COMM.
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10220 F
Pourvoi n° C 16-15.591
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Eric X..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 18 février 2016 par la cour d'appel d'[...] chambre A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Joël Y..., domicilié [...] ,
2°/ à la société Financière JRC, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 mars 2018, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Z..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. X..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y... et de la société Financière JRC ;
Sur le rapport de M. Z..., conseiller référendaire, l'avis de Mme A..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. Y... et à la société Financière JRC la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure
EN CE QUE, confirmant le jugement, il a débouté M. X... de ses demandes de réalisation forcée de la cession et de réparation du préjudice dérivant du non-respect par M. Y... des articles 3.1 et 3.2 du pacte d'actionnaires ;
AUX MOTIFS QUE « sur la cession de 5% des actions de la société Digitech par Monsieur Y..., monsieur X... précise toujours détenir 5% du capital social de la société Digitech et soutient que sa qualité d'actionnaire lui permet de se prévaloir de l'article 4.7 du pacte qui dispose que si la valorisation de 5 millions ne pouvait être atteinte pendant la durée du pacte de cinq ans, chacune des parties reprendrait sa liberté, mais qu'en tout état de cause la participation de monsieur X... serait portée de 5 à 10% du capital social, les 5% étant prélevés sur les actions de monsieur Y... pour le prix symbolique de 1 euro ; que monsieur Y... lui oppose la résolution du pacte du fait de son départ de l'entreprise en août 2007 ; que l'article 4.1 de l'accord dispose Ce pacte et les engagements particuliers souscrits se trouveront automatiquement annulés lorsque l'un ou l'autre des signataires ne détiendra plus aucun titre de la société ou quittera l'entreprise, sauf en ce qui concerne monsieur Laurent B... qui quitte l'entreprise d'un commun accord avec ses partenaires ; que monsieur X... fait valoir que le terme quitter suppose un acte volontaire de sa part, que ce départ ne peut entraîner l'annulation de l'acte mais seulement sa résiliation, et que cette résiliation ne remet pas en cause l'engagement pris antérieurement par monsieur Y... à son égard de lui céder 5% de ses titres ; que cependant, il résulte de la lecture du pacte que la volonté des parties a été de faire du maintien dans l'actionnariat et dans l'entreprise une condition de validité, l'objet de l'acte étant, à l'occasion de la cession des titres, de partager la valeur créée par l'équipe constituée des trois signataires, actionnaires et salariés de la société Digitech ; que par ailleurs, le terme quitter s'applique aussi bien au cas de démission que de licenciement, donc de départ de l'entreprise volontaire ou forcé ; que cette clause n'est pas potestative au sens de l'article 1170 du code civil, chacun des signataires ayant le pouvoir de la faire survenir ; que monsieur X... se prévaut de la décision définitive de la cour d'appel de céans en date du 15 septembre 2011 ayant déclaré son licenciement, pour faute grave au titre de harcèlement moral, sans cause réelle et sérieuse, pour en déduire son caractère abusif ; qu'il résulte toutefois des divers éléments, dont un rapport du médecin du travail, des attestations de salariés, le rapport du cabinet Empathie, mettant en exergue un profond malaise des salariés, un mauvais climat au sein de l'entreprise, la mauvaise qualité relationnelle du management et la situation de stress des employés, que la société Digitech pouvait être amenée à vouloir se séparer de son directeur commercial ; que le licenciement de monsieur X... ne peut être regardé comme une manoeuvre de monsieur Y... pour faire obstacle à l'exécution du pacte d'actionnaires ; qu'en vertu de l'article 4.1 de l'accord du 23 décembre 2004, le départ le 2 août 2007 de monsieur X... de l'entreprise a entraîné, à cette date, a résolution du pacte en toutes ses dispositions ; que l'expression Ce pacte et les engagements particuliers souscrits se trouveront automatiquement annulés démontre en effet l'intention des parties d'en faire une cause de résolution de tous les accords contenus dans ce pacte ; que par ailleurs, la mention en tout état de cause figurant à l'article 4.7 dudit pacte ne signifie pas que, même en cas de résolution de cet accord, la participation de monsieur X... serait portée de 5% à 10%, mais seulement qu'elle le serait même si la valorisation de 5 millions ne pouvait être atteinte pendant la durée du pacte de cinq années, ce qui suppose que ce pacte soit encore en vigueur au terme des cinq années, ce qui n'était pas le cas ; que monsieur X... ne pouvait donc le 28 janvier 2010 mettre en demeure monsieur Y... d'avoir à lui céder des parts sociales représentant 5% du capital social de la société en application du pacte d'actionnaires résolu ; qu'il le pouvait d'autant moins que celui-ci ne détenait plus aucune action de la société Digitech, transmises à la société financière JRC en novembre 2009 ; que sur la demande de dommages et intérêts, Monsieur X... reproche à Monsieur Y... d'avoir violé les articles 3.2 et 3.1 du pacte en procédant à l'apport de l'intégralité de ses titres à la société financière JRC qui facturerait selon lui désormais à la société Digitech des prestations non-justifiées ; que toutefois, comme déjà dit plus haut, le pacte d'actionnaire ayant été résolu le 2 août 2007, il ne peut être utilement soutenu par Monsieur X... que la transmission des titres de Monsieur Y... effectuée en novembre 2009 méconnaissait ledit pacte ; que Monsieur X... est en conséquence débouté de l'intégralité de ses demandes » (arrêt, pp. 6 à 8) ;
ALORS QUE, premièrement, la condition résolutoire est réputée défaillie lorsque son accomplissement a été provoqué de manière déloyale par le débiteur de l'obligation ; qu'en se bornant à affirmer, pour dire que le licenciement de M. X..., ayant entrainé son départ de la société, au sens de l'article 4.1 du pacte d'actionnaires, ne pouvait être considéré comme une manoeuvre pour faire obstacle à l'exécution dudit pacte, que les éléments de preuve produits par M. Y... mettaient en évidence le « profond malaise des salariés, un mauvais climat au sein de l'entreprise, la mauvaise qualité relationnelle du management et la situation de stress des employés », de sorte que la société Digitech pouvait être amenée à vouloir se séparer de son directeur commercial, sans procéder à l'analyse au moins sommaire de ces éléments de preuve et sans faire ressortir que le mauvais climat au sein de la société était imputable à M. X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, et de la même façon, en statuant comme elle l'a fait, sans procéder à l'analyse de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du septembre 2011 duquel il ressortait, d'une part, que le climat au sein de la société n'était pas dû à M. X... et, d'autre part, qu'aucun des faits qui lui étaient reprochés à l'appui de son licenciement n'étaient, de sorte que son licenciement était abusif, la cour d'appel a, de nouveau, violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, troisièmement, le bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente peut faire déclarer la cession par le promettant à un tiers ayant connaissance de la promesse inopposable à son égard puis obtenir l'exécution forcée de la promesse ; qu'en opposant à la demande d'exécution forcée dirigée contre le promettant et le tiers cessionnaire complice la transmission des actions audit tiers (arrêt, p. 8 alinéa 3), les juges du fond ont statué par un motif inopérant, violant ainsi l'article 1589 du code civil.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure
EN CE QUE, confirmant le jugement, il a débouté M. X... de sa demande de réparation du préjudice dérivant du non-respect par M. Y... des articles 3.1 et 3.2 du pacte d'actionnaires ;
AUX MOTIFS QUE « sur la cession de 5% des actions de la société Digitech par Monsieur Y..., monsieur X... précise toujours détenir 5% du capital social de la société Digitech et soutient que sa qualité d'actionnaire lui permet de se prévaloir de l'article 4.7 du pacte qui dispose que si la valorisation de 5 millions ne pouvait être atteinte pendant la durée du pacte de cinq ans, chacune des parties reprendrait sa liberté, mais qu'en tout état de cause la participation de monsieur X... serait portée de 5 à 10% du capital social, les 5% étant prélevés sur les actions de monsieur Y... pour le prix symbolique de 1 euro ; que monsieur Y... lui oppose la résolution du pacte du fait de son départ de l'entreprise en août 2007 ; que l'article 4.1 de l'accord dispose Ce pacte et les engagements particuliers souscrits se trouveront automatiquement annulés lorsque l'un ou l'autre des signataires ne détiendra plus aucun titre de la société ou quittera l'entreprise, sauf en ce qui concerne monsieur Laurent B... qui quitte l'entreprise d'un commun accord avec ses partenaires ; que monsieur X... fait valoir que le terme quitter suppose un acte volontaire de sa part, que ce départ ne peut entraîner l'annulation de l'acte mais seulement sa résiliation, et que cette résiliation ne remet pas en cause l'engagement pris antérieurement par monsieur Y... à son égard de lui céder 5% de ses titres ; que cependant, il résulte de la lecture du pacte que la volonté des parties a été de faire du maintien dans l'actionnariat et dans l'entreprise une condition de validité, l'objet de l'acte étant, à l'occasion de la cession des titres, de partager la valeur créée par l'équipe constituée des trois signataires, actionnaires et salariés de la société Digitech ; que par ailleurs, le terme quitter s'applique aussi bien au cas de démission que de licenciement, donc de départ de l'entreprise volontaire ou forcé ; que cette clause n'est pas potestative au sens de l'article 1170 du code civil, chacun des signataires ayant le pouvoir de la faire survenir ; que monsieur X... se prévaut de la décision définitive de la cour d'appel de céans en date du 15 septembre 2011 ayant déclaré son licenciement, pour faute grave au titre de harcèlement moral, sans cause réelle et sérieuse, pour en déduire son caractère abusif ; qu'il résulte toutefois des divers éléments, dont un rapport du médecin du travail, des attestations de salariés, le rapport du cabinet Empathie, mettant en exergue un profond malaise des salariés, un mauvais climat au sein de l'entreprise, la mauvaise qualité relationnelle du management et la situation de stress des employés, que la société Digitech pouvait être amenée à vouloir se séparer de son directeur commercial ; que le licenciement de monsieur X... ne peut être regardé comme une manoeuvre de monsieur Y... pour faire obstacle à l'exécution du pacte d'actionnaires ; qu'en vertu de l'article 4.1 de l'accord du 23 décembre 2004, le départ le 2 août 2007 de monsieur X... de l'entreprise a entraîné, à cette date, a résolution du pacte en toutes ses dispositions ; que l'expression Ce pacte et les engagements particuliers souscrits se trouveront automatiquement annulés démontre en effet l'intention des parties d'en faire une cause d résolution de tous les accords contenus dans ce pacte ; que par ailleurs, la mention en tout état de cause figurant à l'article 4.7 dudit pacte ne signifie pas que, même en cas de résolution de cet accord, la participation de monsieur X... serait portée de 5% à 10%, mais seulement qu'elle le serait même si la valorisation de 5 millions ne pouvait être atteinte pendant la durée du pacte de cinq années, ce qui suppose que ce pacte soit encore en vigueur au terme des cinq années, ce qui n'était pas le cas ; que monsieur X... ne pouvait donc le 28 janvier 2010 mettre en demeure monsieur Y... d'avoir à lui céder des parts sociales représentant 5% du capital social de la société en application du pacte d'actionnaires résolu ; qu'il le pouvait d'autant moins que celui-ci ne détenait plus aucune action de la société Digitech, transmises à la société financière JRC en novembre 2009 ; que sur la demande de dommages et intérêts, Monsieur X... reproche à Monsieur Y... d'avoir violé les articles 3.2 et 3.1 du pacte en procédant à l'apport de l'intégralité de ses titres à la société financière JRC qui facturerait selon lui désormais à la société Digitech des prestations non-justifiées ; que toutefois, comme déjà dit plus haut, le pacte d'actionnaire ayant été résolu le 2 août 2007, il ne peut être utilement soutenu par Monsieur X... que la transmission des titres de Monsieur Y... effectuée en novembre 2009 méconnaissait ledit pacte ; que Monsieur X... est en conséquence débouté de l'intégralité de ses demandes » (arrêt, pp. 6 à 8) ;
AUX MOTIFS ENCORE QUE « Monsieur X... reproche à Monsieur Y... d'avoir violé les articles 3.2 et 3.1 du pacte en procédant à l'apport de l'intégralité de ses titres à la société financière JRC, qui facturerait selon lui désormais à la société Digitech des prestations non-justifiées ; que toutefois, comme déjà dit plus haut, le pacte d'actionnaire ayant été résolu le 2 août 2007, il ne peut être utilement soutenu par Monsieur X... que la transmission des titres de Monsieur Y... effectuée en novembre 2009 méconnaissait ledit pacte ; que Monsieur X... est en conséquence débouté de l'intégralité de ses demandes » (arrêt, p. 8) ;
ALORS QUE la condition est réputée accomplie lorsque le débiteur obligé sous cette condition en a empêché l'accomplissement ; que M. X... faisait valoir que M. Y... avait provoqué son licenciement de sorte à empêcher la mise en oeuvre du pacte d'actionnaires (conclusions de M. X..., p. 15 avant-dernier et dernier alinéas) en invoquant au soutien de ce moyen un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 15 septembre 2011 ; que faute d'examiner cet élément de preuve, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure
EN CE QU'il a mis hors de cause la société financière JRC ;
AUX MOTIFS QUE « monsieur X... revendique l'application de clauses du pacte d'actionnaires auquel la société financière JRC est tiers, ayant d'ailleurs été créée presque cinq ans après la signature de cet accord ; que par suite, n'étant pas partie à ce pacte, monsieur X... ne peut lui demander d'exécuter des engagements pris par le seul monsieur Y... et n'obligeant que ce dernier ; qu'en conséquence [la société financière JRC] est fondée à solliciter sa mise hors de cause » (arrêt, pp. 6 & 7) ;
ALORS QUE le bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente peut faire déclarer la cession par le promettant à un tiers ayant connaissance de la promesse inopposable à son égard ; que M. X... demandait la remise par la société financière JRC des actions à elles cédées en dépit de la promesse de vente stipulée en sa faveur ; qu'en mettant la société financière JRC hors de cause au motif qu'elle n'était pas partie au contrat, quand cette circonstance était inopérante, les juges du fond ont violé l'article 1589 du code civil.