CIV. 2
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 avril 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10260 F
Pourvoi n° F 17-16.794
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Nems, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 16 février 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ile-de-France, dont le siège est [...] ,
2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 7 mars 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Cadiot, conseiller, Mme Szirek, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de Me Occhipinti, avocat de la société Nems, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l'URSSAF d'Ile-de-France ;
Sur le rapport de M. Poirotte, conseiller, l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Nems aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Nems et la condamne à payer à L'URSSAF d'Ile-de-France la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour la société Nems.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Nems à payer à L'URSSAF d'Ile-de-France les sommes de 119.246 et 20.635 € en cotisations et majorations de retard ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article R 243-59, alinéa Ier, du code de la sécurité sociale, tout contrôle est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions de travail dissimulé ; précisément en l'espèce, le contrôle effectué dans l'établissement exploité par la société Nems avait expressément pour objet de vérifier si cette société respectait les interdictions de travail dissimulé ; que pour déclencher un tel contrôle, aucun texte n'impose à l'URSSAF de justifier au préalable d'indices lui permettant de suspecter l'existence de telles infractions ; ensuite que si les agents de contrôle ne sont autorisés qu'à entendre les personnes rémunérées par l'entreprise, il leur est néanmoins possible de recueillir également des renseignements auprès de la personne désignée par l'employeur pour répondre aux questions sur la comptabilité de l'entreprise ; en l'espèce, il ressort de la lettre d'observations qu'en présence du gérant de la société Nems, les inspecteurs de l'URSSAF ont vérifié les indications qu'il leur avait données par un appel téléphonique auprès de son comptable ; en tout état de cause, cette démarche effectuée sans opposition de la part du gérant n'est pas de nature à entraîner la nullité des opérations de contrôle dès lors que les observations qui en sont issues résultent uniquement des constatations faites par les inspecteurs lors de la visite de l'établissement, le 5 décembre 2013, et des déclarations du gérant entendu quelques jours plus tard ; enfin, contrairement à ce qui est prétendu, la lettre d'observations du 23 janvier 2014 précise clairement que ces observations "résultent des infractions de travail dissimulé qui ont été constatées et qui ont fait l'objet d'un procès-verbal en date du 19 décembre adressé au Procureur de la République, c'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté l'ensemble des moyens de nullité invoqués par la société Nems pour contester la régularité des opérations de contrôle ; aux termes de l'article R 242-5 du code de la sécurité sociale, lorsque la comptabilité de l'employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations dues, le montant des cotisations est fixé forfaitairement ; en l'espèce, lors du contrôle inopiné du restaurant effectué le 5 décembre 2013, il a été constaté la présence au travail de quatre personnes en cuisine, une au comptoir et une autre en salle, dont trois n'avaient pas fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche ; que les déclarations en question ont été effectuées juste après ce contrôle ; qu'en l'absence de comptabilisation des heures de travail effectuées par ces trois personnes jusqu'alors non déclarées, l'URSSAF a décidé à juste titre de procéder à une reconstitution forfaitaire de la masse salariale à partir des déclarations recueillies auprès du gérant, du planning de l'entreprise et des constatations des inspecteurs sur le fonctionnement et l'activité du restaurant ; les agents de contrôle ont notamment relevé que l'effectif de l'entreprise avait quasiment doublé après leur visite alors que les autres années la masse salariale avait baissé au 4eme trimestre, que cette masse salariale représentait environ de 30 % du chiffre d'affaires et que les encaissements en espèces comptabilisés entre 0,1 % en 2010 et 1,3 % en 2012 étaient manifestement minorés ; qu'ils ont en effet constaté que les montants en espèces figurant sur les feuilles de caisse étaient différents des montants portés en comptabilité ; pour reconstituer le chiffre d'affaires et la masse salariale devant être soumise aux cotisations de sécurité sociale, l'URSSAF a pris en considération la nature de l'activité ainsi que le prix moyen des menus égal à 7€ favorisant le paiement en espèces et a appliqué aux montants réévalués du chiffre d'affaires les ratios de masse salariale précédemment constatés dans l'entreprise ; qu'il a donc été tenu compte des salaires pratiqués dans la profession considérée comme le prévoit l'article R 242-5 précité ; il appartient à la société Nems de rapporter la preuve que l'évaluation forfaitaire est exagérée ou inexacte et cette preuve n'est aucunement administrée ; qu'elle se borne en effet à dénoncer le caractère arbitraire et disproportionné de la réévaluation de son chiffre d'affaire mais ne donne aucun élément concret à l'appui de sa contestation ; c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu l'évaluation des rémunérations retenue par l'URSSAF en l'état d'une dissimulation d'emplois salariés et ont rejeté le recours de la société Nems ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la procédure de contrôle à l'effet de rechercher les faits de travail dissimulé échappe à la logique de la procédure pénale et il n'a pas à être justifié de l'existence préalable d'indices laissant présumer l'existence de fait de travail dissimulé dans le cadre des dispositions de l'article R24359 du code de la sécurité sociale. Le gérant Nicolas B... a déféré à la convocation des inspecteurs du recouvrement qui ont procédé en sa présence à la vérification par un appel téléphonique auprès du comptable salarié de la SARL Nems Halle SUSHI des indications données par le gérant. Ce comptable étant salarié de la société le grief tenant à un éventuel défaut de consentement, qui n'est strictement exigé que pour l'audition d'un tiers à l'employeur, manque de pertinence. La procédure de contrôle est donc parfaitement régulière. Selon les dispositions de l'article L.242-1-2 du code de la sécurité sociale : « Pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale et par dérogation à l'article L. 242-1, les rémunérations qui ont été versées ou qui sont dues à un salarié en contrepartie d'un travail dissimulé au sens des articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail sont, à défaut de preuve contraire, évaluées forfaitairement à sùfois la rémunération mensuelle minimale définie à l'article L. 3232-3 du même code en vigueur au moment du constat du délit de travail dissimulé. Ces rémunérations sont soumises à l'article L. 242-1-1 du présent code et sont réputées avoir été versées au cours du mois où le délit de travail dissimulé est constaté » Les faits de travail dissimulé de Z..., Y...et A... n'ont pas été contestés et la SARL Nems a parfaitement reconnu les éléments constitutifs de l'infraction pénale dans le cadre de la composition pénale qui a été proposée par le procureur de la république de Paris. Le caractère non probant de la comptabilité est caractérisé par le taux particulièrement faible des paiements en espèces, moins de 3%, alors que la norme, habituellement constatée et unanimement admise dans le secteur de la restauration, est de 30 %. La preuve contraire n'est donc pas rapportée par l'employeur, en outre la sanction n'est pas disproportionnée compte tenu de l'importance de l'activité du restaurant et du nombre de salariés habituellement employés ;
1°) - ALORS QUE les contrôleurs de l'URSSAF qui auditionnent une personne dans le cadre d'une recherche de travail dissimulé doivent s'assurer de son consentement, qui doit découler de leurs constatations, le tout à peine de nullité du contrôle et du redressement subséquent ; qu'en estimant que le comptable de la société Nems avait pu être entendu sans que son consentement à cette audition ne soit constaté, la cour d'appel a violé les articles R 243-59 du code de la sécurité sociale et L 8271-6-1 du code du travail ;
2°) - ALORS QUE si l'employeur est tenu de démontrer que l'évaluation forfaitaire de son chiffre d'affaires est exagérée ou erronée, il doit être mis en mesure de le faire ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'évaluation faite par l'URSSAF ne reposait pas sur une prétendue norme déterminant le pourcentage des encaissements en liquide, norme qui n'avait jamais été identifiée de sorte que la société Nems n'avait pas pu vérifier son existence, sa pertinence ou sa teneur, ce dont il se déduisait qu'elle n'avait pas été mise en mesure de montrer que l'évaluation de son chiffre d'affaires était erronée et n'avait pas se défendre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R 242-5 du code de la sécurité sociale ;
3°) - ALORS QU'une partie à une procédure ne peut pas bénéficier d'un avantage dans la conduite du procès ; qu'en permettant à l'URSSAF de fonder le redressement infligé sur une norme non identifiée et donc introuvable et insusceptible de discussion, la cour d'appel a méconnu le droit au procès équitable et le principe de l'égalité des armes, en violation de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme.