CIV.3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 avril 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10207 F
Pourvoi n° X 17-15.245
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme X... A... B... , domiciliée [...] , prise en la personne de sa tutrice légale Mme Fabienne Y...,
contre l'arrêt rendu le 6 février 2017 par la cour d'appel de Cayenne (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la commune de [...], représentée par son maire en exercice, domicilié [...] ,
2°/ à la société Omer, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 mars 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Z..., conseiller rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme A... B... , de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la commune de [...] ;
Sur le rapport de M. Z..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme A... B... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme A... B... .
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande de X... A... tendant à être reconnue propriétaire par prescription acquisitive d'un terrain situé sur la commune de [...], cadastré Section [...] ;
AUX MOTIFS QUE : « selon l'article 712 du Code civil, la propriété s'acquiert aussi par prescription.
Selon l'article 2258 du Code précité, la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien par l'effet de la possession, sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.
Selon les articles 2256 et 2261 et du même Code, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. On est toujours présumé prescrire à titre de propriétaire.
Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est fixé à trente ans par l'article 2272 du Code civil.
Ainsi, pour permettre l'acquisition de la propriété par prescription, la possession nécessite un élément matériel, constitué par un ensemble d'actes de détention, d'usage, de jouissance et de transformation d'un bien immobilier, et, d'autre part, un élément moral, caractérisé par la volonté du possesseur de se comporter comme le propriétaire du bien. Celui qui reconnaît la propriété d'autrui sur le bien en devient le détenteur précaire et ne peut prescrire utilement, car il ne se manifeste pas comme s'il en était le propriétaire, même s'il continue de le détenir matériellement.
En l'espèce, la parcelle cadastrée section [...] , située sur le territoire de la commune de [...], a été vendue par l'Etat à la commune, par acte du 12 juillet 2010.
De nombreux documents établissent que X... A... a tenté d'acquérir ce terrain qu'elle occupait. Sa volonté de l'acquérir démontre qu'elle avait conscience de ne pas en être propriétaire. Elle n'a jamais prétendu, dans ses relations avec l'administration découlant des actes ci-après, avoir acquis la propriété de ce terrain par prescription. Elle a seulement admis occuper ce terrain, précisant qu'elle souhaitait l'acquérir.
Le 30 août 2010, elle a indiqué, dans un courrier au maire de [...] : « j'ai reçu votre proposition de vente », tout en trouvant trop élevé le prix réclamé par la commune, pour ce terrain qu'elle occupait : "depuis un bon nombre d'années". L'emploi du terme : "proposition de vente" démontre qu'elle avait conscience qu'elle n'était pas propriétaire de la parcelle, qu'elle ne voulait pas obtenir un titre régularisant sa propriété, mais qu'elle souhaitait acquérir une propriété dont elle n'était pas titulaire.
Le 15 novembre 2009, X... A... avait écrit au maire de la commune qu'elle souhaitait connaître : "le montant proposé par la mairie pour l'achat de son terrain [...][...]". Cette formulation traduit, là encore, la volonté d'acquérir auprès de la commune un terrain dont elle savait qu'elle n'était pas propriétaire, en souhaitant connaître son prix de vente. Si elle avait eu conscience qu'elle était propriétaire du terrain en cause, elle n'aurait pas demandé son prix de vente, et ne se serait pas placée dans la situation d'un acheteur potentiel.
Dans une autre lettre qu'elle avait adressée, le 28 juin 2008, au maire de [...], elle indiquait qu'elle occupait le terrain en cause : "depuis près de 30 ans", tout en acceptant la position de la mairie qui lui avait indiqué : "une régularisation de la parcelle (...) ne pourrait être désormais envisagée que par le moyen d'une vente". La position affirmée par X... A... dans ce courrier démontre qu'elle admettait n'être pas propriétaire de la parcelle en cause, puisqu'elle acceptait de l'acquérir par une vente.
Le 19 décembre 2007, l'Etablissement public d'aménagement en Guyane a écrit à X... A... pour lui indiquer qu'il avait bien reçu sa : "demande d'acquisition pour une surface de 5 hectares, sur la parcelle cadastrée [...] ", formée le 28 juillet 2006. Cette indication justifie, là encore, que l'intéressée ne se présentait pas comme propriétaire de cette parcelle, puisqu'elle souhait l'acquérir.
Ainsi, en dépit d'actes de détention et d'occupation, qui sont des actes matériels de possession, il apparaît que X... A... ne s'est jamais comportée comme si elle avait conscience d'être propriétaire de ce terrain, car elle a demandé à l'acquérir, depuis 2007.
Elle ne rapporte pas la preuve qu'elle avait acquis par prescription la propriété avant le décembre 2007, date du premier écrit où elle a souhaité acheter. Elle avait même indiqué que son occupation avait duré moins de trente ans, dans le passage précité de sa lettre du 28 juin 2008 Elle ne peut non plus joindre la possession de sa mère à la sienne, pour invoquer une durée supérieure à trente ans, en se prévalant des dispositions de l'article 2265 du Code civil. Si X... A... prétend que la propriété du terrain lui a été donnée par sa mère, du vivant de celle-ci, elle ne produit aucun acte notarié de donation, qui pourrait l'établir, alors que, pour être valide, la donation d'un bien immobilier doit faire l'objet d'un acte écrit, passé devant un notaire.
En conséquence, indépendamment des actes matériels d'occupation de la parcelle cadastrée [...] , il apparaît que celle-ci n'a pas été acquise par prescription, par X... A..., qui ne prouve pas qu'elle aurait reçu cette parcelle par donation, et qui ne démontre pas qu'elle se serait comportée comme propriétaire du terrain en cause, qu'elle a, au contraire, cherché à acquérir, ce qui établit qu'elle avait conscience de n'en être pas propriétaire.
En conséquence, par infirmation du jugement, il convient de rejeter sa demande tendant à être déclarée propriétaire de la parcelle litigieuse» ;
1) ALORS QUE la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ; qu'on peut joindre sa possession à celle de son auteur de quelque manière qu'on lui ait succédé ; qu'en conséquence, celui qui possède le bien immobilier qui lui a été donné peut joindre à sa possession celle du donateur, nonobstant la nullité pour défaut de forme du titre de donation ; qu'en jugeant toutefois que Mme A... ne pouvait joindre la possession de sa mère à la sienne sur la parcelle car la donation n'avait pas fait l'objet d'un acte écrit notarié, la cour d'appel a violé les articles 712, 2258 et 2265 du code civil ;
2) ALORS QUE les modes de preuve de la propriété immobilière sont libres ; qu'en jugeant que l'exposante « ne prouve pas qu'elle aurait reçu cette parcelle par donation » (arrêt, p. 5 §2) au seul motif qu'elle ne produisait pas d'acte écrit notarié, la cour d'appel a violé les articles 544, 2258 et 2265 du code civil ;
3) ALORS, en tout état de cause, QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner, même sommairement, les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour prouver qu'elle avait reçu, en donation, la parcelle dont elle revendiquait la propriété, Mme A... avait produit de nombreuses attestations des membres de sa famille et des voisins ; qu'en se bornant à indiquer que « Mme A... ne prouve pas qu'elle aurait reçu cette parcelle par donation » (arrêt, p. 5 §2), sans examiner, fut-ce sommairement, les attestations produites par cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE les caractères de la possession peuvent varier au cours du temps ; qu'en jugeant qu' « il apparait que X... A... ne s'est jamais comportée comme si elle avait conscience d'être propriétaire de ce terrain, car elle a demandé à l'acquérir, depuis 2007 », la cour d'appel s'est fondée sur l'absence d'animus domini à partir de 2007 pour présumer qu'il avait toujours fait défaut, sans recherche si tel avait bien été le cas avant cette date, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 2261 du code civil ;
5) ALORS QU' en se fondant sur la circonstance que Mme A... « ne rapporte pas la preuve qu'elle avait acquis par prescription la propriété avant le 19 décembre 2007, date du premier écrit où elle a souhaité acheter » (arrêt, p.4, dernier §) après avoir pourtant expressément constaté que le courrier du 19 décembre 2007 émanait de l'établissement public d'aménagement de la Guyane (« Le 19 décembre 2007, l'Etablissement public d'aménagement en Guyane a écrit à X... A... » (arrêt, p. 4, § 5)), la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs équivalent à une absence de motifs, méconnaissant ainsi les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.