CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 avril 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10242 F
Pourvoi n° Q 17-15.353
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Allianz banque, société anonyme, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2017 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Maxime X..., domicilié [...] ,
2°/ à M. Gaëtan Y..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 mars 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Z..., conseiller rapporteur, M. Girardet, conseiller, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Allianz banque, de la SCP Boullez, avocat de M. X... ;
Sur le rapport de M. Z..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Allianz banque aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Allianz banque.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Allianz Banque à payer à M. Maxime X... la somme de 10.744,99 € ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE les observations d'Allianz sur le fondement de l'article 1384 al 5 ancien du code civil n'ont pas de pertinence, puisque la demande est désormais exclusivement fondée sur l'article 1998 du code civil et l'existence d'un mandat apparent ; que la cour fait siens les motifs qui ont conduit le tribunal à considérer que M. X... avait été abusé par l'usage par M. Y... d'un bulletin de souscription d'AGF Finances, et qu'il n'était pas établi que l'ordre du chèque de versement avait été rédigé par M. X... ; qu'elle ajoutera que, s'il est exact que l'appréciation d'un préjudice par une juridiction pénale statuant sur intérêts civils n'a pas l'autorité à l'égard de tous attachée aux décisions pénales, M. X... observe à juste titre que sa réclamation est fondée, non pas sur l'appréciation de son préjudice par le tribunal correctionnel, mais sur les éléments constitutifs du délit d'escroquerie dont M. Y... a été déclaré coupable ; qu'en effet, M. Y... a été déclaré coupable du délit d'escroquerie, en ce qui concerne, notamment, la somme objet de la présente instance, pour avoir, en abusant de sa qualité vraie de conseiller en patrimoine et en usant de manoeuvres frauduleuses, en l'espèce en établissant des contrats fictifs destinés à faire croire à l'existence de placements de fonds à forte rentabilité, déterminé M. X... à lui remettre les fonds ; que le fait que ce soient les manoeuvres frauduleuses de M. Y..., ou l'abus de sa qualité passée de mandataire d'AGF Finance, qui aient déterminé M. X... à remettre les fonds est un élément essentiel du délit d'escroquerie fondant la condamnation prononcée et s'impose à tous à ce titre ; que la qualité de mandataire apparent d'AGF Finance, aux droits de laquelle vient Allianz, de M. Y... est ainsi ipso facto établie ; que le jugement sera donc confirmé sur le bien-fondé de la demande de M. X... en son principe (arrêt, p. 4 § 2) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE M. Maxime X... verse aux débats l'original d'un document intitulé « bulletin de souscription - compte AGF Finance » portant le numéro 831605, dans lequel il est indiqué que M. X... « donne l'ordre à AGF Banque ci-dessous dénommée « La Banque »de souscrire » à un OPCVM dénommé « AGF Invest » au moyen du versement d'une somme de 100.000 francs effectués sur « son compte d'investissement AGF Finance » ; qu'il est indiqué au verso que la faculté de renonciation doit être exercée par notification à AGF Finance; que ce document est daté du 16 janvier 2001 ; qu'il porte une signature attribuée à M. X..., dont la véracité n'est pas contestée par les parties ; qu'il est acquis que M. X... à procéder au versement de la somme de 15.244,99 € au moyen d'un chèque n° 7409269 établi à l'ordre de la Société Générale le 16 janvier 2002 ; que M. X... explique les différences existantes entre la date du bulletin de souscription est celle du chèque de versement par une modification du chèque opérée par M. Y... ; que la copie du chèque produit en l'espèce ne laisse cependant apparaître ni surcharge de la date qui a été portée ni différence notable d'écriture entre la date et l'indication en chiffres du montant du chèque ; qu'il résulte au surplus de la plainte adressée le 10 mars 2003 par M. X... au juge d'instruction du tribunal de grande instance de Mulhouse en charge de l'information judiciaire ouverte à l'encontre de M. Y... qu'il a alors déclarée que son placement de 15.244,99 € avait été effectué par l'intermédiaire de M. Y... le 16 janvier 2002 ; que la société Allianz Banque soutient donc exactement que la date portée sur le bulletin de souscription produit par M. X... est erronée (jugement, p. 3 § 2 à 6) ; qu'il est constant que le compte AGF Finance n°831605 n'a pas été ouvert et qu'aucune part n'a été acquise dans l'OPCVM sélectionné dans le bulletin de souscription, les fonds versés ayant été détournés par M. Y... aux termes du jugement correctionnel de Mulhouse du 25 février 2010 ; que le fait dommageable commis par M. Y... au préjudice de M. X... est donc caractérisé (jugement, p. 3 § 11) ; que, s'il est exact qu'il n'est pas justifié le bulletin de souscription n°831605 ait été suivi de l'envoi des conditions particulières et générales du contrat ou de tout autre document contractuel émanant de la société AGF Banque, le bulletin de souscription demeure en lui-même de nature à faire croire aux souscripteurs qui le signent qu'il matérialise la souscription à l'OPCVM sélectionné ; que les termes du bulletin renforcent cette conviction puisqu'il y est indiqué : « après réception par la banque du présent bulletin, les souscriptions seront effectuées sur la base de la première (ou dernière) valeur liquidative suivant (ou précédant) la date effective d'encaissement de mon chèque ou de mise à disposition des fonds » ; qu'il n'est donc fait état d'aucun autre document contractuel à venir et à régulariser entre les parties avant qu'il puisse être donné effet aux placements sollicités ; que le fait au surplus que ce bulletin d'adhésion soit établi sur un formulaire propre à AGF Banque, que les références à la société AGF soient permanentes dans ce document que ce soit pour le nom du compte à ouvrir dénommé « Compte AGF Finance », le nom du destinataire de l'ordre de souscription, à savoir AGF Banque, ou encore le nom des supports d'investissement lesquels, pour la quasi-totalité d'entre eux, contiennent le logo AGF, étaient de nature à faire croire légitimement à M. X... que le contrat a été valablement souscrit par l'intermédiaire de M. Y... intervenant qualité de préposés de la société AGF ; que l'établissement du chèque de versement de la somme de 15.244,99 € à l'ordre de la Société Générale, et non de AGF Banque, n'est pas suffisant pour établir avec certitude que M ; X... savait au moment de la souscription du contrat et de la remise des fonds qu'il ne contractait pas avec la société AGF ; que la copie du chèque versé au débat révèle en effet une différence d'écriture flagrante entre le nom du bénéficiaire du chèque et ses autres mentions manuscrites ; qu'il n'est donc pas établi que M. X... est lui-même porté le nom de la Société Générale comme bénéficiaire du chèque qu'il a émis ; que la responsabilité de la société Allianz Banque est donc engagée à l'égard de M. X... du fait de son préposé au titre du dommage causé par ce dernier par le détournement de fonds qui devaient être versé sur le contrat litigieux (jugement, p. 3 et 4) ;
1°) ALORS QUE l'autorité absolue de la chose jugée au pénal n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été nécessairement jugé par la juridiction répressive relativement aux éléments constitutifs de l'infraction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la qualité de mandataire apparent de la société AGF de M. Y... résultait « ipso facto » du « fait que ce soient les manoeuvres frauduleuses de M. Y..., ou l'abus de sa qualité passée de mandataire d'AGF Finance, qui aient déterminé M. X... à remettre les fonds est un élément essentiel du délit d'escroquerie fondant la condamnation prononcée et s'impose à tous à ce titre » (arrêt, p. 4 § 2 in fine) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que le jugement correctionnel du 25 février 2010, statuant sur l'action publique, n'a pas constaté que M. Y... aurait, à l'égard de M. X..., agi en tant que mandataire apparent de la société AGF, pour le retenir dans les liens de la prévention, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée au jugement correctionnel du 25 février 2010 et violé 1351 du code civil, devenu l'article 1355 de ce code ;
2°) ALORS QU' un tiers ne peut se prévaloir d'un mandat apparent qu'en présence de circonstances l'autorisant à ne pas vérifier l'existence ou les limites du mandat dont se prévaut le prétendu mandataire ; qu'en l'espèce, la société Allianz Banque se fondait sur la théorie de l'apparence et faisait valoir « si les circonstances ne permettaient pas à la victime de croire légitimement que le préposé agissait pour le compte de son employeur, et a fortiori, s'il se révèle que le préposé et la victime étaient de connivence, la responsabilité du commettant ne sera pas retenue » (concl., p. 9 § 1) ; qu'elle faisait également valoir qu'il appartenait au juge « de rechercher au cas par cas si l'apparence était telle que la victime pût être légitimement induite en erreur sur le point de savoir si le préposé agissait ou non dans le cadre de sa mission » (concl., p. 9 § 5), et se prévalait de plusieurs circonstances qui « ne permettaient pas à M. Maxime X... de soutenir qu'il avait légitimement pu croire que le préposé agissait dans le cadre de ses fonctions » (concl., p. 9 § 6) ; que pour refuser d'examiner ces circonstances, la cour d'appel a énoncé que « les observations d'Allianz sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 ancien du code civil n'ont pas de pertinence, puisque la demande est désormais exclusivement fondée sur l'article 1998 du code civil et l'existence d'un mandat apparent » (arrêt, p. 4 § 1) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que ces observations valaient tout autant pour l'appréciation d'un abus de fonction de M. Y... que pour celle de l'existence d'un mandat apparent, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant et sans procéder aux recherches qui lui étaient demandées, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1998 du code civil ;
3°) ALORS QU' un tiers ne peut se prévaloir d'un mandat apparent qu'en présence de circonstances l'autorisant à ne pas vérifier l'existence ou les limites du mandat dont se prévaut le prétendu mandataire ; qu'en l'espèce, la société Allianz Banque faisait valoir que M. X... ne pouvait pas se prévaloir d'un mandat apparent qu'elle aurait confié à M. Y..., dès lors que le bulletin de souscription AGF Finance indiquait très clairement que les chèques devaient être établis à l'ordre d'AGF Banque, tandis que le chèque établi par M. X... mentionnait comme bénéficiaire la Société Générale (concl., p. 10) ; que la cour d'appel a jugé, par motifs éventuellement adoptés, que le bulletin de souscription, établi sur un formulaire propre à AGF Banque, était en lui-même de nature à faire croire au souscripteur qu'il matérialisait la souscription de l'OPCVM sélectionné, et que le contrat était valablement souscrit par l'intermédiaire de M. Y... intervenant en qualité de préposé de la société AGF ; qu'elle a également retenu qu'il n'était pas établi que M. X... ait lui-même porté le nom de la Société Générale comme bénéficiaire du chèque qu'il avait émis (jugement, p. 4 § 1 et 2) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, s'il résultait du bulletin de souscription rempli par M. X... que tout chèque devait être établi à l'ordre d'AGF Banque et si, dès lors, l'établissement, par M. X..., d'un chèque qui ne mentionnait pas la société AGF Banque comme bénéficiaire constituait une circonstance qui lui imposait de vérifier le mandat dont se prévalait M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1998 du code civil ;
4°) ALORS QU' un tiers ne peut se prévaloir d'un mandat apparent qu'en présence de circonstances l'autorisant à ne pas vérifier l'existence ou les limites du mandat dont se prévaut le prétendu mandataire ; qu'en l'espèce, la société Allianz Banque faisait valoir que M. X... ne pouvait pas se prévaloir d'un mandat apparent qu'elle aurait confié à M. Y..., dès lors que M. Y... avait versé en son nom personnel à M. X... la somme globale de 4.500 € en mandats postaux (concl., p. 10), ce qui caractérisait des relations financières anormales entre eux ; que la cour d'appel a jugé, par motifs éventuellement adoptés, que le bulletin de souscription, établi sur un formulaire propre à AGF Banque, était en lui-même de nature à faire croire au souscripteur qu'il matérialisait la souscription de l'OPCVM sélectionné, et que le contrat était valablement souscrit par l'intermédiaire de M. Y... intervenant en qualité de préposé de la société AGF ; qu'elle a également retenu qu'il n'était pas établi que M. X... ait lui-même porté le nom de la Société Générale comme bénéficiaire du chèque qu'il avait émis (jugement, p. 4 § 1 et 2) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, s'il résultait des versements adressés par M. Y... à M. X... par mandats postaux qu'il existait entre eux des relations financières anormales qui auraient dû conduire M. X... à vérifier que M. Y... agissait au nom et pour le compte de la société AGF Finance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1998 du code civil ;
5°) ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT, le tiers qui se prévaut d'un mandat apparent ne peut obtenir du mandant apparent la restitution de fonds détournés par le prétendu mandataire qu'à la condition d'établir que les fonds qui ont été remis à ce dernier l'ont été pour être transmis au mandant apparent ; qu'en l'espèce, la société Allianz faisait valoir que M. X... ne démontrait pas que le chèque n°7409269 d'un montant de 15.244,99 € avait été encaissé par M. Y..., en l'absence d'indication sur la destination des fonds et l'identité de son bénéficiaire (concl., p. 7) ; qu'elle se prévalait d'un document intitulé « CGU Finance », établi le 16 janvier 2002, soit à la même date que le chèque litigieux, et attestant d'un versement de 15.244,99 € pour soutenir qu'à supposer que M. Y... ait encaissé le chèque, il l'avait fait en tant que mandataire de la société CGU, et non de la société AGF (concl., p. 10 § 4) ; que la cour d'appel a considéré que le préjudice subi par M. X... s'élevait à un montant de 15.244,99 €, correspondant audit chèque, aux seuls motifs que M. Y... avait agi en tant que mandataire apparent de la société AGF (arrêt, p. 4 § 2) et que ce chèque avait été établi à l'ordre de la Société Générale, rien n'établissant que M. X... ait lui-même porté le nom de cette banque comme bénéficiaire du chèque (jugement, p. 4 § 5) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le chèque ne comportait aucune indication permettant d'établir qu'il avait été remis à M. Y..., ni que ce dernier l'avait encaissé, encore moins en qualité de mandataire apparent de la société AGF, pas plus qu'elle n'a recherché s'il résultait du document intitulé « CGU Finance » et daté du 16 janvier 2002 que le chèque litigieux, qui avait été émis le même jour, correspondait au mieux à un versement au titre d'un prétendu contrat conclu avec la compagnie CGU et non la société AGF, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1998 du code civil.