CIV.3
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 avril 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10190 F
Pourvoi n° R 17-16.688
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Mega auto pièces, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société Pont Blanc, société civile immobilière, dont le siège est [...] , représentée par son administrateur provisoire Mme Béatrice Y... , domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 mars 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme X..., conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller, Mme Besse, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de la société Mega auto pièces, de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme Y... , ès qualités ;
Sur le rapport de Mme X..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mega auto pièces aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Mega auto pièces ; la condamne à payer à Mme Y... , ès qualités, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la société Mega auto pièces
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Mega auto pièces tendant à voir annuler le commandement de quitter les lieux du 7 décembre 2015 délivré à la demande de la SCI Pont blanc représentée par son administrateur provisoire, Mme Y..., et le procès-verbal de tentative d'expulsion du 18 décembre 2015 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Sur la régularité de la procédure d'expulsion
II est acquis que, par ordonnance du 18 mars 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny a condamné la société Mega auto pièces à payer la somme provisionnelle de 31 464 euros au titre de l'arriéré locatif au 1er février 2015 tout en l'autorisant à s'acquitter de cette dette en 12 mensualités constantes, en plus du loyer courant, la première étant exigible 8 jours après la signification de l'ordonnance ;
Pour soutenir qu'elle a respecté les termes de cette ordonnance, la société Mega auto pièces fait plaider que l'ordonnance de référé ayant été signifiée le 19 octobre 2015, elle a procédé au règlement d'une somme de 10 000 euros dès le 27 octobre 2015, ladite somme couvrant la première échéance du moratoire (2 622 euros) et le loyer courant (2 950 euros), une somme de 4 428 euros restant en compte chez le bailleur ; Elle critique le jugement pour avoir, tout en constatant ce versement, considéré que celui-ci était intervenu postérieurement à la date fixée par l'ordonnance car apparaissant sur le décompte du bailleur à la date du 2 novembre 2015 ; Elle demande à la cour de constater que la preuve de l'envoi du chèque le 27 octobre 2015 démontre que le paiement a bien été fait dans le délai prescrit par l'ordonnance de référé de sorte que la procédure d'expulsion est nulle ;
II convient de rappeler que la suspension de la clause résolutoire était conditionnée à deux éléments distincts mais cumulatifs, d'une part le règlement de l'arriéré locatif en 12 mensualités constantes à compter de la signification de la décision, d'autre part, le règlement à bonne date du loyer courant, soit conformément aux termes du bail commercial liant les parties, par virement bancaire, le 1er de chaque mois ;
II ressort du relevé locatif produit que la société Mega auto pièces n'a pas procédé au règlement des loyers courants à la date contractuelle de paiement du loyer, soit le 1er de chaque mois ; De plus, l'ordonnance de référé du 18 mars 2015 ayant été signifiée le 19 octobre 2015, la première échéance du moratoire devait intervenir dans un délai de huit jours soit avant le 27 octobre 2015 ; Or, selon le relevé établi par Maître Y..., le règlement par chèque n'a été reçu que le 2 novembre 2015 ; La date à retenir étant celle de la réception du paiement et non de l'envoi, le règlement est tardif ;
Cette défaillance emporte l'acquisition de la clause résolutoire qui justifie la mise en jeu de la procédure d'expulsion, étant rappelé que deux mises en demeure de payer ont été notifiées au preneur par lettres recommandées avec accusé de réception des 2 septembre et 23 novembre 2015 ;
C'est donc par une juste appréciation que le premier juge a débouté la société Mega auto pièces de ses demandes ;
Le jugement dont appel mérite donc confirmation » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Sur la régularité de la procédure d'expulsion
Il ressort des articles L. 411-1 et R. 411-1 du code des procédures civiles d'exécution, et de l'article 503 du code de procédure civile, qu'une expulsion ne peut être mise en oeuvre que sur la base d'une décision judiciaire exécutoire, régulièrement signifiée, l'ordonnant et après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux ;
En l'espèce, il résulte des pièces communiquées que l'expulsion a été poursuivie en vertu d'une ordonnance de référé du TGI de Bobigny en date du 18 mars 2015, bénéficiant de l'exécution provisoire et signifiée le 19 octobre 2015 ; Le commandement de quitter les lieux a été signifié le 7 décembre 2015 et une tentative d'expulsion a eu lieu le 18 décembre 2015 ;
La société Mega auto pièces estime que la procédure d'expulsion a été diligentée à tort car elle aurait respecté les termes de l'ordonnance du 18 mars 2015 ce qui aurait fait obstacle à l'acquisition de la clause résolutoire ;
Il ressort du dispositif de l'ordonnance du 18 mars 2015 que la société Mega auto pièces devait à la fois, pour bénéficier de la suspension des effets de la clause résolutoire, s'acquitter des loyers courants et de 12 mensualités égales et consécutives destinées à régler la somme de 31 464 euros ;
Il est précisé, s'agissant des mensualités destinées à apurer la dette, que la première devait être versée huit jours après la signification, soit au plus tard [le] 27 octobre 2015, et les suivantes le 5 de chaque mois ;
Cette ordonnance a été signifiée à la société Mega auto pièces par acte d'huissier du 19 octobre 2015 ;
L'exécution d'une décision de justice, y compris revêtue de l'exécution provisoire, ne pouvant, en application de l'article 503 du code de procédure civile, être sollicitée d'une personne qu'après lui avoir été signifiée, sauf en cas d'exécution volontaire, l'inexécution de cette décision ne peut lui être reprochée et être susceptible d'entraîner une exécution forcée qu'après cette même signification ;
Il convient dès lors d'examiner si la société Mega auto pièces a correctement exécuté l'ordonnance du 18 mars 2015 après le 19 octobre 2015 ou si elle a manqué aux conditions fixées pour la suspension des effets de la clause résolutoire ;
Il ressort des écritures de la société Mega auto pièces que suite à la signification de l'ordonnance, elle a adressé le 27 octobre 2015 à la SCI Pont blanc, par courrier recommandé, un chèque de 10 000 euros représentant selon elle le loyer du mois de novembre 2015 ainsi que la première mensualité d'apurement de la dette, soit 2 622 euros ;
Ce paiement apparaît sur le décompte du bailleur comme étant intervenu le 02 novembre 2015 ;
En cas de paiement par chèque, le débiteur n'étant réputé avoir acquitté sa dette qu'à la date de réception dudit chèque et sous réserve que le paiement en soit honoré, force est de constater que le paiement est en réalité intervenu postérieurement à la date fixée par l'ordonnance du 18 mars 2015 ;
Il sera souligné au surplus que les loyers d'avril à octobre 2015, soit la somme de 20 650 euros, n'ayant pas été intégralement versés par la société Mega auto pièces qui, pendant cette période n'a versé que 15 000 euros – un chèque ayant été rejeté en juin 2015 et représenté en juillet, il est difficile de considérer que ce paiement de 10 000 euros concernait notamment le loyer de novembre 2015 et non celui d'octobre 2015 ;
Il ressort en outre des pièces communiquées par les parties qu'aucun versement n'a été effectué en novembre 2015 et que deux chèques de 5 000 euros ont été adressés le 31 décembre 2015 ;
Il apparaît là encore que les termes de l'ordonnance du 18 mars 2015 ne sont pas respectés puisque le paiement du loyer est censé intervenir le 1er de chaque mois, celui de la mensualité d'apurement de la dette locative, le 5 de chaque mois, et qu'au surplus l'apurement de cette dette doit se faire par 12 mensualités égales et consécutives ;
L'ordonnance de référé ayant fixé très précisément la périodicité des paiements et leur montant, la société Mega auto pièces ne saurait imposer à la SCI Pont blanc des paiements irréguliers et considérer ainsi avoir respecté ses obligations ;
Dès lors, au vu de l'ensemble de ces éléments, il doit être considéré que la société Mega auto pièces n'a pas respecté les termes de l'ordonnance du 18 mars 2015, que la clause résolutoire était donc acquise après l'envoi de la mise en demeure du 23 novembre 2015, et que c'est à bon droit qu'un commandement de quitter des lieux a été délivré le 7 décembre 2015.
Il convient par conséquent de rejeter la demande de la société Mega auto pièces tendant à voir annuler le commandement de quitter les lieux et le procès-verbal de tentative d'expulsion » ;
1) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant que, dans son ordonnance du 18 mars 2015, le président du tribunal de grande instance de Bobigny avait subordonné la suspension des effets de la clause résolutoire à deux éléments cumulatifs, d'une part, le règlement de l'arriéré locatif en douze mensualités constantes à compter de la signification de la décision, d'autre part, le règlement du loyer courant le 1er de chaque mois à compter du mois d'avril 2015, cependant que, dans le dispositif de son ordonnance, le juge des référés avait notamment « condamné la société Mega auto pièces à payer à la SCI Pont blanc, la somme provisionnelle de 31 464 euros au titre l'arriéré locatif au 1er février 2015, ainsi que les loyers courants postérieurs », « dit que la société Mega auto pièces pourra s'acquitter du paiement de cette somme, en plus des loyers courants, en douze mensualités égales et consécutives, le premier versement devant intervenir passé un délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance et les versements suivants le 5 de chaque mois », et « ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours de ce délai », ce dont il résultait clairement et précisément que l'obligation de payer les loyers courants à leur échéance, majorés du montant de la mensualité due au titre de l'arriéré locatif, à laquelle était subordonnée la suspension des effets de la clause résolutoire, concernait les seuls loyers à échoir à compter de la signification de l'ordonnance, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette décision, en violation de l'article 4 du code de procédure civile et du principe susvisé ;
2) ALORS QUE les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés ; que si le délai de grâce court du jour du jugement lorsque celui-ci est contradictoire, c'est à la condition que le jugement n'ait pas expressément soumis son exécution à sa signification ; qu'en retenant que l'obligation faite à la société Mega auto pièces d'acquitter les loyers courants à leur échéance, à laquelle le juge des référés avait subordonné la suspension des effets de la clause résolutoire dans son ordonnance du 18 mars 2015, en sus du respect des délais de règlement de l'arriéré locatif qu'il lui avait accordés, avait commencé à courir dès le prononcé de cette ordonnance, cependant que le dispositif de ladite ordonnance avait expressément prévu que l'ensemble des obligations auxquelles la suspension des effets de la clause résolutoire était subordonnée seraient exécutoires seulement à compter de sa signification, la cour d'appel a violé les articles 503 et 511 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer ni les termes clairs et précis, ni la portée des documents de la cause ; qu'en affirmant, pour décider que la société Mega auto pièces, qui avait adressé le 27 octobre 2015 à la SCI Pont blanc un chèque de 10 000 euros, reçu le 2 novembre 2015, avait procédé à un règlement tardif de la première mensualité d'apurement de sa dette locative, que les dispositions de l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Bobigny du 18 mars 2015 prévoyaient que cette première mensualité devait être payée dans les huit jours suivant la signification de cette ordonnance, soit au plus tard le 27 octobre 2015, cependant que, dans le dispositif de son ordonnance, le juge des référés avait notamment dit que la société Mega auto pièces « pourra s'acquitter du paiement de cette somme, en plus des loyers courants, en 12 mensualités égales et consécutives, le premier versement devant intervenir passé un délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance et les versements suivants le 5 de chaque mois », ce dont il résultait clairement et précisément que la seule émission d'un chèque d'un montant couvrant la première échéance du moratoire, le 27 octobre 2015, caractérisait une exécution conforme de l'ordonnance du 18 mars 2015, la cour d'appel, qui a dénaturé la portée de cette décision, a violé l'article 4 du code de procédure civile et le principe susvisé.