LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé par la société Transports Cordier le 23 août 2010, en qualité de chauffeur routier, et licencié le 11 juillet 2014, a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 13 de l'annexe 1 de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 ;
Attendu qu'il résulte de ce texte, relatif à la rémunération globale garantie, que l'ancienneté donne lieu aux majorations suivantes : 2% après 2 années de présence dans l'entreprise ; 4% après 5 années de présence dans l'entreprise, 6% après 10 années de présence dans l'entreprise, 8% après 15 années de présence dans l'entreprise ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire au titre de la majoration d'ancienneté, l'arrêt retient que la prime d'ancienneté perçue par l'intéressé n'a pas le même fondement que la majoration invoquée et que les sommes perçues à ce titre sont distinctes de celles réclamées au titre de la majoration qui ne figure pas sur les bulletins de paie ;
Qu'en statuant ainsi, alors que pour vérifier le respect du minimum conventionnel incluant la majoration pour ancienneté, il y a lieu de tenir compte du versement par l'employeur de la prime d'ancienneté apparaissant de manière distincte sur le bulletin de salaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen :
Vu l'article L. 3121-1 du code du travail, ensemble l'article 5 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu que pour faire droit à la demande du salarié en rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt retient que le salarié fait valoir que son responsable hiérarchique lui a imposé de mettre en pause au moins une heure par jour le chronotachygraphe de son camion lors des chargements et déchargements, que cette pratique en usage dans l'entreprise est confirmée par deux témoignages et que l'employeur ne produit aucun autre témoignage qui vienne contredire cette pratique ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que pendant ces temps, le salarié participait aux opérations de chargement et de déchargement des marchandises, ou lorsqu'il ne participait pas aux dites opérations, se trouvait effectivement à la disposition de l'employeur et était tenu de se conformer à ses directives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et attendu que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif critiqué par le troisième moyen en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Transports Cordier à payer à M. Jean-Luc Y... des sommes à titre de rappel de salaire en application de la convention collective, pour heures supplémentaires, et pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 7 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Transports Cordier
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société TRANSPORTS CORDIER à payer à Monsieur Y... la somme de 917,04 € à titre de « rappel de salaire en application de la convention collective » ;
AUX MOTIFS QUE « M. Jean-Luc Y... fait valoir qu'il n'a pas perçu la majoration de salaire prévue par la convention collective applicable en fonction de l'ancienneté dans l'entreprise et il sollicite à ce titre un rappel de salaires de 917,04 €. La prime d'ancienneté perçue par M. Jean-Luc Y... n'a pas le même fondement que la majoration invoquée et les sommes perçues à ce titre sont distinctes de celles réclamées au titre de la majoration qui ne figure pas sur les bulletins de paie. Il sera fait droit à la demande » ;
ALORS, TOUT D'ABORD, QUE si l'article 13 de l'annexe I de la Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 institue une majoration pour salaire mensuel en fonction de l'ancienneté du salarié et non une prime d'ancienneté, l'employeur reste en droit de démontrer que le salarié a été rempli de ses droits au titre de l'ancienneté par le paiement d'une prime d'ancienneté assise sur l'ensemble de la rémunération brute, une telle prime ayant exactement le même objet que l'avantage prévu par la convention collective et répondant pleinement aux modalités de calcul de ce dernier ; qu'ainsi le fait de faire figurer de manière distincte une prime d'ancienneté sur les bulletins de paie constitue un simple aménagement formel qui n'a pas pour objet et pour effet de léser les intérêts du salarié ; qu'en refusant de tenir compte des sommes mentionnées à titre de prime d'ancienneté sur les bulletins de paie pour vérifier le respect du minimum conventionnel, majoration pour ancienneté incluse, prévu par l'article 13 de l'Annexe I de la Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, au motif erroné que le « fondement » de ladite prime aurait été différent de la majoration du salaire conventionnel pour ancienneté laquelle n'a pas à figurer sur les bulletins de salaire, la cour d'appel a violé par fausse application le texte susvisé, ensemble l'article L.1221-1 du Code du travail ;
ALORS, ENSUITE, QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit applicables ; que pour en déduire que Monsieur Y... n'était pas rempli de ses droits au titre de la majoration pour ancienneté prévue dans le cadre de la Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, la cour d'appel a affirmé que la « prime d'ancienneté » mentionnée sur les bulletins de paie n'aurait pas le même fondement que la majoration conventionnelle pour ancienneté réclamée par le salarié et que les sommes perçues à ce titre seraient distinctes de celles réclamées au titre de la majoration qui ne figure pas sur les bulletins de paie ; qu'en statuant de la sorte, sans préciser le fondement sur lequel étaient versées les sommes mentionnées sous la rubrique « prime d'ancienneté » dans les bulletins de paie ni en quoi ces sommes auraient été distinctes de la majoration conventionnelle pour ancienneté prévue par la convention collective et devraient ainsi se cumuler avec cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 12 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE le juge doit faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de ce que le fondement juridique du paiement de la prime d'ancienneté mentionnée sur les bulletins de paie excluait, en l'espèce, la prise en compte de ladite prime dans l'assiette du calcul destiné à la vérification du respect des minima conventionnels, majoration pour ancienneté incluse, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 16 du Code de procédure civile.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société TRANSPORTS CORDIER à payer à Monsieur Y... la somme de 8.554,70 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;
AUX MOTIFS QUE « M. Jean-Luc Y... fait valoir à l'appui de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires que son responsable hiérarchique lui a imposé de mettre en pause au moins une heure par jour le chronotachygraphe de son camion lors des chargements et déchargements et que ces heures n'ont donc pas été rémunérées. Cette pratique en usage dans l'entreprise est confirmée par deux témoignages précis et concordants d'anciens salariés de la société Transports Cordier (pièces 21 et 22 de l'appelant) qui précisent qu'à défaut de s'y plier, ils étaient menacés de laisser le camion au dépôt et de ne pas pouvoir l'utiliser pour retourner à leur domicile. Il n'y a pas lieu de mettre en doute la valeur probante de ces attestations au seul motif qu'il s'agit de deux salariés démissionnaires qui n'ont pas demandé le paiement de ces heures travaillées dès lors qu'aucune plainte n'a été déposée pour faux témoignage à leur encontre et que l'employeur ne produit aux débats aucun autre témoignage de salariés qui vienne contredire cette pratique dans l'entreprise» ;
ALORS QUE pour faire droit à la demande de rappel d'heures supplémentaires, la cour d'appel s'est seulement déterminée sur la considération selon laquelle la société TRANSPORTS CORDIER aurait demandé au salarié de mettre en pause le chronotachygraphe durant les opérations de chargement et déchargement de son camion, de sorte que ces heures n'ont pas été rémunérées comme du temps de travail effectif ;
qu'en statuant de la sorte, sans distinguer selon que le salarié était ou non tenu de participer aux opérations de chargement et de déchargement des marchandises et sans faire ressortir que l'intéressé, lorsqu'il ne participait pas à ces opérations, se serait néanmoins trouvé à la disposition de l'employeur et aurait été tenu de se conformer à ses directives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-1 du Code du travail, ensemble l'article 5 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 relatif aux modalités d'application des dispositions du Code du travail concernant la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises dans sa rédaction applicable au litige.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société TRANSPORTS CORDIER à payer à Monsieur Y... la somme de 14.305,08 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE « le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi salarié résulte de la pratique illicite imposée au salarié. La société Transports Cordier sera condamnée à payer la somme de 14.305,08 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la censure à intervenir sur le deuxième moyen de cassation devra s'étendre, conformément à l'article 624 du Code de procédure civile, au chef de l'arrêt qui a condamné la société TRANSPORTS CORDIER à payer une indemnité pour travail dissimulé, compte tenu du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces deux chefs de condamnation ;
ALORS, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi salarié ne peut se déduire de la seule requalification d'une période de pause en période de travail effectif ; qu'en se bornant à dire, pour condamner la société TRANSPORTS CORDIER à payer une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, que celle-ci avait considéré à tort les périodes de chargement et de déchargement des véhicules comme une période de pause et non comme une période de temps de travail effectif, la cour d'appel a statué par des motifs impuissants à établir le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi salarié et a ainsi violé l'article L. 8221-5 du Code du travail.