CIV.3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 avril 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10225 F
Pourvoi n° A 17-20.653
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Claude X..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 16 mai 2017 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant à la société Florimonde, société anonyme, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 mars 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Provost-Lopin, conseiller rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boullez, avocat de M. X..., de la SCP Odent et Poulet, avocat de la société Florimonde ;
Sur le rapport de Mme Provost-Lopin, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de M. X... ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté M. Claude X... de sa demande de déplafonnement des loyers et D'AVOIR fixé le montant du loyer du bail renouvelé à la somme de 15 313 € par an, après avoir constaté l'accord des parties sur le principe du renouvellement du bail à effet au 1er janvier 2012, et ce jusqu'au 31 décembre 2020 ;
AUX MOTIFS QUE le terme du bail initial de neuf ans conclu le 8 janvier 2002 était fixé au 31 décembre 2009 ; qu'à défaut de congé ou de demande de renouvellement, le même bail s'est tacitement prolongé au-delà de ce terme pour une durée indéterminée, en application de l'article L. 145-9 du Code de commerce ; qu'en vertu de l'article L. 145-10 du même Code, la SA Florimonde pouvait alors à tout moment signifier par acte extra judiciaire à M. Claude X... une demande de renouvellement du bail, ce qu'elle a fait le 16 décembre 2011 pour le 1er janvier 2012, et le bailleur avait alors un délai de trois mois pour s'opposer au renouvellement du bail, ce qu'il n'a pas fait, que M. X... n'ayant pas fait connaître ses intentions dans ce délai, il est réputé avoir accepté le principe du renouvellement, en application de l'alinéa 4 de l'article 145-10 ; qu'un nouveau bail a donc pris effet entre les parties pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2012 en application de l'article L.145-12 du Code de commerce ; que l'article L. 145-11 du même Code permet néanmoins au bailleur de demander la fixation du prix de ce bail renouvelé, ce que M. X... a fait le 9 novembre 2013 ; que, sur la demande de déplafonnement, l'article L. 145-33 du Code de commerce dispose notamment : « Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. / A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après : / 1 ° Les caractéristiques du local considéré / 2° La destination des lieux / 3° Les obligations respectives des parties / 4° Les facteurs locaux de commercialité / 5° Les prix couramment pratiqués dans le voisinage » ; que ce principe de fixation des loyers à la valeur locative est fortement atténué par la règle de plafonnement des loyers institué par l'article L.145-34 du même Code ; que, toutefois, il résulte de cet article L.145-34 que le plafonnement est exclu notamment en cas de modification notable d'un des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33 intervenue pendant la durée de bail expiré ; que ces éléments sont définis par les articles R.145-3 à R.145-6 et R.145-8 du Code de commerce ; que M. X... invoque la modification notable de deux éléments visés à l'article L.145-33 précité : les obligations respectives des parties et les facteurs locaux de commercialité ;
ET QUE, sur la modification des obligations respectives des parties, l'article R. 145-8 du Code de commerce, qui précise le critère des obligations respectives des parties, dispose en son dernier alinéa qu'il est également tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originellement fixé ; que M. X... invoque ainsi la disparition de circonstances particulières ayant conduit à la fixation d'un loyer à un montant sensiblement inférieur à la valeur locative ; qu'en effet, un loyer fixé initialement à un montant anormalement bas pour raisons de famille constitue un motif de déplafonnement lorsque ces circonstances particulières ayant conduit à la fixation de ce loyer ont disparu eu égard à la mésentente entre les parties survenue au cours de bail venu à expiration ; que M. X... doit prouver d'une part que le loyer initial était minoré en raison de circonstances particulières tenant aux relations familiales entre les associés de la société Florimonde et les bailleurs, et d'autre part la disparition de ces circonstances notamment en raison de la mésentente entre les parties ; qu'il verse aux débats notamment les pièces suivantes : / - bail notarié du 8 janvier 2002 conclu entre M. Claude X... et ses parents, Marcel et Simone X..., d'une part, et la société Florimonde, représentée par M. Alain X..., d'autre part, / - rapport de gestion du conseil d'administration de la SA Florimonde en date du 2 juillet 2002, / - procès-verbal des délibérations du conseil d'administration de la société Florimonde en date du 8 juillet 2004, / - ordonnance de référé du tribunal de commerce de Reims en date du 12 janvier 2011 désignant M. Jérôme Y..., administrateur judiciaire, en qualité d'administrateur provisoire de la société Florimonde, / - procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale mixte de la société Florimonde du 23 juillet 2013, / - procès-verbal des délibérations du conseil d'administration de la société Florimonde en date du 23 juillet 2013, / - extrait kbis de la SA Florimonde au 7 août 2013, / - ordonnance en la forme des référés du tribunal de grande instance de Reims en date du 1er juillet 2009 désignant Me Béatrice F... en qualité d'administrateur des successions de Simone et Marcel X... ;
ET QU'il résulte de l'ensemble de ces pièces que la société Florimonde était une société familiale dont il est constant que M. Claude X... était associé avec son frère Alain ; qu'en 2002, M. Claude X..., son frère Alain X..., et leurs parents, Marcel et Simone X..., étaient tous les quatre administrateurs de la société, le président étant M. Claude X... et le vice-président étant Marcel X... ; qu'à la suite du décès de Simone X... en [...] et de Marcel X... en 2004, Mme Sandra G... épouse X... (l'épouse Z...) a été désignée administrateur en remplacement de Simone, tandis qu'il a été décidé de ne pas remplacer Marcel X... ; que des désaccords sont survenus entre Claude et Alain dans la gestion des indivisions successorales, au point qu'un administrateur judiciaire a été désigné en 2009 ; que de même, un administrateur provisoire de la SA Florimonde a dû être désigné en 2011, la société n'ayant plus de conseil d'administration ni dirigeant depuis le 15 novembre 2010, le seul administrateur étant Mme Sandra X... ; qu'en 2013, quatre administrateurs ont été désignés, à savoir M. Philippe A..., M. Alain X..., M. Gabriel X... (fils d'Alain) et Mme Sandra X..., cette dernière étant également désignée président directeur général, ce qui a mis fin à la mission de l'administrateur provisoire ; qu'ainsi, au moment de la signature du bail, les bailleurs, à savoir M. Claude X... et ses parents, Simone et Marcel X..., entretenaient des liens étroits avec la locataire, la société Florimonde dont ils étaient tous trois administrateurs avec Alain, frère de Claude, et M. Claude X... était le président directeur général de la société ; qu'à présent, M. Claude X..., seul bailleur, n'est plus ni président ni administrateur de la société Florimonde, qui est présidée par l'épouse de son frère, lui-même administrateur, avec qui il est en conflit au sujet de la successions de leurs parents ; que même si des liens familiaux existent toujours, ils sont beaucoup moins étroits et M. Claude X... apporte la preuve d'un conflit persistant depuis au moins 2009, de sorte qu'une minoration de loyer pour raisons de famille ne serait plus justifiée ; qu'il résulte du bail notarié du 8 janvier 2002 que le loyer annuel s'élevait à 72 000 francs, soit 10 976,33 euros ; qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire que le loyer fixé dans le bail du 8 janvier 2002 était inférieur à la valeur locative qui était de 12 760 euros à cette date, soit une différence de 16 % ; que, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, un loyer minoré de 16 % ne saurait constituer un loyer anormalement bas ; qu'en outre, M. Claude X... produit lui-même l'acte de vente du 18 mai 1999 par lequel il a acquis de M. B... et des consorts C... le local avec ses parents et dont il ressort que l'immeuble a été vendu loué a la société Florimonde en vertu d'un acte de cession de bail du 16 janvier 1991 et que le loyer s'élevait à la somme de 51 200 francs ; qu'il produit également l'acte du 16 janvier 1991 par lequel Mme D... a cédé à la société Florimonde, représentée à l'époque par M. Marcel X..., ses droits au bail avec un loyer de 50 500 francs ; qu'il en résulte que la fixation du loyer à 72 000 francs en 2002 par les consorts X..., nouveaux bailleurs, c'est-à-dire le président directeur général lui-même de la société locataire et ses parents, constitue en réalité une augmentation majeure par rapport au loyer initial de la société Florimonde qui n'avait pas été fixé en raison de liens familiaux ; qu'ainsi, M. Claude X... n'apporte pas la preuve que le loyer fixé dans le bail initial de 2002 était anormalement bas pour raison de famille ; que le critère de la modification notable des obligations respectives des parties doit donc être écarté ;
1. ALORS QU'il y a lieu à déplafonnement du loyer lorsque le prix d'origine a été fixé à un montant anormalement bas pour des raisons de famille existant alors ; qu'il résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé que les liens familiaux sont beaucoup moins étroits qu'au jour où le bail avait été conclu entre les consorts X... et la société FLORIMONDE en 2002, de sorte qu'une minoration du loyer pour raisons familiales ne serait plus justifiée ; qu'en affirmant cependant, pour retenir l'application de la règle du plafonnement, que le loyer avait été sensiblement augmenté par rapport à celui d'origine convenu le 16 janvier 1991, après avoir affirmé qu'un loyer minoré de 16 % ne saurait être regardé comme anormalement bas, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, à quelle autre cause qu'une sous-évaluation en raison des liens de parenté existant entre les signataires du bail cette différence importante de 16 % pouvait être attribuée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-34 et R. 145-8 du code de commerce ;
2. ALORS QU'en décidant qu'un loyer minoré de 16 % ne saurait constituer un loyer anormalement bas, contrairement à ce qu'avait décidé le tribunal, quand l'expert avait souligné, pour sa part, qu'un bailleur aurait été bien avisé de solliciter dans une telle hypothèse le déplafonnement du loyer, la cour d'appel qui s'est déterminée sur cette affirmation, sans la justifier, ni réfuter les conclusions de l'expert expressément citées par le bailleur dans ses conclusions, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.