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11/04/2018 | FRANCE | N°16-15.768

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na, 11 avril 2018, 16-15.768


SOC.

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 avril 2018




Rejet non spécialement motivé


M. CHAUVET, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10501 F

Pourvoi n° V 16-15.768







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la s

ociété JEMS Datafactory, société par actions simplifiée, dont le siège est [...]                                        , anciennement dénommée Edis Consulting,

contre l'arrêt rendu le 24...

SOC.

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 avril 2018

Rejet non spécialement motivé

M. CHAUVET, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10501 F

Pourvoi n° V 16-15.768

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société JEMS Datafactory, société par actions simplifiée, dont le siège est [...]                                        , anciennement dénommée Edis Consulting,

contre l'arrêt rendu le 24 février 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme Siham Y..., domiciliée [...]                                   ,

2°/ à Pôle Emploi, dont le siège est [...]                                               ,

défenderesses à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 13 mars 2018, où étaient présents : M. Chauvet, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Corre, conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société JEMS Datafactory, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme Y... ;

Sur le rapport de M. Le Corre, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société JEMS Datafactory aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société JEMS Datafactory à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société JEMS Datafactory.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame Y... ne reposait ni sur une faute grave sur une cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société EDIS à lui payer les sommes de 11.472 € à titre d'indemnité de préavis, 1.147 € au titre des congés payés y afférents, 6.581 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, outre les frais irrépétibles ; à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Madame Y... dans la limite de 6 mois.

AUX MOTIFS QUE « Sur la rupture du contrat de travail L'article L 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié. Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement, que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve. En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits précis et matériellement vérifiables, à défaut de quoi le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse. Il convient d'analyser les griefs reprochés à Mme Siham Y... qui sont exposés dans la lettre de licenciement notifiée le 10 janvier 2012, qui lie les parties et le juge. En l'espèce, l'employeur reproche à la salariée d'avoir dénigré les décisions de gestion ou de stratégie commerciale de la direction et du management et d'avoir tenté de fraudé la sécurité sociale. Sur le dénigrement La société Edis Consulting fait valoir que, depuis son retour d'arrêt maladie, la salariée s'est plainte, ouvertement, auprès de ses collègues de l'incompétence tant de la direction que des commerciaux et qu'elle a adopté un comportement inadapté en s'installant dans l'espace détente, pendant les heures de travail, pour critiquer, à voix haute, de façon systématique et négative la société et ses dirigeants. A l'appui de ses affirmations, elle verse le procès-verbal de réunion « ad'hoc » du comité d'entreprise en date du 28 octobre 2011, mentionnant : « ... Le CE souhaite attirer l'attention de la direction sur un élément perturbateur qui, chaque fois qu'il est présent, décrie la société et son management, ses collaborateurs et ses projets de manière générale. Il s'agit de Siham Y.... Nous avons tenté de nous entretenir avec celle-ci pour comprendre ses raisons, identifier le mal-être possible, essayé de voir comment l'accompagner, cela sans succès. Au contraire, elle s'en est prise de manière virulente à certains de nos membres. Cette situation n'était déjà pas satisfaisante en fin d'année 2010 et début 2011. Depuis son retour d'arrêt maladie, la chose a repris de plus belle. Or comme nous vous le faisions remarquer, sur le plateau cohabitent maintenant des collaborateurs en inter-contrat mais également ceux en formation ou réalisant nos projets au forfait. Nous avons reçu plusieurs plaintes de collaborateurs du plateau à son sujet. Nous attirons votre attention sur le risque de dégradation du climat social qui après ces deux dernières années difficiles pour tout le monde, reste fragile, d'autant que le taux de turn-over ces deniers mois est préoccupant. Nous vous demandons d'intervenir auprès de cette collaboratrice afin qu'elle ne perturbe plus les conditions de travail des collaborateurs du plateau... ». Mme Siham Y..., pour sa part, nie le comportement incriminé. Elle conteste la validité du procès-verbal du 28 octobre 2011, en l'absence de réunion du comité d'entreprise à cette date, en relevant que le document est signé par le secrétaire du comité d'entreprise, M.Franck Z..., ami proche du président de la société, et qu'il n'est corroboré par aucun témoignage de collègues qui se seraient plaints de son attitude. La salariée verse aux débats de nombreuses attestations de salariés confirmant son implication professionnelle dans l'entreprise, notamment M. Jean-Luc A..., s'étant également trouvé avec l'intéressée, en situation d'inter-contrat, M. K... J... , M. Olivier B..., ayant travaillé chez le même client avec la salariée, Mme Sanaa C... précisant que, pendant son arrêt de travail, Mme Siham Y... a continué de travailler sur le projet de refonte du site web de la société, qu'elle a effectué une étude de marché sur le thème « Facilité Management » et mis en place des simulations d'entretien pour la préparation des consultants en inter-contrat aux entretiens clients ce qui est confirmé par un autre salarié, M.Antonio D.... En l'espèce, dans la lettre de licenciement, l'employeur n'indique pas en quoi Mme Siham Y... aurait dénigré la société et il s'abstient d'énoncer des faits précis et matériellement vérifiables. La société Edis Consulting se prévaut du compte rendu de la réunion« ad'hoc » du comité d'entreprise en date du 28 octobre 2011, mais elle ne démontre pas avec l'évidence nécessaire que cette réunion ait eu lieu dans la mesure où le procès-verbal n'est pas signé par le président, M. Nicolas E..., qu'il ne mentionne pas les personnes y ayant assisté, ni l'ordre du jour, que le comité d'entreprise s'est réuni les 12 octobre 2011 et 1er décembre 2011, sans évoquer le cas de Mme Siham Y.... En outre, les affirmations portées sur ce procès-verbal de circonstance ne sont corroborées par aucune attestation de salariés qui se seraient plaints ni de membres de la direction qui auraient reçu ces plaintes. Ce grief n'est pas établi. Sur la tentative de fraude à la sécurité sociale La société Edis Consulting reproche à Mme Siham Y... d'avoir tenté de fraudé la sécurité sociale et la mutuelle de l'entreprise, celle-ci ayant été contrainte de renégocier les niveaux de remboursement du fait de la résiliation de cette mutuelle au 31 décembre 2011. Elle fait valoir que la revalorisation des prestations santé a engendré un surcoût significatif de plusieurs milliers d'euros tant pour l'ensemble du personnel que pour l'entreprise. Elle relève que les faits évoqués par la salariée en 2010 n'ont aucun lien avec ceux reprochés dans la lettre de licenciement. Mme Siham Y... rappelle que le remboursement de ses frais de santé relève de sa vie privée et qu'il est étranger au contrat de travail. En tout état de cause, elle fait valoir qu'elle a suivi les recommandations du service ressources humaines et notamment du courriel de Mme Mary F... rédigé en ces termes : « Salut Si-ham, Je viens d'avoir notre assureur en ligne. Pour la rétroactivité au 1er janvier c'est OK pour toi mais que pour toi. Le plus simple quand même serait que tu puisses obtenir de tes différents praticiens que les factures soient datées du mois d'avril. Enfin, au moins pour les soins pour lesquels tu n'avais pas encore de factures. On essaye de faire au plus vite pour mettre en place le régime pour que tu puisses avoir les remboursements rapidement». La salariée souligne que du fait de ce courriel, la direction avait une pleine connaissance de ces faits dès le mois de mars 2010, soit près de deux ans avant le licenciement pour faute grave notifié le 10 janvier 2012 et elle soulève la prescription visée à l'article L 1332-4 du code du travail L'étude de ce dossier et notamment les échanges de courriels entre la direction des ressources humaines et Mme Siham Y... révèle que cette dernière rencontrait, en 2010, des difficultés pour obtenir de la mutuelle de l'entreprise le remboursement de ses dépenses. Dès lors que la salariée a suivi les recommandations de l'employeur dans le courriel précité pour solutionner ce litige, né en 2010, dont l'employeur était, parfaitement, informé, il ne peut être reproché à Mme Siham Y... une quelconque tentative de fraude, l'employeur ne démontrant pas le moindre élément intentionnel et ne versant aucune correspondance de la mutuelle sur le motif de la résiliation du contrat, l'attestation de M.Franck Z... ayant, déjà, signé le procès-verbal litigieux, étant dénuée de force probante. Ce grief n'est pas davantage établi. Il y a lieu de confirmer le jugement déféré qui a retenu que le licenciement de Mme Siham Y... était dépourvu de cause réelle et sérieuse » ;

ALORS, D'UNE PART QUE la société EDIS expliquait, dans ses conclusions (page 8), que, durant son arrêt maladie soit entre le 4 mars et le 4 septembre 2011, Madame Y... avait tenté de se faire rembourser de fausses ordonnances et feuilles de soins ne correspondant à aucun frais réellement exposé ; que la cour d'appel s'est fondée, pour déclarer non établi ce grief, sur des échanges de messages électroniques intervenus au cours de l'année 2010 entre la salariée et la société EDIS, à propos de difficultés rencontrées par Madame Y... pour obtenir le remboursement de frais de santé engagés à cette époque, et dont il résultait qu'à ce moment la salariée avait suivi les recommandations de l'employeur dans ses relations avec la mutuelle d'entreprise ; qu'en statuant de la sorte, tout en relevant elle-même que la société exposante faisait valoir que les faits évoqués par la salariée en 2010 n'avaient aucun lien avec ceux reprochés dans la lettre de licenciement, et en s'abstenant d'examiner les faits réellement avancés par la société exposante à l'appui du grief mentionné dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du Code du travail ;

ET AUX MOTIFS, À LES SUPPOSER ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QU'« après avoir écouté les parties et après avoir examiné les pièces mises à sa disposition du Conseil, il en ressort que le licenciement de Madame Siham Y... ne peut s'analyser qu'en licenciement sans cause réelle et sérieuse, les reproches qui lui sont reprochés ne sont pas caractérisés » ;

ALORS, D'AUTRE PART QU'en statuant de la sorte, par des motifs adoptés purement formels, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision selon laquelle le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société EDIS à payer à Madame Y... les sommes de 40.129 € à titre de rappel d'heures supplémentaires, 4.012 € au titre des congés payés y afférents et 18.827 € à titre d'indemnité pour repos compensateur non pris ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande en rappel d'heures supplémentaires, des congés payés afférents et du repos compensateur. *La convention de forfait Mme Siham Y... réclame le paiement de la somme de 40 129 € au titre d'un rappel d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents ainsi que la somme de 18 827 € en dommages et intérêts relatifs au titre du repos compensateur. Elle fait valoir qu'elle n'a signé aucune convention individuelle de forfait en jours et que la mention portée sur les bulletins de salaire est dépourvue de valeur. A titre subsidiaire, elle reproche à son employeur de ne pas avoir organisé d'entretien individuel annuel, en application de l'article L 3121-46 du code du travail, lui permettant de s'exprimer sur sa charge de travail et sa rémunération et que toute convention individuelle de forfait en jours lui est inopposable. La société Edis Consulting affirme que le contrat de travail de la salariée comporte une convention individuelle de forfait en jours et que, depuis son embauche, l'intéressée a été régulièrement convoquée à un entretien individuel. Elle estime, en outre, que le défaut d'exécution par l'employeur des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés ne met pas en cause la validité de la convention individuelle de forfait en jours. Selon les termes de l'article L. 3121-42 du code du travail, la durée de travail de certains salariés, notamment les cadres ou les salariés disposant d'autonomie, peut être fixée par une convention individuelle de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39 du même code.Il résulte des dispositions de l'article L. 3121-42 du code du travail qu'une convention individuelle de forfait doit être établi par écrit et qu'elle ne se présume pas du fait de l'existence d'un accord collectif. Il est constant que la clause du contrat ou convention individuelle de forfait doit fixer le nombre de jours travaillés et préciser les modalités de décompte des journées ou demi-journées et de prises de journées ou demi-journées de repos. A défaut, elle est inopposable au salarié. En l'espèce, le contrat de travail, signé des parties, stipule au sujet de la durée du travail que « Le temps de travail est de 218 jours au maximum sur l'année. », cette disposition reprend celle prévue à la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils (syntec). Dès lors que cette clause du contrat de travail ne précise pas les modalités de décompte des journées ou demi-journées et de prises de journées ou demi-journées de repos, elle est inopposable à Mme Siham Y.... La salariée est fondée en son principe de demandes en paiement des heures supplémentaires, des congés payés afférents et repos compensateur. * Les heures supplémentaires et les congés payés afférents Mme Siham Y... affirme qu'elle travaillait, régulièrement, 50 heures par semaine et elle réclame le paiement d'une somme globale de 40 129 € à titre de rappel d'heures supplémentaires, soit l'équivalent de 1 246 heures supplémentaires au cours des années de 2007 à 2011, précédant la rupture du contrat de travail. La société Edis Consulting s'oppose à cette demande, en soulignant que les tableaux excel établis par la salariée ne précisent ni la durée journalière, ni les heures de début et de fin de journée, ni les heures de déjeuner et que ces documents ne sont corroborés par aucun autre élément objectif à l'appui de cette demande. En application de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments respectifs, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. Mme Siham Y... produit, sous la forme d'un tableau, un décompte précis de chacune des semaines des années 2007 à 2011 où elle indique avoir effectué des heures supplémentaires, en tenant compte des périodes de congés payés ou d'absence. Ces éléments sont, également, corroborés par des attestations de collègue de la salariée ou d'un client, faisant état d'une surcharge de travail par suite d'une baisse des effectifs, générant des horaires tardifs ou du professionnalisme de la salariée et de sa grande disponibilité. La salariée produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande. La société Edis Consulting qui conteste le bienfondé de la demande en paiement d'heures supplémentaires, s'abstient de communiquer le moindre élément de nature à remettre en cause la durée de présence de sa salariée sur le lieu de travail, en faisant valoir que l'intéressée qui travaillait, principalement, dans les locaux professionnels des clients ne pouvait quitter les bureaux après 22 heures et qu'elle s'est abstenue de former toute demande à ce titre depuis son entrée dans la société en 2006. Mme Siham Y... ne conteste pas avoir effectué la majorité des heures supplémentaires chez des clients, eu égard, notamment, à la nature spécifique des missions confiées. C'est ainsi qu'un salarié de la société Nestlé, client de l'entreprise, M. Karim G..., « business analyst » indique : « J'ai travaillé avec Mme Siham Y... pendant les phases de tests et de démarrage. J'atteste de son grand professionnalisme, elle était toujours disponible et ses interventions étaient très efficaces. Nous avons souvent été amenés à des heures tardives jusqu'à 23:00 et même très tôt à partir de 5h du matin, y compris certains week-end. La direction du projet Nestlé félicitait Mme Siham Y... Y...     pour sa conscience professionnelle... ». L'employeur ne peut reprocher à la salariée d'avoir, principalement, effectué les heures supplémentaires chez les clients extérieurs du fait de la spécificité des tâches qui lui étaient confiées. A cet égard, M. K...        J... , ayant travaillé avec la salariée en tant que consultant décisionnel du 2 avril 2007 au 30 septembre 2011, atteste les faits suivants: « ...Nos managers et moi-même avons, toujours, été très satisfaits de Mme Siham Y.... J'ai ressenti beaucoup d'enthousiasme de sa part à présenter et mettre en avant l'expertise et les compétences Edis Consulting ainsi que beaucoup de convictions dans les démarches ....Malgré la baisse des effectifs de la société, impliquant un engagement plus important qui nous faisait faire des horaires de travail très conséquents. A une certaine période, il m'est arrivé de la voir quitter le bureau très tardivement. Elle quittait le bureau régulièrement après 22 h, outre des semaines très chargées. M. Jean Marc H... ayant travaillé, au cours de l'année 2008, avec la salariée en tant que conseil informatique indépendant atteste les faits suivants. « Chaque membre ne regarde pas ses heures travaillées. J'ai personnellement constaté qu'elle (la salariée) travaillait à des heures tardives. La charge de travail impliquait souvent de rester sur le plateau projet jusqu'à 21:00 le soir. Il me serait difficile de quantifier avec exactitude mais je pourrais évaluer un minimum de 8h (supplémentaire) par semaine en moyenne sur l'année 2008. De plus et à titre d'exemple, au cours du quatrième trimestre 2008, elle est intervenue un samedi afin de suivre l'avancement d'une phase de tests particulièrement importante, quelques semaines avant le démarrage final ». Mme Siham Y... justifie avoir établi les tableaux litigieux pour reconstituer son temps de travail hebdomadaire, compte tenu des missions effectuées chez les clients, de son agenda et des témoignages de ses collègues. Il en ressort qu'au cours de l'année 2007, elle a travaillé 11 heures supplémentaires, les semaines 2à 9, 11 à 13, 16 à 18, 23 à 25, 27 à 40, non compris les semaines 31, 32, 36, qu'elle a effectué 21 heures supplémentaires les semaines 47 à 49 et 31 heures supplémentaires la semaine 51. Au cours de l'année 2008, la salariée a travaillé 11 heures supplémentaires, les semaines 2 à 16, sauf les semaines 5, 10, 13, 14 et 15, 11 heures supplémentaires, les semaines 21 à 29, sauf la semaine 25, qu'elle a effectué 21 heures supplémentaires les semaines 42 à 44 et 31 heures supplémentaires les semaines 49, 50 et 51. Pour les années 2009 et 2010, l'intéressée a travaillé 6 heures supplémentaires au cours, respectivement, de 31 semaines et 27 semaines, étant observé qu'en 2010, elle a également effectué 11 heures supplémentaires au cours des semaines 44 et 46 à 51. Au cours de l'année 2011, la salariée a travaillé 11 heures supplémentaires, les semaines 1 à 8 et elle a effectué 1 heure supplémentaire au cours de 13 semaines. Au vu des éléments produits, et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'instruction, la cour a la conviction, au sens des dispositions précitées, que Mme Siham Y... a bien effectué les heures supplémentaires alléguées pour un montant total de 40 129 €, non rémunérées par son employeur. Il y a lieu de condamner la société Edis Consulting au paiement de cette somme, outre celle de 4 012 € au titre des congés payés afférents. *Le repos compensateur Mme Siham Y... sollicite le paiement de la somme de 18 827€ au titre du repos compensateur. La salariée qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur en temps utile, a droit à l'indemnisation du préjudice subi, celle-ci comportant à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés. La salariée est fondée en ce chef de demande et il convient d'y faire droit » ;

1°/ ALORS, DE PREMIÈRE PART QU'il résulte de l'article L. 212-15-3-III du Code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif prévoyant les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos ; que si la convention de forfait en jours doit faire l'objet d'une convention individuelle fixant le nombre de jours travaillés, les dispositions précitées n'exigent pas que la convention individuelle précise également les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos ; qu'en se fondant, pour déclarer irrégulière la convention de forfait prévue au contrat de travail de Madame Y..., sur le fait que la convention individuelle de forfait ne précisait pas les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi journées de repos, la cour d'appel a violé par fausse interprétation le texte précité ;

2°/ QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QUE le juge doit faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction ; que Madame Y... n'avait pas soulevé, dans ses conclusions d'appel auxquelles l'arrêt se réfère, le moyen selon lequel la convention individuelle de forfait lui était « inopposable » pour ne pas préciser les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

3°/ ALORS, DE TROISIÈME PART ET SUBSIDIAIREMENT QU'en faisant intégralement droit à la demande de Madame Y..., sans répondre aux conclusions de la société EDIS qui faisait valoir, pièces à l'appui (ses conclusions, page 18 à 20), que certaines des périodes pour lesquelles la salariée demandait le paiement d'heures supplémentaires étaient des périodes d'inter-contrat durant lesquelles elle n'effectuait aucune prestation de travail, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

4°/ ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE QUE le salarié ne peut prétendre au paiement que des heures supplémentaires accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur, à moins qu'il soit établi que la réalisation de telles heures a été rendu nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ; que la société EDIS avait rappelé que Madame Y... accomplissait l'essentiel de ses tâches à l'extérieur de l'entreprise et avait expressément contesté, dans ses conclusions d'appel auxquelles l'arrêt se réfère, lui avoir demandé d'accomplir des heures supplémentaires ; qu'en faisant droit à la demande de la salariée sans vérifier, ainsi qu'il lui était demandé, si les heures de supplémentaires prétendument effectuées avaient été accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur ou s'il était établi que la réalisation de telles heures avait été rendue nécessaire par les tâches confiées à Madame Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1371-4 du Code du travail.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société EDIS à payer à Madame Y... la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral, outre les frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le préjudice moral spécifique lié aux conditions vexatoires de la rupture Mme Siham Y... sollicite la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire. La salariée qui avait cinq ans d'ancienneté au sein de l'entreprise, n'avait aucun antécédent disciplinaire s'est vue notifier une convocation à un entretien préalable à un licenciement, suite à son refus d'accepter une rupture conventionnelle et une mise à pied à titre conservatoire lui a été notifiée lors de cet entretien. Mme Siham Y... a été licenciée pour faute grave, l'employeur lui reprochant une attitude de dénigrement envers la société et une tentative de fraude aux organismes sociaux, ces griefs préjudiciables à la réputation de l'intéressée s'avérant non établis. Du fait des circonstances brutales et vexatoires de la rupture, Mme Siham Y... justifie avoir subi un préjudice spécifique qu'en l'état des explications et des pièces fournies, il convient de chiffrer à la somme de 5 000 €. Le jugement déféré sera infirmé à ce titre » ;

ALORS QUE la cour d'appel a retenu, pour décider d'allouer à la salariée la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts au titre des circonstances prétendument vexatoires et humiliantes de son licenciement, que la rupture du contrat de travail était intervenue pour des griefs non établis ; qu'en statuant de la sorte, sans caractériser une faute indépendante du bien ou mal-fondé de la rupture et susceptible, comme telle, de justifier l'allocation d'une indemnité distincte de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du Code du travail et 1147 du Code civil.

QUATRIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société EDIS à payer à Madame Y... la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour « clause de non concurrence » illicite, outre les frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la clause de non concurrence Mme Siham Y... se prévaut de la nullité de la clause de non-concurrence stipulée à son contrat de travail en ces termes : « Non-concurrence Vous vous engagez pendant une année consécutive à la cessation de vos fonctions; dans notre société pour quelque cause que ce soit, soit directement soit indirectement; par personnes interposées, à titre personnel, d'associé ou de collaborateur d'une autre; société à ne pas effectuer des travaux analogues à ceux accomplis par notre société et ce pour n'importe lequel de nos clients pour qui vous aurait été en relation dans le cadre de vos activités chez nous, sauf à obtenir le consentement préalable et écrit de la direction. Il en sera de même des clients potentiels de notre société à la date de cessation de vos fonctions, si des négociations sont en cours avec eux à cette même date. » La salariée sollicite l'allocation d'une somme de 22 944 € en indemnisation du préjudice subi, outre celle de 2 294 € au titre des congés payés afférents. L'employeur fait valoir qu'il ne s'agit pas d'une clause de non concurrence mais d'une clause de non captation de clientèle, prévoyant, expressément, la possibilité pour la salariée d'obtenir le consentement préalable de son ancien employeur, ce dont elle s'est abstenue. Cependant, le fait d'interdire à un salarié d'effectuer des travaux analogues à ceux accomplis pour son employeur revient à lui interdire d'effectuer des travaux concurrents, la clause litigieuse mentionnée sous le titre « non-concurrence » s'analyse, nécessairement en une clause de non-concurrence. Une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, qu'elle est limitée dans le temps et dans l'espace et qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et qu'elle comporte une contrepartie financière. Cette clause qui ne prévoit aucune limitation géographique et aucune contrepartie financière, apporte une restriction à la liberté de travail de Mme Siham Y.... Mme Siham Y... justifie avoir adressé de très nombreuses candidatures dans le domaine informatique où elle avait une expérience professionnelle confirmée mais elle n'a pas été retenue dès lors qu'elle était liée par cette clause de non-concurrence ainsi que le confirme le courriel d'un cabinet de recrutement relatif à un poste chez Nestlé. Compte tenu de la durée et de l'intensité de l'atteinte portée à la liberté professionnelle de la salariée, eu égard au montant de ses revenus antérieurs, il y a lieu de lui allouer une somme de 15 000 € en indemnisation du préjudice subi. Le jugement déféré sera infirmé à ce titre. Ces dommages et intérêts qui n'ont aucune nature salariale ne peuvent générer des congés payés et Mme Siham Y... sera déboutée de sa demande au titre des congés payés afférents. Le jugement déféré sera confirmé à ce titre » ;

ALORS, D'UNE PART QU'une clause de respect de la clientèle, par laquelle le salarié s'engage en cas de rupture du contrat de travail à ne pas travailler pendant une période donnée avec les clients avec lesquels il a été en contact pendant l'exécution du contrat de travail, ne peut être requalifiée en clause de non-concurrence que s'il en résulte concrètement une impossibilité pour le salarié d'exercer une activité concurrentielle de celle de l'employeur sur un secteur donné ; que la cour d'appel a constaté en l'espèce que la clause interdisait à Madame Y... d'effectuer des travaux analogues à ceux effectués par la société EDIS, non pas sur l'ensemble d'un secteur mais auprès des seuls clients avec lesquels elle avait été en relation durant l'exécution du contrat de travail, sauf à obtenir le consentement préalable de la société EDIS ; qu'en affirmant que cette clause devait s'analyser en une clause de non-concurrence sans vérifier s'il en résultait, concrètement, une restriction telle qu'elle interdisait à Madame Y... d'exercer une activité concurrentielle de celle de la société EDIS auprès de l'ensemble de la clientèle d'un secteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil, ensemble le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle ;

ALORS, D'AUTRE PART QUE la société EDIS avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel auxquelles l'arrêt se réfère (pages 11-12), que la clause litigieuse ne pouvait être qualifiée de clause de non-concurrence dès lors qu'elle prévoyait expressément la faculté, pour Madame Y..., de solliciter l'accord préalable de son ancien employeur pour exercer une activité analogue auprès d'un client avec lequel elle avait été en relation durant l'exécution du contrat de travail ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen de défense décisif, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 16-15.768
Date de la décision : 11/04/2018
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : cour d'appel de Paris Pôle 6 - Chambre 9


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte rnsm/na, 11 avr. 2018, pourvoi n°16-15.768, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.15.768
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