COMM.
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 avril 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme B..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10191 F
Pourvoi n° G 17-14.013
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Baup, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2017 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre), dans le litige l'opposant à la société JV services, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 février 2018, où étaient présents : Mme B..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme C... , conseiller référendaire rapporteur, Mme Orsini, conseiller, M. X..., avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boullez, avocat de la société Baup, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société JV services ;
Sur le rapport de Mme C... , conseiller référendaire, l'avis de M. X..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Baup aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société JV services la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Baup
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société BAUP de l'action en responsabilité qu'elle avait formée contre la société JV SERVICES pour avoir commis des actes de concurrence déloyale en débauchant son personnel ;
AUX MOTIFS QUE le principe de la liberté du commerce et de l'industrie permet aux entreprises de se concurrencer librement, sous la seule limite de ne pas recourir à des procédés déloyaux, qu'il incombe à celui qui s'en prétend victime de démontrer ; que les différents agissements de la S.A.R.L JV Services qualifiés de déloyaux seront donc examinés ; qu'ainsi que le retient le tribunal, le fait pour la S.A.R.L JV Services d'avoir immédiatement offert ses services à la société UPS qui l'avait rendue destinataire le 16 janvier 2012 d'un e-mail adressé à ses partenaires, que cette dernière ait ou non procédé à un appel d'offres, non obligatoire en matière de marché privé, loin de constituer une "manoeuvre agressive et déloyale" comme le qualifie l'appelante, relève de l'activité commerciale normale de l'entreprise et ne procède d'aucune déloyauté ; que la S.A.R.L Baup remet en cause la réalité de l'appel d'offres émis par la société UPS, qui en atteste pourtant, sans indiquer il est vrai qu'elle l'aurait adressé à la S.A.R.L Baup ; que cette attitude, tout comme le fait d'avoir communiqué à la S.A.R.L JV Services des informations stratégiques sur les moyens à mettre en oeuvre pour optimiser les distributions, ne sont en toute hypothèse nullement imputables à la S.A.R.L JV Services qui ne peut en être rendue responsable ; que si, comme l'indique la S.A.R.L Baup, par ses sollicitations la S.A.R.L JV Services a réussi à convaincre la société UPS de mettre un terme au contrat conclu avec la S.A.R.L Baup pour le lui attribuer, ce n'est que le jeu de la concurrence ; que les échanges de courriers intervenus entre la S.A.R.L Baup et la société UPS en décembre 2011 et janvier 2012 révèlent un mécontentement de la société UPS quant aux prestations réalisées par la S.A.R.L Baup ; que s'agissant de l'embauche par la S.A.R.L JV Services de sept anciens salariés de la S.A.R.L Baup, elle est intervenue le 30 mai 2012 après parution le 17 avril 2012 d'une offre d'emploi, trois d'entre eux étant libérés de tout engagement avec leur ancien employeur, pour licenciement ou pour fin d'une mission d'intérim, les quatre autres ayant démissionné en mai 2012 ; qu'il convient de rappeler que depuis le 1er mars 2012, la S.A.R.L Baup était informée de la fin du contrat avec UPS, de sorte que l'avenir de ces chauffeurs au sein de cette société pouvait leur apparaître incertain et qu'il pouvait être également de leur intérêt de poursuivre le travail qu'ils connaissaient déjà, auprès de la nouvelle entreprise qui avait obtenu le marché ; que la S.A.R.L Baup prétend que la S.A.R.L JV Services avait manoeuvré à des dates concomitantes en janvier 2012 pour provoquer le départ des salariés en leur donnant l'assurance de les embaucher par la suite ; qu'or s'il n'est pas contesté que le 19 janvier 2012, M. Paul Y..., chauffeur salarié de la S.A.R.L JV Services, a livré sur un site de la S.A.R.L Baup un colis à un salarié ancien collègue, il n'est pas démontré qu'il a cherché à provoquer le départ de salariés et qu'il a pu leur promettre une embauche chez la S.A.R.L JV Services, étant observé que celui-ci n'avait pas qualité pour recruter ; que l'appelante produit à cet égard une deuxième attestation de son salarié M. Z..., toujours lié par un contrat de travail, qui d'une part relate des propos indirects (ce qu'aurait indiqué "Paul" à M. A..., responsable du site) d'autre part n'apparaît pas crédible en ce que ce Paul aurait indiqué que JVS avait eu le marché, alors que la S.A.R.L JV Services établit qu'elle n'a transmis son offre tarifaire à la société UPS que le 31 janvier 2012, postérieurement à la prétendue offre de débauchage ; qu'on relève d'ailleurs que ceux qui ont démissionné n'ont pris leur décision qu'en mai 2012, après le retrait effectif à la S.A.R.L Baup du marché UPS ; qu'il apparaît également que dans un message téléphoné laissé à son employeur par M. A... le 19 janvier 2012, celui-ci faisait état d'offres faites aux salariés par trois sociétés différentes, une rumeur courant sur la perte du marché UPS par Baup ; qu'il n'est pas établi non plus que la perte du marché UPS, notifiée le 1er mars 2012 serait résultée d'une démotivation des salariés de la S.A.R.L Baup entre la fin janvier 2012 et cette date : que tout d'abord les critiques d'UPS sur la qualité des prestations sont antérieures (courrier du 13 janvier 2011 sur les prestations de décembre 2011) ; qu'ensuite, si les pénalités mensuelles émises par UPS ont augmenté en janvier et février 2012 par rapport à décembre 2011, elles résultent principalement de deux incidents intervenus les 2 janvier et 7 février 2012, soit tout autant avant qu'après le 19 janvier 2012, le montant des pénalités hors ces deux incidents étant identique à décembre 2011 ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, l'embauche de sept salariés ayant auparavant travaillé chez la S.A.R.L Baup ne caractérise pas un débauchage déloyal, et ainsi que l'a justement relevé le tribunal, le préjudice incontestable qu'a subi la S.A.R.L Baup en 2012 est la conséquence de la perte du marché avec UPS, obtenu par la S.A.R.L JV Services sans preuve d'un procédé déloyal de sa part, et non du départ de ses salariés ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur l'absence de manoeuvres déloyales, la société JV Services n'a jamais pris contact avec les salariés de Baup en janvier 2012 ; que la société Baup tente de le faire croire en produisant la retranscription d'un message téléphonique qui dit simplement que « trois sociétés avaient pris contact avec eux pour leur proposer du travail... » sans en nommer aucune ; que le tribunal notera que cette pièce est datée du 19 janvier 2012, lendemain du jour où JV Services recevait les éléments pour établir son offre tarifaire ; qu'on imagine mal comment elle aurait pu organiser en 24 heures un débauchage massif avant d'avoir étudié les conditions d'appel d'offres ; que ce n'est qu'une fois qu'elle a remporté l'appel d'offres que la société JV Services a publié une annonce sur le site de Pôle Emploi ; qu'il n'y a pas d'acte de concurrence déloyale si les salariés ont démissionné à la suite d'une annonce parue dans la presse ; que trois salariés se sont présentés spontanément à la SARL JV Services suite à l'annonce ; que dans une petite ville comme Tarbes, tout se sait très vite et les trois salariés ont tout de suite compris quelle société avait déposé l'annonce ; que suite à des contacts, la SARL JV Services a reçu individuellement chaque candidat dans le cadre d'une procédure de recrutement en mai 2012 ; qu'on notera que s'ils ne s'étaient pas présentés à l'embauche, ils auraient probablement perdu leur emploi dans les semaines qui ont suivi la perte du marché UPS par la SARL Baup ; qu'il est évident que les salariés de Baup ont souhaité rejoindre la SARL JV Services à cause des mauvaises conditions d'exécution de leur emploi, sans que cette dernière n'intervienne dans ce choix ; que la simultanéité des départs et leur concomitance avec les dates d'embauchés ne sont pas de nature à démontrer à elles-seules un quelconque acte de concurrence déloyale, sauf à rapporter la preuve de manoeuvres de la part du nouvel employeur ; qu'or, en l'espèce, cette preuve n'est pas rapportée ; que sur l'absence de désorganisation, la SARL Baup prétend que JV Services l'aurait privée de toute chance de se réorganiser du fait du débauchage de ses salariés ; mais qu'elle ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait eu à partir du 1er juin 2012 d'autres activités susceptibles de remplacer son contrat UPS et d'occuper ses salariés ; qu'en fait, Baup a vu son activité péricliter en raison du non-
remplacement des contrats UPS résiliés et non par le départ de ses salariés ; que sur le préjudice, la SARL Baup prétend qu'elle aurait été dans l'incapacité de pouvoir compenser le chiffre d'affaires perdu avec UPS, en redéployant son équipe sur d'autres contrats ou marchés ; qu'or, aucun autre contrat et/ou marché n'a été attribué à la SARL Baup en juin 2012 ; qu'il en résulte que la perte du chiffre d'affaires subie par Baup est la conséquence de la résiliation du contrat UPS et non celle du départ de ses salariés ;
1. ALORS QUE l'embauche systématique de salariés d'une entreprise constitue un acte de concurrence déloyale dès lors qu'elle a pour effet de la désorganiser ; qu'en déboutant la société BAUP de son action en concurrence déloyale, à défaut d'avoir rapporté la preuve que la société JV SERVICE s'était livrée à des manouvres déloyales pour embaucher sept salariés démissionnaires, en mai et juin 2012, postérieurement à l'annonce, le 1er mars 2012, de la perte du marché UPS attribué à s concurrente, après avoir constaté, par des motifs adoptés du premier juge, que la démission de sept salariés pouvait s'expliquer par la crainte de perdre leur emploi, et qu'elle a vu son activité péricliter en conséquence de la perte d'un marché, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le départ de sept salariés en mai et juin 2010, concomitamment à la perte du marché avait désorganisé la société BAUP, au point qu'elle ne disposait plus des moyens humains pour se réorganiser efficacement à la suite de la rupture de son contrat sur le département des Hautes-Pyrénées (conclusions, p. 31, antépénultième alinéa) et qu'elle a été privée de la possibilité de proposer ses services à la société MONDIAL RELAY et à la société GOLS, ce qui était exclusif d'une simple perturbation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2. ALORS QU'en affirmant, par des motifs adoptés des premiers juges, que la société BAUP ne disposait d'autres activités susceptibles de remplacer son contrat UPS et d'occuper ses salariés, et qu'elle avait vu son activité péricliter du fait du non-remplacement des contrats UPS et non par le départ de ses salariés, sans répondre aux conclusions d'appel par lesquelles la société BAUP a soutenu, pièces à l'appui, qu'elle avait effectivement initié des démarches commerciales en vue de retrouver une activité après le terme du contrat UPS, comme le démontrent les échanges produits et les appels d'offres mais qu'elle n'a pas été en mesure d'y répondre, faute de personnel suffisant (Pièces n°18 à 21), ni de donner suite à plusieurs projets qui étaient pourtant en cours de négociations avec différents clients potentiels au cours du premier trimestre de l'année 2012 (Pièces n°27, 28 et 31), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3. ALORS QU'un trouble commercial s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyal ; qu'en affirmant que le préjudice de la société BAUP ne provient que de la perte d'un client, en l'absence de manoeuvres déloyales, la Cour d'appel de Toulouse a déduit un motif impropre à justifier le rejet de l'action en concurrence déloyale, en violation de l'article 1382 du code civil.