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Peoleo et les sociétés AJJIS et Soinne, ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Peoleo et les sociétés AJJIS et Soinne, ès qualités, à payer à M. X... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Peoleo et les sociétés AJJIS et Soinne, ès qualités,
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement pour faute grave de M. X... était dénué de cause réelle et sérieuse, d'avoir en conséquence condamné la société Peoleo à lui payer les sommes de 13.942,91 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 33.801 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 3.380,10 euros de congés payés y afférents, 5.633,50 euros au titre de l'indemnité afférent à la mise à pied, outre 563,35 euros de congés payés y afférents et 90.136 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir ordonné à la société Peoleo le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à M. X... dans la limite de six mois ;
AUX MOTIFS QUE, sur les motifs du licenciement, il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis; que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; qu'en application des dispositions de l'article L. 1335-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut, à lui seul, donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; que lorsqu'un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter lui-même la preuve qu'il n'en n'a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire, mais l'existence de faits commis dans cette période permet l'examen de fait plus anciens relevant du même comportement, reproduits dans la période ; que par ailleurs, une sanction déjà prononcée fait obstacle au prononcé d'une seconde sanction pour les mêmes faits ; que la première peut être rappelée lors d'un licenciement ultérieur, pour conforter les griefs fondant celui-ci, mais ce rappel n'est possible que si elle n'est pas antérieure de plus de trois ans ; que la lettre de licenciement du 31 décembre 2011, qui fixe le limites du litige est ainsi rédigée : « Suite à l'entretien que nous avons eu le 27 décembre 2011 et en dépit de vos explications, nous sommes au regret de vous informer que nous avons pris la décision de vous licencier pour faute grave pour les raisons suivantes : - le 9 décembre 2011, vous avez à nouveau usé d'une violence verbale totalement déplacée à l'égard de Mme Odile A... et de Mlle Ludivine B.... Ne pouvant argumenter et effrayées par l'agressivité de votre comportement, elles se sont réfugiées dans le bureau d'Isabelle C.... Vous avez également entrepris Julia D... puis Isabelle C... de manière très véhémente et agressive. Cette violence est non seulement déplacée mais parfaitement injustifiée puisque la raison de votre emportement portait sur des décisions dont vous avez prétendu ne pas avoir connaissance alors que vous y avez personnellement participé. Nous vous rappelons que vous avez agressé verbalement Odile A... pour avoir permis la réalisation par Ludivine B... d'illustrations choisies par notre cliente Christelle E... de BB9, alors qu'Isabelle C... vous a tenu informé de ces décisions. Ces faits sont d'autant plus graves qu'ils ne sont pas isolés : - le 29 septembre, vous avez précipitamment quitté une réunion, en criant à l'attention d'Eric F... et Philippe G... « vous faites de la merde » au seul motif que le choix collectif et argumenté d'un prestataire extérieur ne vous convenait pas. Nous vous avons rappelé à l'ordre le lendemain en insistant sur le fait que ce type de comportement n'était plus admissible. - Le 7 octobre 2011, consécutivement aux témoignages des salariés non cadres de l'agence dénonçant unanimement votre attitude terrorisante mêlant méchancetés, mépris et humiliations, nous vous avons demandé expressément de mettre fin à ces agissements. - Vous avez fait l'objet, le 2 décembre 2011, d'un avertissement sur un point de comportement similaire, vos remarques insultantes étant cette fois dirigées contre les dirigeants de l'entreprise. L'avertissement concluait en ces termes « ces emportements dont vous continuez de faire preuve ne sont pas acceptables dans notre entreprise et sont incompatibles avec votre fonction de directeur de création de l'agence ». Vos fonctions de directeur de création, fonctions clé dans l'agence, nécessitent maîtrise et sang-froid, ainsi que l'expression d'une autorité juste. Nous vous l'avons maintes fois répété. Il n'est pas admissible que dans votre position et au sein de notre agence, l'expression de votre autorité passe par la violence verbale et le dénigrement de la personne des collaborateurs. La gravité de votre comportement et sa répétition ont ruiné la confiance que nous pouvions avoir en vous. Vous avez porté gravement atteinte au bon fonctionnement de l'agence, les équipes sont déstabilisées. Pour ces raisons, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave. Compte tenu de la gravité de cette faute, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, le licenciement prend effet à la date de présentation de cette lettre, sans indemnité de préavis ni de licenciement. Nous vous confirmons que pour la même raison, le salaire correspondant à la période de mise à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé
» ; que les griefs faits à M. X... concernent son comportement répété de violence verbale injustifiée avec les salariés non cadres et ses emportements et remarques insultantes à l'égard des dirigeants de l'entreprise sur la période du 29 septembre 2011 au 9 décembre 2011 ; qu'au soutien de son appel M. X... conteste les griefs en complète opposition avec son caractère et sa façon habituelle de travailler, dont il souligne que seul le dernier est juridiquement recevable, pour en minimiser néanmoins l'Importance, s'agissant de remarques légitimement faites à Mme A..., qui avait adressé des documents à l'un des plus gros clients de l'agence sans respecter la procédure exigeant sa validation préalable en concertation avec les seuls agents commerciaux ; qu'il affirme que son licenciement était lié à un changement brutal de ligne stratégique de l'agence réorientée vers le web, spécialité de Peoleo, comme il l'explique à sa réponse du 2 novembre 2011 à sa feuille de route que sur ce, la cour confirmera le jugement en ce qu'il a déclaré prescrits ou déjà sanctionnés par avertissement du 2 décembre 2011 les griefs relatifs à la critique par M. X... de la stratégie économique et budgétaire des dirigeants ainsi qu'à son comportement généralement méprisant à l'égard des salariés non cadres ; que s'agissant des griefs du 9 décembre 2011, ils concernent la violence verbale utilisée par M. X... à l'occasion des modifications apportées au catalogue Bébé9, client important de l'agence, et les faits sont décrits au compte-rendu de l'entretien préalable en date du 27 décembre 2011 ; qu'il en résulte que depuis plusieurs semaines la ligne d'illustration du catalogue avait été modifiée par M. X... et que Mme B... était en charge de l'exécution des directives, alors qu'il avait demandé une modification de l'intensité des couleurs le vendredi à 16 heures, au cours d'une réunion réunissant créatifs et commerciaux, il apprend le vendredi suivant 9 décembre, lorsqu'il demande à voir les modifications, non seulement qu'elles n'avaient pas été faites mais que le projet avait été envoyé au client par Mme A... en accord avec Mme C... qui ne l'avait pas averti parce qu'elle « était débordée » ; qu'il apparaît donc que l'attitude et le positionnement de M. X... étaient dans la droite ligne de la feuille de route qui lui avait été adressée le 26 octobre 2011 (« nous te demandons de devenir le manager de tous les créatifs à chaque instant ») ; qu'il en découle que le seul fait d'avoir utilisé un ton véhément, attesté par tous les témoins sollicités par la société Kuryo Communication, en faisant le tour des bureaux des participants à la réunion précédente pour connaître la vraie raison du non-respect de ses consignes, même s'il manifeste un défaut de maîtrise de soi, ne constitue qu'une faute légère insuffisante à justifier son licenciement, que le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que sur les demandes financières liées à la rupture du contrat de travail ; que la société Peoleo ne conteste pas particulièrement le montant des condamnations dont M. X... sollicite confirmation pour ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis; soit 33.801 euros, l'indemnité de congés payés afférente, soit 3.380,10 euros, sur la base d'un salaire de référence de 11.267 euros, l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents sur mise à pied, soit 5.633,50 euros et 563,35 euros, lesquelles seront confirmées ; que l'intimée sollicite sur son appel incident que l'indemnité conventionnelle de licenciement soit réduite en proportion de l'ancienneté réelle de M. X... engagé le 1er juillet 2008 ; qu'en application de l'article 69 alinéa 1 de la Convention collective de la publicité, l'indemnité s'établit à 13.942,91 euros calculée comme suit : 33%x11.267x(3 ans+9/12), le jugement étant infirmé au quantum ; que M. X... sollicite une indemnisation de 132.200 euros pour son licenciement, compte tenu de la mauvaise foi de l'employeur et de ses faibles ressources en dépit de sa formation de reconversion professionnelle ; qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise de onze salariés et plus, survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; que si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié ; que cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que compte tenu de son âge de 53 ans au moment du licenciement, de son ancienneté dans l'entreprise et la preuve de sa reconversion professionnelle de commerçant, laquelle ne le prive néanmoins pas de la possibilité de continuer à faire de la publicité en free-lance comme auparavant, compte tenu de sa notoriété dans ce milieu, les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse seront fixés à 90.136 euros ; que conformément à l'article L. 1235-4 du même code, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. X... à compter du jour du licenciement et dans la limite légale de six mois ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la moyenne brute mensuelle des trois derniers mois de salaires perçue par M. X... est de 11.267 euros ; que la convention collective applicable à la relation de travail était la convention nationale collective de la publicité ; que trois des quatre griefs visés dans la lettre de licenciement sont soit prescrits ou soit avait déjà fait l'objet d'une sanction ; que par ailleurs, quant aux propos désobligeants que M. X... aurait tenu à l'encontre de M. G..., le conseil constate que la société Peoleo n'apporte aucune preuve ni aucune attestation ; que quant au dernier, vu très attentivement l'attestation de M. H... qui a été témoin visuel de la scène où il aurait été reproché que M. X... se serait emporté très vivement, il apparaît clairement qu'il s'agit d'un non événement, que le demandeur ne s'est pas emporté et qu'il n'a pas insulté ou méprisé ses collègues de travail mais par contre, il apparaît un manque professionnel, que le conseil dit que le licenciement de M. X... n'est pas un licenciement pour faute grave ; que la formation de céans dit M. X... fondé à percevoir : 5.633,50 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied, 563,35 euros à titre de congés payés afférents, 33.801 euros à titre d'indemnité de préavis, 3.380,10 euros à titre de congés payés afférents, 21.103 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
1°) ALORS QUE la lettre de licenciement du 31 décembre 2011 reprochait au salarié des violences verbales injustifiées et dénigrantes à l'égard de plusieurs salariés qui ont eu lieu le 9 décembre 2011 ; que dans cette lettre, l'employeur justifiait la gravité de ces faits par la circonstance qu'ils constituaient la réitération d'un comportement fautif déjà commis au cours des trois mois précédents, alors sanctionné par deux rappels à l'ordre et un avertissement ; qu'en affirmant que l'employeur reprochait au salarié un « comportement répété de violence verbale injustifiée avec les salariés non cadres et emportements et remarques insultantes à l'égard des dirigeants de l'entreprise sur la période du 29 septembre 2011 au 9 décembre 2011 » (arrêt, p. 4 § 5) et que « les griefs relatifs à la critique par M. X... de la stratégie économique et budgétaire des dirigeants ainsi qu'à son comportement généralement méprisant à l'égard des salariés non cadres »
étaient prescrits ou déjà sanctionnés (arrêt, p. 5 § 2), considérant ainsi que les griefs du 29 septembre 2011, du 7 octobre 2011 et du 2 décembre 2011 fondaient le licenciement, quand seuls les faits du 9 décembre 2011 étaient ainsi sanctionnés, la réitération n'étant prise en compte que pour apprécier la gravité de ces faits, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre de licenciement, en violation de l'article 1134 du code civil, devenu article 1103 du code civil et de l'article L. 1232-6 du code du travail ;
2°) ALORS QUE la réitération d'un fait fautif autorise l'employeur à se prévaloir de faits similaires, le cas échéant déjà été sanctionnés, pour caractériser la gravité du fait réitéré ; qu'en affirmant néanmoins que les propos tenus le 9 décembre 2011, par lesquels M. X... avait « utilisé un ton véhément » manifestant « un défaut de maîtrise de soi » ne constituaient qu'une « faute légère insuffisante à justifier son licenciement » (arrêt, p. 5 § 3), sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 13), si cette réitération de violences verbales et d'emportements commise par un directeur à l'égard de plusieurs salariés placés sous son autorité, consistant en des reproches injustifiés, des cris et un défaut de maîtrise de soi, obligeant deux salariées dont une femme enceinte à se réfugier dans les bureaux voisins, puis dans les toilettes, aggravait le caractère fautif des faits commis par M. X..., de sorte que son maintien dans l'entreprise était désormais impossible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1332-4 du code du travail ;
3°) ALORS QUE pour apprécier la gravité des faits fautifs reprochés à un salarié, les juges doivent examiner les circonstances de leur commission et leurs conséquences ; que constitue une circonstance aggravante du comportement du salarié son niveau de qualification ou ses hautes fonctions ; qu'en écartant l'existence d'une faute grave aux motifs que le comportement de M. X... du 9 décembre 2011 ne constituait « qu'une faute légère insuffisante à justifier son licenciement » (arrêt, p. 5 § 3), sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 11 § 5 et p. 12 § 10), si ses fonctions de directeur de la création aggravaient le caractère fautif de son comportement, de sorte que son maintien dans l'entreprise était impossible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.