CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 avril 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10266 F
Pourvoi n° V 17-17.658
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Michel X..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 8 mars 2017 par la cour d'appel de Poitiers (4e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme Marie-Jeanne Y..., divorcée X..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 mars 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Leduc et Vigand, avocat de M. X..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme Y... ;
Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Leduc et Vigand, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est reproché à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande de suppression de la rente viagère versée à titre de prestation compensatoire ou, à tout le moins, de réduction du montant de cette rente viagère ;
AUX MOTIFS QUE M. X... et Mme Y... se sont mariés le 18/11/1967 ; que le juge aux affaires familiales de Cusset a prononcé leur divorce sur requête conjointe le 22/06/2005 ; que la convention homologuée prévoyait en particulier que le mari verserait à l'épouse une prestation compensatoire sous la forme :
- d'un capital de 34.000 euros se compensant avec la soulte due par Mme Y...,
- d'une rente mensuelle sa vie durant, d'un montant de 1.671,29 euros par mois, indexée sur les pensions et ce « même si sa situation venait à s'améliorer par suite de la perception d'une retraite, d'une donation ou d'un héritage » ;
que le 6/03/2013 M. X... a saisi le juge aux affaires familiales de Clermont-Ferrand d'une requête aux fins de voir à titre principal supprimer le versement de la rente et à titre subsidiaire d'en voir ramer le montant à 200 euros par mois ; que par jugement du 21/11/2013 le juge aux affaires familiales a notamment :
- condamné M. X... à payer à Mme Y... une rente viagère d'un montant de 600 euros par mois révisable et indexable selon les modalités prévues dans la convention de divorce homologuée par jugement du 22/06/2005, à compter de la présente décision,
- débouté M. X... de sa demande de suppression de la rente viagère ;
que par arrêt du 14/04/2015 la cour d'appel de Limoges a notamment infirmé le jugement et statuant à nouveau débouté M. X... de ses demandes ; que M. X... a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt, ce pourvoi comportant un moyen unique comportant cinq branches ; que dans sa troisième branche à titre subsidiaire M. X... développait le moyen selon lequel la cour d'appel avait violé l'article 276-3 du code civil en jugeant qu'il ne pouvait demander la révision de la rente versée à son ex-épouse en invoquant l'héritage de ses parents dès lors que cet événement était prévisible et connu au moment de la signature de la convention de divorce ; qu'il n'a pas été répondu par la Cour de cassation à cette argumentation ; que c'est précisément celle qui est développée par Mme Y... devant la cour d'appel de Poitiers qui soutient que la demande en révision ne peut être fondée sur un changement connu au moment du divorce et pris en compte dans sa fixation initiale ; qu'aux termes de l'article 276-3 du code civil la prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties ; qu'aux termes de l'article 279 du code civil la convention homologuée a la même force exécutoire qu'une décision de justice ; mais que les dispositions prévues à l'article 276-3 du code civil sont applicables selon que la prestation compensatoire la forme d'un capital ou d'une rente viagère ; que dès lors M. X... est bien recevable à saisir le juge aux affaires familiales même en présence d'une convention sans clause de révision ; que la Cour de cassation a jugé que les causes de l'enrichissement ou de l'appauvrissement des parties ne pouvaient constituer un motif de refus de la révision de la rente comme ajoutant à la loi ; qu'il n'en demeure pas moins que même depuis la modification de la loi en 2004, le fait déterminant le droit à révision ne doit être ni connu ni prévisible au moment de la fixation de la prestation compensatoire ; qu'en effet, ce fait a constitué ab initio un critère d'appréciation de la disparité par les parties de sorte que sa prise en considération au moment de la révision aboutirait à un réexamen de ces critères ; que d'ailleurs, la seule erreur d'appréciation dans une convention dans les droits prévisibles à la retraite n'est pas assimilés à un changement de situation ; qu'or en l'espèce trois faits prévisibles ont été évoqués dans la convention : la perception d'une retraite, d'une donation ou d'un héritage ; qu'il revient dès lors à la cour d'apprécier si le changement important dans les ressources de Mme Y... et son appauvrissement sont la seule conséquence de la survenue de faits ayant été prévues dans la convention ; que, sur la situation des parties, sur la situation de M. X..., M. X... était déjà retraité lors de l'établissement de la convention et percevait 3.957 euros net selon le jugement déféré ; qu'il possédait un patrimoine évalué à 325.000 euros ; que sa pension de retraite se monte aujourd'hui à 3.957 euros selon sa propre déclaration sur l'honneur ; que M. X... évalue lui-même son patrimoine à la somme de 339.625 euros ; qu'il partage ses charges avec une compagne qui elle-même a des revenus de l'ordre de 1.532 euros par mois ; que le montant de son impôt sur le revenu n'a suivi que les augmentations réglementaires puisqu'il dispose toujours du même revenu ; qu'enfin M. X... a des frais de santé en rapport avec son âge, comme Mme Y... ; que les frais de cure thermale qui sont remboursés uniquement au titre des soins ne peuvent être pris en compte comme pouvant constituer un changement important dans ses charges, d'une part, parce que les cures thermales constituent un dispositif de soins parmi d'autres que le patient est libre ou non de choisir pour son confort personnel et que, d'autre part, en tout état de cause des frais d'hébergement de 600 euros pour l'année ne suffisent pas à établir un changement important dans les charges de M. X... ; que la cour constate qu'à ce jour M. X... ne justifie d'aucun changement important ni de ses ressources ni de ses charges ; que, sur la situation de Mme Y..., lors de l'établissement de la convention elle était sans revenus ; qu'elle a perçu sa part de communauté soit : 190.814 euros de produits financiers, l'appartement de [...] estimé à 65.000 euros et la moitié du prix de vente de la maison du [...] soit 134.918 euros ; que son patrimoine se montant donc à 393.732 euros ; qu'aujourd'hui elle perçoit, outre la rente viagère, une pension de retraite d'un montant de 989 euros et des revenus de capitaux mobiliers soit environ un total de 1.062 euros par mois ; que son patrimoine est constitué :
- d'un appartement situé [...] à [...] dans lequel elle vit et qu'elle estime toujours à 68.000 euros alors que selon une estimation sur Internet de M. X... il pourrait être évalué dans une fourchette minimum de 110.000 euros,
- de fonds placés et notamment d'une importante assurance-vie à hauteur de 336.736 euros selon ses propres déclarations,
- des parts de la SCI Almar qu'elle évalue à 132.450 euros,
- de sa part dans la maison de ses parents mise en vente soit pour elle :
107.500 euros ;
que le patrimoine tel qu'évalué par Mme Y... en 2012 se montait donc 686.600 euros si l'on s'en tient à la fourchette la plus basse de son évaluation ; qu'il existait donc bien lors de la requête de M. X... en 2013 un changement important dans les ressources de Mme Y... ; que le fait que la situation de M. X... se soit légèrement améliorée (il partage ses charges avec une compagne ayant des revenus et son patrimoine est légèrement supérieur), ne lui interdit pas au vu du changement important des ressources de Mme Y..., de demander qu'il soit fait application des dispositions de l'article 276-3 du code civil ; que Mme Y... ne conteste pas cette amélioration de sa situation, mais elle indique que celle-ci résulte de circonstances prévisibles et prévues dans la convention ; qu'en effet, la cour ne peut que constater que si les ressources de Mme Y... ont beaucoup augmenté depuis la convention c'est du fait de la perception de sa pension de retraite et des revenus de la SCI Almar bien en indivision avec ses frères et soeurs du fait du décès de ses parents ; que s'agissant de la pension de retraite il s'agissait bien sûr d'un fait connu de M. X... puisque son épouse infirmière a travaillé ponctuellement pendant les 37 ans de mariage ; que s'agissant de l'héritage de Mme Y... il s'agissait également d'un fait connu de M. X... qui connaissait les parents de son épouse et leur patrimoine ; que c'est précisément en connaissance de cause que Mme Y... a souhaité que la convention prévoit la survenue de ces deux faits et que M. X... l'a accepté ; que M. X... ne démontre pas que son consentement ait été vicié lors de la signature de cette convention, il n'a jamais intenté une quelconque action en responsabilité contre son avocat ; que la chronologie des faits à cette époque démontre les négociations intervenues alors pour aboutir à un accord, M. X... reconnaissant d'ailleurs dans ses conclusions (pages 12 et 13) qu'il ne souhaitait pas s'engager dans une procédure de divorce pour faute ; qu'ainsi l'augmentation des ressources de Mme Y... n'est la conséquence que des faits prévus lors de la convention, à savoir sa retraite et un héritage puisque ce sont les seules sources de revenus en dehors de la rente viagère ; que la cour relève également qu'il ressort de l'analyse de son patrimoine qu'il se montait lors de la convention à 393.732 euros ; que son patrimoine en 2012, si l'on déduit ce qu'elle a perçu par héritage soit sa part dans la maison de ses parents et ses parts de la SCI Almar, se montait à 440.050 euros ; que cette augmentation de son patrimoine, hors faits prévisibles, d'un montant limité à environ 10% ne constitue pas davantage un changement important ; qu'ainsi l'analyse de la situation des parties ne laisse apparaître aucun changement important dans les ressources ou charges de celles-ci, hors faits prévus par la convention de divorce, permettant de faire droit à la demande de révision de la prestation compensatoire ; que la décision confirmée sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté M. X... de sa demande de suppression de la prestation compensatoire versée sous forme de rente viagère à Mme Y... et infirmée en ce qu'elle a fait droit à sa demande de réduction à 600 euros du montant de cette rente ;
1) ALORS QUE, selon la convention homologuée conclue par les ex-époux, la créancière devait bénéficier d'une rente viagère,« même si sa situation venait à s'améliorer par suite de la perception d'une retraite, d'une donation ou d'un héritage » ; qu'en retenant que cette clause fixait les éléments prévus et prévisibles en considération desquels les parties avaient fixé la rente viagère devant être versée par M. X... à Mme Y..., quand il en résultait clairement que les parties n'avaient pas entendu prévoir les éléments en considération desquels la rente viagère avait été fixée, mais avaient voulu exclure toute possibilité de révision de la rente, même si l'un de ces événements hypothétiques survenait, la cour d'appel a dénaturé cette convention et ainsi violé l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
2) ALORS QUE la prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties, nonobstant toute clause contraire de la convention conclue par les parties et homologuée par le juge lors du prononcé de leur divorce par consentement mutuel ; qu'en jugeant qu'il n'y avait lieu ni à suppression, ni à révision de la rente viagère versée par M. X..., dès lors que la situation de son ex-épouse s'était améliorée en raison de la survenance d'événements prévus lors de la conclusion de la convention de divorce, à savoir la perception d'une retraite et celle d'un héritage, quand les parties ne pouvaient par principe exclure la révision de la rente en cas de survenance de tels faits, la cour d'appel a violé les articles 276-3 et 279 du code civil ;
3) ALORS QU'en toute hypothèse la vocation successorale n'est pas un droit prévisible ; qu'en jugeant néanmoins qu'il n'y avait lieu ni à suppression, ni à révision de la rente viagère versée par M. X..., dès lors que la situation de son ex-épouse s'était améliorée en raison de la perception d'un héritage qui avait été prévu lors de la conclusion de la convention réglant les effets du divorce, M. X... connaissant les parents de son épouse et leur patrimoine, la cour d'appel a violé l'article 276-3 du code civil.