CIV.3
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 avril 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10223 F
Pourvoi n° C 17-20.057
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ M. Christian X...,
2°/ Mme Arlette Y..., épouse X...,
3°/ Mme Maryline X...,
tous trois domiciliés [...] ,
contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 9), dans le litige les opposant :
1°/ à M. Alain Z..., domicilié [...] ,
2°/ à Mme Yolande A..., épouse B..., domiciliée [...] ,
3°/ à M. Michel B..., domicilié [...] ,
4°/ à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) de l'Ile-de-France, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 mars 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme C..., conseiller rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat des consorts X..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. Z..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) de l'Ile-de-France ;
Sur le rapport de Mme C..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... ; les condamne in solidum à payer à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural de l'Ile-de-France la somme de 3 000 euros et à M. Z... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour les consorts X....
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. Christian X..., Mme Arlette Y..., épouse X..., et Mme Maryline X... de l'intégralité de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE « Le fond
L'article L. 412-1 du code rural ouvre aux locataires de biens ruraux, en cas d'aliénation à titre onéreux de ce bien par son propriétaire, un droit de préemption.
L'article L. 412-5 du code rural prévoit que : "Bénéficie du droit de préemption le preneur ayant exercé, au moins pendant trois ans, la profession agricole et exploitant par lui-même ou par sa famille le fonds mis en vente.
Il peut exercer personnellement ce droit, soit pour exploiter lui-même, soit pour faire assurer l'exploitation du fonds par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité participant à l'exploitation ou par un descendant si ce conjoint, partenaire ou descendant a exercé la profession agricole pendant trois ans au moins ou est titulaire d'un diplôme d'enseignement agricole.
II peut aussi subroger dans l'exercice de ce droit son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité participant à l'exploitation ou un descendant majeur ou mineur émancipé qui remplissent les conditions prévues à l'alinéa précédent.
Le droit de préemption ne peut être exercé si, au jour où il fait connaître sa décision d'exercer ce droit, le bénéficiaire ou, dans le cas prévu au troisième alinéa ci-dessus, le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le descendant subrogé est déjà propriétaire de parcelles représentant une superficie supérieure à trois fois la surface minimum d'installation prévue à l'article L 312-6 du code rural et de la pêche maritime"
Il en résulte donc le preneur en place peut:
-soit exercer personnellement le droit de préemption et en conséquence acquérir lui-même les biens mis en vente à la condition qu'il ne soit pas déjà propriétaire (article L. 415-5 al 6) d'une superficie supérieure à 3 fois la surface minimum d'installation prévue à l'article L. 312-6 du code rural.
-soit exercer personnellement ce droit de préemption mais pour faire assurer l'exploitation du fonds par son conjoint, son partenaire passé ou l'un de ses descendants à la condition que ces derniers aient exercé la profession agricole pendant 3 ans au moins ou soient titulaires d'un diplôme d'enseignement agricole.
-soit subroger dans l'exercice de son droit de préemption son conjoint, son partenaire pacsé ou l'un de ses descendants majeur ou mineur émancipé à la condition qu'il remplisse les mêmes conditions que ci-dessus, c'est à dire justifie avoir exercé la profession agricole pendant 3 ans au moins ou être titulaire d'un diplôme d'enseignement agricole.
II n'est pas contesté qu'en l'espèce, les consorts B... ont régulièrement notifié au preneur leur intention de vendre le fonds par un courrier portant exercice de leur droit de préemption, ni que les époux X... ont fait connaître leur intention d'exercer ce droit dans le délai de deux mois.
Toutefois, le preneur qui ne rapporte pas la preuve qu'il exploite le fonds loué à la date de la vente ne peut bénéficier du droit de préemption et, de même, dans le cas d'une subrogation, il appartient au preneur de prouver que son subrogé remplit les conditions d'ordre public pour ce faire.
En l'occurrence, Monsieur et Madame X... n'ont pas préempté pour eux-mêmes mais ont substitué dans leurs droits leur fille Maryline et cette substitution n'était possible que dans la mesure où la personne "substituée" démontrait, au regard des dispositions de l'article L 412-5 du code rural, avoir exercé la profession agricole pendant trois ans au moins ou être titulaire d'un diplôme d'enseignement agricole.
Or les consorts X... n'ont justifié de rien mais, au contraire, dans la lettre qu'ils ont adressée au propriétaire pour faire valoir l'exercice de leur droit de préemption, les époux X... ont écrit que leur fille « est en voie d'obtention des diplômes agricoles requis pour satisfaire aux conditions de capacité agricole et d'installation » ce qui démontre qu'elle ne détenait pas à la date de la préemption le diplôme nécessaire.
Une déclaration de préemption faite par un preneur à son profit ou, par subrogation, au profit d'un descendant alors que les conditions légales d'exercice du droit de préemption ne sont pas remplies doit être déclarée nulle et de nul effet et en aucun cas ne peut entraîner vente parfaite par rencontre des consentements comme le soutiennent les consorts X....
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions. » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Sur le fond
Sur la demande en nullité de la vente
Attendu que sur le fondement de l'article 412-l du code rural et de la pêche maritime, le propriétaire bailleur d'un fonds de terre ou d'un bien rural qui décide ou est contraint de l'aliéner à titre onéreux, sauf le cas d'expropriation pour cause d'utilité publique, ne peut procéder à cette aliénation qu'en tenant compte du droit de préemption au bénéfice de l'exploitant preneur en place;
Attendu que l'article 412-5 du même code dispose que bénéficie du droit de préemption le preneur ayant exercé, au moins pendant trois ans, la profession agricole et exploitant par lui-même ou par sa famille le fonds mis en vente; qu'il peut exercer personnellement ce droit, soit pour exploiter lui-même, soit pour faire assurer l'exploitation du fonds par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité participant à l'exploitation ou par un descendant si ce conjoint, partenaire ou descendant a exercé la profession agricole pendant trois ans au moins ou est titulaire d'un diplôme d'enseignement agricole;
Attendu enfin que l'article 412-8 du même code prévoit que le notaire chargé de la vente doit faire connaître au preneur bénéficiaire du droit de préemption, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier de justice le prix les charges les conditions et les modalités de la vente projetée, ainsi que, le cas échéant, les nom et domicile de la personne qui se propose d'acquérir; que cette communication vaut offre de vente aux prix et conditions qui y sont contenus;
Que ce même article dispose encore que le preneur dispose d'un délai de deux mois à compter de la réception de la lettre recommandée ou de l'acte d'huissier pour faire connaître, dans les mêmes formes, au propriétaire vendeur, son refus ou son acceptation de l'offre aux prix, charges et conditions communiqués avec indication des nom et domicile de la personne qui exerce le droit de préemption; qu'en cas de préemption, celui qui l'exerce bénéficie alors d'un délai de deux mois à compter de la date d'envoi de sa réponse au propriétaire vendeur pour réaliser l'acte de vente authentique ; que passé ce délai, sa déclaration de préemption sera nulle de plein droit, quinze jours après une mise en demeure à lui faite par acte d'huissier de justice et restée sans effet;
Qu'en l'espèce, il est constant que les consorts B..., bailleurs, ont régulièrement notifié leur intention de céder le fonds donné à bail aux époux X..., par un courrier portant offre d'exercice de leur droit de préemption en date du 26/10/2012;
Qu'il est également constant que les époux X... ont fait connaître leur intention d'exercer ce droit de préemption, entendant subroger leur fille Maryline X... dans l'exercice de ce droit, dans le délai de deux mois prévu par les textes susvisés;
Qu'à réception de cette missive, la SAFER d'Ile de France, représentant les époux B..., a sommé les preneurs de lui adresser les pièces justifiant de la qualité de leur fille pour prétendre bénéficier de ce droit de préemption;
Qu'il n'est pas démontré que les époux X... ont répondu à cette sollicitation;
Que les demandeurs ne démontrent pas davantage, dans le cadre de cette instance, la qualité de Madame Maryline X... pour bénéficier d'un droit de préemption par substitution à ses parents;
Qu'en effet, Madame Maryline X... n'est pas titulaire d'un diplôme d'enseignement agricole;
Que les pièces versées aux débats, sous la forme d'attestations émanant de proches de Madame Maryline X..., sont insuffisantes à établir son exercice de la profession agricole pendant une durée d'au moins trois ans;
Qu'il s'évince de ces éléments que Madame Maryline X... ne pouvait valablement prétendre à exercer un droit de préemption, de sorte que sa déclaration de préemption doit être regardée comme nulle, n'ayant de surcroît pas été suivie de la réalisation de la vente sollicitée dans le délai de deux mois, acte qui ne pouvait, en tout état de cause, être valablement reçu devant notaire;
Qu'en conséquent, les consorts X... doivent être déboutés de l'intégralité de leurs demandes; » ;
1°) ALORS QUE la notification faite par le bailleur ou son mandataire au preneur des prix, charges, conditions et modalités de la vente projetée vaut offre de vente aux conditions qui y sont contenues ; qu'en conséquence, l'acceptation par le preneur de cette offre rend la vente parfaite ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que les époux X..., preneurs à bail de la parcelle mise en vente avaient, dans le délai de deux mois, régulièrement accepté l'offre de vente qui leur avait été notifiée par la Safer, mandataire des consorts B..., de sorte que la vente était parfaite entre les parties, la cour d'appel a violé les articles L. 412-8 du code rural et de la pêche maritime, 1583 et 1589, alinéa 1er, du Code civil ;
2°) ALORS QU'est valable l'acceptation du preneur qui a exercé un droit de préemption dont il n'était pas titulaire dès lors que le bailleur, en lui notifiant l'offre de vente en connaissance de cause, a renoncé à se prévaloir de l'absence de droit de préemption ; qu'en retenant, pour juger nulle et de nul effet la déclaration de préemption des époux X..., que les conditions légales d'exercice du droit de préemption n'étaient pas remplies sans rechercher, comme elle y était invitée, si les bailleurs, qui avaient connaissance de l'absence de droit de préempter des preneurs, n'avaient pas renoncé à s'en prévaloir en leur notifiant la vente, de sorte que la validité de la vente, parfaite par l'acceptation des preneurs, ne pouvait être contestée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 412-5 du code rural et de la pêche maritime ;
3°) ALORS QU'en cas de préemption, celui qui l'exerce bénéficie alors d'un délai de deux mois à compter de la date d'envoi de sa réponse au propriétaire vendeur pour réaliser l'acte de vente authentique ; que passé ce délai, sa déclaration de préemption sera nulle de plein droit, quinze jours après une mise en demeure à lui faite par acte d'huissier de justice et restée sans effet ; que l'action en nullité appartient au propriétaire vendeur et à l'acquéreur évincé lors de la préemption ; que dès lors, en jugeant que la déclaration de préemption des époux X... était nulle et de nul effet sans constater que ceux-ci avaient été mis en demeure de réaliser l'acte de vente authentique ni rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la non réalisation de l'acte de vente authentique dans le délai de deux mois n'était pas due au refus des bailleurs de régulariser un tel acte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 412-8 du code rural et de la pêche maritime.