CIV.3
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 avril 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10213 F
Pourvoi n° R 17-18.160
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Marine, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Le Vélodrome, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 mars 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme X..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Marine, de la SCP François-Henri Briard, avocat de la société Le Vélodrome ;
Sur le rapport de Mme X..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Marine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Marine ; la condamne à payer à la société Le Vélodrome la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Marine.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la SCI Marine de ses demandes d'acquisition de la clause résolutoire incluse dans les deux commandements du 13 août 2009 ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte des éléments versés aux débats que par courrier daté du 7 janvier 2009, la société Le Vélodrome s'est vue notifier la vente de l'immeuble dont elle est locataire, à la SCI Marine, et un avis d'échéance lui a été adressé le 31 mas 2009 par le nouveau propriétaire pour le loyer du 1er trimestre 2009 suivi d'un second avis le 30 juin 2009 pour le 2ème trimestre 2009 ; que le 13 août 2009 la SCI Marine a fait délivrer à la société Le Vélodrome un premier commandement de payer la somme de 2.069,65 €, outre les sommes de 169,26 € à titre de clause pénale et celle de 185,48 € au titre des frais d'huissier, et un second commandement d'avoir à faire cesser l'infraction constituée par l'utilisation de certaines pièces à des fins d'habitation, en contravention avec les termes du bail, ces deux commandements visant la clause résolutoire insérée au bail ; qu'en application de l'article 1134 du code civil, la clause résolutoire doit être invoquée de bonne foi ; que la société Le Vélodrome a sollicité du bailleur, par courrier recommandé du 17 août 2009 des explications relatives à l'application de la TVA sur le loyer appelé, et le bailleur s'est abstenu de répondre à ce courrier et de faire part à son locataire de son choix d'opter pour la TVA ; qu'en l'absence de réponse du bailleur, la société Le Vélodrome justifie alors avoir consulté courant septembre 2009 un avocat spécialisé en droit fiscal, lequel a interrogé les services fiscaux aux fins de connaître les dispositions légales et fiscales s'appliquant à son activité commerciale, qu'elle a ainsi été informée le 1er octobre 2009 que, du fait de nature de l'activité exercée, la société bailleresse était en droit de soumettre à la TVA les locaux loués à l'usage d'hôtel, et a en conséquence réglé le jour même les causes du commandement ; qu'il ne saurait être reproché à la société Le Vélodrome de s'être étonnée d'avoir à payer la TVA, et de s'être renseignée sur ses conditions d'application, alors que depuis son entrée dans les lieux, soit trente-deux années, le loyer appelé n'était pas assujetti à cette taxe ; que dès lors il y a lieu de constater, comme l'a fait le premier juge, que, même si les causes du commandement ont été réglées dix-huit jours après le délai d'un mois visé dans l'acte, ce commandement de payer visant la clause résolutoire n'a pas été délivré de bonne foi par le bailleur et se trouve donc dépourvu d'effet ; que par ailleurs, s'agissant du second commandement visant la clause résolutoire mettant en demeure le locataire de respecter la destination du bail, la société Admonis, chargée du diagnostic technique de l'immeuble, a relevé le 25 septembre 2008 l'existence au 1er étage d'une partie privée comprenant une chambre, un bureau et un séjour ; que Me Y..., huissier de justice, désigné par ordonnance du Président du tribunal de grande instance de Paris à la demande du bailleur, a constaté le 31 juillet 2009 qu'au premier étage de l'hôtel se trouvaient une pièce à usage de salon pour la clientèle, une pièce à usage de bureau meublée avec le bureau du gérant, un ordinateur, un meuble bibliothèque contenant des dossiers et des classeurs ainsi que trois fauteuils, et une troisième pièce meublée avec un lit pour une personne, un coin douche-lavabo, une machine à laver le linge (à usage de l'hôtel pour laver les serviettes et les torchons) ainsi qu'un meuble de rangement contenant des produits d'entretien de l'hôtel et stockage de petit matériel divers (ampoules, fils électriques, interrupteurs et prises de courant, petit outillage divers) ; que la destination contractuelle du bail est celle de « traiteur hôtel meublé café bar restaurant à l'exception de tout autre » ; que la salon ouvert à la clientèle participe de l'activité d'hôtellerie ; que l'affectation d'une pièce à usage de bureau pour permettre au gérant d'effectuer la gestion administrative de l'hôtel, ainsi que l'affectation d'une autre pièce, sommaire d'après sa description, à usage de repos pour le gérant ou le veilleur de nuit, dans la mesure où la présence permanente d'un responsable au sein de l'établissement est requise, ne sont que la continuité de l'exploitation d'hôtellerie et n'apportent aucune modification à la destination des locaux telle qu'elle est prévue dans le bail ; qu'en outre, le plan des locaux établi par l'architecte en 1970 ne constitue pas un engagement contractuel, alors même que les différents baux successifs n'ont jamais prévu l'existence de 17 chambres, et que le constat fait par l'huissier de justice selon lequel l'hôtel était homologué pour 12 chambres en 2009, vient conforter la preuve rapportée par les récépissés de déclaration d'exploitation effectuée par la Préfecture de police les 9 décembre 1986, 17 février 1987, 5 janvier 1995 et 24 mars 2004 que le nombre de chambres était déjà de douze à cette époque-là ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de constater que ce deuxième commandement délivré sans qu'aucune violation d'une clause du bail n'ait été constatée, est nul et de nul effet, de sorte que la clause résolutoire ne se trouve pas acquise ni le bail résilié par les effets dudit commandement (
) ; que les demandes du bailleur visant à voir constater la résiliation du bail par l'effet de l'acquisition de la clause résolutoire étant rejetées, et le locataire ayant droit au maintien dans les lieux aux clauses et conditions du contrat de bail expiré jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, les demandes d'expulsion, d'acquisition du dépôt de garantie et en paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun sont sans objet ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il ressort des pièces versées aux débats que la SCI Marine a informé la société Le Vélodrome qu'elle était devenue propriétaire de l'immeuble situé [...] par courrier du 13 janvier 2009 puis lui a adressé l'appel de loyer pour le premier trimestre 2009 ; que par acte d'huissier en date du 25 septembre 2009, la SCI Marine a délivré à la société Le Vélodrome une mise en demeure lui rappelant qu'elle reste devoir la somme de 1.192,66 € au titre des sommes dues pour le 2ème trimestre 2009 ; que la société Le Vélodrome fait valoir que l'application de la TVA n'était pas prévue par les dispositions contractuelles, que la précédente société bailleresse n'a jamais manifesté son option à la TVA, qu'elle a souhaité vérifier la teneur de ses obligations à ce sujet et a consulté l'administration fiscale ainsi qu'un avocat spécialisé en droit fiscal, que le conseil ainsi que l'administration fiscale lui ayant confirmé son obligation légale d'être assujettie à la TVA par lettre du 30 septembre 2009, la société Le Vélodrome a immédiatement réglé les sommes demandées ; que la société Le Vélodrome a effectivement payé la somme réclamée le 1er octobre 2009 mais plus d'un mois après la délivrance du commandement de payer ; que conformément à l'article 1134 alinéa 3 du code civil, le commandement ne peut produire effet qu'en état délivré de bonne foi ; qu'en l'espèce, il ressort du bail liant les parties que le loyer était fixé hors TVA et que celle-ci n'a donc jamais été payée par la société locataire au précédent bailleur et cela même si depuis 1990, les loyers perçus de la location de locaux nus, pour y exercer une activité hôtelière sont toujours assujettis à la TVA ; que la SCI Marine, devenue bailleresse le 30 décembre 2008 a souhaité, en application des dispositions légales soumettre à la TVA les locaux loués à usage d'hôtel en vertu du code général des impôts mais n'a pas informé la société locataire de sa décision d'exercer son droit d'option et des conséquences qui en résulteraient sur le loyer et a fait délivrer à la société Le Vélodrome un commandement de payer visant la clause résolutoire sans aucune demande préalable écrite ; que la société Le Vélodrome justifie qu'elle a alors saisi un avocat spécialisé qui a formé auprès de l'administration fiscale une demande de renseignement sur l'option exercée par la société bailleresse et qu'après avoir appris que la demande de la SCI Marine était fondée, elle a alors payé la somme réclamée le 1er octobre 2009 ; qu'ainsi la délivrance du commandement de payer une somme de 2.069,65 € qui correspond principalement au montant de la TVA, sans courrier préalable par la SCI Marine, nouvelle bailleresse, n'a pas été effectuée de bonne foi et dès lors il est dépourvu d'effet ; que la SCI Marine est déboutée de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire incluse dans ce premier commandement délivré le 13 août 2009 ; que suivant acte d'huissier en date du 13 août 2009, la SCI Marine a fait délivrer un deuxième commandement visant la clause résolutoire et contenant une mise en demeure de respecter les clauses du bail concernant la destination et il est indiqué dans le commandement que « vous êtes locataire de locaux commerciaux et il ressort du procès-verbal de constat de Me Y..., huissier de justice, qu'il existe au premier étage deux pièces utilisées à des fins d'habitation » ; que la SCI Marine fait valoir que le commandement et la mise en demeure n'ont pas été suivis d'effet dans le délai d'un mois, que la société locataire a continué à ne pas respecter la destination contractuelle prévue par le contrat de bail qui est exclusivement commerciale, que l'hôtel comprenait non pas 12 mais 17 chambres, que la société Le Vélodrome a procédé à des modifications sans autorisation et, en tout état de cause, décidé de changer la destination d'une partie des lieux loués à des fins d'habitation ; qu'elle demande que soit constatée l'acquisition de la clause résolutoire incluse dans ce deuxième commandement délivré le 13 août 2009 ; que la SCI Marine a déposé une requête devant le président du tribunal de grande instance de Paris afin que ce dernier désigne un huissier de justice pour constater les conditions d'occupation des lieux et il ressort du constat de Me Y... en date du 31 juillet 2009 qu'au premier étage, il existe une pièce meublée à usage de salon pour la clientèle, une pièce à usage de bureau pour la direction de l'hôtel dans laquelle sont entreposés le bureau du gérant, un ordinateur, un meuble bibliothèque contenant des dossiers et des classeurs et trois fauteuils ainsi qu'une pièce meublée à usage de chambre de repos pour le gérant et le veilleur de nuit qui contient un lit pour une personne avec sa literie, un coin douche-lavabo, une machine à laver le linge, un meuble de rangement contenant des produits d'entretien de l'hôtel et du stockage de petit matériel (ampoules, fils électriques, petit outillage divers) ; que le procès-verbal de constat indique que l'hôtel est homologué pour 12 chambres par les services de la Préfecture de police de Paris ; que la société Le Vélodrome rapporte la preuve en produisant les différentes déclarations effectuées auprès de la Préfecture de police depuis 1986 ayant entraîné de ces services la délivrance des récépissés du 9 décembre 1986, du 17 février 1987, du 5 janvier 1995, du 24 mars 2004 que le nombre de chambres dans l'hôtel était déjà de 12 ; qu'il ressort de ces documents que les locaux sont occupés conformément aux dispositions du bail, que la société locataire justifie que le salon est une pièce courante dans un hôtel, que l'activité d'hôtellerie nécessite l'existence d'un bureau pour exécuter les tâches administratives et que la pièce de repos pour le gardien est nécessaire car l'activité d'hôtellerie oblige à une présence permanente sur le site commercial ; qu'au regard de ces éléments, il y a lieu de constater que le deuxième commandement en date du 13 août 2009 n'a pas été délivré de bonne foi par la SCI Marine et qu'il est dépourvu d'effet ; que la SCI Marine est donc déboutée de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire incluse dans ce deuxième commandement du 13 août 2009 ;
1°/ ALORS QUE la mauvaise foi s'apprécie au jour où le commandement a été délivré ; qu'en l'espèce, la SCI Marine faisait expressément valoir, dans ses conclusions d'appel, que « dès la première échéance du 1er trimestre 2009, l'appel de loyer fait logiquement apparaître le paiement de la TVA – TVA obligatoire en matière de location de locaux nus pour des prestations hôtelières depuis 1990 (article 261 D du CGI), ce que la défenderesse, professionnelle du secteur depuis de longues années comme elle le répète à plusieurs reprises, sait parfaitement (pièces 16 et 41 à 43). Et d'ailleurs, Le Vélodrome ne fait aucune difficulté à la réception de l'appel de loyer du premier trimestre 2009 et procède effectivement au paiement de l'intégralité de la somme réclamée, y compris la TVA à 19,6 % (Pièces 16 et 21). Ainsi, dès ce premier appel, les sommes sont assujetties à la TVA puisque la SCI Marine y est assujettie depuis sa constitution, conformément aux dispositions légales applicables (pièces 41 et 43) » (cf. conclusions d'appel, p.10) ; qu'elle ajoutait qu' « en revanche, contre toute attente et sans aucun motif ni explication, lors du règlement du loyer du 2e trimestre 2009, exigible le 1er juillet 2009, Le Vélodrome procède à un règlement partiel de 9.632 € au lieu de la somme de 11.324,66 €, qui est due, de surcroît avec 15 jours de retard » (cf. conclusions d'appel, p.13) ; qu'elle en concluait que « la mauvaise foi du Vélodrome est totale puisque d'une part, il ne s'agit que de l'application des dispositions légales, notamment l'obligation de soumettre à la TVA les locaux loués à usage d'hôtel en vertu des dispositions du CGI, ce que Le Vélodrome non seulement ne pouvait ignorer mais même, savait parfaitement puisqu'il avait d'ailleurs payé, sans aucune hésitation, la TVA sollicitée sur le loyer du trimestre précédent dans son intégralité et sans aucune demande d'explications (pièces 16, 41 à 43) » (cf. conclusions d'appel, p.19) ; qu'en considérant que le commandement du 13 août 2009 n'avait pas été délivré de bonne foi par la SCI Marine, de sorte que la demande d'acquisition de la clause résolutoire de cette dernière devait être rejetée, quand la Sarl Le Vélodrome avait réglé dans son intégralité le loyer du trimestre précédent, assujetti à la TVA, sans aucune demande d'explication, ce qui excluait nécessairement toute mauvaise foi de la SCI Marine au jour de la délivrance du commandement du 13 août 2009, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce, et L. 145-41 du code de commerce.
2°/ ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que le bail conclu entre la SCI Marine et la société Le Vélodrome stipulait clairement que les locaux étaient loués à destination de « traiteur, hôtel meublé, café, bar, restaurant à l'exception de tout autre » ; que dans ses conclusions d'appel (cf. p. 23), la SCI Marine faisait expressément valoir que « les différents développements de la défenderesse sur une prétendue distinction entre la destination et l'affectation des locaux sont sans objet en l'espèce ; qu'en effet, l'infraction commise par le Vélodrome dans le cas présent ne porte pas sur la manière dont seraient affectées telles ou telles parties des locaux loués mais bien sur l'utilisation d'une partie des lieux loués de manière contraire à la destination précise prévue par le contrat de bail, à savoir l'activité de traiteur, hôtel meublé, café, bar, restaurant. Ainsi, en décidant d'utiliser une partie des lieux loués à titre d'habitation, la société Le Vélodrome commet une infraction caractérisée au bail signé » ; qu'en effet, aux termes du rapport de mission du 31 juillet 2009, il était expressément constaté qu'au premier étage se trouvait une pièce dans laquelle étaient entreposés le bureau du gérant, un ordinateur, un meuble bibliothèque contenant des dossiers et des classeurs et trois fauteuils, ainsi qu'une pièce meublée dans laquelle se trouvaient un lit pour une personne avec sa literie, un coin douche-lavabo et une machine à laver le linge ; qu'il résultait nécessairement de ces éléments que ces deux pièces étaient à destination d'habitation, en contravention avec les clauses du bail ; qu'en décidant néanmoins que le second commandement avait été délivré sans qu'aucune violation d'une clause du bail n'ait été constatée, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce, et L. 145-41 du code de commerce.