SOC.
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 avril 2018
Rejet non spécialement motivé
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10571 F
Pourvoi n° N 16-26.019
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme Alexandra Y..., domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société SPB, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 mars 2018, où étaient présents : M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Basset, conseiller rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, Mme Berriat, avocat général, Mme Becker, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gaschignard, avocat de Mme Y..., de la SCP Ghestin, avocat de la société SPB ;
Sur le rapport de Mme Basset, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Y... de ses demande tendant à voir condamner la société SPB pour des faits de harcèlement moral, dire que le licenciement consécutif à ce licenciement est nul, dire que l'inaptitude a une origine professionnelle et condamner l'employeur à lui payer les indemnités afférentes, y compris au titre de la méconnaissance des obligations de reclassement en cas d'inaptitude professionnelle,
AUX MOTIFS QUE Mme Y... expose qu'elle a été victime d'un harcèlement moral de la part de Mme B... qui, dès sa prise de fonction, et malgré les efforts qu'elle a fourni en sa qualité de subordonnée, a utilisé des techniques assez classiques de violence au travail, faisant alternativement souffler le froid, en la critiquant en privé et oralement, et le chaud, en se faisant amicale, notamment dans les mails avec de multiples destinataires ; qu'elle considère que ce comportement avait le double avantage de déstabiliser sa victime et de permettre à la directrice de la communication de pouvoir ensuite se prévaloir des écrits pour se disculper ; que Mme Y... déclare que le harcèlement moral s'est manifesté par : - la suppression sans motif de la responsabilité du management de M. Fabien C... et la mise à l'écart des réunions professionnelles, - la demande de cesser des activités extérieures à la société, - des remarques répétées blessantes et insultantes émanant de Mme B..., - une détérioration de son état de santé ; sur la suppression sans motif de la responsabilité du management de M. Fabien C... et la mise à l'écart des réunions professionnelles ; que Mme Y... déclare que lors de son arrivée, Mme B... a réorganisé le service et a placé M. C... sous sa responsabilité directe et l'a mise à l'écart des réunions auxquelles elle assistait habituellement et que ces décisions ont été prises sans l'en avertir ; que pour justifier du fait allégué laissant présumer d'un harcèlement moral, Mme Y... verse aux débats l'attestation de Mme D... ; que dans son attestation Mme D..., chargée de communication, qui a travaillé avec la salariée de juin 2008 à juillet 2013, indique que Mme B... lui avait demandé de retirer Mme Y... des séminaires « managers » auxquels elle était habituellement conviée « pour des raisons financières » mais que cette décision l'avait surprise ainsi que d'autres salariés de l'entreprise, ce qui n'empêchait pas Mme Y... de s'investir ; qu'elle ajoute avoir réalisé que Mme B... manifestait une véritable hostilité à l'égard de sa subordonnée et que ce sentiment n'a fait que se confirmer par la suite ; que Mme Y... justifie aussi de ses évaluations qui démontrent qu'elle donnait toute satisfaction, notamment dans la gestion de M. C... ; qu'il s'avère, toutefois, que dans l'exercice de son pouvoir de direction, l'employeur est légitime à organiser un service et à affecter un salarié sous le management hiérarchique d'un autre supérieur et Mme Y... ne produit aucun élément laissant présumer que la réorganisation décidée par Mme B... avait un autre motif que sa volonté d'améliorer la qualité de son service ; que s'agissant de la mise à l'écart des réunions justifiée pour des raisons financières, Mme Y... ne produit aux débats aucune pièce probante démontrant que la raison de cette modification était autre ; qu'en particulier, elle ne démontre pas avoir été la seule concernée par cette mise à l'écart alors que d'autres salariés, moins gradés, continuaient à participer ; que les faits allégués ne sont pas établis ; que, sur la demande de cesser des activités extérieures, alors que Mme Y... exerçait depuis plusieurs années, en dehors de ses heures de travail, des activités externes au profit de l'ONG de développement, le CCFD-Terre solidaire, elle justifie par des courriels échangés avec Mme B... que cette dernière lui a demandé de cesser ces activités en free-lance ; qu'elle précise que sa hiérarchie avait toujours été informée de cette activité, que cela n'avait pas posé de difficultés, qu'il n'y avait pas de conflit d'intérêt et que son statut d'auto-entrepreneur était compatible avec son emploi au sein de la SA SPB ; que même s'il résulte d'un courriel que Mme B... justifie cette décision par une durée de travail insuffisante de sa collaboratrice, la demande de cessation de cette activité peut laisser présumer d'un harcèlement moral ; que, sur les remarques répétées blessantes et insultantes émises par Mme B..., aucune des pièces produites par la salarié ne démontre la teneur de remarques blessantes ou insultantes de la part de Mme B... ; qu'au surplus, si dans les attestations des collègues de Mme Y..., qui sont très détaillées, font état d'une certaine agressivité de Mme B... et du fait que cette dernière lui adressait des remarques blessantes ou insultantes, aucune d'entre elle ne relate la teneur des propos qui auraient été tenus ou que leur aurait rapportés la salariée ;que les faits allégués ne sont pas établis ; que sur les justifications apportées par l'employeur pour contester le grief de harcèlement moral constitué par la demande de cessation de son activité pour une ONG, l'employeur verse aux débats une lettre adressée à Mme Y... le 19 février 2013, par laquelle il lui indique, que pour ce qui concerne son activité d'auto-entrepreneur en communication, l'accord qui avait été donné par son ancienne supérieure hiérarchique n'a jamais été porté à la connaissance de la direction générale et de la direction des ressources humaines et qu'il n'entendait pas que Mme Y... persévère dans cette activité ; que Mme Y... fait référence à un accord de son ancienne supérieure mais ne produit aucun élément démontrant l'information de la direction générale et de la direction des ressources humaines sur son activité annexe exercée sous le statut d'auto-entrepreneur en communication, information à laquelle elle était tenue dans le cadre de l'exécution loyale de son contrat de travail ; qu'au surplus, en fonction des métiers, des secteurs et des niveaux de responsabilité, un employeur peut imposer plus ou moins de restrictions à ses salariés dans leur liberté d'activités professionnelles annexes à leur emploi à plein temps, sans qu'elles aient obligatoirement à figurer dans le contrat de travail ; qu'en l'espèce, Mme Y... exerçait les fonctions de « chargée de communication sénior » et son employeur a pu légitimement considérer qu'elle ne pouvait, parallèlement à ses fonctions de cadre, travailler au projet d'une ONG sous le statut d'auto-entrepreneur en communication ; qu'il résulte de ces éléments que le harcèlement moral allégué n'est pas démontré ; qu'au surplus, si l'état de santé de la salariée s'est dégradée, ainsi que le démontre ses arrêts de travail, il s'avère que la SA SPB n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat s'agissant de la santé de sa salariée ; qu'en effet, Mme Y... l'a informée à plusieurs reprises des difficultés qu'elle rencontrait avec Mme B... et les courriers que lui a adressés son employeur démontrent qu'il a été attentif aux écrits de sa salariée ; que toutefois, il a considéré que le mal être au travail de Mme Y... résultait du fait que sa candidature interne au poste de directrice de la communication n'avait pas été retenue et qu'il avait choisi une candidate externe, Mme B... ; que néanmoins, la société SPB a réuni la commission des risques psycho-sociaux, structure paritaire, au cours de laquelle Mme Y..., dûment assistée, a été entendue ainsi que Mme B..., commission qui a établi que « les faits de harcèlement invoqués par Mme Alexandra Y... ne sont pas avérés, mais en revanche, il réside une difficulté pour Madame Y... de s'adapter à la conduite du changement, à accepter les directives et le lien de subordination », que la commission a émis la recommandation suivante : « la collaboration professionnelle ne pourra s'améliorer que par une remise en question de Mme Y... à accepter le changement tant en termes de responsable hiérarchique que de plan de communication, d'accepter le lien de subordination et les directives en découlant ; qu'il apparaît que la salariée n'a pas saisi le CHSCT ; qu'en outre, le médecin du travail qui a conclu que Mme Y... était inapte définitivement à occuper le poste de chargée de communication et ne pouvait occuper un poste dans l'entreprise, n'a pas mentionné que l'inaptitude avait une origine professionnelle ;
1° - ALORS QUE, dès lors que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'après avoir constaté que Mme Y... s'était vu déchargée de la responsabilité du management d'un subordonné, puis rayée de la liste des cadres invités à participer aux séminaires de mangers, la cour d'appel, pour écarter tout harcèlement moral, retient que la salariée ne produit « aucun élément laissant présumer que la réorganisation décidée avait un autre motif que sa volonté d'améliorer la qualité du service » ni « aucune pièce probante démontrant » que sa mise à l'écart des séminaires de managers avait d'autre justification que financière ; qu'en statuant par ces motifs, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le salarié, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
2°- ALORS QU'il appartient au juge d'apprécier dans leur ensemble les éléments matériels présentés par le salarié pour déterminer s'ils laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral ; que Mme Y... faisait valoir que son état de santé s'était brutalement dégradé à son retour de congé de maternité, que plusieurs collègues l'avaient vue en pleurs au sortir d'entretiens avec sa supérieure hiérarchique, que celle-ci lui avait retiré le management de son subordonné, l'avait rayée de la liste des cadres invités à participer aux séminaires de managers, l'avait sommée de cesser d'exercer des activités au profit d'une ONG, précédemment exercées au vu et au su de tous, cependant que la direction des ressources humaines, saisie de ses doléances après son premier arrêt de travail, lui avait immédiatement et sans procéder à la moindre enquête, reproché de se « mettre en arrêt maladie » pour manifester son mécontentement ; qu'elle produisait les certificats d'arrêt de travail faisant état d'un « burn out ++ », d'insomnies et d'amaigrissement avec « risque de passage à l'acte », les prescriptions d'antidépresseurs et anxiolytiques, ainsi que l'avis du médecin du travail la déclarant inapte à tout poste dans l'entreprise ; qu'en se bornant à procéder à une appréciation séparée de certains de ces faits seulement, sans rechercher si, pris dans leur ensemble, ils n'étaient pas de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, et, dans l'affirmative, apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur afin de démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit débouté Mme Y... de ses demande tendant à ce qu'il soit dit que l'inaptitude ayant justifié le licenciement a une origine professionnelle et à ce que l'employeur soit condamné à lui payer les indemnités afférentes, y compris au titre de la méconnaissance des obligations de reclassement en cas d'inaptitude professionnelle,
AUX MOTIFS QUE (p. 5) le médecin du travail qui a conclu que Mme Y... était inapte définitivement à occuper le poste de chargée de communication et ne pouvait occuper un poste dans l'entreprise, n'a pas mentionné que l'inaptitude avait une origine professionnelle ; que (p. 6) l'employeur n'est pas lié par la décision de la CPAM, lorsque le salarié demande que soit reconnue l'origine professionnelle de son inaptitude, comme résultant d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail ; qu'en l'espèce, Mme Y... justifie avoir, ultérieurement à son licenciement, saisi la CPAM qui, par décision en date du 9 janvier 2014, a reconnu le caractère professionnel de l'accident du 6 février 2013 ; que la société SPB a été informée le 15 novembre 2013 de cette saisine, soit ultérieurement au licenciement pour inaptitude non professionnelle notifié le 23 juillet 2013 ; que Mme Y... a demandé à la caisse de reconnaitre le caractère professionnel de l'accident survenu le 6 février 2013 ; que toutefois, la salariée ne produit aux débats aucune preuve de accident du travail allégué, hormis l'attestation de Mme E... qui indique qu'après une communication téléphonique, Mme Y... s'est effondrée en larmes sans que soit mentionné les propos qui ont pu être tenus ; que dès lors, la preuve du lien de causalité entre la teneur de la communication et le travail n'est pas rapportée,
1° ALORS QU'est présumé comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu à l'occasion du travail à toute personne salariée ; que pour écarter le caractère professionnel de l'accident du survenu le 6 février 2013, la cour se borne à indiquer que la salariée ne produit aucune preuve de l'accident du travail hormis l'attestation de Mme E... qui indique qu'après une communication téléphonique Mme Y... s'est effondrée en larme sans que soient mentionnés les propos qui ont pu être tenus ; qu'en statuant ainsi alors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que l'accident s'est produit sur le lieu de travail, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et L. 1226-10 du code de la sécurité sociale ;
2° ALORS QU'à titre de preuve du lien entre l'accident du 6 février 2013 et le travail, la salariée produisait, non seulement l'attestation de Mme E..., mais également celle de Mme D... constatant l'avoir vue s'effondrer en larmes après un entretien avec Mme B..., ainsi que le certificat d'arrêt de travail du 6 février 2006, qui était un certificat d'accident du travail ; qu'en s'abstenant de viser et analyser ces pièces, fût-ce sommairement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3° ALORS, en tout état de cause, QUE la salariée ne soutenait pas que l'inaptitude avait pour origine exclusive l'accident du 6 février 2013, mais plus largement, un contexte de souffrance au travail ayant entraîné une dépression et un syndrome de burn out ; qu'en se bornant à retenir que la preuve d'un lien de causalité entre l'accident du 6 février 2013 et le travail n'était pas établie, sans se prononcer elle-même sur les causes de l'inaptitude ni rechercher si l'employeur n'était pas en mesure de connaître son origine professionnelle en présence de multiples certificats médicaux faisant état d'un syndrome de burn out et d'avis d'inaptitude indiquant que la salariée serait apte à travailler mais dans une autre entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail