CIV.3
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 avril 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10226 F
Pourvoi n° E 17-13.435
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ Mme Maryse X..., épouse Y..., domiciliée [...] ,
2°/ Mme Pascale Y..., domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2017 par la cour d'appel d'[...] chambre A), dans le litige les opposant :
1°/ à M. Philippe Z..., domicilié [...] ,
2°/ à Mme Sylvette Z..., domiciliée [...] ,
3°/ à Mme Marie-Catherine Z..., domiciliée [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 mars 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme A..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de Mme X..., de Mme Y..., de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat des consorts Z... ;
Sur le rapport de Mme A..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de Mmes Y... ; les condamne à payer aux consorts Z... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour Mmes Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la limite entre les parcelles cadastrées section [...] et [...] devait être repoussée à la clôture grillagée figurant entre les points 1 et 2 du plan annexe n° 8 du rapport d'expertise et devait passer par les points 3 et 4 de ce plan et d'AVOIR, en conséquence, ordonné l'implantation des bornes sur la limite ainsi définie ;
AUX MOTIFS QUE, sur le bornage, l'expert a préconisé comme limite séparative des parcelles [...] et [...] la ligne passant par les points 1, 2, 3, 4 et 5 du plan annexe n° 8 de son rapport qui est conforme aux titres et aux surfaces qui y sont mentionnées ; qu'il est toutefois possible, en application des articles 2258, 2261 et 2272 du code civil, de prescrire contre les titres dès lors qu'est établie une possession trentenaire, continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ; qu'en l'espèce, il est constant qu'une clôture grillagée a été installée il y a une cinquantaine d'années par le beau-père de Mme Maryse Y... le long d'une construction se trouvant sur le terrain qui part du point 1 du plan de l'expert pour continuer jusqu'au point 2 ; que les consorts Z... prétendent que la limite entre les propriétés doit ainsi être repoussée à l'axe de cette clôture, signe apparent de leur possession, car ils ont usucapé la bande de terrain qui la longe ; que ce grillage est continu et il n'est nullement établi par Mmes Y... qu'il existerait une ouverture leur permettant ainsi qu'à leur auteur de passer derrière pour entretenir leur haie et pour accéder à une martelière ; que les appelants ainsi que leur auteur, M. Gérard Z..., qui a acquis son fonds en 1954 et l'occupait jusqu'à son décès survenu [...] , ont donc nécessairement eu l'usage exclusif de la bande de terrain litigieuse sans que cela soit remis en cause par leurs voisins ; que Mmes Y... ne démontrent pas plus que ce « passage piéton d'un homme » aurait été une simple tolérance accordée aux consorts Z... ; que, par ailleurs, la jurisprudence citée par elles selon laquelle « l'accord des parties sur la délimitation des fonds n'implique pas à lui seul leur accord sur la propriété des parcelles litigieuses » est inopérante dans la mesure où est invoquée l'usucapion par leurs adversaires ; qu'au vu de ces éléments, il doit être considéré que les consorts Z... doivent bénéficier de la prescription acquisitive ; qu'en conséquence, la ligne séparative entre les fonds des parties doit être repoussée à la clôture grillagée entre les points 1 et 2 du plan de l'expert puis passer par les points 3 et 4 de ce plan (v. arrêt, p. 4 et 5) ;
1°) ALORS QUE tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés ; qu'en se contentant, pour infirmer le jugement entrepris, de considérer qu'il était constant qu'une clôture grillagée avait été installée il y avait une cinquantaine d'années par le beau-père de Mme Maryse Y... le long d'une construction se trouvant sur son terrain qui partait du point 1 du plan de l'expert pour continuer jusqu'au point 2, que les consorts Z... soutenaient que la limite entre les propriétés devait ainsi être repoussée à l'axe de cette clôture, signe apparent de leur possession, car ils avaient usucapé la bande de terrain qui la longeait, que ce grillage était continu, qu'il n'était nullement établi par Mmes Y... qu'il existerait une ouverture leur permettant ainsi qu'à leur auteur de passer derrière pour entretenir leur haie et pour accéder à une martelière et que les consorts Z... ainsi que leur auteur, M. Gérard Z..., qui avait acquis son fonds en 1954 et l'avait occupé jusqu'à son décès [...] , avaient donc nécessairement eu l'usage exclusif de la bande de terrain litigieuse sans que cela soit remis en cause par leurs voisins, sans rechercher si la limite entre les deux fonds, passant par les points 1,2, 3 et 4, retenue par l'expert judiciaire après étude des titres de propriété, mesure des deux propriétés et établissement d'un plan de l'état des lieux, n'était pas conforme aux titres de propriété, mais aussi aux surfaces des deux lots indiquées et mesurées dans les actes de propriété des 15 et 18 septembre 1954 par lesquels les auteurs des parties avaient acquis leur parcelle d'un propriétaire commun, de sorte qu'elle devait prévaloir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 646 du code civil ;
2°) ALORS QUE pour pouvoir prescrire contre les titres, il faut établir une possession trentenaire, continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ; qu'au demeurant, en retenant qu'il était constant qu'une clôture grillagée avait été installée il y avait une cinquantaine d'années par le beau-père de Mme Maryse Y... le long d'une construction se trouvant sur son terrain qui partait du point 1 du plan de l'expert pour continuer jusqu'au point 2, que les consorts Z... soutenaient que la limite entre les propriétés devait ainsi être repoussée à l'axe de cette clôture, signe apparent de leur possession, car ils avaient usucapé la bande de terrain qui la longeait, que ce grillage était continu, qu'il n'était nullement établi par Mmes Y... qu'il existerait une ouverture leur permettant ainsi qu'à leur auteur de passer derrière pour entretenir leur haie et pour accéder à une martelière et que les consorts Z... ainsi que leur auteur, M. Gérard Z..., qui avait acquis son fonds en 1954 et l'avait occupé jusqu'à son décès [...] , avaient donc nécessairement eu l'usage exclusif de la bande de terrain litigieuse sans que cela soit remis en cause par leurs voisins, sans rechercher si les consorts Z... établissaient une possession trentenaire continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2258, 2261 et 2272 du code civil ;
3°) ALORS QUE pour pouvoir prescrire contre les titres, il faut établir une possession trentenaire, continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ; qui plus est, en se déterminant de la sorte, sans également rechercher dans quelle mesure les consorts Z... étaient en droit de se prévaloir d'une possession continue, puisque Mme Sylvette Z... était absente des lieux depuis 1967 et M. Philippe Z... depuis 1975, comme cela résultait des déclarations faites par les consorts Z... à l'expert judiciaire et retranscrites dans son rapport, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 2258, 2261 et 2272 du code civil ;
4°) ALORS QUE pour pouvoir prescrire contre les titres, il faut établir une possession trentenaire, continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ; qu'enfin, en retenant plus particulièrement que le grillage litigieux était continu, qu'il n'était pas établi par Mmes Y... qu'il existerait une ouverture leur permettant ainsi qu'à leur auteur de passer derrière pour entretenir leur haie et pour accéder à une martelière et que les consorts Z..., ainsi que leur auteur, M. Gérard Z..., qui avait acquis son fonds en 1954 et l'avait occupé jusqu'à son décès [...] , avaient donc nécessairement eu l'usage exclusif de la bande de terrain litigieuse sans que cela ne soit remis en cause par leurs voisins, sans rechercher dans quelle mesure l'auteur de Mmes Y... n'avait jamais eu l'intention d'abandonner cette bande de terrain, étroite, au profit des voisins, auteurs des consorts Z..., et si ce n'était pas Mmes Y... qui continuaient à utiliser la bande de terre querellée, notamment pour couper leurs lilas, les lierres se développant sur le grillage et pour accéder à la martelière servant à irriguer les terres ainsi que cela résultait du rapport d'expertise, de sorte que les consorts Z... n'avaient pas eu l'usage exclusif de la bande de terrain litigieuse, la cour d'appel a privé à nouveau sa décision de base légale au regard des articles 2258, 2261 et 2272 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré prescrite la demande tendant à l'étêtage des cyprès et sans objet celles tendant à voir ordonner, sous astreinte, l'étêtage des troènes et du mûrier ainsi que la coupe des branches, ronces et racines avançant sur la propriété de Mmes Y... ;
AUX MOTIFS QUE, sur les végétaux, aux termes de l'article 671 du code civil, il n'est permis d'avoir des arbres qu'à la distance de 2 mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations ; que selon l'article 672 du même code, le voisin peut exiger que les arbres soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent à moins qu'il y ait prescription trentenaire ; que l'article 673 dispose quant à lui que celui sur la propriété duquel avancent branches, ronces et racines des plantations du voisin est en droit d'obtenir qu'ils soient coupés, ce droit étant imprescriptible ; qu'en l'occurrence, il ressort d'un constat d'huissier dressé le 5 novembre 2013 qu'une haie de cyprès à laquelle se mêlent des troènes et des ronces, ainsi qu'un mûrier se trouvent sur le terrain des consorts Z... à moins de deux mètres de la clôture, sont hauts de plus de deux mètres et que des branches débordent sur le fonds de Mme Y... ; que l'expert a lui-même relevé que la haie de cyprès à l'extrémité de laquelle est le mûrier et qui comprend d'autres végétaux se situe à moins d'un mètre de la clôture ;
que Mmes Y... sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné aux consorts Z... d'étêter à deux mètres le mûrier, la haie de cyprès et les troènes ; que les appelants produisent toutefois un rapport d'expertise extra judiciaire, certes non contradictoire mais dont les énonciations ne sont pas discutées par la partie adverse, qui révèle que le comptage des cernes sur une carotte de bois prélevée sur un sujet identifié représentatif démontre que les cyprès ont dépassé la hauteur de deux mètres depuis quarante-neuf ans ; qu'en conséquence, la demande d'étêtage concernant ceux-ci est prescrite ; qu'en revanche, ne sont pas visés par ce rapport ni le mûrier ni les troènes ; que les consorts Z... démontrent avoir, depuis l'exploit introductif d'instance, procédé à la taille des cyprès et à la coupe d'arbres, suivant factures en date des 9 janvier 2014, 19 mai 2014, 19 mai 2015 et 25 août 2015, 30 mars et 26 juillet 2016 ; que les photographies prises par Mmes Y... ne suffisent pas à démontrer que les travaux ainsi réalisés ne seraient pas satisfactoires ; qu'en conséquence, les demandes, sous astreinte, d'étêtage des troènes et du mûrier ainsi que de coupe des branches, ronces et racines avançant sur leurs fonds sont devenues sans objet (v. arrêt, p. 5) ;
1°) ALORS QUE le juge devant, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée unilatéralement à la demande de l'une des parties et qui n'est corroborée par aucun autre élément de preuve ; qu'en déclarant prescrite la demande d'étêtage des cyprès à raison de ce que les consorts Z... produisaient un rapport d'expertise extrajudiciaire, certes non contradictoire mais dont les énonciations n'étaient pas discutées par la partie adverse, qui révélait que le comptage des cernes sur une carotte de bois prélevée sur un sujet identifié représentatif démontrait que les cyprès avaient dépassé la hauteur de deux mètres depuis quarante-neuf ans, soit en se fondant exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée unilatéralement à la demande de l'une des parties, en l'occurrence par les consorts Z..., et corroborée par aucun autre élément de preuve, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'il n'est permis d'avoir des arbres qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations ; que celui sur la propriété duquel avancent branches, ronces et racines des plantations du voisin est en droit d'obtenir qu'elles soient coupées, ce droit étant imprescriptible ; qu'en disant également sans objet les demandes d'étêtage des troènes et du murier ainsi que de coupe des branches et racines avançant sur le fonds de Mmes Y..., dès lors que les consorts Z... démontraient avoir, depuis l'exploit introductif d'instance, procédé à la taille des cyprès et à la coupe d'arbres suivant factures des 9 janvier 2014, 19 mai 2014, 19 mai 2015, 25 août 2015, 30 mars 2016 et 26 juillet 2016, sans s'assurer que les travaux prétendument réalisés de taille et de coupe sur ces arbres étaient satisfactoires au regard des exigences légales de distance, d'étêtage et de coupe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 671 et 673 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mmes Y... de leur demande de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE, sur les dommages-intérêts, Mmes Y... ne démontrent pas la réalité du préjudice de jouissance allégué du fait du défaut d'entretien antérieur par les consorts Z... de leurs plantations ; qu'elles n'établissent pas non plus l'impossibilité pour elles de réaliser leur projet de construction du fait de l'absence d'accord sur la limite séparative des fonds, étant observé qu'elles succombent pour partie de ce chef ; que la demande de dommages-intérêts présentée par elles sera donc rejetée (v. arrêt, p. 5) ;
1°) ALORS QUE la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ; qu'en se contentant, pour débouter Mmes Y... de leur demande d'indemnisation de leur préjudice de jouissance d'énoncer qu'elles ne démontraient pas la réalité du préjudice de jouissance allégué du fait du défaut d'entretien antérieur par les consorts Z... de leurs plantations, sans rechercher si la circonstance d'avoir procédé à la taille des cyprès et à la coupe d'arbres seulement à compter du 9 janvier 2014 et, de manière particulièrement étalée dans le temps, jusqu'au 26 juillet 2016, ne suffisait pas à avoir causé le préjudice de jouissance litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du code civil, ensemble au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
2°) ALORS QUE tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'en déboutant également Mmes Y... de leur demande d'indemnisation de leur préjudice financier, à raison de ce qu'elles n'établissaient pas plus l'impossibilité pour elles de réaliser leur projet de construction du fait de l'absence d'accord sur la limite séparative des fonds, sans rechercher si cette preuve ne résultait pas des devis relatifs à leur projet immobilier et de la proposition du cabinet d'architecture Bussitorel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.